Archive dans octobre 2023

Dominique Méda : « Les outils d’intelligence artificielle peuvent désormais surveiller et analyser les performances physiques au travail »

Il existe une vaste littérature concernant les conséquences du développement de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi, allant des publications les plus pessimistes aux plus enchantées. Si la plupart des prédictions effrayantes annonçant la disparition des emplois ont jusqu’ici été démenties – à l’instar de celles des économistes américains Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, qui indiquaient, en 2013, que l’automatisation pourrait entraîner la disparition de la moitié des emplois américains en une ou deux décennies –, il pourrait en aller autrement dans les années à venir.

Une étude du département de la recherche de l’Organisation internationale du travail parue en août montre qu’à certaines conditions (notamment un dialogue social renforcé), la diffusion de l’IA pourrait créer des emplois, mais que des risques non négligeables pesaient sur l’emploi des femmes dans les pays à revenus élevés.

Mais ce sont sans nul doute les effets du développement de l’IA sur le travail humain lui-même, plus que sur l’emploi, qui méritent la plus grande attention. Depuis plusieurs années, de nombreuses recherches ont mis en évidence la diffusion à grande vitesse d’un « management algorithmique », c’est-à-dire d’une gestion des conduites humaines et des relations de travail à l’aide d’instructions encapsulées dans un logiciel. Par exemple, les chauffeurs VTC ou les livreurs à vélo qui utilisent les applications des plates-formes numériques voient leur parcours guidé et analysé par un algorithme, qui incite à l’adoption de certains comportements et peut générer des sanctions telles que la déconnexion.

« Boîtes noires »

Mais ni les chauffeurs ni les livreurs à vélo n’ont connaissance des critères utilisés : ils réclament depuis longtemps d’avoir accès à ces « boîtes noires ». La directive proposée par la Commission européenne en décembre 2021 prévoit plusieurs avancées essentielles pour celles et ceux qui travaillent via les plates-formes numériques, parmi lesquelles une présomption de salariat, une meilleure transparence des algorithmes et le droit de contester les décisions automatisées. Mais elle se heurte à un lobbying farouche de la part des plates-formes.

Si elle vise à encadrer et à surveiller les comportements de celles et ceux dont le travail est guidé par des applications numériques, la mobilisation des algorithmes ne s’arrête pas là. Les chercheurs Valerio De Stefano et Simon Taes montrent que le management algorithmique engendre non seulement un contrôle des travailleurs d’une ampleur qui aurait été impensable il y a quelques années, mais aussi la collecte et le traitement de quantités considérables de données personnelles relatives à leur vie et à leur travail (« Management algorithmique et négociation collective », Notes de prospective de l’Institut syndical européen n° 10, mai 2021).

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Le Portugal reste une terre d’émigration

Après avoir travaillé dans un cabinet médical au Portugal, Alexandre Gouveia, généraliste, s’est s’installé à Lausanne (Suisse), ici à la Policlinique de médecine générale Unisanté, le 13 octobre 2023.

Ana Santos s’était promis de ne pas suivre la voie de son frère. De ne jamais faire pleurer sa mère comme lui lorsque, ce matin de septembre 2012, Antonio prit l’avion pour le Brésil. « Elle savait qu’il ne reviendrait sûrement jamais et, surtout, qu’il n’avait pas le choix : c’était la crise, les ingénieurs ne trouvaient plus de travail à Lisbonne », raconte d’une voix douce la jeune femme de 21 ans. A l’époque, elle en avait 10. « Moi, j’étais la fille qui resterait au pays et ne ferait jamais couler les larmes de notre mère. »

Cet été, pourtant, elle s’est résolue à faire ses valises à son tour pour intégrer un cursus de biologie à Londres. « Depuis la crise due au Covid-19, je rêve de travailler dans la recherche », confie-t-elle. Mais les laboratoires où elle aimerait postuler un jour sont tous en Europe du Nord ou aux Etats-Unis. « Pour réussir, il me fallait partir. »

