Archive dans janvier 2023

Go Sport : nouveau sursis pour les 2 160 salariés

Réuni, lundi 16 janvier, le tribunal de commerce de Grenoble a mis en délibéré sa décision quant à la situation financière de Go Sport au jeudi 19 janvier. Les salariés de l’enseigne d’articles de sport devront encore patienter avant de connaître le sort de l’entreprise que détient le groupe Hermione People & Brands, fondé par l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon.

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« Nous ne voulons pas finir comme Camaïeu », s’alarme Christophe Lavalle, porte-parole des élus du personnel. La chaîne nordiste d’habillement féminin, que la Financière immobilière bordelaise avait reprise à la barre du tribunal en 2020, a été placée en redressement judiciaire en août 2022, à la suite de sa cessation de paiement, et liquidée début octobre 2022, entraînant la fermeture de 511 magasins et le licenciement de 2 100 salariés.

Depuis, les représentants du personnel de Go Sport ont exercé, en octobre, un droit d’alerte économique et demandé, en décembre, la nomination d’un administrateur judiciaire auprès du tribunal de commerce de Grenoble, estimant que l’enseigne reprise fin 2021 « avec 81 millions d’euros de trésorerie » était en cessation de paiement. Un scénario que réfutent les dirigeants de HPB.

Le parquet avait assigné la direction de HPB pour s’expliquer précisément sur la situation financière de l’entreprise. Les juges devaient initialement rendre leur décision le 22 décembre 2022. Après la nomination d’un juge enquêteur, elle a été repoussée au lundi 16 janvier.

« Notre choix se situe un peu entre la peste et le choléra »

Patrick Puy, directeur général de Groupe Go Sport, depuis sa nomination le 4 janvier, espère échapper à une mise en redressement judiciaire et obtenir des juges l’ouverture d’une procédure de conciliation censée déboucher, sous l’égide du tribunal, sur la cession de l’entreprise, qui exploite 283 magasins. Cette procédure peut être ouverte à la demande de l’actionnaire, sous condition que la firme ne soit pas en cessation de paiement depuis plus de quarante-cinq jours.

« Maintenant, notre choix se situe un peu entre la peste et le choléra : la conciliation ou un redressement judiciaire avec, dans les deux cas, des possibilités de casse sociale. La préservation de l’outil de travail et des 2 160 emplois est notre priorité », affirme M. Lavalle, espérant « un repreneur honnête et compétent ». Car, à l’évidence, dit-il, HPB n’a plus « la confiance » des salariés.

Ces derniers dénoncent en particulier des transferts de fonds effectués en 2022 pour un montant total de 36,3 millions d’euros, selon un rapport des commissaires aux comptes de Go Sport, et le rachat de l’enseigne Gap imposé à Go Sport par HPB, le 26 décembre, pour un montant de 38 millions d’euros.

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Cette acquisition a été dévoilée, mardi 10 janvier, quelques jours avant l’audience du tribunal de commerce de Grenoble. L’opération aurait fait l’objet de débat au cours de l’audience, rapporte l’avocate des salariés, Evelyn Bledniak. Devant les juges, la direction de HPB aurait assuré apporter « quatre millions d’euros à la trésorerie de Go Sport », d’après un représentant du personnel. Cet apport est censé éviter à l’enseigne une mise en redressement judiciaire.

En Sologne, une école forme à l’usinage grâce aux commandes des PME locales

« Au lycée général, j’avais peur de la foule et le lycée pro n’a pas voulu de moi, soupire Emeline (les élèves ont souhaité garder l’anonymat), 16 ans. Quand j’ai annoncé à mes profs que je rejoignais l’école de production de Salbris, ils m’ont dit que je n’allais pas tenir le coup. Heureusement, mes parents étaient à fond derrière moi. » Cette fille d’un ouvrier à la carrière de gravier de Brinon-sur-Sauldre (Cher) et d’une tailleuse de verres à l’usine de lunettes de Nouan-le-Fuzelier (Loir-et-Cher) vient tout juste de terminer une petite série de pièces d’acier commandée par un fabricant de portes de train installé à Contres (Loir-et-Cher), à une cinquantaine de kilomètres.

L’école de production Maurice-Leroux, à Salbris (Loir-et-Cher), le 5 janvier 2023.

