Archive dans octobre 2020

Féminisation du pouvoir en entreprise : l’exemple californien

«  L’association new-yorkaise pro-féministe Catalyst constate que, dans les soixante-dix groupes champions du changement avec lesquels elle travaille, la part des femmes cadres supérieurs est passée de 26,4 % en 2013, à 29 % en 2018. »

« Je ne suis pas une sainte-nitouche ». Parole de Loria Yeadon, la première femme à avoir intégré le conseil d’administration (CA) de TiVo, le spécialiste californien du magnétoscope numérique. Et lorsque TiVo a fusionné avec Xperi, la quinquagénaire a rejoint un autre CA, celui de l’entreprise familiale Laird Norton. Mme Yeadon se veut femme d’influence. Elle s’implique dans la recherche du futur directeur général de la société.

Elle se sent tout à fait libre de réclamer, par exemple, la prise en compte de candidats différents, femmes et minoritaires, pour des postes de haute responsabilité. Présidente du Young Men’s Christian Association (YMCA) du grand Seattle, au quotidien, elle milite aussi en faveur de l’intégration des jeunes dans les conseils d’administration. « Mes filles ont une vingtaine d’années. Je les emmène aux réunions, j’organise des rencontres avec d’autres femmes, dit-elle. Je les pousse à intégrer les instances dirigeantes d’une association pour qu’elles apprennent le b.a.-ba et qu’elles puissent, ensuite, faire leur entrée dans une entreprise. »

Mme Yeadon fait partie du cercle restreint des membres du conseil d’administration, ces VIP qui autrefois étaient plutôt des dirigeants masculins, vieux et à la retraite. Aux Etats-Unis, explique Betsy Berkhemer Credaire, la directrice de l’association 2020 Women on Boards, 60 % des candidats qui s’installent habituellement au tour de table de l’entreprise sont « cooptés ». « Ils appartiennent à un petit milieu de patrons, amis d’amis, sans femmes ou gens de couleur. » C’est pourquoi Mme Berkhemer Credaire, la chasseuse de tête, a milité en faveur d’une nouvelle loi.

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Adoptée en Californie en 2018, elle impose au moins une femme au sein des administrateurs des entreprises cotées en Bourse et installées en Californie, et même deux ou trois femmes d’ici à la fin 2021, lorsque la compagnie dispose d’un conseil élargi.

Elle représentait « toutes les femmes »

Les résultats ne se sont pas faits attendre. « En 2019 en Californie, 45 % des nouveaux administrateurs étaient des femmes, constate Kim Rivera, la responsable des affaires juridiques du groupe HP, elle-même membre du CA de Thomson Reuters. Et d’insister sur les progrès accomplis : « En 2018, les conseils d’administration de quatre-vingt-treize compagnies étaient entièrement masculins, un an plus tard ils n’étaient plus que dix-sept. »

Les statistiques du groupe d’analyse Equilar attestent de la féminisation des instances gouvernantes : au début de l’année, 24 % des sièges des conseils des entreprises californiennes appartenant à l’indice Russell 3000 étaient occupés par des femmes. D’autres Etats ont suivi la tendance : l’Etat de New-York (23 %), le Massachusetts (23 %) et l’Illinois (22 %)…

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L’archipel du social

« Les services externalisés sont assurés par des entreprises souvent petites et soumises à une hyperconcurrence ; même quand elles sont de taille importante, elles doivent sous-traiter en cascade pour rester compétitives. »

Gouvernance. Dans son essai L’Archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée (Seuil, 2019), Jérôme Fourquet a mis au jour les sous-espaces géographiques qui composent notre société, depuis les centres des métropoles jusqu’aux confins ruraux en passant par les périphéries, les banlieues ou les cités. Ces sous-espaces semblent culturellement isolés les uns des autres, d’où l’image d’un archipel et d’une France fractionnée.

Dans le champ de l’économie, on pourrait être tenté de parler aussi d’un archipel formé des très grandes entreprises mondialisées, des entreprises industrielles nationales ou locales et des innombrables îlots de l’artisanat et du commerce. La disparité des tailles et des horizons des entreprises contribue à sa manière aux fractures sociales du pays.

