Sous-financement structurel, précarité des emplois et pénuries de personnel : le secteur de l’aide à domicile est à bout
« Anticiper la canicule, on sait faire. Trouver comment gérer les congés des professionnelles qui accompagnent les personnes âgées, c’est ça notre vrai problème ! », lance Vincent Vincentelli, de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), pour résumer la pénurie de personnel à laquelle sont confrontées les 630 structures de cette fédération associative. « Il manque 60 000 salariés à l’ensemble du secteur », calcule Franck Nataf, président de la Fédération française de services à la personne et de proximité (Fedesap).
« Dramatique », « en détresse », « en souffrance », « au bout du bout » : voilà comment employeurs, salariés et chercheurs décrivent la situation de l’aide à domicile. Et ce, alors que, les Français souhaitant vieillir chez eux, les besoins d’accompagnement au domicile devraient augmenter de 20 % d’ici à dix ans et de 60 % d’ici à trente ans.
L’alerte a pourtant été donnée par tous les rapports consacrés au secteur depuis dix ans, et ils sont nombreux. Celui publié le 29 mars par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) évoque des « situations de grande tension » pouvant conduire « à maintenir des personnes chez elles dans des conditions dégradées, et à reporter la charge sur le système hospitalier et les familles ». Nous faisons face, écrit l’IGAS, à « un enjeu capacitaire et RH majeur ».
Conséquences de cette pénurie, les personnes dépendantes ne peuvent mettre en place leur plan d’aide, et les prestataires sont économiquement fragilisés. En 2022 (derniers chiffres disponibles), 22 % des adhérents de l’UNA avaient des fonds propres négatifs et « 70 % des autres, des trajectoires déficitaires ».
Mais peut-on encore s’étonner que les aides à domicile (95 % sont des femmes) se détournent d’un métier classé par France Stratégie parmi « les moins favorisés de l’ensemble des familles professionnelles », avec « un revenu salarial annuel net de 11 233 euros, soit près de 9 000 euros de moins que la moyenne », une proportion importante de CDD et de temps partiel, et « de fortes contraintes horaires »… ?
Car le métier demande une disponibilité aux extrémités de la journée pour lever, laver, nourrir et/ou coucher les personnes dépendantes. Entre les deux, les heures jugées « improductives » ne sont pas rémunérées. « Un peu comme si on ne payait un vendeur que lorsqu’un client est présent dans la boutique », souligne François-Xavier Devetter, enseignant-chercheur en économie à l’université de Lille, auteur, avec Annie Dussuet et Emmanuelle Puissant, d’Aide à domicile, un métier en souffrance (Editions de L’Atelier, 2023).
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