Le 28 décembre 2006, la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) du Vaucluse reçoit la déclaration d’accident du travail de Thierry X, 43 ans, directeur d’une entreprise spécialisée dans la scierie et le négoce de bois.
Cette déclaration, remplie par une employée, et signée par le gérant, précise que le salarié – alors hospitalisé – est « tombé sur des bois givrés », lors de la visite d’un « chantier », qu’il s’est fracturé la jambe gauche, et que seul son fils, âgé de 16 ans, a été témoin des faits.
Pendant trois ans, M. X perçoit des indemnités journalières (40 074 euros). Il obtient ensuite qu’une rente (de 280 euros par mois) lui soit versée tous les trimestres jusqu’à sa mort. Las, le 24 novembre 2016, son épouse, en instance de divorce, le dénonce à la CPAM : la déclaration d’accident du travail était mensongère, M. X s’étant blessé pendant ses congés, écrit-elle.
Accident du travail : des indemnités partiellement défiscalisées
Le salarié victime d’un accident du travail perçoit les indemnités journalières de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) dès le lendemain de son arrêt de travail, et pendant toute la période de son incapacité (article L. 433-1 du code de la Sécurité sociale). Ces indemnités sont proportionnelles au salaire déclaré : 60 % pendant les vingt-huit premiers jours et 80 % dès le 29e jour (article R. 433-1 du code de la Sécurité sociale).
Les indemnités journalières, comme les rentes pour accident du travail, sont exonérées de CSG et de CRDS. Longtemps, elles n’ont pas été assujetties à l’impôt sur le revenu. Depuis le 1er janvier 2010, elles le sont pour 50 % de leur montant (article 81-8° du code général des impôts).
Les pensions d’invalidité versées à la suite d’accidents de la vie sont, quant à elles, imposables et assujetties aux cotisations CSG et CRDS. Elles peuvent être révisées, suspendues ou supprimées à tout moment, en fonction de l’amélioration de l’état de santé ou de la reprise d’une activité professionnelle. Alors que la rente d’accident du travail, non révisable, est versée la vie durant.
Martine X, ensuite entendue par un agent assermenté de la CPAM, explique que, dix ans plus tôt, son époux a fait une chute dans les bois, lors d’une partie de chasse. Leur fils a alors prévenu un voisin, qui a alerté les pompiers – dont le rapport comporte la mention « chute dans les bois à la chasse ». La fausse déclaration aurait été remplie par la sœur de Thierry X (pourtant licenciée de l’entreprise), puis signée par feu le gérant, alors âgé de 81 ans.
Mme X assure avoir récemment découvert, en recherchant un document pour le divorce, que l’événement avait été maquillé en accident du travail. Elle nie avoir profité de l’argent indûment versé, le couple ayant eu des comptes séparés.
Double plainte
La CPAM décide de porter plainte pour fraude, bien que l’infraction ait été commise dix ans plus tôt et que la prescription de l’action publique contre les délits soit de trois ans. Son avocat, Me Stéphane Ceccaldi, soutient en effet que l’escroquerie se prescrit à compter de « la dernière remise de fonds » par « la victime ». Or, le dernier versement de la CPAM est récent, puisque M. X dispose d’une rente à vie.
Le procureur de la République ouvre une enquête préliminaire, qui ne mobilise guère les gendarmes. Ils ne parviennent pas à savoir si l’entreprise était fermée ou pas le jour des faits. M. X déclarant s’être rendu sur les « superficies boisées » de son ex-belle-mère, afin de les mesurer, à la demande de celle-ci, désireuse de les vendre, l’affaire est classée sans suite, le 22 novembre 2018.
Il faut une seconde plainte de la CPAM pour que l’enquête soit relancée. Le voisin et un pompier confirment que Thierry X était vêtu d’un treillis de chasse et qu’il avait son fusil, lors de sa chute. La belle-mère conteste avoir voulu vendre du bois à l’entreprise. Elle précise qu’au lieu de l’accident, il n’y a que des vignes.