Face à des machines imposantes, une vingtaine d’ados solognots de 14 à 17 ans, décrocheurs scolaires pour la majorité, se forment à des postes de technicien d’usinage moyennant vingt heures de production par semaine, soit 70 % de leur emploi du temps. Les 30 % restant servent à l’enseignement des matières générales, adaptées aux réalités de l’atelier (mathématiques et lecture de plan, par exemple).

La formation coûte 50 euros par mois. Une boîte à outils et un uniforme sont offerts à l’entrée. Les élèves ont vocation, une fois diplômés, à rejoindre les PME de mécanique du bassin d’emploi.

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Car ici, les entreprises participent à la gouvernance de cet établissement hors contrat et à son financement : si l’école bénéficie de subventions de la région Centre-Val de Loire et du département, du programme France Relance, de dons de fondations comme celle de Total Energie, elle vit aussi grâce aux « vraies » commandes passées aux élèves par des sous-traitants de l’automobile, du ferroviaire, de l’aéronautique… et bientôt de l’armement.

Une lueur

Le missilier MBDA est à 15 kilomètres : « Des contacts ont été pris avec ses sous-traitants pour des commandes possibles », indique Dominique Gardy, président de l’association qui a porté le projet d’école à Salbris et également président de la Fédération nationale des écoles de production. Le pays en compte 56 actuellement, 14 écoles supplémentaires ouvriront à la rentrée de septembre.

Constance de Marne, directrice de l'école, et Dominique Gardy, président de l'association Sens et Talents, à l’école de production Maurice-Leroux, à Salbris (Loir-et-Cher), le 5 janvier 2023

Lancée en septembre 2021, l’école de Salbris s’est construite sur les ruines d’une grande histoire industrielle. Au tournant des années 2000, Salbris se retrouve brutalement sinistrée. Le fabricant de munitions Giat ferme en 1999 et supprime 1 200 emplois. Celui de composants pour missiles Matra se retire deux plus tard et en liquide 400.

De plus en plus d’entreprises se lancent dans la création d’écoles pour se constituer un vivier de travailleurs sur mesure

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L’argot de bureau : le « corpoworking » ou la villa du travail débridé

Imaginez une maison où réside une grande famille, mais où l’ambiance n’est pas au beau fixe : les parents ne s’entendent plus, chaque enfant est terré dans sa chambre, et le plus âgé est à deux doigts de partir pour emménager en colocation avec des amis.

Face à ce désengagement, les parents décident du jour au lendemain d’accueillir de jeunes actifs dynamiques qui logeront dans la maison en échange de services : petits plats, ménage, organisation de tournois de jeux vidéo. « C’est win-win [« gagnant-gagnant »] », s’écrie la mère en signant le contrat.

En entreprise, un espace de « corpoworking » remplit peu ou prou ce cahier des charges, en transformant par exemple tout le rez-de-chaussée d’un immeuble en espace de coworking. Pourquoi « corpo » ? Car l’espace est hébergé par une société bien déterminée (corporation). En corpoworking, une entreprise accueille donc aux côtés de ses salariés, des indépendants (éventuellement ses prestataires), des start-up ou des salariés nomades.

Version augmentée du « flex office »

Le mot est vilain, certes, mais l’intention est louable : le projet vise l’émulation, en faisant coexister des sphères qui ne se rencontrent pas ou peu. Les premiers exemples datent du début des années 2010 et concernent alors des géants des technologies en quête de renouveau.

Si une entreprise peut financer ces lieux ouverts (ou tiers-lieux) par pure charité – à Toulouse, Action Logement a financé un réseau d’espaces de corpoworking pour limiter les déplacements domicile-travail et recréer du lien social –, le modèle cherche souvent à faciliter la réalisation de certains projets, avec des partenaires.

Il en va ainsi de la Villa Bonne Nouvelle, dans le quartier du Sentier, à Paris : cet ancien immeuble des standardistes des PTT est depuis 2014 la « vitrine de l’innovation RH du groupe Orange ». Elle propose aux free-lances et aux start-up un espace de 350 mètres carrés afin d’expérimenter de nouvelles pratiques managériales. Triés sur le volet, ses soixante occupants ne restent pas plus d’un an dans la Villa, le temps d’apprendre à vivre ensemble comme dans une émission de télé-réalité de grande qualité.

Sorte de version augmentée du « flex office », qui abolit le bureau individuel, le corpoworking veut stimuler la créativité et briser le quotidien monotone de cadres en CDI… Même s’il est évident que ces seules nouvelles relations ne les rendront pas hyperengagés en un claquement de doigts. Pour la direction, ce sera tout de même l’occasion de se présenter comme une « grande famille », ouverte à tous, que les DRH et directeurs de l’immobilier qualifieront plus sobrement d’« écosystème hybride ».

