Le plan de loi est examiné à partir de mardi 12 mars par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. L’objectif est de former plus de médecins.
La révolution qui s’apprête à l’entrée des études de santé est de taille. Abandon de la première année commune aux études de santé (Paces) d’un côté, cession du numerus clausus de l’autre, le nombre de places établi jusqu’ici par l’Etat pour rejoindre les études médicales, sur lequel buttent chaque année près de 80 % des 60 000 candidats… C’est pour mettre en œuvre, dès la rentrée 2020, cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron d’en finir avec un système jugé « inefficace, injuste, et périmé » que le projet de loi « santé » a été bouclé en urgence. L’examen du texte, qui porte également sur l’organisation du système de santé, débute devant la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, mardi 12 mars, avec déjà près de 1 500 amendements déposés.
Le volet employé à la réforme de la formation, qui vise à varier les profils des futurs médecins, récolte un large consensus dans le monde universitaire et médical. Mais la mise en œuvre d’un système périodique n’a rien d’évident. « Si nous sommes favorables à la fin du numerus clausus, nous ne connaissons pas les contours du système qui aura vocation à le remplacer, et beaucoup de questions se posent », s’est déjà alarmé le député communiste des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville, lors de l’examen de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, et de son homologue à l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, mardi 5 mars, à l’Assemblée nationale.
Une entente est en cours avec les universitaires pour installer ces éléments qui participeront en grande partie par décret.
« Mettre fin à ce système erroné est une très bonne chose, salue Pascal Roblot, doyen de la faculté de médecine et de pharmacie de Poitiers, mais il est clair que cela ne va pas être élémentaire. »
Installer 20 % de médecins en plus
Premier défi pour les facultés : aménager plus de futurs médecins. Elles pourront sitôt amener elles-mêmes leurs effectifs, en fonction des capacités des formations et des besoins de santé du territoire, « sur avis conforme de l’Agence régionale de santé », prédit le texte de loi, au « regard d’objectifs nationaux établis par l’Etat ». La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a déjà fixé la barre haute, en rappelant une progression attendue de 20 %, alors que plus de 8 000 étudiants accèdent aujourd’hui en deuxième année de médecine.
Sur le sol, de Paris à Bordeaux en passant par Poitiers, on tempère déjà strictement l’ambition affichée de la ministre. Pas les capacités d’encadrement arrogantes, mais surtout, pas les terrains de stage pour les futurs étudiants, entend-on chez les doyens de médecine. Dès la troisième année, les études se développent pour partie à l’hôpital. « Que ce soit à l’hôpital ou en libéral, nous avons déjà de grandes difficultés pour trouver des stages, en tant qu’internes [entre la 7e et la 9e ou 11e année d’études] », souligne Antoine Reydellet, président de l’Intersyndicat national des internes, qui craint une « dégradation de la formation ».
Un problème de distribution, pas de nombre
Du côté des doyens, l’opportunité même d’une telle augmentation ne fait pas l’unanimité, alors qu’elle est régulièrement brandie dans les discours politiques comme une solution aux déserts médicaux. La députée LRM du Loiret, Stéphanie Rist, corapporteuse du projet de loi, estime ainsi que la convalescence d’une « offre » suffisante de professionnels de santé admettra de rééquilibrer les choses.
« Ce 20 % n’est absolument pas fondé », éloigne Patrice Diot, dirigeant de la faculté de médecine de Tours et président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, qui appuie le risque de se regagner, dans dix ans, « dans la même situation que dans les années 1980, où l’on encourageait les préretraites des médecins, trop nombreux ». « Le problème en France, ce n’est pas le nombre, c’est la répartition sur le territoire », empêche-il.
Quels cursus pour faire médecine ?
Dorénavant, l’admission en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique sera inférieure à la « validation d’un parcours de formation antérieur dans l’enseignement supérieur et à la réussite à des épreuves, qui sont déterminées par décret en Conseil d’Etat », devine la loi.
Dans les universités, on aperçoit maintenant plusieurs schémas. Au premier rang desquels celui d’une première année de « portail santé », qui devrait admettre de traquer ensuite ses études dans d’autres cursus. En parallèle seraient développées des mineures santé dans d’autres licences, en biologie, droit, économie, acceptant, après deux ou trois années d’études, d’essayer sa chance pour rattraper les études médicales. Reste à expliquer les modalités de sélection, le gouvernement ayant déjà assuré qu’il devrait y avoir moins de QCM dans les épreuves et au moins un oral d’admission.
