Archive dans 2021

Emplois industriels et climat : concilier l’inconciliable

Une usine de recyclage de pièces métalliques, à Salaise-sur-Sanne (Isère), en septembre 2018.

« Fin de mois », contre « fin du monde ». Bientôt trois ans après la crise des « gilets jaunes » qui en avait révélé l’évidence, et à l’heure où le projet de loi Climat et résilience est en discussions au Sénat, l’opposition entre ces deux urgences génère incompréhensions et conflits locaux un peu partout sur le territoire.

Il y a ceux qui ont le sentiment de payer la transition énergétique au prix fort. « Pour 98 salariés de la centrale de Gardanne, elle se solde par du chômage. Avec les sous-traitants, c’est 1 000 familles qui seront dans la précarité, assène Nadir Hadjali, secrétaire adjoint de la CGT de la centrale thermique de Gazel Energie dans les Bouches-du-Rhône. Depuis deux ans et demi, ses salariés luttent avec acharnement contre la fermeture de leur outil de travail, Le président de la République Emmanuel Macron ayant promis la sortie du charbon pour 2022 dès sa campagne présidentielle. Depuis, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

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Pas de licenciements pour les agents de la centrale à charbon d’EDF du Havre (Seine-Maritime), fermée le 31 mars. Mais des mutations, des déménagements, et beaucoup d’amertume témoigne Frédéric Guérin, secrétaire général de la CGT du site. « On devait savoir des mois à l’avance où on serait reclassé, pour qu’on envisage l’avenir sereinement. Mais tout s’est fait dans la précipitation. Sur 150 agents, vingt-cinq ne savent toujours pas ce qu’ils vont devenir. »

A l’opposé, il y a ces fronts citoyens contre des industries jugées polluantes. Comme à Tarascon (Bouches-du-Rhône), contre l’usine de pâte à papier Fibre Excellence, classée Seveso. En redressement judiciaire, elle a reçu 9 millions d’euros d’aides publiques, quand la seule offre de reprise exige un moratoire de deux ans sur les investissements environnementaux. Mais l’entreprise, qui emploie 300 salariés, est l’unique débouché pour des milliers d’exploitants forestiers du Sud-Est.

Injonctions contradictoires

On manifestait aussi le 29 mai à Soissons, dans l’Aisne, contre le projet d’implantation d’une usine Rockwool, de laine de roche. Pour ses opposants, le site dégagera des émissions néfastes. Mais Rockwool, c’est la promesse de 130 emplois, peut-être plus à l’avenir. « Alors que le gouvernement parle de réindustrialiser la France, c’est une opportunité extraordinaire pour notre territoire, qui, en vingt ans, a perdu 46 % de ses emplois industriels », insiste Alain Crémont, président (Les Républicains, LR) de l’agglomération du Grand Soissons.

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Les contrats de professionnalisation en recul brutal en 2020

Des apprentis de l’Association pour la formation aux métiers de l’aérien, à Bonneuil-en-France (Val-d’Oise), le 27 janvier 2021.

« En 2020, nous avons recruté 5 100 alternants, dont 80 % en contrat d’apprentissage et 20 % en contrat de professionnalisation, contre respectivement 60 % et 40 % pour les 4 600 alternants de 2019 », explique Rachel Compain, directrice développement social et diversité du groupe Engie. A la SNCF, la dynamique est semblable : 25 % des alternants recrutés en 2020 étaient en professionnalisation, contre 57 % en 2019 et 64 % en 2018.

Ces exemples confirment les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiés lundi 7 juin : l’attractivité des contrats de professionnalisation s’est effondrée en 2020. Malgré les primes à l’embauche mises en place par le gouvernement pour lutter contre la crise économique, seuls 112 742 contrats pros ont été signés en 2020, soit une baisse d’environ 48 % par rapport à 2019 (218 700). La baisse, commencée en 2018, concerne toutes les régions métropolitaines, ainsi que tous les grands secteurs d’activité.

