Archive dans 2021

« Les départements peuvent agir pour revaloriser l’aide à domicile »

Tribune. Les départements jouent un rôle majeur en matière d’action sociale et de solidarité de proximité. Parmi ces actions, l’aide à domicile permet de soulager les personnes âgées vulnérables et de répondre à une demande de la société : le maintien à domicile le plus longtemps possible, malgré l’avancée en âge.

Alors que les besoins sont grandissants du fait du vieillissement de la population et du nombre, en augmentation constante, de personnes âgées dépendantes (2, 5 millions de personnes, dont 700 000 en perte d’autonomie sévère), le secteur ne parvient pas à recruter, connaît un fort absentéisme, un taux de sinistralité élevé [accidents du travail, maladies professionnelles…] et pâtit d’une image dévalorisée dans l’opinion.

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Les départements attribuent l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), leurs équipes procèdent à l’évaluation de la situation de dépendance des personnes âgées et sont chargées de l’élaboration des plans d’aide. Mais le but à atteindre, à savoir la préservation de l’autonomie des personnes, est perdu de vue, au profit d’une approche purement technicienne et comptable de l’activité. Les moyens adoptés vont à l’encontre des objectifs affichés.

Pour préserver au maximum, et le plus longtemps possible, l’autonomie des personnes, la relation d’aide à domicile suppose de « faire avec » plutôt que « de faire à la place ». Il faut que s’établisse, entre le bénéficiaire et l’intervenante, une relation de confiance, construite sur les échanges, la proximité, le temps passé ensemble. Or, aujourd’hui, ce temps si précieux consacré à l’écoute, au lien social, à l’échange, est occulté au profit d’un temps fragmenté, morcelé et dissolu, jusqu’à des prestations évaluées par les financeurs par quart d’heure ou demi-heure. Les conséquences sont le plus souvent dramatiques pour les personnels, comme pour les bénéficiaires.

Amplitudes horaires élevées

Pour les intervenants, les temps fragmentés ne permettent pas de gagner dignement leur vie : les aides à domicile se déclarent, pour 72 % d’entre elles, à temps partiel, ce qui explique en grande partie des niveaux de rémunération très inférieurs (en moyenne 893 euros) au smic mensuel et des temps de travail hebdomadaire compris entre dix-huit et vingt-quatre heures.

Pour les usagers, ce temps fragmenté est, dans la plupart des cas, terriblement frustrant : « La personne à domicile est, avec le facteur, la seule personne que je vois encore », entend-on très souvent. La dimension affective et relationnelle est occultée au profit d’une approche taylorienne de l’activité.

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Retraites : les partenaires sociaux se penchent sur les comptes d’Agirc-Arrco

Devant une agence Agirc-Arrco, à Lille, le 29 mai 2015.

L’exécutif n’est pas le seul à envisager des mesures d’économies sur les retraites. Lundi 21 juin, les partenaires sociaux, qui gèrent de façon paritaire Agirc-Arrco, engagent des discussions sur l’équilibre financier du système de pension complémentaire des salariés du privé. Le régime, qui verse 85 milliards d’euros de prestation à quelque 13 millions de personnes, a été mis à mal par la récession liée à l’épidémie de Covid-19. Alors qu’ils étaient revenus dans le vert en 2019, les comptes se sont dégradés l’an passé, avec un « résultat global » qui devrait être de l’ordre de – 4 milliards d’euros.

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Ce déficit avait été anticipé peu après le début de la crise, conduisant le conseil d’administration d’Agirc-Arrco à exercer son « devoir d’alerte » en octobre 2020. Prévue dans des accords nationaux interprofessionnels (ANI) de 2017 et de 2019, cette procédure est enclenchée quand les réserves financières de la caisse risquent de représenter moins de six mois de pensions, sur un horizon de quinze ans.

Si ce « ratio de sécurité » n’est plus respecté, les principales organisations patronales et syndicales sont alors invitées à se mettre autour de la table « en vue d’ajuster les ressources ou les charges » du dispositif. C’est donc dans ce cadre que la première séance de négociations se déroule, lundi, les réserves d’Agirc-Arrco (évaluées à 62,6 milliards d’euros fin 2020) étant susceptibles de passer sous le seuil requis durant la décennie à venir.

