Sur le RSA, l’ambiguïté volontaire du Rassemblement national
Quelle est la ligne du Rassemblement national (RN) sur la réforme du revenu de solidarité active (RSA) ? Le parti de Marine Le Pen a voté contre le projet de loi pour le plein-emploi, adopté à l’Assemblée nationale, mardi 10 octobre. Mais, au terme des débats, l’ambiguïté subsiste. Et pour cause, comme le dit sans fard Jocelyn Dessigny, le responsable du texte pour le mouvement d’extrême droite : « Il n’y a pas de philosophie générale. On raisonne de manière pragmatique sur des valeurs de justice et de bon sens. »
Dans les faits, le RN s’est mollement opposé au durcissement de l’accès au RSA, voulu par la majorité présidentielle et renforcé par Les Républicains (LR). Le groupe s’est fait peu entendre, tant Marine Le Pen tient, sur ce sujet, une position éloignée des attentes de son propre électorat. Pour le rapporteur du texte « plein-emploi », le député Horizons Paul Christophe, les troupes lepénistes ont appliqué leur stratégie favorite : « Moins j’en dis, plus je prospère », avec « un discours consensuel sur certains points, absent sur d’autres, et faible techniquement ». Une sortie de route a toutefois été relevée lorsque M. Dessigny a affirmé qu’une « mère au foyer est peut-être mieux à la maison à s’occuper de ses enfants (…) si elle le souhaite ».
Sur le RSA, le RN s’est tantôt aligné sur la gauche, pour dénoncer une culpabilisation des allocataires, tantôt sur la droite, pour critiquer le supposé niveau de fraude. « C’est un discours attrape-tout, analyse le socialiste Arthur Delaporte. Selon l’angle d’où on le regarde, c’est le FN [Front national, l’ancien nom du RN] populaire qui défend les gens qui vivent de peu ; le FN nationaliste qui défend la préférence nationale ; sans oublier le FN à l’ancienne qui maintient les femmes à la maison. Cela rend le discours global illisible mais sectoriellement acceptable. Et c’est un moyen de passer sous les radars. »
« Nous sommes contre la guerre des pauvres »
Dans le détail, le RN a voté contre l’article 2 du projet de loi, qui impose quinze heures d’activité hebdomadaires, au minimum, aux allocataires. Mais s’est abstenu sur l’article 3, qui durcit les sanctions faute de respect du « contrat d’engagement réciproque », alors que les données de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) suggèrent que ces sanctions éloignent encore davantage du marché du travail. Que le grand public semble se désintéresser de cette réforme et des positions de son parti convient bien à Marine Le Pen.
Depuis sa prise de pouvoir au FN, en 2011, Mme Le Pen, qui a fait d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) son fief électoral, refuse de pointer du doigt les bénéficiaires des RSA. La question faisait l’objet de querelles récurrentes avec sa nièce, l’ex-députée du Vaucluse, Marion Maréchal, entre 2012 et 2017. Elle a dû rappeler sa position, mardi 3 octobre, à ses troupes à l’Assemblée nationale, lors d’une longue mise au point : « Nous sommes contre la guerre aux pauvres. » Traduction, par Jean-Philippe Tanguy, député et numéro deux du groupe RN : « Le smicard n’est pas malheureux à cause du RMiste [bénéficiaire du RMI, l’ancêtre du RSA] et personne ne vit durablement avec un RSA. Nous employons d’ailleurs peu la notion d’“assistanat”. La position de Marine à ce sujet a toujours été courageuse, elle n’a pas cédé. »
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