Archive dans octobre 2023

La ministre Olivia Grégoire propose une dématérialisation complète des titres-restaurant « avant 2026 »

La ministre a « missionné il y a plusieurs mois l’Autorité de la concurrence pour voir si le fonctionnement du marché des titres-restaurants était équitable ».

Le gouvernement accélère la dématérialisation administrative. Invitée de Franceinfo, lundi 2 octobre, la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises et du commerce, Olivia Grégoire, a annoncé la dématérialisation des titres-restaurant « avant 2026 », pour, notamment, rendre moins coûteuse la procédure pour les restaurateurs.

Selon elle, cinq millions de salariés utilisent aujourd’hui des titres-restaurant, mais « un quart des restaurateurs les refusent car c’est trop compliqué [de jongler entre papier et carte] ». « Les commissions sont trop élevées et les démarches beaucoup trop lourdes » pour les restaurateurs qui « manquent de trésorerie », ajoute-t-elle.

La ministre a « missionné il y a plusieurs mois l’Autorité de la concurrence pour voir si le fonctionnement du marché des Ticket Restaurant était équitable ». Le résultat de cette enquête est attendu « dans les jours qui viennent » et « s’il y avait un dysfonctionnement de marché qui était prouvé », la ministre n’hésiterait pas à « plafonner les commissions », situées aujourd’hui entre 3 % et 5 %, a-t-elle assuré. « Et nous les plafonnerons plutôt au plancher qu’au plafond », a précisé la ministre.

Les restaurateurs versent une commission aux sociétés émettrices de titres-restaurant, prélevée sur la somme qui leur est réglée par leurs clients. Ainsi, pour un repas réglé 10 euros en titres-restaurant, avec une commission entre 3 % et 5 %, le restaurateur reverse entre 30 centimes et 50 centimes.

Les sociétés émettrices de titres-restaurant Edenred, Up, Natixis Intertitres et Sodexo avaient été condamnées en 2019 par l’Autorité de la concurrence à payer 415 millions d’amendes pour pratiques anticoncurrentielles, et la décision en appel devrait être rendue cette année.

Le Monde avec AFP

Jeune diplômé ou cadre, vous avez le sentiment d’être un « imposteur » : racontez-nous

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« Que sait-on du travail ? » : une élite salariale de plus en plus isolée depuis trente ans

Deux pour cent, c’est l’augmentation annuelle de l’entre-soi des salariés les mieux payés. Depuis trente ans, la ségrégation salariale sur les lieux de travail ne cesse d’augmenter, c’est-à-dire que les salariés les mieux payés sont de plus en plus isolés du reste de l’effectif de l’entreprise. Selon les dernières statistiques, en France, 36,5 % des collègues que côtoient les salariés les mieux payés ont le même niveau de salaire qu’eux, alors qu’ils n’étaient que 27 % en 1993. Cet isolement de l’élite salariale, qui est largement partagé dans le monde, prend sa source dans la désindustrialisation.

C’est l’analyse du sociologue Olivier Godechot réalisée sur la base d’un travail d’ampleur mené par une équipe internationale de chercheurs en sciences sociales et sur les statistiques de douze pays (Canada, France, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Norvège, Suède, République tchèque, Hongrie, Corée du Sud et Japon) pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Les chercheurs en sciences sociales ont ainsi mesuré sur plusieurs années et en comparaison internationale l’évolution de la ségrégation socioéconomique au travail. Qui travaille avec qui, en fonction de son niveau de salaire et de son lieu de travail. Il en ressort que lorsque l’emploi industriel diminue, au fil des restructurations, plus la taille de l’établissement se réduit, plus l’isolement des mieux payés s’accroît. Exprimé en statistiques, ça donne : « Une baisse d’une unité standardisée de la taille de l’établissement augmente de 0,15 à 0,2 unité notre indicateur d’isolement », écrit Olivier Godechot.

Les salariés du top 10 % – potentiellement les encadrants – se concentrent dans un nombre limité d’établissements, s’éloignant chaque année un peu plus des conditions de travail et des revendications du reste de l’effectif. Cet isolement des élites produit une perte sèche d’informations sur l’évolution du travail réel et les besoins quotidiens des salariés et déconstruit la cohésion sociale.

Le sociologue désigne trois responsables de cette évolution : la désindustrialisation, les restructurations et la numérisation. « Les plans de licenciement économique, les externalisations, le recours à la sous-traitance, les délocalisations, influent aussi sur l’isolement du top 10 % », écrit Olivier Godechot. Avec les « restructurations, les entreprises se débarrassent prioritairement des salariés du bas de la hiérarchie salariale et resserrent l’entre-soi des mieux rémunérés ». Ceux du bas de la hiérarchie continuent à travailler de manière invisible pour le haut de la hiérarchie, mais depuis des établissements différents et par l’entremise complexe de chaînes d’entreprises sous-traitantes et de prestataires externalisés.