Monica Marques, elle, s’est installée à Sydney, en Australie, à la fin de la pandémie. Là où ses parents avaient émigré avant elle dans les années 1970, avant de revenir à Setubal, la petite ville au sud de Lisbonne où elle a grandi. « J’adore mon pays et il me manque, raconte cette professeure de portugais de 33 ans. Mais un salaire y suffit à peine pour payer les factures. Je voulais offrir à mon fils de meilleures opportunités d’avenir. »

En 2021, 60 000 Portugais sont partis vivre à l’étranger, soit 15 000 de plus qu’en 2020, selon les derniers chiffres de l’Observatoire de l’émigration portugais. Après la pause liée à la crise sanitaire, les départs ont repris, principalement vers le Royaume-Uni, la Suisse, l’Espagne ou la Scandinavie. « Malgré la reprise économique, nos jeunes continuent de partir », se désole Armindo Monteiro, le patron de la Confédération portugaise des entreprises.

Une « constante structurelle de l’histoire » du pays

Certes, le rythme est inférieur à celui observé pendant la crise de 2010, où plus de 80 000 personnes faisaient leurs valises chaque année. Mais il reste préoccupant pour ce petit pays vieillissant de 10 millions d’habitants. Selon les Nations unies, il est celui qui, en Europe occidentale, recense le plus d’émigrés (deux millions de personnes au total) en proportion de sa population résidente. Et pour cause : « L’émigration est une constante structurelle de son histoire, rappelle Victor Ferreira, chercheur à l’Institut d’histoire contemporaine de l’Université nouvelle de Lisbonne. Longtemps, le Portugal n’a pas eu suffisamment de ressources pour nourrir toute sa population. »

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Le poste de travail, la face cachée du coût du collaborateur

Le coût du poste de travail augmente de 9,4 % en 2022 par rapport à 2021, indique la dernière étude de l’IDET (Inspirer et développer les environnements de travail), l’association des directeurs de l’environnement de travail. Publiée le 17 octobre, elle a été réalisée d’avril à octobre 2023 auprès d’un panel de 118 sites des entreprises adhérentes (dont 51 % hors Ile-de-France) représentant près de 100 000 postes de travail, 2 millions de mètres carrés et 124 000 collaborateurs.

Dérapage ? Il faut plutôt y voir la conséquence d’un rattrapage. Le coût annuel total d’un poste de travail en 2022 – qui englobe notamment l’immobilier (loyer et assurances), les coûts d’exploitation afférents (propreté, énergie, maintenance des locaux…), les moyens et équipements au service des collaborateurs (déplacements professionnels, voitures de fonction, téléphonie, conciergerie, fournitures de bureau…) – est de 13 658 euros, revenant quasiment à son niveau pré-Covid. Durant les confinements, les employeurs pouvaient en effet se dispenser de financer le chauffage de bureaux vides comme les déplacements…

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Pourquoi les postes de travail coûtent moins cher aux entreprises

Ces 13 658 euros correspondant à une moyenne, cela signifie que le coût du poste de travail d’un simple employé de bureau travaillant dans le très cher quartier des Champs-Elysées, à Paris, peut représenter une bonne part du salaire qu’il perçoit.

Des plans sobriété

L’étude s’attache à répertorier les évolutions des différentes composantes du poste de travail. Sans surprise, la plus forte augmentation en 2022 concerne les coûts d’exploitation, du fait, notamment, de l’envolée des prix du gaz et de l’électricité. Conséquence ? « Sans initiatives, l’énergie peut peser rapidement davantage que la sécurité-sûreté, la maintenance technique ou la propreté dans les coûts d’exploitation », détaille Séverine Pilverdier, présidente de l’IDET et directrice de l’environnement de travail chez BNP Paribas Real Estate.

