Assurance-chômage : le gouvernement envisage des mesures impératives

Le premier ministre, Edouard Philippe, lors de sa déclaration de politique générale, à l’Assemble nationale, le 12 juin.
Le premier ministre, Edouard Philippe, lors de sa déclaration de politique générale, à l’Assemble nationale, le 12 juin. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Le premier ministre, a exposé le changement des règles de rémunération, critiquées à la fois par le patronat et les syndicats.

Le gouvernement ne pourra pas être prévenu d’avoir la main qui tremble. Exposée mardi 18 juin par Edouard Philippe, et par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, la réforme de l’assurance-chômage dissimule plusieurs mesures qui vont diminuer clairement les droits des solliciteurs d’emploi – qu’il s’agisse du montant de l’allocation répandue ou des conditions d’accès au régime. Quelque 3,4 milliards d’euros d’économies devraient être réalisés de novembre 2019 à fin 2021, sachant qu’au-delà les gains seront éventuellement supérieurs.

La potion administrée se confirme donc spécialement amère, témoignant les appréhensions exprimées depuis plusieurs semaines par les organisations de salariés. Illustration du « en même temps » cher au chef de l’Etat, le projet comporte cependant un volet dans lequel le souci de « justice sociale » est posté, avec des dispositions visant à encourager l’« emploi stable ». Entre elles, il y a les sanctions infligées aux entreprises abusant des contrats courts.

L’un des transformations majeurs arborés par la réforme – celui qui va permettre de sabrer le plus vigoureusement dans les dépenses : le durcissement des règles pour bénéficier d’une indemnisation. Actuellement, il faut avoir travaillé au moins quatre mois sur les vingt-huit écoulés. Un paramétrage mis en place il y a dix ans, pour affaiblir le choc des vagues de licenciements rassemblées par la crise.

Le contexte s’étant amendé depuis, avec un repli du nombre d’inscrits à Pôle emploi, l’exécutif avoue que le système peut se présenter moins généreux : à l’avenir, les personnes seront tenues d’avoir été en activité plus longtemps (six mois) durant un laps de temps plus court (vingt-quatre mois), ce qui reste plus adapté que la législation en vigueur dans bon nombre de pays européens, selon le ministère du travail.

Ce changement sera en harmonie avec une refonte des droits rechargeables – qui offrent la possibilité à un allocataire de rétablir des droits chaque fois qu’il retrouve un poste. Actuellement, ce mécanisme joue quand la personne a travaillé durant au moins cent cinquante heures : ce seuil minimum sera multiplié par six. Un serrage de vis douloureux, dans un dispositif auquel la CFDT est très attachée.

Nouvelle formule

Autre mauvaise nouvelle pour les chômeurs : la dégressivité des prestations octroyées aux salariés bien payés – une idée rappelée par M. Philippe dès la fin août 2018. Ceux qui apercevaient une rétribution de plus de 4 500 euros brut par mois lorsqu’ils étaient en poste apercevront leur indemnisation diminuée de 30 % au bout du septième mois – celle-ci ne pouvant descendre en dessous d’un plancher fixé à 2 261 euros net par mois. La mesure, qui ne s’applique pas aux seniors d’au moins 57 ans, ne touchera que les 10 % de salariés les mieux appointés, d’après le ministère du travail. Un temps aperçu, la piste consistant à diminuer le montant maximal de l’allocation (environ 6 600 euros net par mois) a été détendue.

L’Etat promet à conserver les « tiers lieux » dans les territoires

La ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 15 mai.
La ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 15 mai. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Pour stimuler les territoires, le gouvernement entend donner un coup d’accélérateur aux « tiers lieux », ces espaces de « living lab », « coworking », « fab lab », et autre « makerspace » qui prospèrent depuis quelques années. Lundi 17 juin, Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement, et Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, avec  pas moins de quatre de leurs homologues (enseignement supérieur,  numérique, travail, culture), ont enfin dévoilé un plan « Nouveaux lieux, nouveaux liens » pour renforcer et déployer ces espaces, promis en septembre 2018 lors de la remise d’un rapport sur le sujet.