Mais à la différence de la carte dressée par Jérôme Fourquet, les sous-espaces économiques sont connectés par des liens de subordination : les grands groupes internationaux sont des donneurs d’ordre directs ou indirects pour les plus petites sociétés et la localisation ou la délocalisation de leur production détermine le maintien ou non d’une économie de proximité.

Plus encore, les grandes entreprises externalisent leurs activités quand elles les estiment peu valorisables : transports, logistique ou les services de gestion des installations appelés facility management (sécurité, nettoyage, restauration, entretien des infrastructures ou des espaces).

Trois millions de salariés concernés

Les services externalisés sont assurés par des entreprises souvent petites et soumises à une hyperconcurrence ; même quand elles sont de taille importante, elles doivent sous-traiter en cascade pour rester compétitives. Car le rapport de force avec les puissants donneurs d’ordre est tel que les sous-traitants subissent une pression continue pour baisser leurs prix : cercle vicieux, leurs marges faibles (autour de 3 %) limitent l’investissement et maintiennent la dépendance aux donneurs d’ordre.

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Les services périphériques sont soumis aux exigences d’une délocalisation réalisée par les grands groupes à l’intérieur même de nos frontières. Une trentaine de métiers et trois millions de salariés sont concernés, dont 90 % sont payés au smic.

Nous avons redécouvert combien les milliers de travailleurs de la santé, mais aussi de l’entretien, de la sécurité ou du transport étaient indispensables à la poursuite de la vie économique au quotidien

Comprendre la subordination économique des entreprises donne plus de consistance à l’émotion suscitée, lors de la crise sanitaire, par la mise en visibilité des travailleurs de proximité : ils sont souvent issus des services de maintenance. Nous avons redécouvert combien les milliers de travailleurs de la santé, mais aussi de l’entretien, de la sécurité ou du transport étaient indispensables à la poursuite de la vie économique au quotidien – et à notre confort.

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A nous tous d’humaniser les algorithmes

« Désubériser, reprendre le contrôle », sous la direction de Florian Forestier. Editions du Faubourg, 128 pages, 12,70 euros.

Le livre. La crise du Covid-19 a montré à quel point chauffeurs VTC et livreurs sont exposés aux risques et peu protégés par la loi, sur les plans sanitaire, économique et social. Ils ne sont pas salariés et n’ont donc pas de droit de retrait, ils ne bénéficient pas non plus des actions de prévention et de protection de la santé que les employeurs sont légalement tenus de mener.

Ils sont aussi très exposés et très peu protégés face au risque économique. « Le paradoxe des plates-formes d’emploi est de mettre un outil novateur et puissant – l’algorithme – au service d’une stratégie économique classique dont la clé est trop souvent la compression des coûts, l’externalisation de la main-d’œuvre et celle des infrastructures », lit-on dans Désubériser, reprendre contrôle (Editions du Faubourg), un ouvrage collectif réalisé sous la direction du philosophe de formation et conservateur à la BNF Florian Forestier.

Dans un monde saturé d’objets connectés, notre premier réflexe pour faire face à tout besoin est d’activer le service correspondant sur un téléphone portable : les applications numériques concernent toutes nos activités au quotidien, mais aussi le travail. L’impact de ce changement est très différencié.

Si la plupart des plates-formes n’ont sur le travail qu’une incidence indirecte, il est en revanche bouleversé par les services numériques de livraison, de transport, de microtravail, d’échange de petits boulots, de recherche de free-lances. « Leur point commun est d’être des plates-formes d’emploi : le travail est au cœur du service qu’elles fournissent. Ce sont ces dernières qui font l’objet de ce livre. »