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« La réalité est que la grande majorité des allocataires de minima sociaux veulent retrouver un emploi »

Le projet de loi pour le plein-emploi est actuellement examiné par l’Assemblée nationale. Certains tentent d’en résumer l’intention à la simple transformation de Pôle emploi en France travail, et au renforcement de la coordination des acteurs locaux de l’emploi, à des fins d’efficacité de notre service public d’insertion et de l’emploi.

Mais, en instaurant une nouvelle sanction dite de « suspension-remobilisation » et une conditionnalité de quinze heures d’« activité hebdomadaire », le gouvernement distille à nouveau la petite musique éculée selon laquelle les bénéficiaires du RSA ne sont pas suffisamment incités à reprendre une activité en contrepartie de l’allocation versée.

Or qu’en est-il réellement de l’efficacité d’une politique du bâton, en matière de retour à l’emploi ? Quittons le café du commerce pour nous appuyer sur des données empiriques et les retours d’expérience d’autres pays : rien ne prouve que les sanctions ont un effet positif sur l’insertion des personnes, au contraire.

Les contraintes demeurent contre-productives

Le Royaume-Uni, qui avait renforcé ses sanctions lors du Universal Credit Act, n’a enregistré aucune amélioration sur l’emploi. Pire, cette politique a eu des effets pervers en conduisant à la multiplication de candidatures inappropriées. En Finlande, une expérimentation a démontré qu’un revenu inconditionnel menait à un même niveau d’insertion qu’un revenu sous conditions, mais en évitant des dépenses publiques liées à la dégradation de la santé physique et mentale des allocataires.

Prenons enfin l’exemple de l’Allemagne : les lois Hartz IV, qui ont durci le contrôle sur les demandeurs d’emploi et libéralisé le marché du travail, ont débouché sur une explosion de la pauvreté en Allemagne, engendrée par la prolifération des « mini-jobs », ces emplois précaires payés au lance-pierre.

Les travaux d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie, viennent apporter une explication scientifique à ces échecs. Ils démontrent l’inefficacité et même l’aspect contre-productif du contrôle et de la sanction, car ils ne lèvent en rien les obstacles au retour à l’emploi et, pire, les aggravent, en alourdissant les situations de pauvreté.

L’insertion sociale corollaire à l’insertion professionnelle

La réalité est que la grande majorité des allocataires de minima sociaux veulent retrouver un emploi, parce que le travail procure un sentiment d’utilité, de dignité, d’appartenance à la société. Mais ce désir se heurte souvent à des équilibres familiaux précaires, avec des personnes dépourvues de solutions de garde pour leur enfant, d’autres qui s’occupent à temps plein d’un proche en situation de dépendance ou qui connaissent elles-mêmes des problèmes de santé lourds et invalidants.

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Des lieux de travail de plus en plus ségrégués

[Peut-on mesurer l’entre-soi ? C’est le travail auquel s’est attelé Olivier Godechot, directeur de recherche CNRS au CRIS et professeur à Sciences Po sur la base des études d’une équipe internationale de chercheurs en sciences sociales, l’équipe COIN. Egalement directeur de l’observatoire AxPo à Sciences Po, consacré à l’observation de la polarisation des sociétés de marché, le sociologue conduit actuellement des recherches sur la ségrégation au travail, le séparatisme des élites (en particulier à travers l’étude du phénomène des départs en équipe) et plus généralement à la dynamique inégalitaire du marché du travail.]

Le travail n’est pas seulement économique. On ne peut le résumer à la production de biens et de services ou à l’échange d’une force de travail et d’un salaire. C’est aussi une sphère cruciale de la vie sociale. Il est l’occasion de contacts et d’échanges entre salarié (es) de divers niveaux de la hiérarchie des salaires. On sait d’ailleurs que les actifs et actives passent plus de temps à échanger avec des collègues au travail qu’avec leurs voisin(e) s (François Héran, « La sociabilité, une pratique culturelle », Économie et statistique, 1988). Comme le voisinage ou l’école, le travail peut contribuer à la cohésion sociale, en augmentant l’interconnaissance entre les différents groupes sociaux et en permettant la circulation de proche en proche des ressources-clés telles que l’information, le savoir ou le capital social.

Aux dimensions d’intégration et de redistribution, le travail ajoute une dimension relationnelle plus prononcée qu’au sein des autres sphères sociales. Il est le lieu de revendications concurrentes sur la distribution des ressources organisationnelles et de la valeur ajoutée. Les salarié(e) s du haut de la hiérarchie salariale, qui ont un rôle important dans la détermination des salaires, sont potentiellement exposé(e) s aux conditions de travail et aux revendications d’autres niveaux de la hiérarchie salariale. Et la composition des lieux de travail peut aussi avoir une incidence sur la cohésion sociale globale.

