L’« effet JO » sur l’économie française a été revu à la hausse. La préparation et l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques de l’été 2024 devraient susciter la création de 181 000 emplois dans les secteurs de la construction, du tourisme et les différents métiers liés à l’organisation même de l’événement. Une précédente estimation, en 2019, avait estimé à 150 000 emplois cet « effet JO ».
Ces chiffres ont été dévoilés jeudi 21 septembre par le Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges, cinq jours avant une journée « Les Jeux recrutent », organisée par Paris 2024, et qui se tiendra à la Cité du cinéma, dans le futur village olympique, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
La réévaluation à la hausse tient pour une bonne part à un chiffrage plus important des besoins sur la partie organisation de l’événement : celle-ci devrait mobiliser 89 300 emplois (dont 73 200 en Ile-de-France), quand en 2019 étaient évoqués 78 300 emplois.
« En 2019, on s’était appuyé sur des chiffres issus [du dossier de] candidature, que l’on avait actualisés. Le projet Paris 2024 s’est affiné depuis », relève Christophe Lepetit, responsable des études économiques et des partenariats au CDES.
L’effet sur le secteur du tourisme a aussi été revu un peu en hausse : 61 800 emplois devraient être mobilisés dans les mois qui viennent (ce chiffre valant pour la seule Ile-de-France), quand on parlait de 60 000 il y a quatre ans. Cette mobilisation sur les JO devrait commencer un peu plus en amont des Jeux que ce qui était anticipé.
Le secteur du BTP aura, lui, finalement mobilisé 30 000 emplois à la faveur des Jeux (contre 11 700 estimés en 2019), ces besoins étant « derrière nous », relève M. Lepetit, puisque les différents chantiers sont en cours de finition.
Attention, toutefois ! Dire que les Jeux ce sont 181 000 emplois ne signifie pas qu’il s’agit d’autant d’emplois créés. Derrière ce chiffre « il y a des emplois déjà existants », reconnaît M. Lepetit. « Mais il y a malgré tout des emplois qui vont être créés », ajoute-t-il, reconnaissant ne pas pouvoir répondre, à ce stade, à la question : combien ? « On saura ça après les Jeux. L’Insee fera un travail d’évaluation. »
Par ailleurs, le chiffre n’inclut pas les 450 000 « volontaires » – bénévoles – que Paris 2024 entend recruter.
« Une formidable opportunité, mais aussi un formidable défi »
« Plus de 180 000 emplois mobilisés, c’est une formidable opportunité, mais c’est aussi un formidable défi pour certains secteurs », prévient Cécile Martin, directrice de projet à la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (ministère du travail), qui cite avant tout la sécurité privée et la restauration.
Ces secteurs, qui seront les plus sollicités par les JO (plus de 48 000 emplois pour la restauration, plus de 26 000 emplois pour la sécurité privée), sont aussi ceux « qui connaissent déjà des tensions structurelles de recrutement », ajoute-t-elle.
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La situation la plus critique concerne la sécurité privée, en déficit de main-d’œuvre avant même des Jeux. C’est pourquoi l’Etat a choisi d’accompagner, depuis 2022, les acteurs de ce secteur., l’objectif étant de pouvoir leur proposer 15 000 candidats formés.
« On a déjà 6 200 embauches, 6 700 personnes entrées en formation, dont 29 % de femmes, et 1 000 étudiants formés, avec l’objectif d’arriver à 3 000 », détaille Hélène Moutel, directrice régionale adjointe de Pôle emploi en Ile-de-France, confirmant les chiffres donnés, le 7 septembre, par la préfecture de la région Ile-de-France, avec qui ce travail est mené.
Pas sûr que cela suffise. D’où, depuis des mois, l’insistance de la Cour des comptes pour que l’Etat acte au plus vite « le recours probable aux forces de sécurité intérieure et aux armées pour pallier ce déficit ».
Paris 2024 face à une « marche assez monstrueuse à franchir »
Le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) lui-même est directement concerné par le problème du recrutement. Il va devoir passer de quelque 1 700 personnes à l’heure actuelle à environ 2 000 à la fin de l’année, pour atteindre plus de 4 000 au moment des Jeux. « La marche est assez monstrueuse à franchir », reconnaît Chantal Lasnier, la directrice déléguée aux talents et à la diversité, qui explique qu’il s’agit pour la structure de disposer d’équipes plus opérationnelles, afin de « déployer site par site les différents niveaux de service que l’on va dispenser aux différents acteurs des Jeux ».
« L’exercice n’est pas facile, on ne va pas se le cacher »
En ce qui concerne la restauration, Sodexo Live !, qui aura la charge du village des athlètes ainsi que de quatorze sites de compétition, a par exemple évalué ses besoins à 6 000 personnes – sur Paris et la région parisienne essentiellement. La société en a identifié 1 000 en interne (600 salariés et 400 de leurs proches) et entre, à compter de jeudi 21 septembre, dans une « phase active de recrutement » externe.
Celle-ci s’étendra jusqu’en mars 2024, selon Boris Pincot, le vice-président chargé des ressources humaines. « 40 % des postes requièrent une qualification technique particulière, mais 60 % non », détaille-t-il, expliquant qu’« un site Internet spécifique va être accessible, avec d’ores et déjà sept cents offres en ligne, pour que les personnes intéressées puissent postuler », celles-ci devant être « immédiatement contactées pour un job dating [rencontre professionnelle] ».
Sodexo Live ! considère toutefois que cela ne sera pas suffisant pour tenir son objectif. « Il faut aller au plus près du terrain, car tout le monde ne se sent pas forcément mobilisé par les JO, ou ne se donne pas le droit d’y participer », explique M. Pincot, qui rappelle que la société a aussi pris l’engagement d’avoir 15 % de recrutements dans les quartiers prioritaires : « Pour cela on travaille avec Pôle emploi sur des forums pour aller à la rencontre des demandeurs d’emploi, leur expliquer le projet. »
Premier de ces rendez-vous : la journée Les Jeux recrutent, le 26 septembre, à Saint-Denis. Celle-ci réunira une cinquantaine d’entreprises (de l’hôtellerie-restauration, du nettoyage, de la gestion des déchets et du recyclage, du sport et de l’événementiel, de la sécurité, du transport logistique, et de l’énergie). Ce sont près de 16 000 emplois qui sont à pourvoir, selon Paris 2024.
« C’est sûr que l’exercice n’est pas facile, on ne va pas se le cacher, car les secteurs [clés] des Jeux, sont ceux qui connaissent des tensions de recrutement, relève Mme Moutel, de Pôle emploi. Mais le fait d’avoir anticipé ainsi que la mobilisation de tous les acteurs font que nous sommes confiants, et ce n’est pas dans l’esprit des Jeux de s’avouer vaincus. »
Accompagner la structuration d’une filière grands événements sportifs et culturels
La cartographie des emplois mobilisés à l’occasion des Jeux a vocation à avoir un effet au-delà de l’événement de l’été 2024. « Elle doit servir, pour les acteurs du service public de l’emploi, à aider à structurer une filière des grands événements sportifs et culturels qui de fait n’existe pas », explique Christophe Lepetit, du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges. L’étude a ainsi été menée dans le cadre d’un Engagement pour le développement de l’emploi et des compétences (Edec) conclu en 2019 par 19 branches professionnelles, l’Etat et Paris 2024. « L’idée est de se servir du facteur d’attractivité des grands événements sportifs, comme la Coupe du monde de rugby ou les Jeux, pour anticiper les besoins en emplois et nourrir les branches en compétences », explique M. Lepetit.