« Outil de réinsertion »

La formation par le biais d’un contrat de professionnalisation, qui relève de la formation continue, est fondée sur l’articulation entre un temps de formation théorique dans un établissement d’enseignement externe et une formation pratique en entreprise. « L’objectif du contrat, c’est de se qualifier, on pense que c’est le meilleur outil de réinsertion pour les personnes éloignées de l’emploi », estime Francis Lévy, secrétaire général de la Fédération française des groupements d’employeurs (GEIQ) pour l’insertion et la qualification), associations pilotées par des entreprises qui ont des difficultés de recrutement et embauchent souvent en contrat pro.

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Ce contrat s’adresse non seulement à des jeunes de 16 à 25 ans, mais aussi à des demandeurs d’emploi de 26 ans et plus et aux bénéficiaires de prestations sociales comme le RSA. D’après la Dares, 31,4 % des nouveaux signataires de contrats pros ont entre 26 et 44 ans, contre 24,1 % en 2019 : le recul des entrées en professionnalisation est concentré sur les moins de 30 ans, qui sont également éligibles à l’apprentissage.

« Le financement du contrat d’apprentissage est devenu généralement plus avantageux pour les organismes de formation que celui de professionnalisation », d’après un rapport de l’inspection générale des finances

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Egalité femmes-hommes : un nouvel art de vivre

Gouvernance. La loi Copé-Zimmerman de 2011, complétée en 2017 puis en 2020, a imposé la parité dans les conseils d’administration pour toutes les entreprises françaises de plus de 250 salariés. Celle du 11 mai 2021 votée en première lecture par l’Assemblée nationale poursuit cette poussée législative visant à établir une gouvernance d’entreprise paritaire qu’elle élargit à présent aux instances de direction.

Elle enjoint aux comités exécutifs des entreprises de plus de 1 000 salariés d’accueillir au moins 40 % de femmes en 2030, contre 22 % en moyenne aujourd’hui. Une composition des directions d’entreprise plus équilibrée marquera un indéniable progrès de la justice sociale, mais aussi de l’efficacité économique grâce à une représentation plus fidèle de la société dans les instances de décisions stratégiques.

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Se réjouir d’une telle évolution invite aussi à réfléchir aux conséquences qu’elle produira à moyen terme, notamment du fait du renouvellement qu’elle induira au sein des élites dirigeantes. On peut en repérer deux. Première conséquence, lorsque cette évolution sera achevée, les revendications sociales et salariales qui ont été occultées par l’urgence des luttes destinées à assurer l’égalité de pouvoir entre les hommes et les femmes seront réactivées.

La domination salariale

En effet, une meilleure représentation féminine dans les instances directoriales n’abolit pas les inégalités de conditions et de traitements dues aux différences de niveaux hiérarchiques dans les organisations elles-mêmes, que ce soit en termes de mesure, de reconnaissance ou de salaires. Même conduites par une direction mixte, les entreprises demeureront des structures pyramidales soumises à des tensions pour l’exercice de l’autorité ou la répartition des revenus.

Plus l’égalité des sexes entrera dans les mœurs et dans les pratiques, plus réapparaîtront les revendications des travailleurs subalternes, qu’ils soient femmes ou hommes, se sentant peu reconnus, déconsidérés ou mal payés par les femmes et les hommes composant l’élite. La question sociale du milieu du XXIe siècle, un temps focalisée sur le rapport de domination sexuée, tendra à se recentrer sur le rapport de domination salariale, comme elle l’était un siècle plus tôt.

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Une deuxième évolution envisageable concerne la manière dont les élites masculines vont devoir repenser leurs trajectoires professionnelles. Toutes choses égales par ailleurs, un jeune homme issu des meilleures écoles aura deux fois moins de chances qu’à l’heure actuelle d’accéder dans le futur à des postes de direction.

