Archive dans 2021

Bilan mitigé pour les emplois d’avenir

Alors que le gouvernement planche sur le contenu du futur revenu d’engagement annoncé le 12 juillet par Emmanuel Macron, la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail s’est opportunément penchée sur une solution mise en place par le quinquennat précédent, celui de François Hollande, pour lutter contre le chômage des jeunes les plus éloignés de l’emploi : les emplois d’avenir.

Destiné aux jeunes de 16-25 ans peu diplômés et issus de quartiers défavorisés, ce contrat se distinguait des autres emplois aidés en ce qu’il instaurait une obligation de formation par l’employeur, en échange d’une aide importante. Ce soutien financier s’élevait à 75 % du Smic dans le secteur non marchand (associations, collectivités…) et à 35 % pour les entreprises du secteur marchand, sur toute la durée du contrat, de un à trois ans.

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Ce contrat aidé a connu un franc succès, puisqu’il a été souscrit par 364 000 jeunes entre 2012 et 2018. Mais ce dispositif a vite été abandonné par la présidence Macron en raison de son coût : 11 000 euros par jeune et par an en moyenne selon un rapport, sévère, édité en 2016 par la Cour des comptes. Soit 4 milliards d’euros environ sur toute la période.

Peu de chances d’un retour à l’emploi

Pour des résultats mitigés, si l’on en croit l’étude de la Dares parue début juillet. Afin d’évaluer l’efficacité des emplois d’avenir, le service des statistiques du ministère du travail a étudié l’évolution professionnelle, entre 2014 et 2018, de deux groupes témoins composés d’environ 22 000 jeunes chacun. L’un a bénéficié du dispositif et l’autre pas.

Première constatation : le passage par un contrat d’avenir n’augmente que modérément les chances de retour à l’emploi, et ce, à très long terme seulement. « L’effet moyen d’un passage par un emploi d’avenir est significativement positif sur le taux d’accès à l’emploi quatre ans après l’entrée dans le dispositif », fait valoir la Dares.

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A cet horizon, l’écart entre ceux qui ont décroché un emploi et ceux qui sont demeurés au chômage demeure faible : quatre ans après, 62 % des bénéficiaires d’un emploi d’avenir ont trouvé un nouveau travail, contre 54 % des non-bénéficiaires. Avant l’échéance des quatre ans, l’effet du contrat d’avenir est même négatif : selon la Dares, ce constat s’explique par le fait que les jeunes qui n’étaient pas sous contrat d’avenir ont eu plus de temps pour chercher du travail – et en ont donc trouvé plus rapidement.

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En Europe, la fin du chômage partiel, un danger pour le marché du travail

Un avion easyJet sur le tarmac de l’aéroport de Chypre, le 28 mai 2021.

Appelons-le John. Il travaille pour easyJet, est installé au Royaume-Uni et, depuis le début de la pandémie, en mars 2020, estime n’avoir travaillé qu’une vingtaine de jours au total. Il a conservé son emploi uniquement grâce au chômage partiel, qui lui garantit 80 % de son salaire. Mais à partir de fin septembre, le gouvernement britannique va mettre fin à ce généreux système. « On est tous extrêmement inquiets. La fin du chômage partiel signifie soit des licenciements, soit des réductions de salaires drastiques. »

A Ryanair, Laszlo Marothy, 35 ans, membre du personnel de cabine, partage cette inquiétude. Lui qui a plus d’une décennie d’expérience n’a plus que deux jours de chômage partiel par mois en moyenne, grâce à la reprise progressive du trafic aérien. Sa compagne, qui fait le même métier mais est plus jeune, en a encore six à sept par mois.

« Dans certains petits aéroports, comme Leeds ou Bournemouth, qui ont moins de vols, le nombre de jours de chômage partiel est encore plus élevé », explique ce délégué du syndicat Unite. Le cap de septembre l’inquiète au plus haut point, particulièrement si une quatrième vague de pandémie se matérialise. Ryanair affirme être en train de « mettre fin » à son utilisation du chômage partiel, mais prévient que le retour de « restrictions inutiles » entre les frontières pourrait changer la donne.

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Le cas de ces deux compagnies aériennes illustre un basculement partout à travers l’Europe : les gouvernements commencent à supprimer ou à réduire l’accès au chômage partiel.