Réputation et visibilité

Ces plates-formes peuvent-elles s’affranchir des règles de concurrence et des règles sociales auxquelles les acteurs traditionnels du marché du travail sont soumis ? L’ouvrage prend aussi la mesure des transformations que les algorithmes engendrent en matière de gouvernance et d’organisation du travail. « Elles [les plates-formes] amènent à réinterroger des notions aussi essentielles que la relation à l’employeur, la responsabilité, la protection, la rémunération, etc. Car au-delà de la question du statut de ces travailleurs (salarié ou indépendant), se posent celles des nouvelles formes de subordination et de contraintes auxquelles ils sont exposés. »

Dans le monde de la gouvernance algorithmique, que l’on soit livreur, développeur, coach ou chauffeur, on est soumis au diktat de la réputation et de la visibilité. L’algorithme est en charge, ce qui relevait jusqu’alors de l’autorité hiérarchique ou de la relation contractuelle. « Ces modalités de management inédites, si patentes sur les plates-formes, s’étendent peu à peu à tout le monde du travail : les entreprises se disent “libérées” tout en se laissant gagner, elles aussi, par le management algorithmique. »

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« L’état d’urgence sanitaire doit pousser l’Etat à prendre des mesures qui protègent sanitairement les seniors et économiquement les jeunes »

Tribune. La gestion de la crise du Covid-19 est particulièrement difficile : comme elle est inédite, les expériences passées ne peuvent aider que très partiellement à la décision publique. Il faut décider sur la base de projections imaginées par des chercheurs, dont la crédibilité se fonde davantage sur la rigueur des modèles théoriques utilisés que sur leur pertinence empirique, aujourd’hui encore non vérifiable. Toutefois, la première vague de l’épidémie ainsi que les réponses contrastées entre les pays fournissent un petit nombre de certitudes, au milieu d’un océan de questions ouvertes.

D’abord, l’opposition entre santé et économie n’a qu’un sens limité. Lors de la première
vague, l’Allemagne a eu quatre fois moins de décès par habitant. Pour autant, elle n’a pas « payé » cette performance par une plus forte chute du produit intérieur brut (PIB) que la France (– 2 % puis – 9,7 % aux premier puis deuxième trimestres pour l’Allemagne, contre – 5,9 % puis – 13,8 % pour la France). Il est donc possible d’être efficace sur les deux tableaux en protégeant la santé sans porter de sérieuses atteintes à l’activité économique.

Par ailleurs, l’impact de l’épidémie est fortement inégalitaire, notamment sur le plan
sanitaire. Certes, des facteurs de risque, souvent des comorbidités, sont associés
à un risque accru de décès chez les patients les plus jeunes. Mais les plus de 65 ans sont les plus touchés : ils représentent 92 % des décès (50 % avaient plus de 84 ans).

Confinement inégalitaire

Les entrées en service de réanimation augmentent très clairement dès 50 ans, les risques de décès à partir de 60 ans et plus encore au-delà de 64 ans. Si les différences selon l’âge sont bien plus marquées que celles entre les territoires, pourquoi ne sont-elles pas prises en compte dans la politique de couvre-feu ?

L’impact du confinement est fortement inégalitaire sur le plan économique. Les restrictions d’activité touchent en priorité les jeunes (– 4 points pour le taux d’emploi des moins de 24 ans depuis le dernier trimestre 2019, contre « seulement » – 0,4 point pour les 50-64 ans) et, parmi eux, les moins diplômés, dont les activités sont concentrées dans certains secteurs particulièrement touchés : 25 % des salariés du secteur de l’hébergement-restauration étaient au chômage partiel au deuxième trimestre 2020, secteur où l’âge moyen des salariés est de 37 ans, contre 42 ans pour l’ensemble des salariés français.

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Chômage : le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité a diminué de 11 % au troisième trimestre

Dans une agence Pôle emploi, à Nice, le 18 mai 2020.

L’amélioration est spectaculaire mais risque d’être de courte durée. Au troisième trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A de Pôle emploi) a diminué de 11 %, selon une publication diffusée mardi 27 octobre par la Dares – la direction de la recherche du ministère du travail. Cet indicateur repasse ainsi sous la barre des 4 millions, pour atteindre 3,924 millions en France (outre-mer compris, à l’exception de Mayotte). Une évolution en lien avec le rebond de notre économie, qui s’est produit à partir de la fin du printemps, après la soudaine entrée en récession causée par l’épidémie de Covid-19.