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La première ministre Elisabeth Borne a annoncé mardi 3 janvier revenir sur une partie du projet de décret sur la réforme de l’assurance-chômage, qui imposait un nouveau durcissement des règles.
Transmis le 23 décembre aux partenaires sociaux, le texte prévoyait un nouveau scénario, consistant à réduire de 40 % la durée d’indemnisation lorsque le taux de chômage passe sous la barre des 6 % de la population active. Il avait provoqué la colère des syndicats.
« J’entends que ce point n’a peut être pas suffisamment fait l’objet de discussions, donc nous allons retirer ce troisième niveau du décret qui entrera en vigueur au 1ᵉʳ février », a expliqué la cheffe du gouvernement sur Franceinfo. « Nous remettrons ce sujet dans la concertation sur les futures règles de l’assurance-chômage. »
Le Monde
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A une semaine de la présentation de la réforme des retraites, le projet-phare du second mandat d’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne, la première ministre, doit recevoir, mardi 3 et mercredi 4 janvier, les partenaires sociaux pour les derniers entretiens concernant cette réforme controversée, à laquelle s’oppose une majorité de Français, dans le contexte inflammable d’un pouvoir d’achat rogné par l’inflation.
Le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, défendu par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, « n’est pas un totem », a affirmé, mardi, la première ministre sur Franceinfo. « Je le redis, il y a d’autres solutions qui peuvent permettre aussi d’atteindre notre objectif d’équilibre de notre système de retraite à l’horizon 2030. »
« Nous n’irons pas au-delà des quarante-trois années de cotisation qui sont prévues dans la réforme Touraine pour avoir une retraite à taux plein (…). Personne ne devra travailler 47 ou 48 ans », a expliqué Elisabeth Borne.Elle a également exclu toute augmentation des cotisations salariales ou patronales. « Il y a clairement une ligne rouge pour nous : ne pas augmenter le coût du travail. »
La CFDT « déterminée » à appeler « les salariés à se mobiliser »
« La CFDT se mobilisera » en cas de relèvement à 64 ou 65 ans de l’âge légal de départ à la retraite, a prévenu mardi le secrétaire général du premier syndicat français, Laurent Berger, à la sortie de son rendez-vous à Matignon. « On ressort déterminés à ne pas laisser passer une réforme qui va d’abord impacter les plus modestes », a souligné M. Berger, premier reçu par la première ministre.
La « CFDT ne sort pas en disant “on a fait plier la Première ministre” », a dit Laurent Berger après son entrevue avec elle. « Je le dis ici et je l’ai dit à la première ministre : s’il y a un report de l’âge légal de départ en retraite à 64 ou 65 ans, la CFDT se mobilisera pour contester cette réforme », a martelé devant la presse le numéro un de la centrale réformiste.
Le responsable cédétiste a aussi déploré n’avoir « pas eu beaucoup d’éclaircissements » sur d’autres points de la réforme, comme l’emploi des seniors, les carrières longues, la pénibilité et le minimum contributif. Voyant les rencontres bilatérales avec les partenaires sociaux comme un « dernier tour de piste » avant la présentation de la réforme prévue pour le 10 janvier, Laurent Berger s’est dit « déterminé » à appeler « les salariés à se mobiliser » dans la rue, en lien avec les autres syndicats.
Reçus à sa suite, le président de la CFE-CGC, François Hommeril, et le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, ont affiché la même détermination, dénonçant pour l’un une réforme « pas justifiée » et « injuste » pour certains, promettant pour l’autre une mobilisation « importante ». Elisabeth Borne « est en situation de quelqu’un qui vous vend une voiture sans moteur, quand vous lui faites remarquer qu’il n’y a pas de moteur dans la voiture elle vous dit “oui, mais j’ai mis les sièges en cuir” », a imagé le premier.