Le Royaume-Uni est le cas le plus extrême. Le système n’existait pas avant la pandémie et il doit être entièrement supprimé fin septembre. Ailleurs sur le continent, les conditions d’accès se durcissent. En France, depuis le 1er juillet, les salariés au chômage partiel touchent 72 % de leur salaire net, contre 84 % auparavant (les secteurs les plus touchés conservent une couverture à 84 % jusqu’à fin août). En Allemagne, à partir du 30 septembre, l’Etat n’assurera plus que la moitié du remboursement des charges sociales dues par l’employeur, contre la totalité actuellement. En Espagne, la suite à donner aux « ERTE », le système de chômage partiel, fait débat : la ministre de l’économie, Nadia Calviño, appelle à « encadrer la sortie du régime extraordinaire d’ERTE, qui a servi à répondre à la crise ».

Un rôle d’amortisseur majeur pendant la pandémie

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« La présence significative de salariés dans les conseils d’administration des entreprises a des effets positifs »

Tribune. Qui doit gouverner les entreprises, autrement dit orienter et contrôler l’action de leurs dirigeants ? Des représentants des actionnaires ? Des administrateurs indépendants, sélectionnés pour leurs compétences ? Des représentants des salariés ? Sur ce thème, l’opposition est tranchée entre les pays d’Europe continentale, qui pratiquent depuis longtemps la « codétermination » avec, en moyenne, 30 % de représentants des salariés au sein des conseils d’administration, et les pays inspirés du modèle anglo-saxon où les actionnaires gardent le monopole du pouvoir.

Les entreprises françaises, traditionnellement peu ouvertes à une participation des salariés à la gouvernance, dans un contexte de relations conflictuelles entre patronat et syndicats, ont cependant évolué ces dernières années. Depuis les lois Sapin (2013), Rebsamen (2015) et Pacte (2019), une présence minimale des salariés s’est imposée dans les conseils où ils détiennent désormais entre 10 et 15 % des sièges, leur nombre continuant lentement à croître.

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Que faut-il en attendre ? Que faut-il au contraire en craindre ? Les recherches menées en Allemagne où, depuis longtemps, de 30 à 50 % des administrateurs sont des salariés, permettent de cadrer le débat. Premier constat : les actionnaires n’aiment pas trop partager leur pouvoir. Des études ont montré que, lorsque les salariés ont plus de 30 % des sièges, les investisseurs perçoivent défavorablement cette présence, ce qui induit très concrètement une diminution de la valeur et de la rentabilité boursière des firmes. (« Does Good Corporate Governance Include Employee Representation? Evidence from German Corporate Boards », Larry Fauver et Michaël Fuerst, Journal of Financial Economics, 2006).

Les compétences des salariés

Pourtant − et c’est le second constat − aucune étude n’a réussi à mettre en évidence qu’une gouvernance incluant un nombre significatif de salariés avait un effet négatif quelconque sur le fonctionnement des entreprises. Les risques de blocage au sein des conseils, pointés par les opposants à la codétermination, sont assez facilement contrés. En moyenne, aucune augmentation de la masse salariale n’est relevée. Les performances boursières chutent mais les performances réelles des firmes ne baissent pas.

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Plusieurs recherches convergentes montrent même, que, contrairement aux craintes des investisseurs, la présence significative de salariés dans les conseils d’administration a en moyenne des effets positifs, en particulier sur la productivité du travail et le nombre de brevets déposés (« Codetermination, Efficiency and Productivity », Felix Fitzroy et Kornelius Kraft, British Journal of Industrial Organization, 2005 ; « Codetermination and innovation », Kornelius Kraft, Jörg Stank et Ralf Dewenter, Cambridge Journal of Economics, 2011).

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« L’abstention aux élections mine aussi la démocratie sociale »

Tribune. La chute de la participation aux élections régionales et départementales questionne aussi d’autres procédures électorales, particulièrement les élections professionnelles, censées fonder notre « démocratie sociale ». Là aussi, la désertion des urnes par les électeurs est devenue la caractéristique majeure sans que cela soulève beaucoup d’interrogations.