La tendance concerne toutes les tranches d’âge, mais elle se révèle encore plus marquée pour les moins de 25 ans : -15,2 % de début juillet à fin septembre, en métropole (contre -12 % pour les 25-49 ans et près de -8 % pour les personnes ayant au moins 50 ans).

Ces chiffres illustrent la très relative embellie sur le marché du travail, qui résulte, pour une bonne part, de mesures prises par le gouvernement durant l’été. Entrée en vigueur début août, la prime à l’embauche des jeunes semble avoir produit des effets : les recrutements de salariés de moins de 26 ans se sont accrus de 1,3 % en août et en septembre, comparativement à la même période de 2019, selon des données dévoilées lundi par le ministère du travail.

Après une « baisse historique » de 40 % entre début mars et fin juin, les déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) ont rebondi au troisième trimestre de près de 73 %, selon une note diffusée le 21 octobre par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, qui coiffe le réseau des Urssaf. La reprise se révèle un peu plus forte pour les CDD de plus d’un mois (+75,1 %) que pour les CDI (+70,4 %).

+8,8 % par rapport à il y a un an

Plusieurs bémols, cependant. D’abord, la situation reste globalement très dégradée avec un volume de demandeurs d’emploi supérieur à celui d’avant la crise : il est, en effet, supérieur de 8,8 % au niveau relevé en 2019. De plus, les personnes qui travaillent en « activité réduite » tout en restant inscrites à Pôle emploi (catégories B et C) ont vu leurs effectifs augmenter de 26,7 % au troisième trimestre, en métropole. Au total, le nombre d’actifs émargeant dans les catégories A, B et C est tout de même en léger recul durant les trois derniers mois mais il se maintient un peu au-dessus de la barre des 6 millions, sur l’ensemble du territoire.

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Les mois à venir s’annoncent très incertains, compte tenu des nouvelles restrictions qui vont être décidées pour limiter la propagation du coronavirus. Leur impact sur l’activité économique est malaisé à évaluer. Dans une note de conjoncture diffusée le 6 octobre, l’Insee indiquait que quelque 840 000 emplois, dont près de 730 000 emplois salariés, « seraient perdus » en 2020. Le taux de chômage, lui, atteindrait 9,7 % en fin d’année, soit 1,6 point de plus par rapport au dernier trimestre 2019.

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La difficile mise en place du télétravail dans la fonction publique

L’évolution peut paraître modeste au regard de l’objectif fixé par le premier ministre. Le 15 octobre, Jean Castex a demandé à l’administration de mettre en place rapidement « deux à trois jours de télétravail par semaine ». Or, depuis, le taux d’agents publics qui travaillent depuis leur domicile « au moins un jour par semaine » est passé de 24 % à 28 %, selon les chiffres du ministère de la transformation et de la fonction publiques. Encore ne s’agit-il que de la fonction publique d’Etat. Car, à l’hôpital, l’heure n’est pas vraiment au télétravail. Quant aux collectivités locales, « Castex n’a pas le pouvoir de nous imposer cela », précise d’emblée Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Le télétravail est un vrai défi pour la fonction publique. « C’est une montée en puissance », positive-t-on dans l’entourage de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, en assurant « être dans le Meccano » pour que les choses avancent vite. Quelque 200 millions d’euros seront mobilisés pour relancer la machine et une enveloppe de 90 millions d’euros est également disponible pour aider les collectivités locales. Le cabinet met la pression sur les ministères, car « ça remonte au compte-gouttes ». Il consulte également les syndicats afin de déceler les blocages locaux, qu’il s’agisse d’équipement informatique ou de freins culturels.