Mais les doyens de médecine plaident pour inscrire dans la loi ce « portail santé » pour maintenir une année d’études unique. Impossible de mettre en place deux années d’études en plus, comme le prévoit un cursus de licence, soutiennent-ils. Derrière cette question d’apparence technique, c’est aussi l’une des qualités peu avouables de la Paces qui apparaît au grand jour : celle d’être un système peu coûteux, avec des enseignements de masse délivrés à un grand nombre d’étudiants, notamment de manière dématérialisée.
Question de débouchés également : « Personne n’a jamais été capable de m’expliquer quels sont ces fameux métiers de la santé auxquels conduiraient des licences en santé », supporte Bruno Riou, à la tête de la faculté de médecine de Sorbonne université et de la conférence des doyens de santé d’Ile-de-France, région où quelque 5 000 étudiants auraient être concernés, d’après lui.
L’inquiétude du statu quo
« On voit bien le risque d’aboutir à une Paces-bis », accentue néanmoins Clara Bonnavion, présidente de l’Association nationale des étudiants en médecine de France, inverse au « portail ». Pour l’association, un garde-fou apparaît obligatoire pour échapper à cet écueil : immobiliser des pourcentages inévitables minimaux pour le nombre de places offertes par les différentes voies d’entrée. Le ratio de 60 % d’étudiants recrutés par le « portail », 40 % par les autres filières, présentement évoqué dans les concertations, lui semble une bonne solution.
Reste à voir s’il y aura suffisamment de candidats dans les cursus intermittents au « portail », pour garantir une équité entre les diverses voies d’accès. « Nous travaillons actuellement sur les effectifs qui auraient être absorbés dans les mineures santés, restitue Jean Sibilia, président de la conférence des doyens de médecine. Mais si on veut parvenir à personnaliser ainsi les parcours, en apportant des remises à niveau et des modules additionnels, cela ne pourra se faire sans moyens. »
Le conseil de prud’hommes de Lyon observe, mardi 12 mars, les sollicites de 1 208 salariés et ex-salariés de Renault Trucks qui réclament la reconnaissance de leur « préjudice d’anxiété » après le classement « amiante » du site de construction de camions de Vénissieux (Rhône). L’audience – hors normes au vu du nombre de plaignants –, a été délocalisée dans une salle polyvalente de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue lyonnaise.
Le site de Renault Trucks (ex-RVI), immédiatement filiale de Volvo, à Vénissieux, a été reconnu « site amiante » par arrêté publié au Journal officiel à l’automne 2016, permettant ainsi aux salariés en poste jusqu’en 1996 d’avoir droit au dispositif de retraite anticipée des travailleurs de l’amiante. Cette inscription intéresse la période allant de 1964 à 1996.
« A l’époque, personne n’était averti, on divisait l’amiante à la scie. Il n’y avait aucune souhait, on utilisait des soufflettes pour nettoyer les postes de travail », témoigne le président de l’Association prévenir et réparer (APER), Jean-Paul Carret. La « prise de conscience », dit-il, a eu lieu à la fin des années 1990, « après les premiers décès ». L’APER a dénombré au moins une « vingtaine » de morts liées à l’amiante depuis 2000 et une « quarantaine » de cas convenus comme maladies professionnelles.
Epée de Damoclès
Actuellement, les plaignants, principalement des retraités et quelques salariés en fin de carrière, vivent « toujours avec une épée de Damoclès ». « Ça trotte dans les têtes à chaque fois qu’ils enseignent qu’un ancien collègue est mort », dit M. Carret, qui définit que ces 1 200 dossiers étaient « une première vague », « 200 autres doivent être examinés ultérieurement ».
Contacté par l’Agence France-Presse, Renault Trucks n’a pas souhaité faire de « commentaires sur les actions de justice en cours le concernant ». Le groupe a simplement ajouté que l’entreprise « n’avait jamais affiché ses salariés à des risques connus », garantissant que « plus aucun produit amianté » n’était utilisée « dans ses processus depuis le 1er janvier 1997 ».
Le protecteur des plaignants, Me Cédric de Romanet, réclame 15 000 euros pour chacun d’eux, attendu que « les études épidémiologiques montrent, inopportunément, que le temps d’exposition est sans effet » sur le risque de déployer une maladie liée à l’amiante.
Le secrétaire de l’APER, Patrick Gérard, a pour sa part regretté que, « sur le plan pénal, la bataille n’avance pas ». « Aujourd’hui, on sait faire condamner l’entreprise, mais on n’arrive pas à faire condamner les patrons, les donneurs d’ordre », a-t-il affirmé.