Depuis une réforme de 2008 – voulue par la CGT, la CFDT, la CPME et le Medef –, la participation des syndicats à de nombreux rouages au sein des entreprises ou d’institutions les plus diverses – Sécurité sociale, caisses de retraite, assurance-chômage, conseils de prud’hommes, conseils économiques, sociaux et environnementaux… – se fonde sur leurs résultats aux élections professionnelles.

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Un seuil de 8 % des suffrages exprimés sélectionne les confédérations syndicales qui, avec les organisations d’employeurs, contribuent à l’élaboration des politiques publiques dans le domaine social au sens large et qui sont les interlocutrices régulières des plus hautes instances de l’Etat.

Un système complexe et opaque

Les élections professionnelles ne sont donc pas moins importantes que les élections politiques. Elles contribuent – au moins en théorie – à la régulation sociale dans bien des secteurs et à la légitimation des acteurs de la démocratie sociale. De leurs résultats dépendent bien des choix collectifs : salaires, allocations-chômage, pensions de retraite, assurance-maladie, règlement de contentieux divers…

Pourtant, les résultats de ces élections ne sont guère commentés ni même connus. Le mode de production de la « mesure d’audience des syndicats » – selon sa dénomination officielle – est des plus étranges. Elle est publiée tous les quatre ans et cumule les résultats de trois types de scrutin, très différents, tant dans leur organisation que dans leurs enjeux.

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D’abord, les élections désignant les institutions représentatives du personnel dans les entreprises d’au moins 11 salariés. Les syndicats ne présentent pas de candidats dans toutes ces entreprises, de sorte que, contrairement au présupposé de la mesure d’audience et des commentaires auxquels elle donne lieu, la plupart de ces électeurs n’ont pas en main les bulletins de toutes les organisations, et les possibilités de choix varient d’un établissement à l’autre. Seuls 15 % d’entre eux ont le choix entre au moins trois listes.

Un problème de représentativité

La mesure d’audience laisse de côté les établissements où le premier tour de scrutin n’a pu se tenir faute de candidats syndiqués. En 2013-2016, cela concernait près de 10 % du corps électoral total. Enfin, le décompte oublie que, lors du premier tour, dans plus de quatre scrutins sur dix, la majorité des inscrits n’ont pas voté. Dès lors, un second tour a été nécessaire dont les résultats ne sont pas pris en compte dans la mesure d’audience.

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Macron annonce un « revenu d’engagement » pour les jeunes sans emploi ou formation

Allocution télévisée du président de la République, Emmanuel Macron, à Paris, le 12 juillet 2021.

Emmanuel Macron a annoncé lundi 12 juillet un « revenu d’engagement » pour les jeunes sans emploi ou sans formation, particulièrement touchés par la crise sanitaire, suivant une « logique de devoirs et de droits ».

« Pour amplifier cette dynamique [de l’apprentissage], je présenterai à la rentrée le revenu d’engagement pour les jeunes, qui concernera les jeunes sans emploi ou formation et sera fondé sur une logique de devoirs et de droits », a déclaré le président de la République dans une allocution télévisée.

Résumé : Ce qu’il faut retenir de l’allocution d’Emmanuel Macron

Pour aider les jeunes sans emploi, dont la précarité s’est aggravée avec la crise du Covid-19, le gouvernement avait ouvert en début d’année le chantier de la « garantie jeunes universelle ».

Ce « revenu d’engagement » s’inscrit dans la continuité de ce chantier et devrait permettre de généraliser la rémunération des parcours vers l’emploi des jeunes âgés de 16 à 25 ans les plus en difficulté, une solution préférée par l’exécutif à l’extension du RSA aux moins de 25 ans.

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« Un nouveau pacte français entre les générations »

Créée sous le quinquennat Hollande, la garantie jeunes est un dispositif d’insertion qui assure actuellement aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont « ni en emploi, ni en études ni en formation » (baptisés « NEET ») une allocation mensuelle (d’un montant maximal de 497 euros). En contrepartie, les bénéficiaires s’engagent à suivre un parcours d’insertion intensif et collectif en mission locale.

Fin novembre 2020, dans le plan « un jeune, une solution », le gouvernement avait déjà annoncé le doublement de son nombre de bénéficiaires en 2021, à 200 000, en assouplissant les critères d’éligibilité.