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Au printemps, il a fallu s’y mettre à marche forcée et ce n’est pas allé de soi. « On a demandé à la fonction publique de se mettre au télétravail dans l’urgence alors qu’elle n’en avait, en outre, pas l’expérience », note Pascal Airey, chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), qui a suivi cette question de près. La pratique était, il est vrai, très peu répandue parmi les fonctionnaires. Mais, pendant le confinement, un agent de l’Etat sur deux s’y est mis, selon un bilan partiel établi à la rentrée par le ministère qui relève lui aussi le « manque de préparation » de l’administration. Cette pratique était « tellement peu dans la culture de la fonction publique que, globalement, cela s’est passé de manière assez chaotique », assure Carole Chapelle, secrétaire générale adjointe de la CFDT Fonctions publiques.

Problème de l’équipement

A Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), par exemple, la part des agents municipaux qui, avec le confinement, ont subitement commencé à travailler depuis chez eux est passée de 3 % à 40 %, indique Emmanuel Gros, directeur général des services de la ville et vice-président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales. « Avec une progression aussi brutale, évidemment, cela se passe comme ça peut…, reconnaît-il. Cela ne veut pas dire que ça s’est mal passé pour autant. D’ailleurs, beaucoup d’agents veulent continuer. » Et cet engouement n’est pas isolé. Selon l’enquête menée par l’Anact au printemps, parmi les 8 700 salariés qui ont répondu, il se trouvait 86 % d’agents publics déclarant vouloir continuer à télétravailler après la fin du confinement. « De très nombreux agents sont satisfaits d’avoir découvert cette manière de travailler », confirme Carole Chapelle.

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A Belfort, des syndicats de General Electric à la manœuvre pour redessiner l’industrie

Des salariés du site General Electric de Belfort manifestent, samedi 24 octobre, contre la fermeture de l’usine.

La hantise d’un syndicat de salariés, c’est l’absence d’effet de surprise. « Notre action est parfois si prévisible que la direction l’intègre dans sa stratégie », s’agace Philippe Petitcolin (CFE-CGC), chef de file de l’intersyndicale chez General Electric (GE) à Belfort. Après l’annonce, fin mai 2019, d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec la suppression, revue depuis à la baisse, de 792 postes dans le secteur des turbines à gaz, « elle était persuadée que tout le site se mettrait en grève. Elle a anticipé en budgétisant les pénalités à verser aux clients, mais on l’a prise à contre-pied en n’arrêtant pas la production. Cela ne l’a pas empêché d’imputer les retards de livraison, qui préexistaient au plan social, à une grève qui n’a pas eu lieu ».

Lire le reportage : Crise économique : la résilience du Territoire de Belfort à nouveau mise à rude épreuve

Samedi 24 octobre, La CFE-CGC, SUD Industrie, Force ouvrière et la CFDT (pas la CGT) ont une nouvelle fois appelé à manifester à Belfort afin de redire « non » au démantèlement du site de GE et, plus largement, à la désindustrialisation du Nord Franche-Comté. Un millier de personnes seulement sont descendues dans la rue contre 5 000 en juin 2019, peu après le choc du PSE.

Une piste avec Safran

« Il nous faut imaginer de nouveaux modes d’action syndicale, plaide M. Petitcolin. Ceux, traditionnels, prévus par la loi ne permettent pas d’obtenir des leviers de négociation. Faire grève est stupide car cela revient à donner de l’argent au patron. Il faut créer le buzz. » Une idée fait son chemin : solliciter des personnalités publiques de premier plan pour des actions « coups de poing ». Alexis Sesmat (SUD) appuie : « GE tient farouchement à son image. Ses dirigeants n’apprécient pas du tout que nous, élus syndicaux, ébruitions les conditions dans lesquelles se déroulent la restructuration et les licenciements, mais c’est indispensable pour instaurer un rapport de force. A défaut, on se fait écraser. »

Plus fondamentalement, c’est le sens même du syndicalisme que la CFE-CGC et SUD veulent infléchir. « On a longtemps été cantonnés au rôle de contestataires réagissant à des plans sociaux ; désormais, on veut être des acteurs économiques majeurs », revendiquent les deux syndicalistes. « Il est urgent d’inventer des filières industrielles dans le Nord Franche-Comté en dehors des grands groupes. » GE, Alstom, PSA… : « Tous sont en train de réduire leur empreinte. Ils ne sont plus pourvoyeurs, mais destructeurs d’emplois. »

