Archive dans septembre 2023

Semaine de quatre jours : le « oui mais » des entreprises

La semaine de quatre jours fait ses premiers pas en France. Qu’en pensent les entreprises qui ont décidé de l’adopter ou de s’y opposer ? Une dizaine de responsables des ressources humaines réunis mardi 12 septembre aux Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management créé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis, ont échangé sur leurs expérimentations et sur les problématiques posées par ce nouveau mode d’organisation du travail : les attentes des salariés en matière de flexibilité, les conséquences pour le management, l’impact sur la productivité et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

« Il faut savoir avant tout si l’on parle de la semaine de quatre jours ou de la semaine [répartie] en quatre jours, a déclaré, en guise de préambule, l’économiste Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). La semaine de quatre jours étant obligatoirement avec réduction du temps de travail. »

Les bénéfices de ce mode d’organisation du temps de travail, mis en évidence par l’expérimentation britannique de la semaine de quatre jours fin 2022, sont nombreux : presque plus de rotation de salariés, moins d’absentéisme, moins d’arrêts maladie, et une répartition plus claire des activités privées et professionnelles dans le temps. « Les enquêtes révèlent qu’avec la semaine de quatre jours tous les rendez-vous privés sont déplacés sur le cinquième jour et le salarié est davantage concentré sur son travail le reste du temps », explique Eric Heyer. De quoi gagner éventuellement en productivité.

Une offre de flexibilité

Sauf que les participants aux Rencontres RH sont plutôt favorables à la semaine « en » quatre jours qu’à la semaine « de » quatre jours, quand ils n’y sont pas opposés, comme Marc Landais, DRH de l’Agirc-Arrco, au nom de la santé des salariés, ou Marc Sabatier, le directeur général du cabinet de conseil Julhiet Sterwen, qui ne veut pas perdre 20 % de chiffre d’affaires.

Les DRH n’envisagent pas de réduction du temps de travail, mais ils « témoignent d’une réflexion sur l’offre de flexibilité », explique Audrey Richard, la présidente de l’Association nationale des DRH. Leur motivation est de répondre aux attentes des salariés en matière de flexibilité et d’équité. La généralisation du télétravail a, en effet, créé une nouvelle catégorie de laissés-pour-compte : les salariés qui n’y sont pas éligibles.

A la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), une expérimentation sans réduction du temps de travail est en cours depuis 2022, « la réflexion est menée sur la libéralisation de l’organisation du travail » : « Notre préoccupation était de rompre avec un système très normé. Le télétravail a donné lieu à plusieurs formes d’organisation. On cherchait dès lors une solution pour réduire les écarts entre les cols bleus et les cols blancs », explique le directeur des relations humaines et de la transformation Jérôme Friteau. La semaine en quatre jours y est proposée sur la base du volontariat, « avec une priorité affichée donnée aux non-éligibles au télétravail ».

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Dialogue social : le verdissement des accords prend son temps

Deux ans après la loi Climat et résilience du 22 août 2021, qui a notamment ajouté les enjeux environnementaux aux prérogatives des comités sociaux et économiques (CSE), « le sujet de la transition écologique est passé quelque peu au second plan compte tenu de l’actualité (pouvoir d’achat, guerre en Ukraine…), constate Alexis Bugada, professeur de droit à l’université d’Aix-Marseille. Pourtant, l’été que nous venons de vivre nous a rappelé avec force la réalité du changement climatique ».

Arnaud Casado, maître de conférences à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, spécialisé dans le droit social à vocation environnementale, dresse, quant à lui, un constat mitigé de la loi Climat et résilience : « Même si les questions environnementales montent dans les entreprises, ces dernières souffrent d’un déficit de formation sur ces sujets, et les CSE d’un manque de moyens afin de pouvoir vraiment s’emparer de ces questions. La loi Climat et résilience n’a pas révolutionné les choses. »

Les élus du CSE sont les premiers à manquer de compétences sur le sujet : seuls 15 % d’entre eux ont été formés aux sujets environnementaux, selon une enquête menée en septembre par le cabinet Syndex. Seulement 10 % d’entre eux se sentent compétents.