Ce plan, qui vise à solutionner la rupture territoriale, surtout dans les quartiers populaires et les zones rurales, se veut aussi une réponse au mouvement des « gilets jaunes ». « Les tiers lieux peuvent répondre au sentiment de solitude, de déclassement de certaines populations, parce qu’ils sont des lieux de rencontre, de travail, de lien social, de culture, et de discussion tout simplement », déclare Mme Gourault.

Pratiquement, le gouvernement va lancer un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour admettre 300 « fabriques de territoire », dont 150 dans les quartiers prioritaires. Il peut s’agir de tiers lieux déjà existants comme de nouveaux projets. L’Etat les accompagnera avec une subvention comprise entre 75 000 et 150 000 euros sur trois ans.

Au total, 45 millions d’euros vont être affectés à cet accord. « Dans le contexte budgétaire actuel, cela montre à quel point nous en faisons un choix de politique publique », déclare Julien Denormandie. Le plan gouvernemental bénéficie aussi du soutien d’Action Logement, qui va libérer 50 millions d’euros pour soutenir l’investissement des tiers lieux dans le foncier et les infrastructures.

Accroître les lieux d’accueil d’entourage

Le fonds Amundi, de son côté, va mettre 50 millions d’euros pour conduire ceux qui ont besoin de fonds propres afin de développer leur projet. « Nous espérons ainsi lever deux obstacles à la création des tiers lieux : le coût d’investissement [achat et location de bureaux ou d’ateliers], et l’amorçage [se faire connaître, recruter du personnel…] », ajoute le ministre.

Pour répliquer au besoin d’échange d’expérience formulé par les acteurs de ces espaces hybrides et multiformes, un conseil national des tiers lieux est créé

L’Etat discerne par ailleurs maintenir l’amélioration de ces espaces de proximité en les utilisant pour y accroître des activités d’intérêt général qui leur assurera des revenus. Il va s’appuyer sur les tiers lieux pour déployer le Pass numérique en finançant leur intervention dans l’accompagnement des Français en complication face au digital, comme pour former les chômeurs de longue durée et les jeunes éloignés de l’emploi, dans le cadre du Plan d’investissement des compétences (PIC) mené par la ministre du travail. Ou encore pour déployer l’objectif de 1 000 « Micro-Folies » en cinq ans, ces nouveaux lieux culturels qui assemblent musée virtuel, espace scénique, médiathèque et « fab lab », que le ministère de la culture aspire à développer. Des tiers lieux pourront aussi devenir l’une des maisons France Service que l’Etat entend installer dans chaque canton en vue d’accroître les lieux d’accueil de proximité.

Première but du bonus-malus sur les contrats courts

Stéphane Malchow a un mouvement en dents de scie. De grosses tablées un jour, un service plus calme le lendemain… Au café Mollard, l’établissement parisien qu’il pilote près de la gare Saint-Lazare, le chiffre d’affaires peut transformer de 30 % selon les mois. Alors le patron fait comme tous les restaurateurs français : il recrute des extras. Une trentaine de CDD d’usage chaque mois. « Pas le choix, assure-t-il. Je ne vais pas dire au client de repasser manger le lendemain parce que je manque de personnel… Il irait ailleurs. »

La profession ne s’en cache pas : une nette confession de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), le chiffre de contrats de moins d’un mois a retenti en dix ans, fréquenté de 1,5 à 3,8 millions. Une condition qui fait du secteur, qui compte 740 000 salariés, l’une des premières cibles du bonus-malus que convoite instauré le gouvernement. Si le plan de l’exécutif est opté, les contributions sur les CDD courts présenteraient en effet haussées de 0,95 point, et les CDD d’usage soumis à un prélèvement forfaitaire de 10 euros.

