« Quand arrêter de s’obstiner ? » : pour les docteurs qui rêvaient d’une carrière universitaire, les défis de la reconversion

« Quand arrêter de s’obstiner ? » : pour les docteurs qui rêvaient d’une carrière universitaire, les défis de la reconversion

Par

Publié aujourd’hui à 04h24

Se décider à arrêter les frais, sept ans après le doctorat. Pourtant, re­noncer à une carrière acadé­mique était un pas difficile à franchir pour Sébastien Crouzet. Quand il décroche son diplôme de docteur en neurosciences en 2010, il n’envisage rien d’autre. Sa thèse ayant été menée dans un laboratoire reconnu, il a déjà de bonnes publications à présenter. Mais il voit qu’autour de lui de moins en moins de jeunes docteurs parviennent à être titularisés. Le nombre de postes diminue, et « les critères d’embauche explosent ». Il poursuit en postdoctorat dans un centre de recherche en informatique aux Etats-Unis, un passage à l’étranger devenu quasi obligé. Puis, durant ses deux années de contrat court à Berlin et trois autres à Toulouse, Sébastien Crouzet se lance dans la course au poste de titulaire. Et déchante vite. Il s’épuise à envoyer dossier sur dossier, sans succès.

« La flamme s’était aussi un peu éteinte, raconte-t-il aujourd’hui. Je me rendais compte que le métier de chercheur était de moins en moins séduisant. Mes collègues passaient surtout leur temps à chercher des financements, beaucoup étaient en grand mal-être. » En 2017, âgé de 35 ans et fatigué par ces « échecs répétés », il décide de se tourner vers le privé. « Cela n’avait rien d’évident, je viens d’une famille de fonctionnaires. Le business, ce n’est pas mon truc. Mais je travaillais dans un domaine, le machine learning, très recherché à ce moment-là. » Il est rapidement embauché par une société de services et d’ingénierie en informatique (SSII), avant d’être recruté par une start-up en tant que datascientist.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « La France est un pays sans avenir pour les jeunes chercheurs » : à l’université, le désarroi des nouveaux docteurs

Face à une entrée dans la carrière académique de plus en plus compliquée, beaucoup de jeunes docteurs choisissent de se reconvertir, parfois après plusieurs années à tenter leur chance dans l’enseignement supérieur public. Le nombre de postes de maîtres de conférences (MCF) ouverts y a été réduit de plus de la moitié en une décennie. On n’en comptait que 1 070 en 2019 contre 2 216 en 2009. Cela dissuade, en premier lieu, de se lancer dans une thèse. Mais, malgré une baisse significative du nombre de doctorants sur dix ans, le taux de réussite aux concours pour ces postes est passé de 21 % à 13 %, selon la Conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche, et l’âge moyen de titularisation, à 34 ans.

Vacations et contrats courts

« Cette question centrale revient sans cesse : au bout de combien d’années décide-t-on d’arrêter de s’obstiner ? », constate Alexis Alamel, maître de conférences en géographie à Sciences Po Rennes. Ce dernier mène une enquête sur les trajectoires des docteurs ayant candidaté à plusieurs reprises aux postes de MCF en vain, et ceux qui ont décidé en conséquence de quitter la recherche publique. Malgré la situation de l’emploi, largement connue, dans ce secteur, les « vocations » persistent, note-t-il, au prix d’une forte précarisation, quand les docteurs enchaînent les vacations et les contrats courts.

Il vous reste 69.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.