Mais, là encore, il faut relativiser : en 2022, les entreprises adhérentes de l’IDET ont dépensé 518,70 euros pour l’énergie, qui pèse donc moins de 5 % du coût total du poste de travail. Reste que cette ligne budgétaire mobilise une bonne partie de leurs efforts, car toute baisse de la consommation d’énergie limite la hausse de la facture et contribue à réduire leur empreinte carbone.

Pour parvenir à faire d’une pierre deux coups, les entreprises ont mis en place des plans sobriété en 2022. « Celles qui inaugurent de nouveaux locaux installent des systèmes qui coupent la lumière et le chauffage de manière centralisée à partir d’une certaine heure. D’autres instaurent le télétravail le vendredi pour tout le personnel, ce qui permet de réduire la facture d’énergie trois jours d’affilée et d’être plus “vert” », observe Séverine Pilverdier.

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Plongée dans les « prisons dorées » des multinationales : « C’était irrésistible. A 30 ans, je triplais, voire quadruplais mon salaire »

Benjamin Pinguet a 25 ans et « le sang rouge ». C’est la couleur de son hémoglobine, certes, mais surtout celle de son entreprise, pour laquelle son cœur bat depuis quatre ans : Generali, la troisième compagnie d’assurances au monde, symbolisée par un lion ailé rouge, mastodonte italien coté des milliards d’euros en Bourse.

Après une phase de recrutement qui a duré six mois, le jeune homme a intégré la multinationale « le 1er mars 2020 » – il récite la date comme s’il parlait de son mariage. Benjamin Pinguet a commencé en bas de l’échelle, comme conseiller commercial, à Grenoble. Le 1er septembre 2022, il est muté à Lyon sur un poste intermédiaire, avant de devenir « inspecteur manager de performance » le 1er janvier de cette année. Le voilà désormais cadre supérieur de niveau 6, avec dix collaborateurs sous son aile.

S’il donne beaucoup à son entreprise, c’est parce qu’elle le lui rend bien. « Je me sens complètement redevable », dit-il, d’autant plus reconnaissant qu’il est titulaire d’un BTS technico-commercial, et donc non représentatif des jeunes les plus diplômés. La liste de ses avantages n’en est pas moins longue comme le bras. D’abord, sa rémunération, que lui-même qualifie d’« exceptionnelle » : entre 7 500 et 12 000 euros net par mois, « selon les performances de l’équipe ». Ensuite, une complémentaire santé « très haut de gamme »« tout est intégralement pris en charge ». Et puis un intéressement de 4 700 euros nets cette année.

Il y a aussi des « primes points », qui dépendent du nombre de contrats signés pour des produits ciblés – entre 750 et 3 500 euros tous les quatre mois. Une « prime de fidélisation » selon les portefeuilles en gestion – entre 250 et 500 euros par mois. Une prime collective destinée à tous les cadres – soit 6 000 euros en début d’année. « Et d’autres primes à droite à gauche, selon des objectifs », ajoute encore le salarié.

Avantages en nature

Vous avez le tournis ? Ce n’est pas fini. De nombreux avantages en nature se greffent à ce généreux package financier. Benjamin Pinguet dispose d’une voiture de fonction, qu’il peut utiliser à sa guise, pour un week-end en amoureux ou un rendez-vous professionnel. On lui paie carburant, péage, assurance et entretien du véhicule. « Tout est pris en charge », répète-t-il. Sans oublier le comité d’entreprise qui l’arrose à son tour de cadeaux et de réductions en tout genre.

Dans un contexte de tension sur le marché du travail, aujourd’hui très favorable aux diplômés bac + 5, les jeunes cadres peuvent se permettre d’être plus exigeants. « Le rapport de force a évolué : la période est à la guerre des talents », déclare Aurélie Robertet, directrice d’Universum France, une société de conseil en « marque employeur » qui, chaque année, interroge les étudiants des grandes écoles d’ingénieurs et de commerce sur leur entreprise idéale.