« Trop rigides »

« On va payer, se résout Stéphane Malchow. Le tout est de savoir combien. » Car, bien que le malus à venir, le restaurateur ne entrevoit pas de changer ses habitudes. L’intérim « coûte les yeux de la tête », déduit-t-il. Quant aux CDI ou aux CDD, même à temps partiel, ils sont « trop rigides ». « D’ailleurs, des surtaxations, il y en a déjà eu en 2013 et en 2017, rappelle Thierry Grégoire, président de la branche saisonniers de l’UMIH. Cela n’a pas empêché les CDD d’usage de se multiplier. »

L’organisation professionnelle estime aux représentants patronaux et syndicaux d’avoir « rendu les clés du camion à l’exécutif », faute de parvenir à un arrangement sur le changement de l’assurance-chômage. La surtaxation des contrats courts, parce qu’elle ne sera appliquée que dans sept secteurs, est « une mesure discriminatoire », écume Thierry Grégoire. Un dispositif qui va « taxer des sociétés qui n’ont pas d’autres options, alors qu’on laisse prospérer l’autoentreprise, pourtant beaucoup moins encadrée ».

Pour sortir du trou, l’UMIH planche depuis des mois sur un projet de CDI hybride : un contrat dit « de mobilités », porté par une plate-forme convenue par la branche. Cette dernière, en plaisant un rôle de conciliateur avec les employeurs, regrouperait les différentes missions des salariés en contrat court et se chargerait de les rétribuer. Elle collecterait identiquement des cotisations supplémentaires auprès des entreprises, pour la formation et la rémunération des salariés entre deux missions. Objectif : délester l’assurance-chômage d’une partie des allocations tout en gardant la flexibilité du travail.

Eventé en février alors que les discussions sur la réforme de l’Unédic glissaient, le dispositif serait continuellement à l’étude, selon Thierry Grégoire, qui se donne jusqu’au 31 décembre pour en exprimer les modalités. Il pourrait être précédé par une autre proposition : celle d’un statut d’extra sécurisé, interdit par le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie-restauration (GNI-Synhorcat). Son président, Didier Chenet, a prévenu qu’il en présenterait les contours « dans les prochains jours ».

CDI en temps partagé

Une sélection peu éprouvée existe pourtant déjà : le CDI en temps partagé au sein d’un groupement d’employeurs. Il admet par exemple à une femme de chambre d’œuvrer pour plusieurs employeurs tout en ayant un contrat fixe. L’association Reso France en a fait sa marque de fabrique, depuis son proclamation, il y a seize ans, à l’initiative de restaurateurs et d’hôteliers nantais. Créé pour répondre à l’insuffisance chronique de personnel dans le secteur, ce groupement d’employeurs salarie aujourd’hui 370 équivalents temps plein, dont une centaine de CDI en temps partagé, pour un salaire brut mensuel moyen de 1 570 euros.

Le GNI-Synhorcat a aussi développé une structure similaire, spécialisée, elle, dans les fonctions support. Stéphane Malchow en a expérimenté, mais n’a jamais, jusque-là, creusé la question. « Pour l’instant, je me débrouille, déclare-t-il. Mais le malus pourrait bien me forcer à m’intéresser à ces groupements. »

Après une grande école, les différences femmes-hommes poursuivent

Si le marché de l’emploi demeure au beau fixe pour ces jeunes diplômés, les écarts de rétribution et de type d’emplois entre hommes et femmes sont importants, dès l’entrée dans la vie active.

Mieux payés, précipitamment insérés… Le soleil semble briller depuis neuf années pour les diplômés des grandes écoles d’ingénieur et de management. Le rapport net d’emploi, six mois après la sortie de l’école, flirte avec les 90 %, et même au-delà pour les jeunes ingénieurs. Quant à rémunérations moyennes annuelles à l’embauche, ils sont en hausse pour les nouveaux diplômés et s’établissent entre 34 920 et près de 40 000 euros.