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« Accompagnement de notre jeunesse, meilleure prise en charge des aînés, c’est un nouveau pacte français entre les générations qu’il nous faut bâtir pour notre nation », a poursuivi M. Macron.

« Quant à nos aînés et nos concitoyens en situation de handicap trop souvent confrontés à une solitude sans solution, nous leur devons une grande ambition humaniste pour l’autonomie, un accompagnement renforcé pour le maintien à domicile, des maisons de retraite modernisées », a ajouté le chef de l’Etat, esquissant une réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie.

Promis mi-2018 et depuis plusieurs fois repoussé, le projet de loi qui vise à réformer l’aide aux personnes âgées, en établissement comme à domicile, est très attendu par des professionnels durement éprouvés par la crise du Covid-19.

Le Monde avec AFP

Dans les universités et les grandes écoles, la révolution des études en apprentissage

DUT, licence, master... Plus de 200 000 jeunes préparent un diplôme de l’enseignement supérieur en apprentissage.

A l’université comme dans les grandes écoles, c’était autrefois une voie marginale. Désormais, l’apprentissage, système qui consiste à alterner des périodes de formation et de salariat en entreprise, connaît un véritable engouement.

En témoignent les chiffres publiés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) jeudi 8 juillet : le nombre de contrats signés en 2020 a bondi de 42 % en un an, et atteint 525 000. Un essor porté principalement par la hausse des alternants qui préparent une licence ou un master : ils représentent désormais 35 % du total des apprentis, contre 26 % il y a un an – et 12 % il y a dix ans. Tous les secteurs sont concernés par cet élan, en particulier les services – à l’exception de l’hôtellerie-restauration et des administrations.

La hausse du nombre d’apprentis doit beaucoup à la loi « avenir professionnel » du 5 septembre 2018, qui a beaucoup simplifié le système de financement, et relevé l’âge maximum pour signer un contrat : celui-ci est passé de 25 ans à 29 ans. Un autre élément explique cet essor rapide : l’aide de 8 000 euros accordée par le gouvernement, dans le cadre du plan de relance, aux entreprises qui accueillent un apprenti. Initié il y a un an, le dispositif a été prolongé jusqu’à la fin de 2021. Parallèlement, le nombre de contrats de professionnalisation, l’autre système régissant les études en alternance, pour lequel les entreprises ne bénéficient pas d’aides spécifiques, a reculé.

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Levier d’ouverture sociale

Au-delà de ces facteurs conjoncturels et réglementaires, la montée en puissance de l’apprentissage dans le supérieur a réellement débuté à la fin des années 2000, à mesure que les universités se sont emparées de la question de l’insertion professionnelle de leurs étudiants. Ainsi, alors qu’en 2005, 70 000 jeunes préparaient un diplôme du supérieur en apprentissage (de bac + 2 à bac + 5), ce chiffre atteignait 204 000 à la rentrée 2019, soit une hausse de près de 300 %.

56 % des étudiants alternants ont un parent ouvrier ou employé et 30 % déclarent qu’ils n’auraient pas poursuivi leurs études s’ils n’avaient pas pu les suivre par la voie de l’alternance

Pour les établissements, cette voie est aussi considérée comme un levier d’ouverture sociale et un moyen d’attirer vers des diplômes des jeunes qui, faute de pouvoir les financer, s’en seraient détournés. « L’apprentissage y est un accélérateur de mixité sociale : il profite en majorité aux enfants dont les parents ne sont pas issus des CSP + », argumente Guillaume Gellé, vice-président de la Conférence des présidents d’université (CPU). Ainsi, 56 % des étudiants alternants ont un parent ouvrier ou employé, d’après une enquête réalisée par la CPU, publiée en juin 2021, et menée auprès de 6 500 apprentis du supérieur. En outre, 30 % déclarent qu’ils n’auraient pas poursuivi leurs études, que ce soit au niveau licence ou au niveau master, s’ils n’avaient pas pu les suivre par la voie de l’alternance.