Dans le cadre de cette contribution, nous résumons un travail d’ampleur sur l’évolution de la ségrégation socio-économique au travail mené par une équipe internationale de chercheurs et chercheuses en sciences sociales (Olivier Godechot et al., « The Great Separation (reloaded) : Top Earner Segregation at Work in Advanced Capitalist Economies », Miméo, 2023).

L’équipe internationale de chercheurs à la base de ces travaux

Ce texte reprend les conclusions principales des travaux de l’équipe COIN : Donald Tomaskovic-Devey, Istvan Boza, Lasse Henriksen, Are Skeie Hermansen, Feng Hou, Naomi Kodama, Alena Krizkova, Jiwook Jung, Zoltan Lippényi, Silvia Maja Melzer, Eunmi Mun, Halil Sabanci, Max Thaning, Dustin Avent Holt, Nina Bandelj, Paula Apascaritei, Alexis Baudour, David Cort, Marta M. Elvira, Gergely Hajdu, Aleksandra Kanjuo-Mrcela, Joseph King, Andrew Penner, Trond Petersen, Andreja Poje, William Rainey, Mirna Safi et Matthew Soener.

Pour mesurer l’évolution de la ségrégation salariale sur les lieux de travail depuis le début des années 1990, nous nous fondons sur des données administratives exhaustives ou quasi exhaustives de douze pays représentant une variété d’économies capitalistes : économie « libérale » avec le Canada ; sociale-démocrate avec le Danemark, la Norvège et la Suède ; continentale avec la France, les Pays-Bas et l’Allemagne ; de l’Europe du Sud avec l’Espagne ; en transition avec la Tchéquie et la Hongrie ; et d’Asie orientale avec la Corée du Sud et le Japon.

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En Antarctique, les volontaires de l’institut polaire français en froid avec leur employeur

La station française Dumont-d’Urville, sur l’île des Pétrels, en terre Adélie, dans l’Antarctique, le 13 avril 2023.

En ce mois de septembre, l’hiver polaire touche à sa fin en terre Adélie, dans l’est de l’Antarctique. Louis trouve un charme fou à son cadre de travail. Autour de la station Dumont-d’Urville, à deux pas des colonies de manchots, l’été sera bientôt là, avec ses pics à 5 °C qui finiront de dissiper la glace de mer. « C’est un plaisir d’être ici », glisse par téléphone l’électronicien, qui préfère ne pas donner son nom de famille.

Louis a débarqué sur la base française en 2022. Le jeune homme avait postulé trois fois sans succès aux offres de l’Institut polaire français Paul-Emile-Victor (IPEV), un organisme public créé en 1992 pour piloter la recherche dans les pôles. Chaque année, entre 600 et 700 candidats tentent leur chance. Comme trente à quarante jeunes par an, Louis a fini par décrocher le Graal : un an de mission au pôle Sud. De lui dépend l’envoi de données à des chercheurs du monde entier, notamment sur les mouvements de la croûte terrestre.

Ces derniers mois, pourtant, un feu inédit couve sous la glace : la naissance d’un conflit social. L’institut confie ses programmes en Antarctique à des volontaires de service civique (VSC), un statut qui permet d’effectuer des missions d’intérêt général mais qui ne relève pas du droit du travail.

Or, depuis juin, 36 volontaires actuels ou passés, souvent bardés de diplômes, dénoncent un statut précaire inadapté aux responsabilités qui leur sont confiées. « L’IPEV traîne cette casserole depuis longtemps. Il est temps que cela change », assène Louis. Dans une mise en demeure envoyée à la direction le 4 septembre, les membres du collectif demandent à devenir salariés. Un séisme pour l’institut, qui persiste à penser que le caractère extraordinaire des missions est la meilleure des rétributions.

Les « petites mains » des terres australes

Pendant des années, les volontaires ont partagé ce point de vue. Quand il s’engage, en 2022, dans les pas de Paul-Emile Victor, l’explorateur des pôles, Virgile Legendre réalise un rêve. Ce chimiste de l’atmosphère de 29 ans décolle pour La Réunion. S’ensuivent près de vingt jours de mer, escales comprises, puis un vol en hélicoptère jusqu’à l’île Amsterdam, un caillou volcanique fouetté par les vents des quarantièmes rugissants, où l’IPEV possède une base.

Le statut de VSC et sa maigre rémunération – autour de 1 050 euros net par mois, 300 euros en dessous du smic – lui paraissaient certes incongrus, compte tenu de ses compétences : diplôme d’ingénieur, master au Royaume-Uni, expérience au Commissariat à l’énergie atomique… « Mais je m’en fichais un peu car aucun d’entre nous ne se lance dans cette aventure pour l’argent », se souvient-il.

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