A contre-courant, le président de la Confédération des PME (CPME), François Asselin, a salué un projet de réforme des retraites « équilibré », à partir du moment où parallèlement au relèvement de l’âge du départ en retraite « on prend en compte les carrières longues, on prend en compte les métiers qui physiquement sont plus exposés que d’autres ». « La CPME, au moment où je vous parle, est plutôt favorable au projet porté par le gouvernement », a encore dit le président de la CPME.
La première ministre sous le feu des critiques
L’ensemble des syndicats et l’essentiel des oppositions contestent le projet de l’exécutif de reporter progressivement l’âge de départ de 62 à 65 ans, ou à 64 ans avec un allongement de la durée de cotisation.
La députée de La France insoumise (LFI) Clémentine Autain considère les propos de Mme Borne comme une « tentative d’enfumage » : « Le départ à 65 ans n’est pas un totem selon Elisabeth Borne. Pour mieux faire avaler un départ à 64-63 ans avec le soutien des LR [Les Républicains] ? Ils avaient fait la même diversion en 2019 en retirant l’âge pivot. Pour nous et la majorité des Français, c’est NON », a-t-elle tweeté. « C’est non » aussi pour le chef des députés socialistes à l’Assemblée, Boris Vallaud, pour qui c’est une « question de justice sociale ».
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Quant à la volonté de Mme Borne de consulter encore mardi et mercredi les partenaires sociaux, et parallèlement cette semaine les responsables des groupes parlementaires favorables à la réforme, dont celui, pivot, des Républicains, elle a été moquée sur Twitter par Manuel Bompard, coordinateur de LFI. « Elle croit tellement au travail parlementaire qu’elle a déjà 10 49.3 à son actif. Quelle mascarade ! »« Mme Borne fait l’éloge du dialogue et de la concertation. C’est beau. Question simple : s’engage-t-elle à ne pas recourir au 49.3 sur sa réforme des retraites ? Oui ou non ? », a, de son côté, observé le communiste Ian Brossat.
La réforme des retraites sera présentée le 23 janvier en conseil des ministres puis examinée à l’Assemblée nationale au début de février, a également précisé la cheffe du gouvernement, ajoutant que l’objectif était « une entrée en vigueur à la fin de cet été ». Cette réforme sera dévoilée publiquement le 10 janvier.
« Cette année sera celle d’une réforme des retraites »
Interrogée sur la place des seniors en entreprise, la première ministre a assuré que l’objectif du gouvernement était « que leur situation soit mieux prise en compte – qu’on se préoccupe davantage de les maintenir dans l’emploi ». « Je ne peux pas me satisfaire d’avoir des entreprises, souvent des grandes entreprises, qui font partir les seniors (…) avec l’idée que la personne pourra être au chômage pendant trois ans avant de prendre sa retraite (…). Ces pratiques-là doivent évoluer », a-t-elle martelé.
Le président de la République a évoqué un « allongement [des] carrières de travail progressif » sur « près de dix ans ». La réforme tiendra compte « des carrières longues, des carrières hachées, de la difficulté de certaines tâches », elle permettra d’« équilibrer le financement » du système et d’« améliorer la retraite minimale », a-t-il fait valoir. L’exécutif espère au moins, grâce aux mesures sur la pénibilité, une « absence d’opposition frontale » de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), explique un conseiller.
Pour la première fois depuis douze ans et la réforme Woerth (qui avait relevé l’âge légal de 60 à 62 ans) tous les syndicats sont prêts à se mobiliser ensemble contre la réforme annoncée. Y compris la CFDT donc, sur une ligne plus ferme depuis son dernier congrès contre toute « mesure d’âge ».
C’est par la mobilisation « dans la rue » qu’il sera possible de « faire reculer » la réforme des retraites, a prévenu lundi la nouvelle patronne d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Marine Tondelier. « Ça va chauffer en janvier », a prédit samedi le fondateur de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
Réformer les retraites en France « est toujours très compliqué », de surcroît dans un climat « marqué par de fortes tensions sur le pouvoir d’achat » et les salaires, insiste Jérôme Fourquet, directeur opinion à l’IFOP. Un exercice d’autant plus délicat au moment où le gouvernement présente d’autres textes contestés, notamment sur l’immigration et les énergies renouvelables.