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Réforme des retraites : « Le véritable défi consiste surtout à augmenter le taux d’emploi des seniors »

Ça y est, le suspense est levé. La réforme présentée par Elisabeth Borne est plus intéressante qu’une simple réforme paramétrique sur l’âge légal de départ à la retraite, mais elle n’est pas pour autant une véritable réforme systémique. Elle intègre des éléments intéressants, bien au-delà des mesures d’âge, mais il reste du chemin à faire !

Les économistes ont l’habitude de distinguer les réformes paramétriques – par exemple la modification de l’âge légal de départ à la retraite – des réformes systémiques – c’est-à-dire des modifications des règles du système, par exemple le calcul par points, comme le gouvernement l’avait envisagé en 2019. C’est vrai que l’ambition était, à l’époque, démesurée.

Dans la proposition qui va être maintenant débattue au Parlement, il y a bien des mesures paramétriques, comme le report de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans et 3 mois en 2027 et à 64 ans en 2030, ainsi que l’accélération de la réforme Touraine sur le nombre d’annuités nécessaires à l’acquisition d’une retraite à taux plein (quarante-trois). Rappelons que l’âge moyen de départ à la retraite est actuellement de 62,9 ans pour le régime général. En fait, ces mesures d’âge, étalées dans le temps, ne bouleverseront pas fondamentalement la situation actuelle.

Caractère social

Surtout, cette réforme ne possède pas suffisamment d’éléments systémiques, sur la retraite minimum, sur la pénibilité et sur la prise en compte des carrières longues. Une réforme des retraites réussie, nous en sommes convaincus, doit avoir un caractère social, car son acceptabilité est en fait conditionnée par de nombreux déterminants de nature sociologique et économique, au-delà de l’équation financière.

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Heureusement, rien n’est encore perdu, car, d’une part, un débat parlementaire aura lieu, et, d’autre part, il est possible de redonner au projet une véritable ambition.

Par rapport aux autres pays européens, le vrai problème ne porte pas sur l’âge de départ réel à la retraite, mais sur le taux d’emploi, nous l’avons souligné depuis plusieurs mois. Rappelons l’incroyable faiblesse du taux d’emploi des seniors de 55 à 64 ans en France, 56 %, soit l’un des plus faibles d’Europe comparé à l’Allemagne (71 %) ou à la Suède (77 %). Si nous avions ce taux suédois, il y aurait environ 1,6 million de seniors de plus en emploi dans les entreprises et les administrations françaises pour créer des richesses supplémentaires, payer des impôts et des cotisations retraite, ce qui redonnerait de l’optimisme pour faire face aux nombreux défis qui assaillent notre pays.

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« La réforme des retraites générera d’importantes recettes sociales et fiscales si les entreprises jouent le jeu du maintien des “vieux” en activité »

Voici la France replongée dans le grand maelström des retraites après la présentation d’une nouvelle réforme, mardi 10 janvier, par la première ministre, Elisabeth Borne. A la « mère des réformes » répondra la « mère des batailles ». Elle débutera jeudi 19 janvier par une journée nationale d’action, à l’appel des syndicats coalisés contre le report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, mesure-clé d’un énième plan qui en appellera d’autres au plus tard après 2030.

Il fut un temps où retraite rimait avec progrès social. C’était en 1981, quand la gauche instaura cet âge pivot à 60 ans. Elle revenait sur le programme du Conseil national de la Résistance lui-même, qui l’avait fixé à 65 ans – l’espérance de vie moyenne des hommes en 1945 ! C’est « une aspiration sociale ancienne qui n’a pas reçu jusqu’à présent une réponse satisfaisante » et « un véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer », plaidait l’ordonnance du 26 mars 1982, avec des accents lyriques fleurant bon le Front populaire.

Tant pis si la réforme ignorait la loi d’airain du vieillissement de la population et de l’allongement de la période de retraite. L’espérance de vie était alors de 70,7 ans pour un homme et de 78,9 ans pour une femme ; l’un et l’autre ont gagné neuf et six ans depuis. On comptait 2,8 cotisants pour 1 retraité ; le ratio tombera à 1,5 en 2040 et 1,2 en 2070. Cela ne condamne pas le système, supportable à l’horizon 2070, pour peu que la France accepte de ne plus être, avec l’Italie, le pays européen le plus généreux pour ses retraités.