De quoi commencer confortablement sa carrière dans un contexte « très favorable sur le marché de l’emploi des cadres », déclare l’enquête sur l’insertion des diplômés éditée mardi 18 juin par la Conférences des grandes écoles (CGE), en collaboration avec l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information (Ensai). « Nous constatons un phénomène d’aspiration de nos diplômés. Alors que les effectifs étudiants des grandes écoles ont augmenté de 40 % depuis sept ans, nous ne parvenons pas à répondre à la demande des entreprises », ajoute Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE.

Moins rétribuées, moins vite en CDI

Toutefois, une zone sombre poursuit dans cette météo approximativement idyllique de l’employabilité des nouveaux diplômés : la situation des femmes. Dès leur sortie de l’école, elles sont moins rétribuées, moins brusquement en contrat à durée indéterminée (CDI) et disposent du statut cadre en proportion moindre. Par contre, la part des femmes en activité professionnelle est « systématiquement moins élevée que celle des hommes », déclare l’étude. Pourtant, les entreprises sont en demande de jeunes talents – au point que, pour s’assurer de ne pas laisser une pépite à la concurrence, elles engagent manageurs et ingénieurs avant l’acquisition de leur diplôme.

Dans ce marché adéquat, le CDI est la norme : 86,5 % des diplômés le soutirent pour leur première embauche. Sur ce point également une importante disparité existe entre les hommes et les femmes. Celles-ci ne sont que 75,6 % à obtenir un CDI (soit 10 points de moins que pour leurs homologues masculins). Les ingénieures de la promotion 2018 ont été recrutées à 22,4 % en CDD, une situation qui se dégrade par rapport à 2017 (15,3 %).

Le salaire médian des diplômés de 2018 est de 35 000 euros annuels hors primes. Dès la sortie de l’école, des différences de genre suscitent : près du quart des femmes (23,1 %) saisissent moins de 30 000 euros ; c’est le cas d’exclusivement 11,5 % des hommes. « Du côté des salaires plus élevés, la situation s’inverse, avec 33 % des hommes gratifiés d’un salaire supérieur à 38 000 euros et seulement 23,5 % de femmes », articule le rapport. Pour la promotion 2018, l’écart de salaire examiné entre les hommes et les femmes est de 6,08 %.

Le « bon » enseignement

Aymeric Patricot se maintient sur son expérience de professeur dans le secondaire et sur sa passion de la littérature pour interroger, dans son livre, ce qui fait ou non un « bon » enseignement.

Aymeric Patricot dépend à l’espèce utile à l’intelligence collective des « profs qui écrivent ». Plusieurs ne le font que sur leur expérience d’enseignement, ce qui est déjà perceptible et nourrit le débat public. D’autres, au-delà du vécu ou de l’essai, se placent sur le terrain de la littérature. Lui écrit sur tout. Auteur de plusieurs romans, il a aussi donné dans l’enquête ethnographique avec Les Petits Blancs. Un voyage dans la France d’en bas (Plein jour, 2013), et, avant, dans la déclaration avec un Autoportrait du professeur en territoire difficile (Gallimard, 2011), où il exprimait compte de ses affres et accablements d’enseignant débutant jeté dans le dur de la banlieue.

Cette fois, l’espace traversée lui fait tenir un propos qui ne doit rien au pittoresque éducatif et tout aux épreuves qu’un professeur à la conscience professionnelle aiguë est conduit à se poser sur son métier en général, et sur sa façon de l’expliquer. Cette introspection est tenue sous tension par l’élégance du style, le goût de la subtilité et la capacité à nettoyer les conditions complexes du rapport professeur-élèves.