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« On fabrique, on vend, on se paie, Lip 1973 » : à Besançon, la lutte syndicale d’une vie

Livre. A lui seul, il est une légende ouvrière, la figure emblématique du combat de Lip, cette entreprise horlogère de Besançon qui occupa le devant de la scène sociale à partir de juin 1973. Face aux menaces de licenciements, les ouvrières et les ouvriers de l’usine remettent la production en marche, sans patron. Leur lutte devient le symbole d’une unique expérience d’autogestion en France, qui s’achèvera par une semi-victoire suivie de moult péripéties. A 92 ans, Charles Piaget, qui, selon sa formule, était rentré après et durant dix ans dans sa « coquille », prend la plume pour livrer son témoignage. Avec humilité et franchise, il raconte, sans utiliser à aucun moment le mot « autogestion », son épopée.

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Quarante-huit ans après, la fougue révolutionnaire de Charles Piaget est intacte. « Le salariat, écrit-il, n’est que la suite de l’esclavage et du servage. Il faut changer tout cela. Changer la société pour que chaque être humain soit producteur, à part entière ; citoyenne/citoyen à part entière. » Pour Piaget, la société de demain sera « celle d’une économie au service de toutes et tous ; une économie assurant des biens plus égalitaires ; une économie respectueuse de l’environnement et des êtres vivants ». Militant de la CFDT, il pratique l’unité d’action avec la CGT, mais le conflit va distendre les liens, surtout que Piaget ne veut pas laisser la conduite de la lutte aux syndicats et ne jure que par le « collectif ». Le syndicat, insiste-t-il, « doit pousser les salarié(e)s à se prendre en main, à diriger progressivement la lutte par eux-mêmes ».

« Laisse-nous respirer »

Pour faire plier le patron, Fred Lip, l’arme des salariés, c’est le comité d’action, « une sorte d’école de la revendication concrète et de la négociation » où tous sont « sur un pied d’égalité ». Si le conflit a consacré sa notoriété, Charles Piaget, à l’origine très croyant, ne la recherchait pas. Bien au contraire. « Tout leader, affirme-t-il, homme ou femme, est le signe d’un défaut de démocratie. » « Le leader ne vaut pas le collectif », martèle-t-il. Et il reconnaît ses contradictions : « Je voulais cette prise en charge totale de la lutte par les groupes autonomes de réflexion, de propositions et d’action. Mais, en même temps, je voulais néanmoins tout contrôler, vérifier, car j’étais toujours inquiet. Des Lip m’ont alors remis en place : “Tu parles d’autonomie et tu ne la respectes pas. Laisse-nous respirer.” » Il rappelle même l’épisode d’une négociation avec André Giraud, le ministre de l’industrie, où, s’étant éloigné de la « position commune », il se vit interdire de parole.

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Télétravail : quelles sont vos craintes concernant votre retour ? Comment préparez-vous votre rentrée au bureau ? Racontez-nous

Depuis la fin d’octobre 2020, le protocole national en entreprise prévoyait que pour les salariés qui pouvaient effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance, « le temps de travail effectué en télétravail était porté à 100 % ». Depuis janvier s’était ajoutée une « soupape » avec la possibilité de revenir un jour par semaine.

Depuis le 9 juin, l’assouplissement du télétravail amorce un retour à la normale pour les salariés. Le télétravail participe toujours de « la démarche de prévention » contre le Covid-19, mais n’est plus la règle. Un jour, deux jours, trois jours sur site : les scénarios de rentrée sont aussi nombreux que les réponses des entreprises aux questions d’autonomie de travail, de mobilité territoriale et de santé des salariés.

Si la tendance de fond dessine un retour très progressif et négocié, comment vivez-vous la perspective de retourner quelques jours au bureau ou à temps complet – selon ce qui a ou aura été négocié dans votre entreprise ? et comment vous y préparez-vous ? Avez-vous rencontré votre directeur ou directrice des ressources humaines (DRH), parlé avec vos manageurs afin de faire part de vos appréhensions – temps de transport, open space, bruit, craintes sanitaires, etc.