Des repères juridiques et pratiques

Antoine Msika est responsable de la transition écologique chez Shine, une banque en ligne pour les professionnels (Société générale). Il a rejoint cet été le syndicat Printemps écologique « afin d’avoir une porte d’entrée supplémentaire sur le sujet », explique-t-il. Il est membre du CSE et délégué syndical. Il estime que « le fait que l’environnement soit désormais un sujet de discussion entre les CSE et les directions est une bonne première étape, mais une étape seulement ».

La tentative de verdissement du dialogue social s’est poursuivie en 2023 à travers un accord national interprofessionnel (ANI) sur la transition écologique et le dialogue social, signé le 11 avril par trois organisations patronales (Medef, CPME et Union des entreprises de proximité) et par deux confédérations syndicales (CFDT et CFTC). L’accord de cinquante pages propose des repères tant juridiques (dispositions législatives et réglementaires en vigueur) que pratiques afin d’alimenter les échanges avec des exemples d’actions par domaine : achats responsables, gestion des ressources humaines, organisation du travail…

« Il s’agit d’un accord d’impulsion qui propose aux entreprises un décryptage et des clés de lecture pour mettre en œuvre la loi Climat, explique Fabien Guimbretière, secrétaire national de la CFDT, chargé de la transition écologique juste. C’est dans les entreprises que les changements doivent être impulsés. »

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Budget : un rapport préconise de supprimer les exonérations de cotisations patronales sur les hauts salaires

Le député socialiste de l’Essonne Jérome Guedj, lors des Amfis de La France insoumise, à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), le 26 août 2023.

Les exonérations de cotisations patronales sont, à nouveau, dans le collimateur. Dans un rapport rendu public mardi 19 septembre, le député Renaissance des Français de l’étranger Marc Ferracci et le député socialiste de l’Essonne Jérôme Guedj préconisent de supprimer ces allègements lorsqu’ils s’appliquent sur les hauts salaires. L’idée n’est pas nouvelle mais le fait qu’elle soit portée par deux parlementaires issues de familles politiques opposées lui donne de la visibilité et suggère l’émergence d’un début de consensus « transpartisan », à quelques jours de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.

Depuis une trentaine d’années, les gouvernements successifs – de droite comme de gauche – ont réduit les contributions que les entreprises versent à la « Sécu », l’objectif de cette politique étant de diminuer le coût du travail afin de combattre le chômage de masse – en particulier chez les travailleurs les moins qualifiés. Diverses mesures ont été prises au fil du temps, d’abord en atténuant les cotisations pour les rémunérations situées au niveau ou juste au-dessus du smic. Puis la cible s’est progressivement élargie, jusqu’à inclure les fiches de paye atteignant 3,5 fois le salaire minimum.

Mises bout à bout, ces décisions finissent par coûter un « pognon de dingue », comme le souligne M. Guedj, en reprenant, avec ironie, une formule d’Emmanuel Macron, dans son avant-propos au rapport. En 2022, ces exonérations représentaient 73,6 milliards d’euros, à l’échelon du régime général de la « Sécu » (et environ 80 milliards, si on prend en considération les organismes de protection sociale, extérieurs au régime général, qui sont aussi concernés par ces mécanismes). Les sommes en jeu ont vu leur poids s’accroître, passant de 1,1 point du PIB en 2004 à 2,8 points en 2022. En règle générale, le manque à gagner pour la « Sécu » est compensé par l’État.

Bruno Le Maire défavorable

Le problème, c’est que ces dispositions semblent être inefficaces dans certains cas. Ainsi, la réduction de cotisations familiales pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 smic produit des effets « quasiment nuls » sur l’emploi et « difficilement décelables sur la compétitivité » des entreprises, écrivent les deux parlementaires, en citant plusieurs études – dont une note du Conseil d’analyse économique diffusée en 2019 et des travaux réalisés par des experts renommés (les économistes Pierre Cahuc, Yannick L’Horty, Philippe Martin…). C’est pourquoi MM. Ferracci et Guedj proposent de supprimer cette exonération, quand elle s’applique à des rémunérations supérieures à 2,5 smic, tout en plaidant pour un « accompagnement des secteurs qui seraient le plus fortement affectés » par la disparition de cette aide.

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En Dordogne, la crise des Papeteries de Condat a déjà de lourdes répercussions sur l’économie locale

Des ouvriers bloquent l’usine des Papeteries de Condat, au Lardin-Saint-Lazare (Dordogne), après l’annonce de la fermeture d’une ligne de production, le 29 août 2023.