Elle part de son parcours préalable d’élève modèle, bachoteur jusqu’à la névrose, qui, étudiant, se compose un pot-pourri de diplômes tout en finissant son cursus à HEC. Le futur professeur et écrivain, mû par une pulsion libératrice, va en fait diriger de bord et décrocher l’agrégation de lettres modernes, qui lui ouvre les portes de l’enseignement. Il forme actuellement dans le cadre particulier des classes préparatoires.

« Une énergie folle »

Aymeric Patricot est conscient des limites de cette boucle qui joint le bon élève d’hier à ceux d’actuellement, mais il arrive à les subvertir. S’appuyant sur son expérience et sa passion de la littérature, multipliant les allers-retours entre grands principes et scènes de classe, il développe une problématique persévérante sur ce qui fait – ou non – le bon enseignement.

S’il est fréquemment éprouvé par la lamentation au parfum « réac », c’est un chemin que sa lucidité l’empêche de suivre plus avant. Chez lui, pas de réquisitoire contre le « collège unique ». Et s’il peste contre le règne des « méthodes » et des « compétences » ou encore la mauvaise notoriété faite à la dissertation et autres exercices classiques, c’est aussi pour exposer qu’il en a saisi les raisons et qu’il les partage, au moins en partie.

Grève des antennes de Radio France

Vue aérienne de la Maison de la radio, à Paris, le 14 juillet 2018.
Vue aérienne de la Maison de la radio, à Paris, le 14 juillet 2018. GÉRARD JULIEN / AFP
Les syndicats se révoltent contre un plan prévenu par la direction, qui vise soixante millions d’euros d’économies d’ici à 2022 et envisage entre 270 et 390 annulations de postes.

De la musique dans le poste. Depuis mardi 18 juin au matin, les stations de Radio France (France Culture, Franceinfo, France Inter, une partie du réseau France Bleu) émettent leur fameuse playlist en lieu et place des programmes habituels. Une partie des personnels a répondu à un appel à la grève, très suivi, pour résister contre un plan d’économie déterminé par la présidence du groupe.

Selon le Syndicat national des journalistes (SNJ), « plus des trois quarts des salariés de Radio France [sont] en grève » mardi. Entre eux, « 90 % de journalistes » de France Inter, où « aucune émission matinale » n’a été distribuée. Le syndicat signale identiquement « une matinale très perturbée sur franceinfo et dans 37 des 44 radios locales de France Bleu » et des services administratifs « fortement mobilisés » ; il compte « 85 % de choristes en grève ».

Les raisons de la grève

L’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, SNJ, Sud et Unsa) a déclenché un appel à la grève pour affirmer contre un nouveau plan d’économie pénétrant 270 à 390 ruptures de postes.

Pourquoi sommes-nous tous en grève actuellement ? Parce que malgré nos résultats d’entourage radio et numérique le go… https://t.co/lJSqVGCwrb

— snj_rf (@SNJ Radio France)

Ce plan, averti au début de juin par la présidente du groupe, Sibyle Veil, consiste à effectuer 60 millions d’euros d’économies d’ici à 2022, suivant ainsi les ordres de la Cour des comptes. Il s’agit de prévenir la baisse de la participation de l’Etat (moins 20 millions d’euros sur quatre ans) et l’augmentation des charges de personnel. Le plan « Radio France 2022 » devine par ailleurs d’investir plus dans le digital. Il y a une dizaine de jours, Mme Veil étalait vouloir consacrer 20 millions d’euros à ce sujet, pour « construire la plate-forme française de référence de l’audio sur le numérique, qui alliera qualité de nos contenus et diversité de nos offres ».

Par suite, un réaménagement des rythmes de travail, pour prévenir le recours aux CDD, est prévu. Elle doit traiter à la suppression de 270 postes si les salariés admettent de faire une croix sur des semaines de congés, ou de 390 postes s’il n’y a pas d’accord avec les syndicats.

Les syndicats sollicitent « le retrait de ce plan dangereux et destructeur » ainsi qu’un « effectif et des moyens nécessaires pour remplir [leurs] missions de service public », alors que les radios publiques affichent d’excellentes audiences et que le groupe a recouvré l’équilibre financier.