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« La théorie économique a une vision hémiplégique du progrès technique »

Tribune. Les salariés ont toujours redouté les effets de l’introduction de machines nouvelles sur leur emploi. Longtemps, ils ont cherché à les détruire. Et la crainte d’affronter la colère ouvrière a pu freiner la volonté des chefs d’entreprise à se moderniser. Cependant, dès le début du XIXe siècle, le mouvement ouvrier s’est ravisé. Si le progrès technique permet aux patrons de produire autant avec moins de travail, pourquoi ne pas en profiter pour travailler moins en gardant le même salaire ?

A certaines périodes, lorsque la productivité du travail augmente de fait plus vite que la consommation, le chômage pourrait être évité en réduisant la durée du travail, mettant ainsi en adéquation l’efficacité productive du travail avec le désir de consommation de la société. Mais la plupart des économistes ont rejeté ce raisonnement jugé malthusien. Le progrès technique, assurent-ils, est un processus de « destruction créatrice » : il détruit des emplois mais en crée de nouveaux. Mais le bilan entre création et destruction est-il ou non équilibré ?

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Les économistes sont plutôt portés à considérer qu’il l’est. Le progrès technique, en permettant de produire plus de richesses à l’unité de temps, entraîne une augmentation des revenus unitaires. Laquelle va profiter aux secteurs en expansion si bien qu’il y aura un déversement d’emplois, de proche en proche, des secteurs en déclin vers ceux en expansion. L’augmentation des revenus unitaires est censée entraîner à la longue une hausse proportionnelle de la consommation.

Le désir de consommation des ménages

Ainsi les emplois détruits dans les secteurs en déclin seront nécessairement compensés par les emplois créés dans les secteurs en expansion. La faiblesse de ce raisonnement vient de cette proportionnalité supposée entre augmentation des revenus unitaires et augmentation de la consommation. In fine, cette proportionnalité découle du fait que la théorie économique a une vision hémiplégique du progrès technique.

Car ce dernier exerce en réalité non pas un mais deux effets sur la dynamique économique. Il prend d’une part la forme d’innovations dans les processus de production, qui accroissent la productivité des facteurs de production (le travail en particulier), et donc les revenus unitaires des ménages. Cela est parfaitement connu.

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Mais il prend d’autre part la forme d’innovations dans les biens de consommation qui accroît le désir de consommation des ménages, c’est-à-dire leur propension à consommer leur revenu. Or, ce second effet est quasi ignoré de la théorie économique. Pourtant, ses implications sont fondamentales.

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Créations d’emplois et relocalisations : la reprise est à l’œuvre en France plus vite que prévu

Dans l’usine Auer de Feuquières-en-Vimeu (Somme), en mai 2021.

Depuis ce début d’année, l’usine Auer de Feuquières-en-Vimeu, dans la Somme, qui produit des appareils de chauffage, a élargi son activité. La fabrication des cuves en acier émaillé, destinées à équiper les chauffe-eau thermodynamiques, qui avait pris le chemin de la Serbie il y a une quinzaine d’années, a été relocalisée sur ce site industriel de 12 000 mètres carrés, permettant d’embaucher une dizaine de personnes en plus, l’effectif comptant déjà cent cinquante personnes employées.

Certes, cette relocalisation n’aurait pu voir le jour sans les 800 000 euros d’aides du fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires, pour un investissement total de 2 millions d’euros. Mais la conjoncture est également porteuse : pompes à chaleur, chaudières, chauffe-eau et autres radiateurs « s’inscrivent dans la demande d’aujourd’hui, en ligne avec la transition énergétique : il y a six millions de chaudières au fioul à remplacer en France », précise Philippe Dénécé, directeur général d’Auer.

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Dix-huit mois après l’arrivée du Covid-19 en France et la récession économique qui a suivi, l’activité va plutôt mieux qu’espéré dans la plupart des secteurs. Les indicateurs conjoncturels de la Banque de France, publiés mercredi 7 juillet, situent l’activité en retrait de 2 % seulement, par rapport au niveau d’avant la crise, au lieu du recul de 3 % anticipé.

Et, contrairement à ce qu’annonçaient les Cassandre, l’emploi ne s’est pas effondré. Ce serait même plutôt le contraire. Selon les données du cabinet Trendeo, entre avril et juin, l’économie française a créé 41 000 emplois, soit 15 % de plus que la moyenne trimestrielle observée depuis 2009, soit 35 000 emplois environ. Cependant, au deuxième trimestre, l’économie a également détruit 7 000 postes. On aboutit donc à un solde net de 34 000 emplois créés au cours du trimestre.