Le patronat veut limiter les pensions

Les tractations, qui ont été précédées de plusieurs réunions préparatoires, s’annoncent serrées. Car pour reconstituer le « magot » d’Agirc-Arrco, une piste semble être étudiée de près par le patronat : elle consisterait à ralentir la progression des pensions versées, par exemple en les revalorisant en dessous de l’inflation ou en les bloquant temporairement, afin de museler les dépenses. « Les salariés ont plus souffert que les retraités, qui n’ont quasiment pas été impactés par la crise », explique Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Sous-entendu : si des efforts doivent être demandés, c’est aux seniors ayant cessé leur carrière d’en faire.

Dans l’entourage de Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, on se montre prudent, en indiquant que la rencontre de lundi est une première étape qui vise à dresser un état des lieux. Agirc-Arrco va, certes, sortir de « la trajectoire imposée [par les ANI] », invoque-t-on, mais « l’écart n’est pas majeur ». Pour autant, « nous ne dérogerons pas aux règles de pilotage stratégique fixées en 2019 ». Autrement dit, pas question de s’éloigner du « ratio de sécurité ». Mais « l’objectif n’est pas de geler les pensions », complète Didier Weckner, le président (Medef) d’Agirc-Arrco.

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Restaurateurs cherchent saisonniers : sur la côte bretonne, « on commence la saison la trouille au ventre »

Une serveuse dans un restaurant parisien, en juin 2021.

Où sont-ils passés ? Alors que les vacances scolaires approchent, marquant le début de « la grosse saison », la question inquiète les restaurateurs et les hôteliers des zones touristiques, nombreux à déplorer une pénurie de travailleurs saisonniers. De La Trinité-sur-Mer à Quiberon en passant par Belle-Ile-en-Mer, des écriteaux fleurissent sur les devantures des établissements : « Recherchons serveur(euse) pour la saison », « Poste à pourvoir immédiatement », « Bonne équipe ».

Cuisiniers, commis, serveurs, plongeurs… Cette année, tous les profils manquent à l’appel. « Dans ce milieu, j’ai connu des hauts et des bas, mais jamais une telle crise », lance mercredi 16 juin Patrice Le Boulch, 58 ans, jetant son regard azur sur sa terrasse fermée. Faute de personnel, le directeur n’a pu ouvrir qu’un seul de ses deux établissements quiberonnais. Selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, ce sont entre 100 000 et 140 000 personnes – soit un dixième des employés du secteur – qui ont changé de métier depuis le premier confinement.

Témoignages : Chef de rang, cuisinier ou barman… ils ont choisi de quitter le secteur de l’hôtellerie-restauration

D’après une enquête de Pôle emploi publiée fin mai dans Ouest France, 16 % des offres ayant cours dans le Morbihan concernent le secteur de l’hôtellerie-restauration, ce qui en fait le premier pourvoyeur d’emplois. A la veille de la réouverture des restaurants en salle, Emmanuel Macron avait appelé à la « mobilisation générale » dans le secteur de l’hôtellerie-restauration et lancé un appel à « tous ceux qui sont en recherche d’emploi ».

« Tous en galère »

« Le problème est massif, nous sommes tous en galère », insiste Patrice, qui doit encore embaucher une trentaine de saisonniers s’il veut pouvoir ouvrir ses deux établissements pour la saison. Pour l’heure, il est parvenu à recruter une vingtaine de personnes.

Sur le comptoir de la petite sandwicherie de Thérèse Couvert, le dossier de curriculum vitæ est maigrelet. « D’habitude, j’ai une pile épaisse de CV, ça me laisse l’embarras du choix », témoigne la propriétaire d’une alimentation rapide à Quiberon depuis plus de trente ans. Cette année, elle a reçu seulement cinq candidatures et entame sa saison avec une personne de moins que nécessaire.

Reportage : Soulagés par l’annonce du déconfinement, les professionnels du tourisme breton courent désormais après les saisonniers

Coutumiers du bouche-à-oreille, les professionnels ont dû revoir leur méthode. Annonces Pôle emploi, sites de professionnels, messages Facebook, écriteaux sur les devantures des boutiques constituent autant de moyens pour chercher du personnel.

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Dominique Méda : « A l’hôpital, réintroduire de la démocratie à tous les étages »

A l’hôpital Bichat (Paris 18e), le 22 avril 2021.

