La question de l’emploi des seniors est revenue sur le devant de la scène à l’annonce du projet de réforme des retraites du gouvernement, prévoyant le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Alors que le taux d’emploi des 55-64 ans est en France en deçà de la moyenne européenne, l’un des points de crispation des partenaires sociaux se concentre notamment autour de la mise en place d’un « index seniors » en entreprise. Ce dispositif doit permettre, à terme, d’inciter à employer plus de salariés plus âgés.
Tandis que le Mouvement des entreprises de France (Medef) s’y oppose frontalement, les syndicats de salariés jugent qu’il n’est en l’état pas suffisant. L’« index seniors » promet donc d’être au cœur du débat parlementaire qui doit commencer le 6 février. Voici ce que l’on sait de ce dispositif, tel qu’il a été dévoilé par le gouvernement et est détaillé dans le projet de loi qui doit être présenté lundi 23 janvier en conseil des ministres.
• Une publication d’indicateurs sur l’emploi des seniors
Construit à l’image de l’index « égalité professionnelle » mis en place depuis 2019, cet « index seniors » vise à obliger les entreprises employant au moins 300 personnes à publier chaque année des indicateurs de suivi relatifs à l’emploi des salariés seniors dans l’entreprise ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser cet emploi.
A terme, l’outil doit permettre de fournir des clés de lecture au gouvernement et aux entreprises pour améliorer l’emploi des seniors en France et en suivre la progression.
La liste des indicateurs, qui sera définie par décret « après concertation » du gouvernement avec les partenaires sociaux, pourra ensuite être « adaptée » selon les branches professionnelles, pour tenir compte des spécificités de terrain. « On ne peut pas demander le même effort sur le travail des seniors à une branche avec beaucoup de start-up ou une avec des activités plus traditionnelles », a fait valoir Olivier Dussopt, le ministre du travail, jeudi 19 janvier sur LCI.
• Une sanction financière en cas de manquement
Si le projet de loi est adopté en l’état et avant cet été, comme le souhaite le gouvernement, la publication de cet « index seniors » sera obligatoire à compter du 1er novembre 2023, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, et dès le 1er juillet 2024 pour celles comptant plus de 300 salariés.
Les employeurs qui ne se plient pas à cette obligation se verront imposer une sanction financière : ils devront verser une « contribution assise sur un pourcentage de la masse salariale », dans une limite fixée à 1 %, et dont le produit sera reversé à Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV).
A terme, les entreprises où l’emploi des seniors ne progresse pas feront l’objet d’une « obligation renforcée de négociation d’un accord social » afin d’améliorer la situation sur l’emploi des seniors en leur sein.
• Le Medef opposé « au principe » de cet index
La mesure présentée par le gouvernement est loin de faire l’unanimité chez les partenaires sociaux.
Il y a d’abord le Medef, syndicat patronale, qui soutient pourtant l’essentiel de la réforme des retraites, qui n’a de cesse de répéter son opposition « au principe de cet index ». « Nous craignons que l’outil proposé par le gouvernement soit durci pendant les débats au Parlement et impose de lourdes contraintes aux entreprises », dont de plus lourdes « sanctions financières », a fait savoir au Monde son président, Geoffroy Roux de Bézieux.
Ce dernier y voit aussi le risque d’une non-prise en compte des réalités de terrain, donnant ces derniers jours plusieurs fois l’exemple d’« une entreprise qui embauche beaucoup d’apprentis et voit donc mathématiquement son pourcentage de seniors se réduire », et qui serait « classée comme mauvaise » au regard d’un tel index.
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Les organisations syndicales salariales, toutes opposées à la réforme des retraites, estiment de leur côté que cet outil, sans être suivi de lourdes sanctions financières pour les entreprises, ne sera pas suivi d’effets réels pour améliorer l’emploi des seniors.
Selon Philippe Martinez, secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), « ce n’est pas un index qui va faire peur au patronat, qui, tous les ans, licencie des centaines, des milliers de salariés qui ont plus de 57 ou 58 ans ».
« Il y aura le constat [posé grâce au dispositif] et on fera quoi ? Nous, on va agir (…) dans les entreprises pour dire aux patrons : le taux d’emploi des seniors n’est pas bon, il faut l’augmenter. Mais il n’y a pas de sanctions », a pour sa part déploré le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Laurent Berger, dont le syndicat défendait sur le principe cet index.
« C’est un petit écran de fumée », alors que les entreprises sont « rodées depuis vingt ans à faire des charrettes de licenciements (…) à partir de 58 ans », a renchéri François Hommeril, à la tête de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC), le syndicat des cadres.
• Le gouvernement se dit prêt à voir évoluer le dispositif
Face à ces critiques, émanant également de l’opposition politique, le gouvernement ne ferme pas la porte à l’idée de voir évoluer le dispositif dans les prochaines semaines. Ce, au gré de la concertation avec les syndicats et des débats parlementaires sur la réforme des retraites, qui doivent commencer le 6 février à l’Assemblée nationale.
Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance, a affirmé en ce sens « ne pas avoir de tabou » en cas de « mauvais résultats » des entreprises sur l’emploi des seniors, mardi 17 janvier sur France 24-RFI. « S’il faut aller plus loin sur les contraintes sur les entreprises, [avec la mise en place d’un système] de bonus-malus, tout ça est ouvert à la discussion. En tant que parlementaires, on prendra nos responsabilités », a-t-elle abondé.
Le ministre du travail, Olivier Dussopt, a appuyé cet argumentaire, jeudi 19 janvier, sur LCI, arguant que la possible évolution de cet index « est un sujet qui va être posé dans le débat parlementaire » ces prochaines semaines. « Je sais que certains parlementaires vont vouloir aller plus loin [dans les sanctions], nous débattrons de ça avec eux », a-t-il ajouté.