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« Paramètre injuste »

L’illusion lyrique de 1981 dissipée, l’idéal du temps libéré s’est brisé sur les réalités démographiques et financières. Dès 1991, Michel Rocard défend déjà dans son Livre blanc un allongement de la durée de cotisations – sans violer le tabou des 60 ans. Depuis 1993, les réformes n’ont été que du sang et des larmes : indexation des pensions sur l’inflation et non plus sur les salaires, calcul sur les vingt-cinq meilleures années au lieu de dix dans le privé, âge de départ fixé à 62 ans, durée de cotisation portée de 37,5 ans à 43 ans pour une retraite complète… A bas bruit, mais à coups de mesures douloureuses, patronat et syndicats ont aussi maintenu à flot les régimes complémentaires Agirc-Arrco.

Jamais la gauche, aujourd’hui si critique, n’est revenue sur ces réformes. Sans elles, la répartition aurait implosé. Emmanuel Macron a mis ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, après avoir tenté la réforme disruptive d’un régime universel à points plus souple et sans âge couperet pour cesser son activité, mais avec une « règle d’or » d’équilibre financier. La réforme augmentera le taux d’activité des 60-64 ans, un des plus bas d’Europe ; elle générera d’importantes recettes sociales et fiscales, à condition que les entreprises jouent le jeu du maintien des « vieux » en activité. Faute de quoi le « plan Borne » ne fera que gonfler le nombre des seniors sans emploi ni retraite.

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Au Tréport, les espoirs suscités par la probable implantation de nouveaux réacteurs à la centrale nucléaire de Penly

Le bâtiment abritant le projet de réacteur nucléaire de troisième génération EPR de Flamanville, en Normandie, le 14 juin 2022.

Il est 18 h 30 lorsque le public commence à affluer. Ce jeudi soir de décembre 2022, au Tréport (Seine-Maritime), la salle vitrée Serge-Reggiani n’accueille ni concert ni pièce de théâtre, mais l’un des débats publics sur l’avenir du nucléaire dans la région. Très concernée, la Normandie compte déjà huit réacteurs. Elle pourrait, si le Parlement le décide, en accueillir deux autres, à la centrale de Penly, à une quinzaine de kilomètres de là.

« On parle de 8 000 à 10 000 emplois, explique Peggy, syndicaliste, mais tout cela reste très flou. » « On aimerait savoir si cela va concerner les Hauts-de-France, s’interroge une voisine venue de la sous-préfecture d’Abbeville, dans la Somme. Après tout, on est juste à côté. »

A l’intérieur de la salle, une centaine de personnes ont pris place. Principalement des salariés d’EDF et de RTE, des élus locaux, des acteurs de la vie économique et des syndicalistes. « Toutes les opinions peuvent être exprimées, rappelle un des coordinateurs, mais seuls les discours argumentés comptent. Si on siffle, si on applaudit, cela ne va pas peser ni nourrir le débat parlementaire. »

Le maire du Tréport annonce d’emblée la couleur : « Les nouveaux EPR, j’y suis favorable », commence Laurent Jacques. « C’est l’antithèse du parc éolien en mer que l’on veut nous imposer », expose-t-il, taclant le projet au large de Dieppe-Le Tréport, qui doit démarrer en 2024. « C’est une énergie décarbonée, fiable, locale qui, elle, offre la perspective de ne pas détruire les emplois de nos amis pêcheurs », s’exclame-t-il auprès d’une audience plutôt acquise.

Temps de discussion

Antoine Ménager, directeur chez EDF du débat public EPR 2, enchaîne, lui, sur les promesses d’emplois du projet. « Ce sera 8 000 emplois au pic du chantier », soutient-il, et « 30 000 au niveau national dans la phase de déploiement de ces six EPR2 ». L’assistance écoute religieusement. Et veut y croire. « La balle n’est pas seulement dans le camp de l’opérateur, mais dans celle du territoire », souligne Jean-Luc Léger, président du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de Normandie, qui évoque aussi les familles de ces futurs employés qui auront des besoins scolaires, de santé, d’infrastructures.

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Un temps de discussion en groupe est ensuite demandé, avec un médiateur, pour rassembler questions et remarques de chacun. Un participant s’en étonne : « Tout cela, c’est du temps de moins pour le vrai débat, souffle-t-il, à voix basse. A Petit-Caux, la fois précédente, c’était organisé sous forme d’assemblée, il y avait plus de résistance, sur la question des déchets, sur l’impact des travaux de terrassement qui vont obliger à rogner la falaise. » En petit comité, la parole se libère un peu, sans que des oppositions surgissent toutefois réellement.