Chronique. Jeudi 3 juin, l’association Notre hôpital, c’est vous a donné le coup d’envoi d’un projet de référendum d’initiative partagée (RIP) sur l’hôpital public. Si 185 parlementaires et 4,7 millions de nos concitoyens soutiennent celui-ci, une proposition de loi « garantissant l’égalité d’accès aux soins sur tout le territoire » serait soumise au vote des Français.

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Son idée maîtresse est que « le fonctionnement des hôpitaux doit prioritairement être tourné vers la réponse aux besoins en santé ». La formulation est surprenante. N’est-il pas évident que l’hôpital est une institution entièrement organisée pour apporter une réponse adaptée aux besoins de santé de la population ? N’est-ce pas d’ailleurs l’objet des discussions qui ont lieu chaque année depuis 1996 au Parlement, lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le PLFSS ? Et l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie, l’Ondam – le total des sommes consacrées à la prise en charge collective des dépenses de santé, fixé au terme de ces débats –, n’est-il pas censé être le résultat d’une discussion bien informée ? N’est-ce pas au terme de celle-ci que les moyens nécessaires sont affectés aux différents volets de la politique de santé française ?

Alors que les hospitaliers se plaignent depuis plusieurs années de la crise qui affecte l’hôpital et maltraite soignants et patients, plusieurs publications confirment qu’il n’en est rien. Issues tant du monde de la recherche que de hauts fonctionnaires, pourtant d’habitude réticents à s’exprimer, elles dévoilent les logiques à l’œuvre depuis deux décennies.

Chiffre fétiche

Dans un article publié par Les Tribunes de la santé juste avant l’irruption de la crise sanitaire, Pierre-Louis Bras, ancien directeur de la Sécurité sociale et membre de l’inspection générale des affaires sociales, décortique le processus qui a conduit au malaise des soignants et au risque de submersion de l’hôpital. Il ouvre la boîte noire de la fabrique de ce chiffre fétiche. « L’Ondam constitue un élément majeur de la régulation des finances publiques, plus que le résultat d’une délibération sur la politique de santé. La démarche est fondamentalement descendante, la politique des finances publiques (objectif visé pour le niveau du déficit public, objectif visé pour le niveau des prélèvements obligatoires…) dicte le niveau de l’Ondam et les hôpitaux publics doivent s’y adapter », écrit-il.

Fixée hors d’une réelle prise en considération des besoins de santé et de l’activité des hôpitaux, imposée à ces derniers, mais aussi à la majorité parlementaire, systématiquement trop faible pour couvrir l’augmentation de l’activité, l’évolution de l’Ondam s’est traduite depuis des années par un rationnement du nombre de lits, des effectifs et des salaires et par un fort accroissement de la productivité des soignants dont l’aggravation des conditions de travail est parfaitement visible dans les enquêtes… et dans la rue.

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Europe 1 : les salariés de la radio se mettent en grève jusqu’à lundi

Devant l’entrée des bureaux d’Europe 1, à Paris, le 29 novembre 2018.

La tension est montée d’un cran chez Europe 1. A l’issue d’une assemblée générale tenue vendredi 18 juin, les salariés de la station du groupe Lagardère ont voté la grève. Sur les 95 bulletins remis dans l’urne, 84 s’y sont dits favorables, 9 seulement étaient contre. Trois choix leur étaient offerts : ils pouvaient soit cesser le travail immédiatement, soit commencer la grève dimanche à 18 heures, soit la commencer lundi, après la soirée électorale. Finalement, ils ont choisi d’entamer le mouvement à partir de 16 heures vendredi, pour tout le week-end, et jusqu’à lundi inclus. Ce jour-là, ils se réuniront en assemblée générale à 10 heures pour envisager la suite. Les salariés doivent maintenant se déclarer – grévistes ou non-grévistes – auprès de leur supérieur hiérarchique.

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Ces derniers demandent « l’annulation de la procédure disciplinaire entamée contre Victor Dhollande », une requête déjà formulée jeudi 17 juin. Vers 12 h 30, Constance Benqué, la patronne de la radio, a écrit aux syndicats pour refuser tout retour en arrière, arguant qu’ils ne connaissaient pas « les motivations exactes » de la procédure ni « la nature des faits reprochés » au journaliste, selon un message lu par Le Monde.