Votre témoignage, que nous lirons avec attention, pourra être utilisé dans le cadre d’un article à paraître dans Le Monde sur ce sujet. N’oubliez pas de mentionner un numéro de téléphone ainsi qu’une adresse électronique que vous consultez souvent, car nous pourrions être amenés à vous contacter pour des précisions. Votre anonymat pourra être préservé, si vous en faites la demande.

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Les entreprises françaises s’emparent de la question du genre

Laure Delahaye, employée chez Nokia à Paris-Saclay, le 7 juin 2021.

Depuis quelques semaines, les 100 000 salariés que compte Nokia partout dans le monde peuvent, s’ils le souhaitent, indiquer leurs pronoms dans leur signature d’e-mails. Désormais fréquente sur les réseaux sociaux, l’inscription de ces « preferred pronouns » (« pronoms préférés ») permet à chacun d’indiquer quels pronoms reflètent son identité de genre. Elle est devenue un moyen de promouvoir l’inclusion des personnes transgenres.

« C’est très simple et très symbolique, par exemple sous ma signature j’ai inscrit “she/her”, explique Florence Dossogne, directrice de cabinet du président de Nokia France. Faire la promotion de cette initiative n’est toutefois pas complètement un long fleuve tranquille. Une petite minorité réagit mal et laisse des commentaires très négatifs sur le réseau social interne de l’entreprise. » Ces réactions véhémentes, signées pour l’essentiel « par des salariés installés hors de France », notamment en Pologne, dénoncent le soutien de l’entreprise à « une idéologie ».

En dépit de résistances, de grands groupes commencent en effet à s’emparer, en France, de la question du genre, en allant plus loin et plus vite qu’une large partie de l’opinion publique. Cette évolution intervient en interne, auprès de leurs salariés, mais aussi à l’adresse de leurs clients. Cette année, la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie (Idahot), célébrée chaque 17 mai, a ainsi été l’occasion pour plusieurs entreprises de s’adresser directement à la communauté transgenre.

« Identité réelle »

A l’instar de BNP Paribas. « Pour les personnes en transition, nous savons à quel point il est violent d’avoir des moyens de paiement qui ne correspondent pas à leur identité réelle, a déclaré lors d’une conférence Antoine Sire, le directeur de l’engagement d’entreprise du groupe. Sur toutes nos cartes bancaires, il est possible de supprimer sa civilité et de choisir le prénom qui doit y figurer. »

Le géant américain du paiement Mastercard a lui aussi annoncé, à l’occasion de l’Idahot, qu’une partie de ses clients transgenres et non binaires (personnes qui ne se ressentent ni strictement homme, ni strictement femme, mais entre les deux, un mélange des deux, ou aucun des deux) pourront désormais faire inscrire leur prénom choisi sur leurs cartes. Cette fonctionnalité (« True name ») se voit proposée en France et en Europe aux clients de Bunq, une néobanque néerlandaise. « Des associations nous ont expliqué que le nom sur la carte bancaire pouvait générer de l’embarras, du stress, voire des situations de violence pour les personnes transgenres ou non binaires. Or la carte n’est pas un papier d’identité, rien n’interdit de changer le prénom et le genre qui y figure », indique Geoffrey Seghetti, directeur marketing Europe de l’Ouest chez Mastercard, et coresponsable du réseau Pride Europe.

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La radio, une centenaire en pleine crise existentielle

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Publié hier à 16h00, mis à jour à 09h43

Une semaine durant, entre le 31 mai et le 6 juin, la radio s’est autocélébrée, complimentée, encouragée. Sur toutes les antennes de France, les stations privées et publiques se sont réjouies de fêter le centenaire de la première émission de radio sur Radio Tour Eiffel, en 1921, mais aussi le quarantième anniversaire de la FM, née de la libération des ondes (elles étaient monopole d’Etat depuis 1945) actée par François Mitterrand, en 1981. On a réentendu l’appel de l’abbé Pierre en 1954 sur Radio Luxembourg, les horoscopes de Madame Soleil sur Europe 1 et les gros mots de Difool au micro de Skyrock. On s’est remis dans l’oreille les timbres d’avant les cigarettes de Jean-Luc Hees ou de Macha Béranger, et souvenu qu’il n’y a pas si longtemps, la radio des « Grandes Gueules », RMC, regorgeait de voix pleines de soleil.