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Au Kenya, des « entraîneurs » de ChatGPT s’élèvent contre leurs conditions de travail

ChatGPT, ce n’est pas seulement un algorithme qui a réponse à tout, ou presque. Pour construire le célèbre outil d’intelligence artificielle (IA) sorti fin 2022, des milliers de petites mains ont été embauchées à travers la planète afin de l’entraîner à bien répondre, en le formant notamment à savoir reconnaître et mettre de côté certains des contenus qu’il trouve sur Internet.

Bill Mulinya a fait ce travail pendant cinq mois, entre fin 2021 et début 2022. Ce jeune Kényan de 30 ans dirigeait une équipe de quinze personnes qui entraînaient le futur ChatGPT à discerner les propos haineux, violents ou relevant du harcèlement pour le compte de Sama, un important sous-traitant des Big Tech, les grandes entreprises du secteur. Dans le cadre de ce contrat conclu avec le concepteur du chatbot, OpenAI, leur job consistait concrètement à lire, toute la journée, des textes trouvés dans tous les recoins du Web et à leur apposer des qualificatifs – ou « étiquettes » – précis afin de les signaler à l’algorithme. Une deuxième équipe était assignée aux textes à caractère sexuel.

« Au début, quand vous commencez à lire ces contenus, c’est ok, raconte M. Mulinya, casquette et chemise, en buvant un smoothie à la terrasse d’un café de Nairobi. Mais quand vous lisez ça en continu, ça commence à s’infiltrer dans votre tête. L’un de mes collègues était une personne très joviale, extravertie. Quand le projet s’est terminé en mars 2022, il était totalement changé, il avait peur de tout. » Nécrophilie, suicide, maltraitance d’enfants… Heure après heure, texte après texte, plusieurs anciens employés ont raconté développer des angoisses, des troubles du sommeil ou de la sexualité. « A un moment donné, presque toute l’équipe m’a demandé d’être en congés, ajoute-t-il. En tant que chef, vous savez que ça signifie qu’il y a un problème. »

« Dommages causés à la santé mentale »

Le contrat devait durer un an. Mais Sama a demandé sa résiliation « immédiatement » après « que les équipes ont attiré l’attention du management », soit au bout de quelques mois, explique dans un courriel le sous-traitant – qui a annoncé arrêter définitivement ce type de contenus. De son côté, OpenAI affirme, également par courriel, reconnaître « la difficulté de ce travail » pour les sous-traitants : « Leurs efforts pour assurer le caractère sûr pour l’utilisateur des systèmes d’intelligence artificielle sont d’une immense valeur. »

La valeur de ce travail, justement, est au cœur de plusieurs affaires qui agitent l’écosystème tech de Nairobi ces derniers mois. La capitale kényane, avec sa main-d’œuvre peu chère, éduquée et anglophone est devenue une plateforme de sous-traitance pour la Silicon Valley. Le pays se dépeint même, un peu pompeusement, en « Silicon Savannah » : le gouvernement veut introduire l’apprentissage des bases du codage informatique dès l’école primaire et vante sa jeunesse comme un vivier pour les géants du Web, façon Bangalore africain.

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Le commerce et la restauration ont créé plus de 586 000 emplois entre 2006 et 2022

Dans le quartier de Montmartre, à Paris, le 11 octobre 2023.

L’emploi dans le commerce et la restauration est-il, depuis des années, sur le déclin ? C’est ce qu’a cherché à savoir Christophe Noël, le délégué général de la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires, las d’entendre de nombreux professionnels se plaindre des répercussions sur l’emploi de « l’augmentation du commerce sur Internet », et d’un secteur d’activité qui ne va pas bien, « puisqu’on voit les boutiques fermer les unes après les autres et les centres-villes se désertifier », surtout depuis la crise sanitaire. Il a donc voulu en avoir le cœur net, en réalisant une étude avec le cabinet SAD Marketing, basée sur des données de l’Insee, de l’Urssaf et de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance, et publiée jeudi 19 octobre.