Mise au pas de la rédaction

Le rédacteur avait eu une altercation mercredi 16 juin avec un membre des ressources humaines qui enregistrait clandestinement une réunion des salariés censée faire le point sur la situation de la station et l’influence de Vincent Bolloré, devenu le premier actionnaire de Lagardère chez Europe 1. Victor Dhollande, connu pour « ses élans » mais « unanimement apprécié », avait été mis à pied dix jours, jusqu’au 30 juin, avec à la clé un possible licenciement. Les syndicats avaient été reçus par deux responsables des ressources humaines jeudi 17 juin, qui avaient justifié la procédure par d’autres événements survenus antérieurement. « C’est complètement disproportionné. Jusque-là, il n’avait même pas eu d’avertissement », rétorque un journaliste.

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Pour les salariés, cette mise à pied brutale témoigne surtout de la volonté d’un actionnaire d’effectuer une mise au pas de la rédaction. « On a face à nous une direction qui se raidit, qui se cabre, analyse un membre de la rédaction. De toute façon, Constance Benqué n’a plus les clés du camion. »

« Le match est joué. Je ne vois aucun autre scénario possible que celui d’i-Télé », déclare un autre membre de la rédaction. En 2016, la rédaction de la chaîne d’information, propriété de Vivendi (dont Vincent Bolloré est le premier actionnaire), avait mené un mois de grève, sans toutefois faire vaciller le milliardaire breton. Au final, des dizaines de journalistes étaient partis, et la chaîne avait changé d’identité pour devenir CNews. La direction d’Europe 1 a laissé entendre cette semaine que, fin août, une sorte de « clause de conscience » – dispositif qui permet à un journaliste de quitter un média avec lequel il n’est plus en accord – pourrait être mise en place. C’est là une demande de la rédaction, qui craint avec effroi une transformation d’Europe 1 en satellite de la très conservatrice CNews, alors que des figures de la chaîne prennent déjà du galon dans la grille.

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Les recommandations de l’Observatoire de la qualité de vie au travail « pour une sortie de crise réussie »

« Malgré la débauche de moyens déployée par ces entreprises, peu d’employeurs échapperont sans doute à cette question de fond : pourquoi certains salariés sont si réticents à retourner à la « vie de bureau d’avant » ? »

« Collaboration sans surconnexion, c’est possible ? » « Comment maintenir le “travail ensemble” quand les équipes sont éclatées ? » « Travailler ensemble : quels enseignements de la crise ? »… Les thématiques abordées lors des (web) conférences organisées à l’occasion de la Semaine pour la qualité de vie au travail (QVT), du 14 au 18 juin, témoignent de ce changement de paradigme : la crise sanitaire a déclenché un basculement décisif dans nos façons de travailler et de collaborer. La qualité de vie au travail s’invite désormais à la maison. Pour le meilleur ou pour le pire ? La question demeure en suspens.

Alors que les enquêtes s’enchaînent sur les conséquences de l’adoption massive du télétravail sur le bien-être des salariés, Jérôme Ballarin, le président de l’Observatoire de la qualité de vie au travail, en est convaincu : pour les employés, il est hors de question de retourner en arrière : « A l’occasion de la crise sanitaire, la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle a dû se réinventer. Les salariés en télétravail ont mis en place de nouveau rituels, gagné en temps de transport. En même temps, il y a l’envie de retrouver ses collègues. Ce qui est sûr, c’est que la demande de flexibilité a pris de l’ampleur. »

Son observatoire, qui se penche depuis treize ans sur les « bonnes pratiques » des entreprises pour concilier vie personnelle et professionnelle des salariés, a formulé dix recommandations aux employeurs pour réussir la sortie de crise sans désengagement des salariés.

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Au cœur de son programme : le choix d’une organisation du travail hybride tenant compte des contraintes de chacun, en trouvant le bon équilibre entre travail en présentiel et à distance, renforcement du dialogue social, management participatif et écoute des salariés.

« Un rôle de révélateur »

Mais en quoi la période actuelle inciterait les manageurs et les responsables des ressources humaines à être davantage à l’écoute des aspirations des salariés ? « Bien sûr, cela va dépendre avant tout du management et de la volonté des chefs d’entreprise, admet Jérôme Ballarin. Mais la crise a joué le rôle de révélateur. Même les manageurs les plus rétifs au télétravail ont compris que cela pouvait fonctionner. » Des manageurs qui ont vu leur rôle remis en question pendant cette crise : « Par la force des choses, les salariés ont expérimenté une relation de travail davantage basée sur la confiance, constate le président de l’Observatoire de la qualité de vie au travail. Aujourd’hui, ils aspirent à un mode de management plus participatif. »

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Plusieurs centaines de salariés d’Aéroports de Paris manifestent contre un projet impliquant des baisses de salaire

Le siège de Groupe ADP à l’aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle, à Tremblay-en-France, le 11 avril 2019.

