Un jour, un miracle : « J’entre sans espoir dans une agence d’intérim, et le téléphone sonne »

Un jour, un miracle : « J’entre sans espoir dans une agence d’intérim, et le téléphone sonne »

« A la fin des années 1970, je travaillais comme traducteur et professeur dans une entreprise madrilène. Ma femme, espagnole, était employée par la même compagnie en tant que secrétaire de direction. Un jour, la société, qui avait besoin de s’alléger en effectifs, nous propose de partir. Des licenciements avec trente mois de salaire. Nous étions jeunes, nous n’avions pas d’enfant et étions libres de nos choix : nous avons décidé d’aller passer un moment à Londres, puis à Paris.

Nous sommes arrivés à Paris juste après l’élection de Mitterrand, en 1981. Avec un peu de temps et d’argent devant nous, nous étions assez tranquilles, et, de toute manière, ma femme a tout de suite trouvé du travail grâce à ses trois langues : le français, l’anglais et l’espagnol. De mon côté, je pensais prendre mon temps, mais j’avais préparé deux CV manuscrits, au cas où, pour les distribuer à d’éventuels employeurs. Trois ou quatre jours après notre arrivée, ma femme et moi partons nous promener dans le quartier de ma sœur – qui nous hébergeait –, le 17e, près de La Fourche. A quelques centaines de mètres de chez elle, nous tombons sur une agence d’intérim Manpower, je crois. Nous passons devant, et je dis à ma femme : “Attends-moi là, j’en ai pour une minute”, avec l’intention de déposer mon CV. Je n’ai guère d’espoir : nous sommes en 1981, le chômage est très élevé, et puis on ne trouve pas de boulot de traducteur dans une agence d’intérim…

A l’intérieur, le directeur me reçoit gentiment. “Bonjour, je suis traducteur, je cherche du travail.” Il me regarde et me répond : “Monsieur, vous n’avez aucune chance chez nous. Ici, on cherche des soudeurs, des livreurs, des plombiers… mais pas des traducteurs !” Le directeur m’explique qu’il connaît plusieurs agences parisiennes, et qu’aucun employeur ne s’est jamais adressé à elles pour un poste de ce type. Je lui donne malgré tout mon CV, qu’il parcourt, avant de commenter : “Ah non, c’est impossible ! Mais je le garde, on ne sait jamais.” Je m’apprête à tourner les talons lorsque le téléphone sonne. Je n’écoute pas vraiment la conversation, mais je vois soudain le patron de l’agence changer de mine en me regardant. Il se décompose, et dit à son interlocuteur : “Il est devant moi.” Je ne comprends rien. Oui, je suis là, mais qui me demande ?

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Le directeur raccroche et m’explique que c’était un appel du Crédit lyonnais, qui cherchait un traducteur d’anglais et d’espagnol pour un remplacement de quinze jours. Il est éberlué. Il n’a jamais vu ça. Je vais chercher ma femme pour ne pas la faire attendre dehors, et lui raconte ce qu’il se passe. Je remplis les formalités et, quelques jours plus tard, en août 1981, je commence au Crédit lyonnais.

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LJD

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