Résultat : plus de 586 000 emplois en équivalent temps plein ont été créés dans le commerce et la restauration entre 2006 et 2022, soit une augmentation de 25 % du nombre d’employés. Davantage que les 11 % de progression du nombre d’emplois salariés en France. Un écart également valable post-Covid : 7,2 % d’effectifs en plus dans le commerce et la restauration depuis 2019, contre + 5,8 % pour l’emploi salarié total.

L’ensemble du commerce, restauration incluse, employait près de 3 millions de personnes en 2022, « soit 15 % des emplois salariés en France » (11 % dans le commerce et 4 % dans la restauration). « Arrêtons avec ce discours malthusien sur le déclin inexorable du commerce, cela ne se voit pas dans l’emploi », en conclut M. Noël. Seul écueil de ces chiffres, ils n’intègrent pas les petits commerçants indépendants qui n’emploient aucun salarié, et que l’Urssaf ne comptabilise donc pas.

Certains pans d’activités fragilisés

Internet, qui représentait 12,4 % du commerce de détail en 2022 (contre 0,9 % en 2006), n’aurait donc, à en croire l’étude, pas amoindri les effectifs globaux du secteur ni d’ailleurs son activité. « Le chiffre d’affaires du commerce et de la restauration atteint 589 milliards d’euros en 2022, en hausse de près de 25 % depuis 2006 » et de 12 % depuis 2016, mentionne l’étude.

Toutefois, certains pans d’activité ont été fragilisés par l’essor du Web, car, au niveau microéconomique, « plus le poids de l’e-commerce est élevé, plus l’impact sur l’emploi est fort », fait remarquer l’étude. La chute est « notable » dans les commerces spécialisés en équipement de la personne (− 6 % d’effectifs et − 13 % d’établissements sur quinze ans), alors que la part de la vente à distance progressait de 8 % à 14 %.

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Nokia annonce la suppression de 14 000 emplois

Le siège de Nokia, à Espoo, en Finlande, le 16 mars 2021.

Jusqu’à 14 000 emplois supprimés. C’est ce qu’a annoncé, jeudi 19 octobre, le groupe finlandais d’équipements de télécommunications Nokia, dans le cadre d’un nouveau plan de réduction des coûts. Le groupe a mis en avant une baisse de 69 % de ses bénéfices au troisième trimestre à 133 millions d’euros (140 millions de dollars) par rapport à l’année précédente. Après la publication des résultats, le cours de l’action Nokia a baissé de 2 %, à 3,26 euros.

L’équipementier télécoms, engagé dans une bataille pour les réseaux 5G avec son rival suédois Ericsson et le chinois Huawei, a annoncé avoir vu ses ventes chuter de 20 % à 4,982 milliards d’euros au troisième trimestre par rapport à 2022. « Nous avons constaté un certain ralentissement dans le rythme du déploiement de la 5G en Inde, ce qui signifie que la croissance n’y était plus suffisante pour compenser le ralentissement en Amérique du Nord », a déclaré Pekka Lundmark, le directeur général de Nokia. Celui-ci a également exprimé sa tristesse quant à la suppression massive d’emplois, soulignant que « les décisions les plus difficiles à prendre sont celles qui ont un impact sur notre personnel ».

Le programme d’économies du groupe devrait permettre des réductions de coûts allant jusqu’à 1,2 milliard d’euros d’ici 2026, en ciblant notamment les réseaux mobiles, ainsi que les services cloud et réseau. Selon le directeur général, « le chiffre d’affaires net du troisième trimestre a été affecté par l’incertitude actuelle » mais celui-ci prévoit néanmoins « une amélioration saisonnière plus normale dans nos activités de réseau au quatrième trimestre ».

Le Monde avec AFP et Reuters

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Indemnisation des accidents du travail : le rétropédalage du gouvernement

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, lors d’une conférence sociale au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, le 16 octobre 2023.