« ADP = rentabilité faire + avec  », « Non aux suppressions des primes » : près de 700 manifestants ont défilé sur les routes de Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris) à Roissy, vendredi 18 juin, pour demander le retrait d’un plan impliquant des baisses de salaire pour faire face à la crise sanitaire. Les manifestants ont défilé dans le calme jusque devant le siège d’ADP, perturbant momentanément l’accès à des terminaux. Une centaine de personnes étaient également rassemblées à l’aéroport d’Orly.

Les manifestants répondaient au préavis de grève déposé par deux syndicats de Groupe ADP, la Confédération générale du travail (CGT) et la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), pour le week-end du 18 au 20 juin, avant une nouvelle mobilisation prévue du 1er au 5 juillet, premier grand week-end de départs de l’été.

Les salariés mobilisés sont essentiellement des opérationnels, mais d’autres appartiennent aux services administratifs ou d’ingénierie. « La direction nous fatigue psychologiquement et financièrement », déplore Ramesh Monsard, 44 ans, qui a géré pendant vingt ans les parkings de la plate-forme sur des horaires décalés. « Ils se servent du Covid pour essorer la masse salariale. Ils veulent nous dégoûter : si on ne signe pas [l’avenant au contrat de travail], on est dehors », abonde sa collègue, Eva Leroi, 46 ans.

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Baisses de revenus et mobilités contraintes

Le « plan d’adaptation des contrats de travail » de la direction prévoit de supprimer certaines primes, comme l’indemnité kilométrique, ce qui aboutirait à des baisses de salaire allant de 4 à 8 %, selon la direction. En cas de refus, le salarié s’expose à un licenciement par le biais d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Les organisations syndicales évoquent, elles, des baisses de revenus pouvant aller jusqu’à « un mois de salaire » et des mobilités géographiques contraintes. Le 21 mai, le comité social et économique d’ADP s’est prononcé contre le projet. De son côté, la direction justifie ces mesures par la nécessité de réaliser des économies dans un contexte de pandémie qui a considérablement affecté l’activité du groupe, dont l’Etat est actionnaire majoritaire.

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« Ce n’est pas justifié. L’entreprise se porte bien, le trafic aérien va reprendre… On sait que ce qu’ils préparent derrière, c’est la privatisation », lâche Pascal Durieux, responsable proximité CGT chez les pompiers d’ADP, veste jaune « fire rescue » sur le dos.

La direction a déjà signé en décembre avec tous les syndicats représentatifs – CGT, CFE-CGC et Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – un accord pour une rupture conventionnelle collective qui prévoit 1 150 départs en 2021, dont 700 non remplacés.

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Le Monde avec AFP

Les comptes de l’Unédic reviendraient à l’équilibre en 2023

Après avoir plongé dans le rouge sous l’effet de la crise, les comptes de l’assurance-chômage devraient quasiment revenir à l’équilibre en 2023. C’est ce que révèlent les « prévisions financières » présentées, jeudi 17 juin, par l’Unédic, l’association copilotée par les partenaires sociaux qui gère le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Eric Le Jaouen, le président (Medef) du conseil d’administration, voit dans cette amélioration la preuve de la « solidité » et de la « résilience » du système.

Les données rendues publiques jeudi montrent que l’assurance-chômage reste sous le choc de la récession déclenchée par l’épidémie de Covid-19. Après avoir atteint en 2020 le niveau record de − 17,4 milliards d’euros, le déficit du régime devrait refluer cette année, tout en demeurant massif, à − 12 milliards. Ce chiffrage pour 2021 est supérieur (de 2 milliards) aux précédentes extrapolations réalisées en février, car le reconfinement décidé au début du printemps a provoqué un surcroît de dépenses lié, notamment, au recours accru au chômage partiel, son coût étant partiellement supporté par l’Unédic. En outre, la prolongation jusqu’à la fin juin de l’indemnisation des demandeurs d’emploi arrivés en fin de droits est venue gonfler la facture.