Analyse. C’est un mal français déclaré de longue date, dont les symptômes réapparaissent en pleine lumière chaque fois qu’une réforme des retraites est inscrite à l’ordre du jour. Convaincu de la nécessité de « travailler plus longtemps », Emmanuel Macron veut repousser à 64 ou 65 ans l’âge d’ouverture des droits à une pension. Mais encore faut-il que les femmes et les hommes soient capables d’exercer une activité jusqu’à ce moment de leur existence. Un enjeu central dans le projet qui doit être dévoilé, mardi 10 janvier, par le gouvernement.
Les statistiques montrent que notre pays fait figure de contre-modèle. Fin 2021, la proportion des 55-64 ans qui occupaient un poste s’élevait à 56 %, soit trois points au-dessous de la moyenne de l’Union européenne. L’écart était encore plus marqué s’agissant des 60-64 ans, avec un taux d’emploi de 33,1 % en France alors que ce ratio dépassait 60 % en Allemagne et culminait à 69 % en Suède.
Les plus de 55 ans sont moins concernés par le chômage que l’ensemble des actifs (6 % contre 7,4 %), mais ceux qui se situent dans cette tranche d’âge et qui cherchent du travail ont beaucoup plus de peine à en retrouver un que les autres. En outre, de nombreux individus quittent le marché de l’emploi, une fois franchi le cap de la soixantaine, mais doivent patienter de longs mois avant de pouvoir réclamer le versement de leur pension : dans l’intervalle, l’Etat-providence les prend en charge.
Un « index senior »
La France reste sous l’influence d’une « culture de la sortie précoce » du monde du travail, pour reprendre une notion chère à la sociologue Anne-Marie Guillemard. Les causes de ce phénomène ont été documentées dans une multitude d’ouvrages savants et de rapports officiels : discriminations à l’encontre d’une main-d’œuvre jugée trop coûteuse et pas assez productive, manque d’ambition dans les politiques visant à réduire la pénibilité de certains métiers – ce qui pousse des travailleurs vers l’inaptitude –, insuffisance des actions de formation destinées à prévenir les pertes de compétences chez les plus de 50 ans, pratiques managériales contribuant à évincer les salariés vieillissants pour réduire les effectifs des entreprises, etc.
D’après les données fournies par l’administration, l’âge moyen de sortie du marché du travail était de 62,3 ans en 2019 dans notre pays (contre environ 64 ans et demi en Allemagne et 65 en Suède). Ce chiffre a augmenté au cours de la décennie écoulée, du fait – en grande partie – de la réforme de 2010, qui avait porté l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Mais ce changement de paramètre a aussi eu pour conséquence d’augmenter « les proportions de personnes au chômage, en invalidité, en congé maladie ou en inactivité », rappelle l’économiste Hippolyte d’Albis, dans Les Seniors et l’emploi (Presses de Sciences Po, 132 pages, 9 euros). Le risque est donc grand qu’il y ait de nouveau des sexagénaires laissés-pour-compte si les parcours professionnels devaient s’allonger.
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Gouvernance. Le statut de victime a acquis une telle aura dans l’opinion des sociétés occidentales qu’il donne à ceux qui prennent la parole en son nom un puissant moyen de pression sur la gouvernance des institutions. Loin d’être purement moral, le phénomène est un produit de la « sociétalisation », cette nouvelle manière de réguler les conduites en les soumettant aux injonctions de la société civile.
Le mouvement #metoo est un bon exemple du mécanisme. Considérés longtemps comme une expression « normale » de la différence de statut symbolique et pratique entre les hommes et les femmes, les comportements sexistes ont été dénoncés comme des manifestations abusives de la violence masculine.