« La radio, ce sont 40 millions d’auditeurs quotidiens et deux heures quarante-cinq d’écoute quotidienne en moyenne, s’est félicité Roch-Olivier Maistre, le président du CSA, à l’initiative de ces festivités. Elle est le média préféré des Français. » L’année 2020 a pourtant marqué un tournant. L’assiduité des auditeurs, que rien jusqu’ici ne semblait devoir altérer, s’est amoindrie comme jamais. En un an, plus de 2 millions de fidèles lui ont fait faux bond. Sur le marché de l’attention, les jeux vidéo, les séries de Netflix, les plates-formes musicales, les réseaux sociaux, la télévision, etc. lui disputent âprement le « temps de cerveau disponible » des consommateurs. Or, pour bercer leurs oreilles, ceux-ci se fient de plus en plus aux podcasts : près d’un tiers des internautes (31,3 %) en écoutent chaque mois, soit une progression de 5,3 points en un an, selon l’étude Global Radio de Médiamétrie parue en mai.

Baisse de 4,4 points entre 2020 et 2021

« La crise liée au Covid-19 a accéléré une situation qui préexistait, une tendance de fond que l’on observe depuis une à deux décennies », note Joël Ronez, fondateur du studio de podcasts Binge Audio et président du Syndicat des producteurs audio indépendants (PIA). De fait, le critère de l’audience cumulée, qui comptabilise le nombre (ou le pourcentage) d’auditeurs qui ont écouté au moins une radio au cours d’une journée, a accusé une baisse spectaculaire de 4,4 points entre début 2020 et début 2021, faisant passer la proportion d’auditeurs de 77,6 % à 73,2 % de la population française. Le contexte pandémique n’est pas étranger au phénomène, mais en 2010, ils étaient encore 82,7 %, et au premier trimestre 2003, selon le chiffre le plus ancien (établi avec la même méthode de calcul) que l’on puisse retrouver sur cette période, ils étaient 86,8 %.

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2 000 euros pour les travailleurs de la deuxième ligne ?

Caissiers, vendeurs, aides à domicile… Afin d’inciter les employeurs à améliorer la situation des « travailleurs de la deuxième ligne », mis en lumière lors de la crise liée au Covid-19, le premier ministre, Jean Castex, avait annoncé la reconduction sous une nouvelle forme de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, à l’issue de la troisième conférence du dialogue social le 15 mars. Les contours de cette nouvelle mouture de la « prime Macron » ont été précisés par le projet de loi de finances rectificatif 2021, présenté en conseil des ministres le 2 juin.

Il s’agit d’un avantage fiscal sous forme d’exonération de charges accordé aux employeurs qui choisissent de verser une prime. Mise en place en 2019 à la suite de la crise des « gilets jaunes », la prime a été prolongée en 2020 afin d’inciter les employeurs à récompenser les salariés continuant à travailler pendant la crise sanitaire du Covid-19. Elle est aussi exonérée d’impôts.

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Comme l’année précédente, les employeurs qui décident de l’attribuer à leurs salariés sont exonérés de cotisations sociales sur le montant de la prime, à hauteur de 1 000 euros pour les salariés dont la rémunération n’excède pas trois smic sur les douze mois précédant son versement. Et ce, qu’ils soient ou non considérés comme des travailleurs de la deuxième ligne.