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Mais la situation est susceptible de connaître une nette embellie à partir du second semestre, avec le recul de l’épidémie et la levée graduelle des restrictions imposées aux entreprises. « L’activité reviendrait à son niveau d’avant-crise en 2022 », ce qui jouerait en faveur des finances du régime, comme le souligne la note diffusée jeudi : le chômage partiel absorberait beaucoup moins de ressources et le nombre d’allocataires, lui, se réduirait, grâce au « rebond » sur le marché du travail. De plus, l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance-chômage, à compter du 1er juillet, « commencerait à générer des économies ». Une allusion aux nouvelles règles inscrites dans un décret du 30 mars qui changent les modalités de calcul de la prestation et entraîneront une baisse des montants mensuels versés : entre juillet 2021 et fin juin 2022, quelque 1,15 million de personnes auraient droit à une allocation journalière inférieure de 17 % en moyenne à celle qu’elles auraient touchée avec les dispositions antérieures, d’après l’Unédic.

Levées de fonds

Il y a toutefois une inconnue de taille, tenant au fait que six syndicats ont récemment saisi en référé le Conseil d’Etat pour réclamer la suspension du décret du 30 mars. Si la décision de la haute juridiction, qui est imminente, leur donne gain de cause, elle risque de remettre en question les économies escomptées. Dans le cas inverse – c’est-à-dire une réforme qui s’applique comme prévu –, le déficit du système serait ramené à – 2,4 milliards d’euros en 2022, avant d’être pratiquement résorbé l’année suivante (– 500 millions d’euros).

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Les internes en médecine se mettent en grève pour réclamer de meilleures conditions de travail

Le docteur Alexandre Avenel en discussion avec Lidie, une interne dans le service de réanimation de l’hôpital Robert Ballanger, à Aulnay-sous-Bois, le 30 avril 2020.

Semaines à rallonge, auxquelles peuvent s’ajouter des violences psychologiques, physiques, sexuelles… les internes en médecine sont appelés à la grève vendredi 18 et samedi 19 juin. Ils n’ont qu’une revendication : ne travailler « que »… quarante-huit heures par semaine.

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« Déjà en 2019 les internes en France travaillaient en moyenne 58,4 heures par semaine. Et cela ne s’est pas amélioré », notamment avec la crise du Covid-19, alerte Gaétan Casanova, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), selon qui ces derniers sont « dans un sale état ». « On se met en danger sur le plan physique, psychologique », martèle l’interne en anesthésie réanimation, enquêtes à l’appui.

« Dangereux pour le patient »

Une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concluait en mai que le fait de travailler cinquante-cinq heures ou plus par semaine était associé à une hausse estimée de 35 % du risque d’AVC et de 17 % du risque de mourir d’une cardiopathie ischémique.

Une autre, réalisée en 2017 à l’initiative de l’ISNI, indiquait que 23,7 % des internes avaient déjà eu des idées suicidaires, 28 % avaient souffert de troubles dépressifs et 66 %, de troubles anxieux. « Et c’est également dangereux pour le patient », ajoute Gaétan Casanova. « Quand, en fin de garde, on a du mal à faire une phrase sujet/verbe/complément, j’aimerais bien qu’on m’explique comment on peut prendre en charge un patient de façon optimale. »

L’internat, troisième cycle des études de médecine, débute sept ans après le bac et dure de trois à six ans selon les spécialités. La France compte un peu plus de 30 000 internes travaillant au sein de ses hôpitaux.

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Après deux rencontres au ministère de la santé, infructueuses selon l’intersyndicale, même si Olivier Véran s’est engagé à « améliorer leurs conditions de travail », cet appel à la grève pour vendredi et samedi a été lancé. Il pourrait être suivi, même si des mesures d’assignation ou de réquisition ne sont pas exclues. En outre, une manifestation est prévue à Paris samedi après-midi pour réclamer « le décompte horaire du temps de travail », premier pas vers des semaines de quarante-huit heures de travail conformes au droit européen.

Violences psychologiques

« Les réglementations existent, elles sont connues, mais elles ne sont pas systématiquement appliquées à l’hôpital, et qui plus est chez les internes », explique François Jaulin, qui vient de terminer son internat en anesthésie-réanimation et demande une réflexion approfondie sur la formation des futures générations. « Il existe toute une panoplie de possibilités, complètement inconnues en médecine, du fait de l’entre-soi ».