Une telle reformulation a été permise par ce que le philosophe américain John Dewey (1859-1952) a appelé la publicisation du sujet (Le Public et ses problèmes, 1927), c’est-à-dire par la prise de conscience par des femmes que les actes machistes dont elles étaient victimes dépassaient les vécus personnels et concernaient toute la société. Ils banalisent en effet des rapports de domination qui structurent une manière intolérable de vivre ensemble.
Une compétence exceptionnelle
Depuis une décennie et parallèlement à #metoo, des groupes de paroleont « publicisé » de nombreux sujets : harcèlements physiques et moraux, abus d’autorité, manipulations psychologiques, violences sexuelles ou conjugales, mépris des minorités et discriminations de toutes formes.
Selon une même démarche, des actes individuels sont rendus publics pour dénoncer le système institutionnel qui invisibilise les abus. La prise de parole à partir de cas privés n’a pas vocation de « rompre le silence », comme on le dit souvent, mais, au contraire, de mettre des mots communs sur des comportements qui étaient jusqu’alors inexprimés parce qu’ils étaient négligés.
Fait politique nouveau, la publicisation renverse aussi la logique classique démontrée par René Girard (1923-2015) notamment (La Violence et le sacré, 1972), qui fait de la victime le bouc émissaire passif de la violence publique. Au contraire, elle procure aux victimes une compétence exceptionnelle qui les autorise à énoncer publiquement une parole d’autorité. D’où la multiplication de discours victimaires et l’extension toujours plus large du périmètre des victimes, incluant désormais celles du réchauffement climatique, des animaux menacés par la chute de la biodiversité, des forêts ou de la Terre elle-même, victime ultime de l’activité humaine.
Un climat trop instable
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La question n’est pas de savoir s’il manquera des enseignants recrutés sur concours à la rentrée prochaine, mais combien. Les chiffres des inscriptions à la session 2023 ne laissent, en effet, pas de place au doute : en dépit des deux semaines de délai supplémentaires accordées aux candidats pour se manifester, le nombre de dossiers déposés n’est que très légèrement plus élevé qu’en 2022, où plus de 4 000 postes (20 %) n’ont pu être pourvus à l’issue des épreuves.
Dans le premier degré, ils sont 9 % de plus qu’en 2022 mais toujours 38 % de moins qu’en 2021. Dans le second degré, c’est 4 % de plus, mais il manque toujours 18,5 % d’inscrits par rapport à 2021. Un léger regain des inscriptions ne présage pas forcément d’une amélioration des candidatures effectives : les présents le jour des épreuves sont, habituellement, deux à trois fois moins que les inscrits. Leur nombre sera d’autant plus scruté cette année que, selon les précisions du ministère de l’éducation nationale au Monde, 20 % des inscriptions ont eu lieu lors des deux semaines de prolongation.
La crise aiguë de 2022, consécutive à la réforme exigeant un master 2 au lieu d’un master 1 pour passer les concours, n’était donc pas due à la seule année de mise en œuvre de la réforme et s’enracine dans la durée. « On voit depuis plusieurs années que la dégradation de l’attractivité du métier et des concours est une tendance lourde, et non un phénomène conjoncturel », estime le sociologue Pierre Périer, auteur d’un rapport sur le sujet, en 2016. Si la « première mastérisation » de 2011 a été à l’origine d’un effondrement des candidatures, l’érosion avait cependant commencé avant, dès 2004, et n’a jamais été rattrapée. Malgré la reprise des années 2013-2018, les candidats sont restés de 30 % à 40 % moins nombreux que dans les années 2000.
Les concours du second degré ne font plus le plein depuis dix ans, et le problème touche désormais aussi ceux du premier degré dans certaines académies, notamment Créteil et Versailles.