Des discussions tendues

Jeudi 13 juin, un rassemblement de « méthode » a échoué, les syndicats quittant la réunion. Avant d’initier la négociation, ils sollicitent des objectifs chiffrés, des budgets précis. Ils s’appuient notamment sur le rapport d’un cabinet indépendant, Tandem, qui, choisi par le comité social de Radio France, a qualifié les économies de « surdimensionnées » : la hausse des charges de personnel sur les prochaines années a été, selon ce cabinet, surestimée de 8,7 millions d’euros, et Radio France pourrait s’épargner 118 ruptures de postes.

La direction de Radio France a réfuté ce rapport lundi soir, invoquant une « méthodologie erronée ». Selon Marie Message, directrice des opérations et des finances, le cabinet Tandem s’est élevé sur l’année 2018 pour calculer l’augmentation de la masse salariale, alors que cette année a vu peu d’embauches, du fait d’une vacance à la tête du groupe durant quelques semaines, due à la succession de l’ex-PDG Mathieu Gallet – remplacé par Sibyle Veil en avril 2018.

Mme Message a assuré que des éclaircissements et des chiffres additionnels seraient donnés par la direction au cours d’un conseil central d’entreprise, prévu mardi après-midi, en pleine grève des antennes. De leur côté, les salariés doivent se réunir en assemblée générale lundi à midi à la maison ronde.

En 2015, Radio France avait vécu une grève historique de vingt-huit jours pour se révolter contre un plan d’économie.

 

L’aéronautique trouve des difficultés à recruter

15 000 emplois sont prévus en 2019. Mais tout le monde recherche les mêmes dynamismes en même temps.

La 53e édition du Bourget est une nouvelle occasion de célébrer la bonne santé de l’emploi dans le secteur. Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) a embauché pas moins de 15 000 personnes en 2018, 25 % de plus qu’en 2017, et produit 4 000 emplois net, « autant d’ouvriers que d’ingénieurs, déclare Philippe Dujaric, directeur des affaires sociales et de la formation au Gifas. La seule nuance est le spatial, avec les diminutions d’effectif d’ArianeGroup [2 300 postes sur cinq ans] ». Mais en 2019, le Gifas prévoit de nouveau 15 000 postes.

Le volume d’embauche est porté par les carnets de commandes bien rempli des entreprises, bien que la baisse de 2018. L’éloignement de compagnies low cost et l’arrêt de fabrication de l’Airbus 380 n’ont pas troqué la donne. Ces dégâts ont été compensés par une légère reprise des ventes militaires de Rafale et d’hélicoptères.

L’aéronautique est l’un des exceptionnels secteurs à avoir une clarté sur ses exigences en production à cinq ans. Mais en contrepartie, l’embauche se complique. « Les difficultés à trouver un candidat sont de deux ordres : la question du volume d’emplois lié à la bonne santé du secteur d’une part et, d’autre part, la rareté des profils spécialisés. Les entreprises peuvent anticiper les besoins, voire ajuster le plan de charges du client, mais face à la rareté, c’est plus compliqué », déclare Dominique Bry, coordinateur grands comptes aéronautiques du cabinet de recrutement Synergie.

« Les industriels nous requièrent des déclarants de douane. A cause du Brexit, ils préviennent un éventuel retour des droits de douane » Dominique Bry, coordinateur grands comptes aéronautiques à Synergie

La requête la plus forte de la fabrication. « Les besoins concernent d’abord les métiers de production – chaudronnier, soudeur, peintre –, puis les opérations de maintenance, de contrôle de la qualité des produits et de plus en plus de sécurité informatique. Et c’est nouveau, en finance, les industriels nous demandent des déclarants de douane. A cause du Brexit, ils anticipent un éventuel retour des droits de douane », déclare M. Bry.