Sous la pression de plusieurs associations et des syndicats, le gouvernement revoit sa copie. Mercredi 18 octobre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a adressé une lettre aux partenaires sociaux pour leur indiquer qu’il propose le « retrait » d’une mesure réformant l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Inscrite à l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, celle-ci va donner lieu « à de nouvelles discussions » entre les organisations d’employeurs et de salariés, ajoute M. Dussopt dans son courrier. La décision du ministre permet de couper court aux critiques selon lesquelles l’exécutif était sur le point d’offrir un cadeau aux entreprises, tout en réduisant les sommes dues aux victimes d’un préjudice physique causé par leur activité professionnelle.

Il s’agit d’un petit coup de théâtre dans une affaire qui a commencé en début d’année. Le 20 janvier, la Cour de cassation renverse sa jurisprudence dans deux arrêts concernant des salariés morts d’un cancer du poumon après avoir inhalé des poussières d’amiante sur leur lieu de travail. Au cœur de ces litiges, il y a le système de réparations, mis en place à partir de 1898 sur la base d’un compromis entre les syndicats et le patronat. Lorsqu’un individu est reconnu, par la « Sécu », comme étant victime d’une pathologie ou d’un accident lié à son métier, il touche une rente de la part de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) du régime général. Ce même individu peut, en outre, percevoir de nouveaux dédommagements – sous la forme d’une majoration de sa « rente » – si son employeur est condamné pour « faute inexcusable ».

Les décisions de la Cour de cassation améliorent ce mécanisme protecteur. Désormais, les victimes ont droit à une réparation complémentaire, pour leurs souffrances physique et morale, sans avoir à prouver que ce dommage spécifique n’est pas pris en charge – alors qu’auparavant elles devaient le démontrer. Une évolution, permise donc par les arrêts du 20 janvier et saluée par deux organisations connues pour leur engagement de longue date sur ces problématiques : l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante et autres maladies professionnelles (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath).

Un compromis remis en cause

Mais ce dossier connaît un rebondissement, avec l’accord national du 15 mai sur la branche AT-MP, que les syndicats et le patronat signent à l’unanimité. Ceux-ci ont une position différente de celle de la Fnath et de l’Andeva. Les partenaires sociaux estiment que la nouvelle jurisprudence remet en cause le compromis « historique » de 1898 et l’indemnisation dans les procédures sans faute inexcusable de l’entreprise. Ils demandent donc au gouvernement de corriger par la loi les effets des arrêts du 20 janvier.

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« L’enjeu est de mettre en place les bons outils pour que le travail redevienne rémunérateur »

Avec la conférence sur les bas salaires et le début de l’examen par le Sénat du projet de loi sur le partage de la valeur, l’agenda social de ce mois d’octobre est bien rempli. On ne peut pas dire que les corps constitués et les partenaires sociaux ne se mobilisent pas pour répondre à une crise sociale qui s’installe.

Pourtant, le moment est sans doute venu de reconnaître que le modèle social français est en état de mort cérébrale. Le décrochage inéluctable des revenus du travail par rapport à ceux du capital et le retour de l’inflation lui ont été fatals.

Alors que les dépenses de la Sécurité sociale pour les volets santé et retraite augmentent sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et de l’allongement de l’espérance de vie, leur financement est précisément asséché par les mesures du moment. A savoir la baisse massive des cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le smic et la multiplication des dispositifs de partage de la valeur qui ont pour effet de « variabiliser » la rémunération du travail et de la soumettre à un régime social plus favorable pour les entreprises.

A court terme, ces dispositions atteindront probablement l’objectif recherché, qui est de soutenir le pouvoir d’achat. Mais, à moyen terme, les entreprises s’ajusteront. Qu’on les appelle intéressement, participation, prime de partage de la valeur, plan de partage de la valorisation de l’entreprise, ces dispositifs restent des frais de personnel pour les entreprises et seront comptabilisés comme tels. Or, il est dans la nature des dirigeants d’entreprise de maîtriser leurs coûts et de ne pas accorder plus qu’il ne leur semble nécessaire.