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Réforme des retraites : ces quinquagénaires qui n’arrivent pas à s’imaginer travailler jusqu’à 64 ans

Le couperet est tombé, et l’horizon s’est éloigné. Le projet de loi de réforme des retraites, dévoilé mardi 10 janvier par la première ministre, Elisabeth Borne, prévoit notamment le report progressif de l’âge légal de départ à partir du 1er septembre : il sera fixé à 63 ans et trois mois en 2027, puis à 64 ans en 2030, au lieu de 62 ans actuellement.

Cette mesure sera couplée à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation prévu par la loi Touraine de 2014. Ainsi, il faudra avoir travaillé quarante-trois ans dès la génération née en 1965, et non plus en 1973, pour être éligible à une pension à taux plein.

L’exécutif, qui envisageait un report à 65 ans pour sa réforme-phare, a donc mis de l’eau dans son vin. Mais, pour la majorité des quelque 130 quinquagénaires qui ont répondu à l’appel à témoignages du Monde, c’est la douche froide. La vie d’après qu’ils commençaient à préparer – la maison en bord de mer loin de Paris, les après-midi avec les petits-enfants, l’atelier de maquettes, le club de lecture, les projets de voyage… – devra attendre un peu plus.

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« Concrètement, pour moi, ça veut dire neuf mois de travail supplémentaires, donc une année scolaire en plus », résume Catherine Lenoir, 60 ans, enseignante en lycée professionnel à Sevran (Seine-Saint-Denis), qui se dit « écœurée » et « complètement ébranlée ». Professeure en prévention santé environnement, elle devait s’arrêter à 62 ans. Ce sera finalement à 63 ans. « Moralement, apprendre ça à deux ans de la retraite, c’est dur », soupire-t-elle. Comme toutes les personnes interrogées, Catherine Lenoir trouve « injuste » le fait de « changer les règles de la course à quelques kilomètres de la ligne d’arrivée ».

« Coup de bambou »

D’autres évoquent « un violent coup de bambou », « une décision insupportable », ou encore le franchissement d’« une ligne rouge » qui les met « en rogne ». Pour beaucoup, si la pilule est aussi difficile à avaler, c’est parce qu’elle s’accompagne du sentiment d’être privé d’une ou deux précieuses années où l’on est encore suffisamment en forme pour profiter de la vie.

« Certes, l’espérance de vie augmente. Mais, contrairement à ce qu’avance le gouvernement, on ne vit pas plus vieux en meilleure santé. Reculer l’âge de la retraite, si c’est pour passer du boulot à l’Ehpad, c’est non », assène Caroline Alarcon, 58 ans, employée de banque en Ile-de-France. Depuis 1950, les Français ont effectivement gagné une quinzaine d’années d’espérance de vie (une progression qui cache des inégalités de genre et entre les catégories socioprofessionnelles). Mais vivre plus longtemps ne signifie pas forcément vivre mieux : 23 % des Français souffraient d’une limitation physique lors de leur première année de retraite en 2018, selon le ministère de la santé. Les plus touchés sont les ouvriers : 34 % sont contraints dans les activités de la vie quotidienne dès le premier jour de leur retraite.

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Liquidation de Place du Marché (ex-Toupargel) : « On va se battre avec ce qui nous reste »

Des employés de l’enseigne Place du Marché devant le tribunal de commerce de Lyon, le 11 janvier 2023.

En l’absence de repreneur, les salariés ne se faisaient guère d’illusion. Comme ils le redoutaient, le tribunal de commerce de Lyon a décidé vendredi 13 janvier de la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise Place du Marché (ex-Toupargel) et de ses sociétés sœurs Touparlog et Eismann, entraînant le licenciement économique de 1 900 personnes au total. Soit l’un des plans sociaux les plus importants de ces dernières années.

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Plusieurs centaines de salariés de l’entreprise de distribution de produits frais et surgelés à domicile avaient traversé la France pour manifester devant le tribunal le jour de l’audience, mercredi. De façon inattendue, le jugement avait alors été mis en délibéré quarante-huit heures, créant l’attente de mesures compensatrices de dernière minute. En vain : à ce jour, faute de fonds disponibles, les salariés ne partiront qu’avec le minimum légal.