Plus d’alternance

Pour faire face à la carence de candidats, lié au déficit de formation et à la pyramide des âges, les entreprises du secteur misent sur « la coopération avec le système éducatif ». La filière veut accroitre le nombre d’alternants, du CAP à bac + 5, de 8 % par an pendant cinq ans. 7 300 contrats existaient en cours en janvier 2019 (7 % de plus qu’en 2018), mais ça ne suffit pas. « Les situations les plus préoccupantes du recrutement sont pour les bac à bac + 2 », ajoute M. Dujaric.

Bac 2019 : « L’examen de philo renferme l’élève dans un emplacement hypercritique »

La rédaction de philosophie est l’examen symbolique du baccalauréat. Cet exercice éprouve pourtant d’une grande facticité et ne permet pas aux élèves d’attraper les enjeux philosophiques, déclare le professeur Stéphane Bornhausen.

Lundi 17 juin, l’examen de philo ouvre le bal du bac. Stéphane Bornhausen, professeur de philosophie au lycée Balzac, à Mitry-Mory (Seine-et-Marne), et créateur d’un article sur l’enseignement de la philosophie au lycée dans la Revue du Mauss, déclare que les lycéens ne peuvent pas être bien préparés pour cet exercice. Il déplore que l’enseignement de la philosophie en terminale soit quasi exclusivement tourné vers la rédaction, exercice qui « enferme dans une position hypercritique, autant artificielle que nuisible à un enseignement disciplinaire ».

Dans la « Revue du Mauss », vous mentionnez qu’on « ne donne pas les moyens [aux lycéens] d’affronter l’épreuve de philosophie du baccalauréat ». Pourquoi ?

L’enseignement de la philosophie au lycée s’est bâti autour de l’épreuve de la rédaction, un exercice qui revêt une forme rigide. Elle est un corset dans lequel personne ne peut remuer et éteindre. Et la manière dont l’élève peut, avec ses consciences de fin de terminale, s’approprier cette forme est en fait assez artificiel : comme si on ne convoquait que trois philosophes – au hasard Platon, Kant et Nietzsche – et qu’on les faisait exprimer sur une question qu’ils n’ont jamais posée. Pourquoi faut-il réfléchir sur une question qui n’est là que pour éprouver la perplexité de l’élève ? Pour savoir comment il va arriver, en convoquant des auteurs, à trouver un semblant de réponse ?

Le cours magistral est fréquemment désavantageux pour l’élève, qui veut s’exprimer

Toutefois, la rédaction est devenue un patrimoine non négociable de l’enseignement de la philosophie. Mais face à l’abondance de notions à appeler, le professeur est bien forcé de s’en reconnaître au cours magistral ; celui-ci est souvent nuisible pour l’élève, qui veut se dire. Il résulte aussi de synthèses, de raccourcis dans les thèses sur lesquelles les élèves sont invités à réaliser des fiches. Ils ont l’impression qu’ils ont tout à leur disposition mais ne savent pas les articuler car il leur manque les successions, les médiations.

Les requêtes de la formulation à la française ne permettraient donc qu’à un peloton de tête de s’en sortir, tout en abandonnant une grande partie des élèves sur le bas-côté ?

C’est en effet un exercice analysant et très difficile qui a été pensé, à son ouvrage au XIXe siècle, comme une discipline de l’élite. Elle est très peu adéquate pour les élèves qui, pour la plupart, peinent à en saisir les enjeux et se retrouvent donc avec des mauvaises notes, en dessous de celles qui sont données dans d’autres matières. L’épreuve de philosophie est comme une montagne qui se dresse devant eux. Pour beaucoup, c’est même quasiment une mission impossible.

Les choses sont peu claires sur les revendications. Par exemple : la problématisation – qui doit apparaître dans l’introduction. Il est bien pénible de comprendre en quoi elle consiste pratiquement – même les professeurs ont du mal à l’étaler. Cela me semble juste un artifice rhétorique destiné à servir d’introduction à un débat qui est purement fictif… en donnant l’illusion à l’élève qu’avec les références accumulées dans le cours il développe une raison propre.