Quantitativement, la situation n’est cependant pas inédite. Lors des années 1980-1990, par exemple, les concours peinent à attirer alors que la hausse vertigineuse du nombre d’élèves entraîne la multiplication par plus de deux du nombre de postes aux concours du second degré entre 1986 et 1993. Résultat, de 20 % à 30 % des postes restent vacants pendant plusieurs années.
Mais les tensions actuelles ne résultent pas, comme alors, d’une importante augmentation des besoins et certains chiffres ont de quoi alarmer. Jamais, depuis la fin des années 1960, le nombre de présents au capes n’a été aussi bas qu’en 2022. Le taux de sélectivité des concours n’a presque jamais été aussi faible non plus : moins de deux candidats par poste dans plusieurs académies et disciplines. A Créteil et Versailles, il y avait même moins d’un candidat pour un poste de professeur des écoles.
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Derrière l’appel à l’unité de la nation, antidote supposé face aux soubresauts de l’époque, un mot a rythmé les vœux d’Emmanuel Macron, samedi 31 décembre 2022. Dix-sept fois, le président de la République a utilisé le terme « travail » ou sa déclinaison « travailler ». « Il nous faut travailler davantage », a ainsi insisté le chef de l’Etat au moment de se féliciter de la réforme de l’assurance-chômage ou de rappeler l’absolue nécessité, selon lui, de la réforme des retraites. Un champ lexical décliné de multiples façons, avec un leitmotiv : la France sera transformée « par notre travail et notre engagement ». A huit reprises, M. Macron a utilisé cette expression pour lister ses ambitions : « refonder une France plus forte », « refonder les services publics », « bâtir une société plus juste », réindustrialiser le pays, « augmenter les moyens des forces de sécurité intérieures »… Selon l’Elysée, la réussite de ce second quinquennat sera déterminée par la question du travail.
Cette rhétorique n’a pas été choisie au hasard. Omniprésente lors de la campagne présidentielle, elle a fait son retour dans l’expression macroniste depuis l’automne 2022, après un été consacré au pouvoir d’achat. « Je crois dans une France du travail et du mérite »,avait ainsi affirmé M. Macron, le 26 octobre, lors d’une émission diffusée sur France 2. Alors que beaucoup de parlementaires de la majorité s’interrogeaient en septembre sur le sens à donner à son second mandat et s’inquiétaient du flou présidentiel, la valeur travail est apparue comme un axe possible.
Lors de plusieurs réunions de la majorité à l’Assemblée nationale, mais aussi autour du secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, les responsables macronistes ont convenu d’en faire l’arc d’un second quinquennat qui cherche toujours son rythme et son récit. L’objectif est d’essayer de créer un lien entre les différentes réformes en cours ou à venir (assurance-chômage, retraites, réforme du lycée professionnel, etc.). Avec une ambition : le plein-emploi, c’est-à-dire moins de 5 % de chômage.
« Pour que la France puisse redevenir ou rester une puissance industrielle, c’est par le travail que l’on va s’en sortir collectivement, traduit Charles Rodwell, député (Renaissance) des Yvelines. Cela crée un arc entre les réformes, mais aussi avec le premier quinquennat, où l’on a créé 1,3 million d’emplois, où on a baissé les charges salariales et patronales, où on a réformé l’apprentissage. Il y a une cohérence et c’est vraiment l’identité d’Emmanuel Macron depuis le début. Sans oublier qu’il y a une vraie divergence idéologique entre la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale] et nous sur ce sujet. »
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Quand on veut, on peut. « Fatigué ? Dors plus tôt. Pas en forme ? Fais plus de sport. (…) Pas fait d’études ? Lis des livres. (…) Trop dur ? Essaie, échoue, apprends. Et recommence. » Voici, en une publication LinkedIn succincte, la mentalité qu’Anthony Bourbon, fondateur de la start-up Feed (qui propose des substituts de repas sous forme de poudres à diluer), vous recommande d’avoir pour réussir votre vie.