« C’est une liquidation sèche. Ces deux jours n’ont servi qu’à temporiser la colère des salariés, il n’y a rien de plus, résume, dépité, Wafaa Kohily, secrétaire du CSE (CGT). Mais on va continuer la mobilisation pour exiger une prime supralégale et de meilleures conditions d’accompagnement et de protection des salariés », a-t-elle ajouté, déplorant qu’à ce jour « très peu d’élus aient manifesté leur soutien ».

Blocage des entrepôts

Triste épilogue de la success story Toupargel, qui avait connu son succès dès les années 1980, notamment en milieu rural, grâce au démarchage par téléphone. Mais l’entreprise avait manqué le virage d’Internet, et échoué, au cours des années 2010, à renouveler une clientèle vieillissante.

Placée en redressement judiciaire il y a trois ans, elle avait alors été reprise à la barre du tribunal par la société Agihold, des frères Léo et Patrick Bahadourian, cofondateurs et actionnaires de l’enseigne Grand Frais, et 90e fortune française selon le dernier classement du magazine Challenges. Et rebaptisée « Place du Marché ». Sans qu’ils parviennent à redresser la barre.

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L’entreprise est liquidée moins de trois mois après son placement sous procédure de sauvegarde. La liquidation s’est imposée car « l’unique candidat repreneur, la société holding Tazita, s’est désisté de son offre de reprise par courriel du 28 décembre » 2022 et que « la société Place du Marché ne sera pas en mesure de poursuivre son activité sans engendrer de nouvelles dettes », observe le jugement, dont Le Monde a obtenu une copie.

Place du Marché compte 110 agences réparties sur tout le territoire et trois plates-formes de préparation de commandes à Argentan (Orne), à Montauban, et à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

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Paul Midy : « La féminisation comme l’inclusion des diversités dans la “French Tech” est un enjeu systémique »

En politique, l’année 2022 a été marquée par l’arrivée de femmes aux postes les plus importants de notre République : nous avons désormais une première ministre et une présidente de l’Assemblée nationale.

Pour 2023, il faut espérer que cet élan s’amplifie et essaime dans tous les secteurs de la société, et notamment dans le numérique.

Pour 2023, tout le monde fait bien sûr le vœu que la « French Tech » continue à croître, à lever des fonds, créer de l’emploi et innover, malgré les vents contraires. Mais nous ferions une erreur si nous nous focalisions uniquement sur les enjeux purement économiques en passant à côté des enjeux structurels. Oui, 2023 doit être une année pour avancer enfin sur les enjeux de féminisation et de diversité.

Innover mieux que tous les autres

Les rapports récents sont alarmants. Engagé pour la féminisation de l’économie numérique, le collectif Sista [de femmes entrepreneuses et investisseuses qui promeut plus de diversité] soulignait récemment que seules sept start-up sont dirigées par une femme dans la « French Tech 120 » et pire, aucune dans le « Next 40 », respectivement les classements des 120 et des 40 premières start-up françaises : c’est pire que le CAC 40 ! Les racines sont profondes : le numérique, ce sont 800 000 emplois en France, mais seulement 22 % de femmes.

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Diversidays, autre association dont il faut saluer l’action pour la diversité, nous donne un autre chiffre : 39 % des salariés de start-up déclarent avoir déjà été victimes d’une discrimination en tentant d’intégrer une jeune pousse. Nous pourrions aligner les statistiques les unes après les autres, elles vont toutes dans le même sens : un constat inimaginable à notre époque et parfaitement inacceptable. Les moyens publics colossaux mis au service du développement de la French Tech ne peuvent bénéficier qu’à une minorité d’entre nous.

Il y a bien sûr un enjeu social. On ne peut pas construire un secteur entier de l’économie avec si peu de femmes et si peu de diversité. Il y a bien sûr un enjeu économique. S’il y avait autant de femmes que d’hommes qui lançaient une start-up et qui étaient correctement financées pour cela, c’est simple, nous aurions presque deux fois plus de start-up dans notre pays et donc deux fois plus d’emplois créés.

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Mais il y a aussi un enjeu de vie ou de mort pour notre écosystème. Pour que nos start-up réussissent dans la compétition mondiale, nous ne devons pas simplement innover, nous devons innover mieux que tous les autres. Or innovation et diversité sont intimement liées. La diversité suscite l’échange et le partage, dont émergent les meilleures idées. Dans un secteur où l’on doit constamment innover pour réussir, la différence est une richesse inestimable.

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