En Bretagne, la ville de Pipriac conjugue salariat et handicap
Thierry Pasquet pour « Le Monde » / Signatures
ReportageEn Ille-et-Vilaine, l’expérimentation Territoire zéro chômeur longue durée (TZCLD) revendique le plein-emploi et l’insertion de travailleurs handicapés longtemps isolés.
C’est un rond-point comme tant d’autres, le long de la départementale 777, animé par une pizzeria et une grande surface. Mais il est flanqué d’un bourg tout droit sorti d’un album d’Astérix : à Pipriac, en Ille-et-Vilaine, le vieux village résiste. Fin octobre, la localité bretonne a même reçu une dizaine de parlementaires de l’Ouest ainsi que Ludovic Magnier, Haut-Commissaire à la lutte contre la pauvreté pour la Bretagne. Le groupe s’est dirigé vers la poste, ou plutôt un étage au-dessus, où siège Tezea. Cette entreprise a vu le jour en 2016, dans le cadre de l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD).
Lors de leur venue, les parlementaires n’avaient pas de colis à récupérer, mais une révolution à observer : le territoire de Pipriac-Saint-Ganton revendique aujourd’hui le plein-emploi. Et Tezea s’avère désormais la quatrième entreprise de la commune. Avec 30 % de ses salariés en situation de handicap, elle envoie valser nombre de préjugés sur cette population. « Au quotidien, nous prouvons que nous pouvons vivre et fonctionner comme une boîte classique », souligne Serge Marhic, son directeur.
« On m’a accusé de concurrence déloyale, on m’a aussi reproché de servir des CDI sur un plateau à des chômeurs paresseux. » Denis Prost
Gestion d’une recyclerie, désherbage écologique, petite maintenance en établissement scolaire ou location de vélos électriques… Dans cette entreprise à but d’emploi (EBE), ce sont les savoir-faire et les envies des personnes longtemps privées de travail qui déterminent les tâches à effectuer. L’argent habituellement versé sous forme de prestations sociales est, ici, utilisé pour créer des emplois à destination des chômeurs de longue durée présents depuis au moins six mois sur le territoire. Sur la base du volontariat, ils se voient proposer un contrat à durée indéterminé (CDI). Et sur les 71 recrues, 22 sont en situation de handicap, qu’il s’agisse de troubles musculo-squelettiques ou psychiatriques. Longtemps jugé utopique, le dispositif affiche pourtant des résultats encourageants. En 2018, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 224 000 euros et devrait générer 291 000 euros cette année.
Pourtant, lorsqu’en 2014 Denis Prost, chef de projet TZCLD à Pipriac et Saint-Ganton, communique pour la première fois sur le dispositif dans sa région, il essuie des tirs de barrage d’entreprises locales. Le responsable de l’équipe de Pipriac et Saint-Ganton résume : « On m’a accusé de concurrence déloyale, on m’a aussi reproché de servir des CDI sur un plateau à des chômeurs paresseux. »