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« Une fondation actionnaire suppose une vision de long terme, la volonté de contribuer à l’intérêt général et d’inventer une nouvelle gouvernance »

Tribune. Les protagonistes de l’opération financière qui fait actuellement la une de la presse économique entre Veolia et Suez semblent à première vue donner plus de visibilité à la loi du 22 mai 2019 « relative à la croissance et la transformation des entreprises », dite loi PACTE : Veolia, Suez et Engie ont élaboré leurs « raisons d’être », tandis que Meridiam est une « société à mission », deux innovations phares de cette loi.

Pourtant, l’évolution de leurs modèles de gouvernance se heurte à la dure réalité d’un capitalisme actionnarial, qui n’a jamais eu pour usage de s’encombrer des intérêts des parties prenantes. Pour se protéger du rachat de Véolia, Suez a ainsi décidé de transférer les titres de sa filiale eau au sein d’une fondation de droit néerlandais, non par préoccupation philanthropique, mais pour défendre ses intérêts en devenant temporairement incessible à son concurrent.

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Avant cela, Patrick Drahi avait créé un fonds de dotation pour y loger les titres du journal Libération. Y-a-t-il de sa part une sincère et véritable intention philanthropique qui a pour but la préservation des intérêts de Libération et, au-delà, la liberté et l’indépendance de la presse ? Si personne n’est dupe, il serait préjudiciable que ces initiatives jettent le discrédit sur le bien-fondé d’un modèle très exigeant et vertueux : celui de la fondation actionnaire, dont elles semblent être une pâle imitation.

Intérêt général et préservation du capital et de l’emploi

Transmettre une entreprise à une fondation ne consiste ni à s’en débarrasser, ni à augmenter son pouvoir de négociation dans le cadre de tractations commerciales, ni à s’enrichir personnellement. La création d’une fondation actionnaire est un engagement majeur, qui suppose une vision de long terme, la volonté de contribuer à l’intérêt général par des actions philanthropiques, et la conviction que le modèle capitaliste traditionnel s’essouffle et qu’il faut inventer de nouveaux modes de gouvernance et de propriété.

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Renoncer à vendre une entreprise pour la transmettre à une fondation ou à une structure d’intérêt général assimilée requiert détermination et altruisme. Aujourd’hui, en France, une quinzaine de fondateurs et propriétaires d’entreprises françaises, réunis au sein de la communauté De Facto, se sont engagés sur la voie de la fondation actionnaire. Ils ont décidé de transférer tout ou partie de leurs titres de façon irréversible à une structure à but non lucratif, d’intérêt général et sans propriétaires.

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Le management de transition voit ses missions modifiées par la crise

« Le management de transition – qui consiste à mettre à la disposition temporaire des entreprises des cadres supérieurs chevronnés pour répondre à un besoin urgent – a été malmené par la crise. »

Comme de nombreux secteurs de l’économie, le management de transition – qui consiste à mettre à la disposition temporaire des entreprises des cadres supérieurs chevronnés pour répondre à un besoin urgent – a été malmené par la crise sanitaire. Sur l’année 2020, la perte de chiffre d’affaires du secteur devrait être de l’ordre de 20 %. Jean-Pierre Lacroix, président de France Transition, fédération des acteurs du management de transition, se montre particulièrement prudent sur un redémarrage du marché. « Je ne suis pas euphorique, explique-t-il, maniant l’art de la litote. Il n’y aura pas de changement sur le temps court. Nous sommes sur du temps long. »

Méthode Coué, incantation, certains se montrent cependant plus optimistes. « Les entreprises sont attentistes, c’est vrai, mais depuis mi-août, on perçoit un léger frémissement, constate Patrick Abadie, président du cabinet Delville Management. La crise sanitaire implique des transformations profondes dans les entreprises, ce qui est porteur pour notre secteur. Je pense que la tendance à plus de flexibilité et d’expertise est durable. »

« Une réponse rapide, flexible et adaptée »

Même son de cloche chez Robert Walters. « Le management de transition est adapté aussi bien en période de croissance qu’en période de crise. Actuellement, les entreprises, qui ont peu ou pas de visibilité, hésitent à recruter en CDI. Le management de transition leur offre une réponse rapide, flexible et adaptée », explique Karina Sebti, directrice générale de Robert Walters Management de transition.