A l’heure des bonnes résolutions, c’est toujours l’intention qui compte. Comme notre entrepreneur au ton martial, vous pourrez choisir d’entrer en 2023 avec un mental d’acier, pour progresser dans votre carrière, développer votre intelligence et vos talents et faire progresser votre entreprise. Cela tombe bien, il existe encore une fois un concept pour désigner cette volonté : c’est l’état d’esprit, ou mentalité, de croissance, le « growth mindset ».
Il faut, comme souvent, se tourner vers la mine d’or du développement personnel pour trouver cette expression, ici dans un livre publié en 2006, Mindset. The New Psychology of Success (Osez réussir ! Changez d’état d’esprit en français), de la psychologue américaine Carol S. Dweck. Cette dernière l’a d’abord observé en étudiant l’attitude de jeunes élèves face à l’échec : plutôt que leurs capacités innées, c’est leur renoncement ou leur envie de se corriger qui détermine leur réussite future.
« Sortir de sa zone de confort »
Ainsi, la psychologue oppose le «growth mindset » au «fixed mindset » : ceux qui ont une « mentalité fixe » sont déterministes, pessimistes, et pensent que les choses sont ce qu’elles sont et ne changeront pas. Vous êtes un bon joueur de football fâché depuis toujours avec les maths ?Impossible que vous puissiez un jour résoudre un trinôme du second degré.
Ces individus « fixes » s’accommodent de leurs compétences et de leurs lacunes, et prennent personnellement toute critique, alors que la mentalité de croissance invite à entreprendre à l’échelle individuelle, pour se demander en permanence ce que l’on peut améliorer, dans sa vie professionnelle en particulier.
Le bon « mindset » est souvent recherché par les entreprises dans les offres d’emploi, de même que la capacité à « sortir de sa zone de confort » ou à penser « out of the box » (hors de la boîte) – une sorte d’équivalent contemporain de l’allégorie de la caverne de Platon.
Le « growth mindset » est d’ailleurs l’une des cinq « soft skills » (compétences comportementales) cardinales du service RH de Blablacar : « Share more. Learn more (partage plus, apprends plus). Ce premier “BlaBlaPrinciple” traduit sans doute combien l’apprentissage a toujours constitué pour moi un moteur, expliquait le fondateur Frédéric Mazzella à Décideurs Magazine.Si je n’apprends plus, je me fane. Pour une équipe, un tel “growth mindset” est gage de connexion avec le réel, de progression par rapport aux obstacles qui peuvent se dresser en chemin. En somme, fail, learn, succeed (échoue, apprends, réussis). »
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Analyse. Les conservateurs républicains ont remporté la bataille de l’avortement sur le plan juridique, la Cour suprême des Etats-Unis ayant supprimé ce droit fédéral à l’été 2022. Fort de cette victoire, ils mènent un nouveau combat : la lutte contre le « capitalisme woke », ce capitalisme « éveillé », censé prendre en compte les responsabilités sociétales de l’entreprise, qu’il s’agisse d’environnement, d’égalité femmes-hommes ou de non-discrimination.
La cause a trouvé son promoteur : Andy Puzder, candidat malheureux au poste de ministre du travail de Donald Trump et ex-PDG d’une chaîne de restauration rapide. A 72 ans, il cherche à reprendre le flambeau de Milton Friedman, le père du monétarisme, qui écrivait dans un article resté célèbre de 1970 : « La responsabilité sociale de l’entreprise, c’est d’augmenter ses profits. »
Dans un entretien au centre de réflexion The Heritage Foundation, M. Puzder pourfend les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises : « L’investissement ESG est négatif pour les bénéfices, c’est négatif pour les rendements des investisseurs. Ce n’est positif que si vous êtes l’un de ces croisés progressistes qui essaient de pousser ces sujets et de forcer les Américains à les ingurgiter sans passer par les urnes. »
Si Milton Friedman avait perdu la bataille depuis quinze ans, ce fut d’abord à cause de la fin de la « mondialisation heureuse » et de la crise de 2008 : le capitalisme avait failli et le laisser-faire n’était plus une option. Progressivement, la politique et les enjeux sociétaux se sont invités dans le monde de l’entreprise.