Lundi 11 septembre, alors que l’intersyndicale CGT-FO et CFE-CGC des Papeteries de Condat était reçue à Paris par Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, Alain Gaudré, le président du groupe Lecta France, propriétaire de l’usine basée au Lardin-Saint-Lazare (Dordogne), est sorti de sa réserve pour la première fois depuis l’annonce, en juin 2023, de la fermeture de sa ligne de production de papier couché double face, la dernière à subsister en France.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés Le tour de passe-passe de deux groupes pour dévorer le marché mondial du papier

Interrogé par les journalistes locaux, puis par Le Monde, le patron de la filière française du géant britannique a justifié l’arrêt de la ligne par l’effondrement des commandes de papier (– 40 % en six mois), tout en laissant entrevoir la possibilité, à moyen terme, « de la transformer pour répondre à la forte demande de papier glassine (un papier spécialisé, résistant à la graisse, à l’eau et à l’air, utilisé notamment pour les étiquettes autocollantes) », l’autre spécialité des Papeteries de Condat.

Localement, le discours d’Alain Gaudré n’a convaincu personne. Si les salariés qui bloquaient l’entrée de l’usine depuis dix-sept jours ont accepté d’en libérer l’accès, mercredi 13 septembre, c’est uniquement parce que « la direction a accepté de lâcher du lest sur les primes de départ des 187 personnes menacées de perdre leur emploi au terme du plan social de sauvegarde (PSE), qui prendra fin le 11 octobre », explique Emmanuel Garcia, élu Force ouvrière au conseil économique et social (CSE) des Papeteries de Condat, qui comptent 412 postes. « Le reste, on n’y croit plus », confie le délégué CGT Eric Pestourie, alors que se profile une nouvelle réunion de négociation avec la direction, mercredi 20 septembre.

« Retrouver des certitudes »

Même pessimisme affiché chez les sous-traitants des Papeteries de Condat, dans un bassin de vie où le taux de chômage dépasse les 8 %. « On a du mal à croire que cela repartira un jour », confie Damien Froidefond, délégué du personnel chez SVT, une PME dont les Papeteries avaient encouragé la création dans le cadre de sa politique d’externalisation de la transformation du papier couché.

Depuis six mois, leur propre usine ne tourne plus ou presque. « Nous avons commencé par une semaine de chômage partiel en octobre, puis nous sommes passés à deux en début d’année, avant de tomber à zéro, un ou deux jours maximum de travail par mois à la fin du printemps », détaille ce salarié de 38 ans, qui n’entrevoit pas le bout du tunnel. « Nous sommes liés aux Papeteries par un contrat exclusif qui court jusqu’à octobre 2024. Tant que le PSE de l’entreprise est en cours, nous sommes condamnés à subir du chômage partiel », poursuit Damien Froidefond, qui ne se résout pas à cette situation inconfortable. « C’est vrai qu’on est indemnisés à 84 % de notre salaire, mais plus vite nous serons libres de retrouver un ou plusieurs clients et plus vite on retrouvera des certitudes. »

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« En adoptant les codes sociaux dominants au sein du conseil, les administrateurs salariés tendent parfois à s’aligner avec les intérêts des acteurs dominants »

La loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 22 mai 2019 (dite « loi Pacte ») a relancé les réflexions autour de la représentation des salariés au sein des conseils de direction des grandes entreprises.

Désormais, dans les entreprises employant au moins mille salariés en France (ou au moins cinq mille salariés lorsque la société a des filiales à l’étranger), les conseils de direction constitués de plus de huit administrateurs (contre douze auparavant) doivent obligatoirement inclure en leur sein au moins deux représentants des salariés.

Par cette mesure, l’objectif du législateur est d’accroître la participation des salariés aux décisions stratégiques et de favoriser la diversité des points de vue au sein des conseils de direction.

L’Institut français des administrateurs vient de publier un guide présentant les administrateurs salariés (AS) comme une « réalité fructueuse » et soulignant leur « capacité à s’intégrer aux travaux du conseil et à les enrichir par la vision interne qu’ils apportent ». Leur connaissance approfondie de l’histoire et du fonctionnement opérationnel de l’entreprise leur permettrait de contribuer utilement aux prises de décisions stratégiques.