Aux semaines à rallonge s’ajoute « la peur de faire des erreurs », note-t-il. Et « ce n’est pas la seule forme de violence » auxquels peuvent être soumis les jeunes internes, relèvent Amélie Jouault et Sara Eudeline, généralistes, citant des violences psychologiques, physiques, voire sexuelles. Pour leurs thèses de doctorat, soutenues en octobre dernier, les deux jeunes médecins ont enquêté sur les violences subies par les étudiants en médecine générale. Le résultat est sans appel : 93,6 % des internes ayant répondu au questionnaire (soit 2 179 internes, 20 % des effectifs) « ont déclaré avoir subi des violences psychologiques de façon occasionnelle ou répétée au cours des études » ; 53,5 %, des violences de nature sexuelle et sexiste ; 49,6 %, des violences physiques.

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Les faits et propos recueillis sont accablants : « Tu vois la fenêtre ? Tu l’ouvres et tu sautes » après une mauvaise réponse ; « Tu vas tenir les écarteurs, t’as l’habitude de les écarter » ; lancers de compresses tachées de sang ou coups de pince… Il s’agit en général d’actes « en majorité commis par des supérieurs hiérarchiques », que les étudiants ne signalent pas.

Pourtant, un peu plus de quatre victimes sur dix jugent que cela a des conséquences sur leur santé physique et mentale, et 36,1 % sur leur professionnalisme. « Les violences diminuent les capacités de mémorisation, de concentration, bloquent la réflexion », souligne Amélie Jouault. « Cette situation a donc également des répercussions sur la prise en charge des patients », fait valoir sa consœur.

Le Monde avec AFP

Fin du télétravail généralisé : un retour à la normale qui n’emporte pas l’adhésion de tous les salariés

Sur le parvis de La Défense (Hauts-de-Seine), le 23 mars 2021.

Retour au bureau, reprise de l’activité, retrouvailles avec les collègues en réunion, à la cantine ou autour d’un pot : depuis le 9 juin, le télétravail n’est plus la règle dans les entreprises qui peuvent le pratiquer et beaucoup d’entre elles font progressivement revenir leurs salariés dans leurs locaux.

Une perspective qui inquiète certains, convertis au travail à distance, quand d’autres se montrent plus ambivalents ou résignés. « Il va falloir revivre comme avant, malheureusement », se désole ainsi Pierre-Olivier, 55 ans, commercial pour une compagnie aérienne de fret, qui a répondu à un appel à témoignages sur Lemonde.fr.

Cet assouplissement amorce un retour à la normale pour nombre de salariés. Un jour, deux jours, trois jours sur site : les scénarios de rentrée sont aussi variés que les réponses des entreprises aux questions d’autonomie de travail, de mobilité territoriale et de santé des employés. Une partie d’entre eux – ceux dont le métier le permettait – ont travaillé à distance pendant de longs mois consécutifs, depuis la mi-mars 2020. De quoi « découvrir une nouvelle façon de travailler » et souhaiter la « conserver même après la pandémie », dit Cyril, ingénieur de 24 ans, qui s’estime « plus efficace à distance ».

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Après s’être rendu trois jours à son bureau lors des huit derniers mois, Guillaume en a retiré l’impression « d’avoir perdu du temps en transport, en : “salut ça va, oui, et toi ?” de collègues aimables et en réunions dont on aurait du mal à expliquer pourquoi elles nécessitent une présence physique ». Cet éditeur de 46 ans y oppose « le calme, moins de stress, l’organisation du quotidien (courses, école des enfants) facilitée, et une productivité bien supérieure » du travail à distance.

« Je ne suis pas prête »

Selon une étude de l’Institut Sapiens publiée à la mi-mars, le travail à distance augmente la productivité des employés de 22 %. Les raisons sont multiples, selon le think tank : une réduction des « distractions et perturbations » – pauses-café, déjeuners à rallonge, bruits environnants – ou encore des « réunions inutiles et chronophages qui nuisent à la productivité ». Le temps de trajet économisé s’est transformé en temps d’activité ou en temps de sommeil économisé. Toujours selon ce document, le travail à distance permettrait d’augmenter la motivation et la responsabilisation des salariés.

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