Elle note, par ailleurs, un changement dans la typologie des missions : « L’incertitude économique rebat les cartes des priorités. Gestion de la trésorerie, restructurations et transformation de l’organisation sont aujourd’hui les préoccupations majeures des entreprises. Les manageurs de transition vont désormais être appelés pour de la gestion de crise. » Ainsi, « alors qu’avant le Covid-19 les DRH étaient recherchés pour mener un plan d’embauche sur un marché du travail tendu, ces professionnels sont désormais demandés pour gérer des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) », illustre Patrick Abadie.

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Reste que cela a un coût : de 1 300 à 4 500 euros par jour, selon les fonctions et les profils, d’après une étude de Robert Walters publiée le 17 septembre. « C’est cher, c’est vrai, reconnaît Philippe Tellier, directeur des manageurs de site chez GT Logistics, entreprise de sous-traitance industrielle comptant mille salariés en France, qui fait régulièrement appel à des manageurs de transition. Mais nous sommes prêts à payer le prix fort, car rien ne serait pire que de laisser un poste vacant. » De plus, il apprécie la réactivité de la formule.

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La pandémie de Covid-19 accélère la mondialisation des services

Les activités de services ne sont plus à l’abri des délocalisations. Sur les 1 233 emplois que veut supprimer Nokia en France, 80 % sont des postes d’ingénieurs en recherche et développement (R&D). Une partie serait délocalisée en Pologne ou en Inde, selon les représentants des salariés de l’entreprise. Technicolor a également annoncé, en juillet, vouloir supprimer 110 postes dans un de ses centres de R&D, en transférant son activité de développement de logiciel en Inde.

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« Un boom des délocalisations pourrait bien advenir dans les activités de services, affirme El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, y compris pour des tâches élaborées. » Les confinements liés la pandémie de Covid-19 ont accéléré l’adoption et l’usage des technologies numériques dans de nombreux secteurs d’activité. En France, le nombre de téléconsultations de médecine a été multiplié par plus de 100 entre février et avril 2020. A l’université, les étudiants suivent désormais les cours depuis l’étranger, en visioconférence. « La distance n’est plus un obstacle à la fourniture d’un service », observe M. Mouhoud. A cela s’ajoute un mouvement de sous-traitance commencé il y a plusieurs décennies. « Les services comme la comptabilité, le marketing ont été progressivement externalisés notamment par les entreprises manufacturières, explique Isabelle Méjean, professeur à l’école Polytechnique. Or les services externalisés peuvent être plus facilement délocalisés. »

« Nouveau moteur »

Le numérique est aux services ce que le container fût au transport de marchandises : il décuple le volume des échanges. Dans une étude publiée fin septembre, Western Union prévoit que la valeur du commerce international des services augmentera d’environ un tiers d’ici 2025. Les plus fortes hausses seront enregistrées dans les secteurs des services aux entreprises (+ 37 %), des technologies de l’information (+ 35 %) et de la finance (+ 32 %). En décembre 2019, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) voyait déjà dans les services le « nouveau moteur de la mondialisation ». La valeur des échanges dans ce secteur a augmenté plus rapidement que celle des biens, à un rythme annuel de 5,4 %, entre 2005 et 2017. Les services, qui ne pesaient que 9 % du commerce mondial en 1970, représentent désormais 20 %. Contrairement aux marchandises, les services échappent aux droits de douane et aux coûts de transport dans un monde où les tensions protectionnistes sont réapparues.

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