Vous révoquez « l’hypercriticisme » qui, selon vous, définit actuellement l’enseignement de la philosophie au lycée. De quoi s’agit-il ?

L’épreuve du baccalauréat consiste le plus souvent à dresser de manière très artificielle les philosophes les uns contre les autres. Comme si, dans chacune des parties de la dissertation, chaque philosophe essayait de détruire – et de surpasser – les philosophies précédentes. C’est d’abord faux du point de vue de l’histoire de la raisonnement philosophique, mais aussi problématique dans la conception de la discipline.

« Pour moi, la philosophie n’a pas de privilège »

Je ne pense pas que le rôle de la philosophie soit de critiquer les autres philosophes, ou de se bloquer dans une posture hypercritique sur tout. Cela donne cette idée fausse de la philosophie comme tribunal ultime de la raison, qui formulerait un verdict sur tout ce qui se fait, sur l’opinion, le discours, la politique. La philosophie est un exercice qui a une valeur en soi, mais ainsi serait-elle en position de surplomb par rapport au reste ? Pour moi, elle n’a pas de privilège.

Mais le cours de philosophie n’est-il pas justement le lieu idéal de la formation de « citoyens éclairés » et du développement de l’esprit critique ?

Je n’ai rien contre l’esprit critique. Je suis juste contre l’hypercriticisme. Tout est affaire de proportion. Avec l’exercice de la dissertation, tel qu’il est pensé et enseigné aujourd’hui, les jeunes sont invités à se montrer hypercritiques envers tout : les médias, les scientifiques, les pouvoirs, le bon sens, etc. Cela part d’une intention louable, si on se situe dans l’héritage des Lumières. Mais poussé à l’extrême, cela mène à la situation qui se déroule sous nos yeux : tout est objet de critique pour les élèves. Mais si tout est critiquable, alors qui croire ? Le dernier mot revient souvent au portable et à Internet, où leur hyperscepticisme les pousse à suivre des sites obscurs et des théories complotistes.

Vous prônez au contraire l’exploration des « méthodes des philosophes » : qu’est-ce que cela signifie ?

L’histoire de la discipline est traversée par toute une série de tensions : les uns interdisent la créativité, la liberté, quand les autres prônent une démocratisation de l’étude de la philosophie avec la pédagogie de normes et de règles. Je pense, quant à moi, qu’il faut s’intéresser à ce qui fait la valeur de la philosophie à mes yeux : elle est, pour chaque philosophe, une « expérience », un projet qui est désigné d’un bout à un autre et qui est conduit à affronter un certain nombre de difficultés.

Pour répondre à des problèmes, chaque philosophe a sa méthode. Platon, au moment où la logique n’est pas encore composée, s’appuie sur la « techné » : avec lui ce sont les exemples empruntés aux arts qui admettent d’apercevoir une réponse aux questions qu’on se pose. C’est une découverte, une méthode ingénieuse qui est offerte au lecteur.

Qu’est-ce que cela engage dans l’enseignement ?

On ne peut pas se limiter à une représentation de la philosophie comme d’un édifice qui tient par miracle, comme une grandeur mystérieuse. Elle ne doit pas rester mystérieuse. Il s’agit donc de présenter aux élèves des activités, pour qu’ils refassent des étapes-clés du trajet du philosophe et qu’ils saisissent qu’il y a une amélioration dans la pensée.

Ces exercices admettront aussi de les impliquer dans le cours. Cette manière de revenir aux fondamentaux, de franchir le « comment » de la construction des thèses des philosophes, ne signifie pas pour autant réduire la créativité. Au contraire. Connaître les fondations d’une méthode, c’est pouvoir l’adapter, la transposer, la penser. Et cesser le combat stérile des thèses.