500 000 euros au terme de quarante-cinq ans de carrière

L’enjeu est plutôt de mettre en place les bons outils pour que le travail redevienne rémunérateur et qu’il redonne aux salariés la capacité d’améliorer leur niveau de vie, sans nuire au financement de la Sécurité sociale. Cela commence par s’extraire de problématiques insolubles pour adresser la bonne cible : le capital.

Quand une entreprise verse des dividendes ou bien que la valeur de son action monte, ses coûts ne sont pas impactés, sa compétitivité n’est pas affectée, au contraire. L’entreprise est d’autant plus satisfaite quand cela bénéficie à ses salariés plutôt qu’à des fonds de pension étrangers. D’où l’attractivité et la puissance de cette réussite française : l’actionnariat salarié. Mais pour que celui-ci change la vie des gens il faut qu’il soit universel et massif, ce qui est un objectif inaccessible en l’état. En effet, comment imaginer que des salariés qui ne peuvent pas finir le mois puissent acheter des actions ?

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Jérôme Denis et David Pontille, finalistes du prix « Penser le travail » : « De nombreux professionnels se posent la question de la valorisation de la maintenance »

L’essai Le Soin des choses. Politiques de la maintenance est une plongée dans le monde de la maintenance, analysé par Jérôme Denis et David Pontille, respectivement professeur de sociologie à Mines Paris-PSL et directeur de recherche au CNRS. Il vient d’être nommé au prix Penser le travail 2023. Les auteurs s’expliquent sur son apport au monde du travail.

Dans votre ouvrage, vous parlez du « soin des choses » comme un sujet négligé par les entreprises et par la recherche, mais capital pour l’avenir de nos sociétés. En quoi la maintenance s’inscrit-elle dans l’actualité du XXIe siècle ?

Jérôme Denis : Face à la crise environnementale, la maintenance apporte une solution pour « faire durer ». Les élèves architectes construisent aujourd’hui dans une situation problématique. Faire durer les bâtiments, par exemple, leur apparaît comme une réponse. La maintenance s’inscrit dans l’actualité des pays riches, notamment pour les grandes infrastructures (routes, ponts, réseaux d’eau). Beaucoup de choses sont vieillissantes, sans que la maintenance ait été prise en compte. Dans cet ouvrage, on a développé la question du « faire durer », la rencontre entre les êtres et les objets et la question de leur fragilisation. La maintenance rend sensible aux dégradations à l’œuvre, et l’attention aux traces vise à saisir chaque phénomène dans sa singularité.

Comment en êtes-vous venus à vous intéresser à ce sujet ?

David Pontille : C’était au cours d’une enquête démarrée en 2007 sur le renouvellement des panneaux consacrés aux usagers du métro parisien. A l’issue d’une de nos dernières rencontres, la responsable de la normalisation de l’ensemble de la signalétique de la RATP nous a proposé de voir « les gars de la maintenance ». C’est ainsi que la maintenance a surgi comme un thème de recherche que l’on a pris au sérieux. De précédents ouvrages en sociologie et en ergonomie existaient sur le sujet du point de vue organisationnel, avec le prisme du risque, mais disaient peu de choses du travail lui-même, de l’action des mainteneurs.

J.D. De nombreux acteurs issus de mondes professionnels très différents, dans la santé, l’énergie ou la défense, se posent, de façon urgente, la question de la valorisation de la maintenance. Les mainteneurs ont une forme d’expertise de proximité avec les choses qui n’est pas complètement formalisable. Il y a un enseignement lié à la matière elle-même. Si l’on veut prendre en considération la maintenance, il faut prendre en compte la maintenabilité des choses. Il existe aussi un autre enjeu, celui de laisser une marge de manœuvre aux mainteneurs. Ils savent comment réagissent les machines. L’externalisation, par exemple, peut poser un fort risque de pertes d’expertises.

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