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Les suppressions d’emplois ont donc été fortement contenues par les mesures d’urgence prises durant la crise sanitaire (chômage partiel, prêt garanti par l’Etat, reports de charges, activité partielle de longue durée…), pour s’établir à leur niveau le plus faible depuis 2009.

L’emploi industriel connaît une lente résurrection

Parallèlement, les défaillances restent à un niveau inférieur à celui de 2019, et le nombre d’emplois menacés par une procédure judiciaire est tombé sous le seuil des 20 000 – deux fois moins qu’au deuxième trimestre 2020, selon les données publiées mercredi 7 juillet par le cabinet Altares. « On s’attendait à ce que toute la poussière mise sous le tapis pendant la crise ressurgisse », décrypte David Cousquer, créateur et gérant du cabinet Trendeo. « Mais, hormis le secteur automobile qui va mal, on ne déplore pas de gros accidents. Les grandes entreprises sont accompagnées par un niveau de crédit assez abondant, et surtout il y a de la demande, les carnets de commandes se remplissent. »

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Salaires 2021 : des augmentations, mais pas pour tout le monde

Si la courbe de croissance de l’économie française se redresse, au niveau des salaires, la relance attendra. Selon l’étude annuelle du cabinet de conseil en ressources humaines Mercer, qui confirme le constat d’autres cabinets de recrutement, le budget global des entreprises consacré aux augmentations salariales devrait atteindre un point bas en 2021.

A en croire son étude annuelle portant sur les négociations annuelles obligatoires (NAO), parue le 7 juillet, le volume des enveloppes d’augmentation du salaire de base déclaré par les entreprises interrogées s’établit à un niveau médian de 1,41 %. Soit un recul, attendu, par rapport à 2019 (il était alors de 2,2 %) et 2020 (2 %), alors que la crise n’avait pas encore eu le temps de faire sentir tous ses effets parmi les répondants.

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Au regard des précédentes études Mercer, il s’agit de l’estimation la plus basse depuis 2015, au moins. Cette étude se base sur un panel de répondants restreint : en moyenne, 49 directeurs des ressources humaines et responsables rémunération par mois ont répondu à cette enquête, réalisée entre octobre 2020 et mars 2021, sachant qu’une même entreprise pouvait répondre d’un mois sur l’autre.

Une augmentation inférieure à 2 %

Les répondants sont issus majoritairement de grands groupes, clients de Mercer. Mais ces résultats viennent confirmer les conclusions d’autres cabinets de conseil. Quelques
mois plus tôt, Deloitte prédisait que la hausse du budget prévu par les entreprises pour
augmenter les salaires serait, pour la première fois depuis plusieurs années, inférieure à 2 % . Et ce, pour les cadres comme pour les non-cadres. Une enveloppe bien maigre, donc.

D’autant que la hausse des prix à la consommation vient encore grignoter ce coup de pouce donné aux salaires. Si le taux d’inflation en 2020 était quasiment nul (0,5 %), en juin 2021, les prix à la consommation se sont déjà redressés de 1,5 % sur un an. « Pas aussi bas que ce à quoi on aurait pu s’attendre. » Toutefois, les experts de Mercer préfèrent voir le verre à moitié plein : « le budget médian (…) n’est toutefois pas aussi bas que ce à quoi on aurait pu s’attendre compte tenu de la violence et de la soudaineté de la crise », note l’étude.

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Seules 18,5 % des entreprises interrogées auront recours au gel des salaires. C’est « certes plus élevé qu’en 2019 (1 %) mais largement inférieur au gel observé à l’issue de la crise financière de 2008 (38 %) », fait valoir l’enquête. Et si certains salariés ne verront pas la couleur d’une augmentation, d’autres pourront profiter d’un coup de pouce plus substantiel. Seules 5 % des entreprises participant à l’étude de Mercer disent avoir octroyé une augmentation individuelle à l’ensemble des collaborateurs, contre 16 % en 2019. Dans les autres, seul un collaborateur sur deux (49 %) en moyenne se partagera le gâteau (contre 61 % en 2020 et 55 % en 2019). Un gâteau plus petit, mais des parts plus grosses.

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