Négociations par entreprise ou branche

Le seuil d’exonération est porté à 2 000 euros si l’employeur a conclu un accord d’intéressement avant la date du versement de la prime, même si cet accord a été contracté des années auparavant. La nouveauté de l’édition 2021 de la prime Macron réside sur ce point : les employeurs engagés dans des « démarches » en vue de valoriser des travailleurs de la deuxième ligne pourront aussi verser à leurs employés une gratification exonérée de prélèvements sociaux et fiscaux jusqu’à 2 000 euros.

Le projet de loi précise qu’il s’agit d’abord d’identifier les salariés concernés ; ceux qui, « en raison de la nature de leurs tâches, ont contribué directement à la continuité de l’activité économique et au maintien de la cohésion sociale, et dont l’activité s’est exercée, en 2020 ou 2021, uniquement ou majoritairement sur site pendant les périodes d’état d’urgence sanitaire ».

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Afin d’améliorer les conditions de travail de ces salariés, souvent des femmes, exerçant des métiers difficiles et mal rémunérés, l’entreprise ou la branche doivent ensuite ouvrir des négociations en vue d’un accord portant sur au moins deux de ces cinq thèmes : rémunération et classification de cette catégorie de salariés (notamment au regard de l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes), nature du contrat de travail, santé et sécurité au travail, durée du travail et articulation entre la vie professionnelle et personnelle, formation professionnelle.

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Assurance-chômage : la réforme passée au tamis du Conseil d’Etat

Charles Touboul vient de passer un grand oral dont il se souviendra. Directeur des affaires juridiques des ministères sociaux, c’est principalement lui qui a défendu la position du gouvernement, jeudi 10 juin, lors d’une audience au Conseil d’Etat consacrée à la réforme de l’assurance-chômage. Durant un peu plus de trois heures de débats, le haut fonctionnaire a croisé le fer avec les avocats de sept syndicats et de quatre organisations de guides-conférenciers qui avaient saisi en référé la haute juridiction dans le but d’obtenir la suspension du décret du 30 mars, relatif à l’indemnisation des demandeurs d’emploi. Avec trois autres membres de l’administration, il a dû également affronter les questions très précises d’Anne Egerszegi, la présidente de la séance : une mise à l’épreuve, par moments, puisque la magistrate est allée jusqu’à dire qu’elle était « un peu dubitative » sur certaines des réponses apportées par les représentants de l’exécutif.

L’audience de jeudi constitue l’énième épisode d’un affrontement, vieux de deux ans, entre le gouvernement et les centrales de salariés. A l’origine du différend, il y a la volonté du pouvoir en place de réaliser des économies tout en combattant la prolifération des contrats courts, qui serait favorisée par certaines des règles de l’assurance-chômage. Dans cette optique, un décret a été publié en juillet 2019 : il modifie en profondeur le mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) – le paramètre servant à déterminer le montant de l’allocation versée aux demandeurs d’emploi. La mesure entraîne une baisse substantielle des sommes octroyées aux personnes alternant petits boulots et inactivité, par rapport à ce qu’elles auraient perçu avant la réforme : un choix justifié par la lutte contre la « permittence » – ces situations où les salariés travaillent continûment de façon intermittente. Le dispositif est couplé à un autre mécanisme appelé « bonus-malus » : il allège les cotisations des entreprises dont la main-d’œuvre est stable et majore les contributions des employeurs qui se séparent fréquemment de leurs collaborateurs.

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Initialement programmée le 1er avril 2020, l’entrée en vigueur du nouveau SJR a été repoussée en raison de la crise sanitaire. Puis le Conseil d’Etat s’en est mêlé, à la suite d’un recours engagé par quatre syndicats (CFE-CGC, CGT, FO, Solidaires) : la haute juridiction a annulé, en novembre 2020, les dispositions sur les modalités de calcul au motif qu’elles portaient « atteinte au principe d’égalité », avec des écarts pouvant aller « du simple au quadruple » entre deux individus affichant un même nombre d’heures de travail. C’est pourquoi un autre décret, en date du 30 mars, a été pris : il entend corriger le tir grâce à un plancher qui atténue la diminution des prestations.

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