Retour de manivelle
Ce fut d’abord la prise de distance avec la National Rifle Association (NRA) qui faisait et défaisait les candidatures républicaines, alors que se multipliaient les tueries de masse. Ce fut ensuite le choc de #metoo, après les révélations sur le prédateur sexuel Harvey Weinstein, producteur de cinéma. Puis il y eut le mouvement déclenché par la mort de George Floyd, un Afro-Américain étouffé par un policier blanc de Minneapolis en mai 2020.
Depuis quelques mois s’est ajoutée à cette liste la prise de conscience des enjeux climatiques. L’entreprise américaine a été sommée de se positionner sur ces thématiques en adoptant un agenda progressiste, comme l’exigeaient ses jeunes salariés et une partie de plus en plus militante de ses interlocuteurs (clients, fournisseurs, etc.), prompts à brandir l’arme du boycott.
Les chiffres sont éloquents : au terme d’une période d’inscription rallongée pour permettre aux retardataires de se faire connaître, les concours de l’enseignement ont enregistré une baisse vertigineuse du nombre de candidats sur deux ans : – 38 % au concours de professeur des écoles 2023 par rapport à 2021 ; – 21 % au concours externe du Capes, par rapport à 2021. La précarisation du métier, avec le recours accru aux contractuels, a également défrayé la chronique à la rentrée scolaire, de même que les problèmes structurels de pouvoir d’achat, auxquels le gouvernement a promis de s’atteler en revalorisant les traitements – tout en excluant, a priori, les enseignants les plus expérimentés.
Malgré un « malaise enseignant » de plus en plus palpable, la plupart des professeurs choisissent de le rester, y compris après plusieurs décennies dans le métier. Comment garder le cap dans un système dégradé, avec des perspectives salariales peu reluisantes et un sentiment de reconnaissance en berne ? Le Monde a choisi de poser la question à des professeurs de tous âges, à tous les niveaux de scolarité.
De la maternelle au lycée, il en ressort une croyance viscérale dans la mission de l’école, un attachement très profond à la jeunesse, mais aussi de multiples stratégies individuelles pour « tenir ». Et en particulier un engagement qui va bien au-delà des heures dues : qu’il soit purement pédagogique, social, associatif, voire syndical, il permet aux enseignants que nous avons interrogés de garder le sentiment d’« avoir un impact ».
« Petites victoires du quotidien »
Lorsque l’on interroge les professeurs sur leur engagement et sur ce qui fait qu’il dure, le plus frappant est de sentir à quel point ils tiennent à leurs élèves. « La reconnaissance ne peut venir que d’eux, de l’échange avec eux et de nos petites victoires du quotidien », assure Rachid Biba, 44 ans, qui enseigne la conduite routière dans un lycée professionnel de Loire-Atlantique depuis 2006 et représente le syndicat Snetaa-FO dans son académie.
Dans une institution où certains trouvent que plus rien ne tourne rond, il restera toujours les enfants et les jeunes, leurs questionnements, leur vivacité et leur enthousiasme, parfois, devant les contenus enseignés. « Le contact avec la jeunesse donne l’impression de vieillir moins vite que les autres ! », s’amuse Lucie Bons, une enseignante de français de 48 ans responsable d’une classe pour élèves allophones sans scolarisation préalable (UPE2A-NSA) au sein d’un lycée professionnel. Lucie Bons s’est tournée vers ce dispositif, qui accueille une majorité de mineurs isolés, parce qu’elle avait l’impression de « ne plus faire avancer » ses élèves dans la filière professionnelle. « Quand vous avez devant vous des grands ados qui progressent très rapidement en français et sont encore, pour leur âge, complètement émerveillés par le contenu du cours, c’est très gratifiant », assure-t-elle.
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