Si la pertinence de leur présence au sein des conseils est aujourd’hui largement reconnue, l’étude des mécanismes sociologiques à l’œuvre dans ce dispositif amène toutefois à nuancer les fantasmes autour d’une démocratie d’entreprise idéale. Une série d’entretiens menés auprès d’administrateurs salariés de grandes entreprises françaises permet de révéler les difficultés auxquelles ils sont confrontés, au point de nuire au bon fonctionnement du dispositif, et in fine à sa capacité à transformer réellement la gouvernance des entreprises.

Rupture avec le champ syndical

Tout d’abord, l’intégration au conseil de direction des grandes entreprises représente un coût d’entrée élevé pour les AS. Il leur faut en effet acquérir un nouveau langage : le langage « managérial », empreint de données économiques, financières et stratégiques que la plupart d’entre eux ne maîtrisent pas. A cela s’ajoute parfois l’usage de l’anglais dans les rapports et les réunions, qui renforce ces difficultés. Le nombre d’heures de formation prévues par la loi Pacte (minimum de quarante heures par an) permet seulement, pour reprendre les termes d’une des personnes interrogées, « d’avoir moins de lacunes dans son ignorance ».

Ce coût d’entrée est aussi lié à la rupture avec le champ syndical, qui leur est imposé en droit français. En effet, contrairement aux réglementations d’autres pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore l’Italie, le mandat d’administrateur salarié est en France incompatible avec d’autres mandats de représentation des salariés, tels que ceux de délégué syndical ou de membre du comité social et économique (article L225-30 du code de commerce).

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« Que sait-on du travail ? » : Quand il s’agit de négocier, la référence aux conventions de branche est importante pour moins d’une entreprise sur deux

Quarante-trois pour cent : c’est la part des établissements pour lesquels la convention collective de branche (CCB) est la référence prioritaire ou très fréquente pour négocier sur tous les thèmes en entreprise, notamment pour revaloriser les salaires. C’est donc moins d’un établissement sur deux.

Or, pour que les politiques publiques soient efficaces, les négociations de branche sont censées jouer un rôle-clé dans la définition des conditions de travail pour les salariés de toutes les entreprises au sein d’un même secteur d’activité. Historiquement, les premières conventions ont posé « un cadre commun pour les conditions d’emploi (règles de mobilité, rémunérations, protection sociale d’entreprise, etc.) et de travail (organisation du travail, horaires et rythme de travail, etc.) », rappellent les trois économistes Noélie Delahaie, Anne Fretel et Héloïse Petit. Mais l’usage qu’en font aujourd’hui les entreprises est très variable. Et si 98 % des salariés sont couverts par une CCB, la référence des employeurs à la branche n’est pas systématique pour négocier les conditions de travail.

C’est ce qu’analysent les chercheurs dans un texte commun rédigé pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

A partir des statistiques de l’enquête « Relations professionnelles et négociations d’entreprise » de 2017 du ministère du travail et de leurs enquêtes de terrain menées de 2018 à 2020, les trois économistes démontrent pourquoi et dans quelle mesure les conventions de branche influencent (ou non) les conditions d’emploi, de travail et les salaires.

Elles ont ainsi construit une typologie qui distingue quatre catégories de branches, selon le rôle donné aux conventions de branche par les entreprises : les deux premières regroupent les branches où les employeurs se réfèrent essentiellement à la convention pour négocier, quel que soit le thème et celles où les entreprises s’y réfèrent souvent.

Ces deux catégories représentent 43 % des établissements. Il s’agit majoritairement du secteur sanitaire et social pour le premier profil, où les CCB jouent leur rôle de « filet de sécurité » dans un contexte où les salaires sont susceptibles d’être rattrapés par le smic ; et pour le second des secteurs de l’hôtellerie-restauration-tourisme, du commerce de détail et de gros, principalement alimentaire où les CCB limitent le dumping social.

