Sophie Rauch, docteure en sciences de gestion : « Le non-travail permet de faire tomber le masque professionnel et de renouer avec son vrai “moi” »

Sophie Rauch, docteure en sciences de gestion : « Le non-travail permet de faire tomber le masque professionnel et de renouer avec son vrai “moi” »

Sophie Rauch, enseignante-chercheuse postdoctorante en sciences de gestion à l’université Paris-Saclay (chaire Management, innovation et santé du futur), estime, dans son livre On se fait une pause ? (Vuibert, 224 pages, 19,90 euros), que les entreprises peuvent être à la source du non-travail lorsqu’elles favorisent l’émiettement des tâches et poussent les salariés à la réalisation, en simultané, de plusieurs activités.

Comment définissez-vous le non-travail, qui constitue le cœur de vos recherches ?

Le non-travail constitue l’ensemble des actions ou interactions qui, dans l’« espace-temps du travail », ne visent pas – ou pas totalement – l’efficacité, la productivité, l’utilité. On se rapproche ainsi du concept d’autotélisme, qui désigne une activité qui n’a d’autre but qu’elle-même. Cela intègre un grand nombre de situations différentes – j’en ai recensé 38 –, de la pause cigarette au grignotage en passant par des activités en ligne comme la prise de rendez-vous personnels. Cela comprend aussi les temps où l’on est interrompu ou ceux où l’on se remotive.

C’est une notion complexe, mouvante, mais aussi subjective. Une même réunion pourra être considérée comme du non-travail par certains participants quand d’autres estimeront qu’elle s’apparente à du travail.

Cette mise en lumière vous permet de souligner l’hiatus existant entre la représentation dominante du travail, faite d’intensité, de mouvement permanent, et sa réalité, sa « quotidienneté », qui inclut justement du non-travail…

Le discours dominant est celui d’une injonction permanente à la productivité, à l’efficacité. Le travailleur doit être continuellement dans l’effort, afin de démontrer son sérieux. Or, on constate qu’on ne travaille pas tout le temps lorsqu’on est au travail. Cette conception n’est pas nouvelle : c’était l’idéal poursuivi par Frederick Winslow Taylor au début du XXe siècle. Il avait pour ambition que chaque ouvrier réalisât une « journée loyale de travail », débarrassée de toute activité de « flânerie » et moments improductifs – ce qui est, dans les faits, impossible.

Il vous reste 66.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.