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Que sait-on du travail ? « Quel rôle pour la branche dans la définition des conditions d’emploi et des salaires en France ? »

[Là où les conditions de travail sont les moins favorables, les conventions collectives de branche jouent un rôle essentiel, mais ce n’est pas toujours le cas, car les stratégies des entreprises varient fortement selon le secteur d’activité. Noélie Delahaie, chercheuse en économie à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), est professeure associée à l’Institut des sciences sociales du travail de l’Ouest (ISSTO, université Rennes-II). Ses travaux portent sur les modes de gestion de l’emploi et des rémunérations et les relations sociales en entreprise. Anne Fretel, chercheuse en économie au LED (EA université Paris-VIII), est associée à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Ses travaux portent sur les politiques d’emploi et notamment les dispositifs d’accompagnement ainsi que le rôle des acteurs privés (ESS ou entreprises) dans la régulation de l’Etat social. Enfin, Héloïse Petit est professeure d’économie au CNAM, membre du Lirsa et du CEET. Ses travaux portent sur les pratiques de gestion de l’emploi en entreprise, la mobilité des salariés et les relations sociales. Les trois chercheuses ont analysé le poids des conventions de branche dans les négociations et la prise de décision des entreprises.]

Face au manque de reconnaissance des salariés de la « seconde ligne » mis en évidence durant la crise sanitaire (voir la contribution au projet Liepp de Christine Erhel), le gouvernement a fait le choix de s’en remettre aux négociations de branche pour améliorer les conditions de travail et d’emploi des salariés concernés. Plus récemment, il a encouragé l’activité conventionnelle comme réponse pour limiter les effets de l’inflation pour les salariés (en incitant à la négociation de minima de branche supérieurs au niveau du smic) ou répondre aux difficultés de recrutement par exemple.

Ce faisant, il réitère une pratique déjà ancienne par laquelle les pouvoirs publics s’appuient sur la négociation collective de branche comme intermédiaire de l’action publique, voire comme vecteur d’une « action publique négociée » (Groux, 2005). La négociation devient un relais-clé dans la généralisation et l’implémentation des mesures prises par le législateur, elle en devient même la condition d’application.

Pour que ces politiques publiques soient effectives, il faut donc que la négociation collective de branche joue réellement un rôle-clé dans la définition des conditions de travail et de l’emploi. De fait, la France jouit d’un taux de couverture conventionnelle d’une ampleur exceptionnelle et quasi universelle : selon les données de l’OCDE, en France, 98 % des salariés sont couverts par une convention collective de branche (CCB), contre 32 % en moyenne dans l’ensemble des pays de l’OCDE.

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Fonction publique : le gouvernement va permettre le dépôt de plainte de l’administration en cas d’agression d’un fonctionnaire

L’Etat pourra porter plainte en cas d’agression d’un de ses agents, a annoncé le ministre de la fonction publique, Stanislas Guerini, au Parisien dans l’édition à paraître lundi 18 septembre. La mesure s’inscrit dans le cadre d’un « plan de protection » des fonctionnaires. « La philosophie » de ce plan qui vise « en priorité les agents de guichet » est « de ne jamais laisser les agents seuls face aux difficultés, aux menaces, aux violences », a expliqué le ministre.

Ces derniers mois, plusieurs faits divers ont mis en lumière la dangerosité potentielle de ces métiers au contact du public, tels que la mort d’une infirmière après qu’elle a été poignardée par un patient en mai au CHU de Reims.

Jusque-là, l’administration ne pouvait pas porter plainte lorsqu’un usager blessait un agent sans abîmer d’équipement ou de bâti. Le ministère de la fonction publique entend ainsi permettre « d’affirmer le soutien à l’agent, de lutter contre l’autocensure de l’agent et de renforcer la plainte ». La mesure doit être intégrée à la prochaine réforme de la fonction publique.

Boutons d’alerte

Il est en outre prévu d’étendre la protection fonctionnelle aux ayants droit, comme le conjoint ou la famille, à titre conservatoire. Le gouvernement annonce également un renforcement des « dispositifs de sécurisation », par exemple des boutons d’alerte et de la vidéoprotection, par le déblocage d’une enveloppe de 1 million d’euros, ainsi qu’un « baromètre » annuel « pour mesurer les incivilités et les violences subies par les agents », qui sera lancé au début de 2024.

Le 1er septembre, Stanislas Guerini avait martelé lors d’un discours à l’institut régional d’administration de Lyon, à Villeurbanne, que « la première des choses que l’employeur public doit à ses agents, c’est la protection physique ».

Auprès de l’Agence France-Presse, Céline Verzeletti, la secrétaire générale de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat-CGT, premier syndicat de la fonction publique, a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les dispositifs existants. « On a droit à une protection fonctionnelle » assurée par l’employeur, détaillait-elle, mais « souvent, quand on la demande, on nous la refuse ».

Le Monde avec AFP