Coronavirus : Teleperformance accusée de mauvaises conditions de travail

Des bureaux de Teleperformance, à Manille, aux Philippines, en 2013.
Des bureaux de Teleperformance, à Manille, aux Philippines, en 2013. Erik de Castro / REUTERS

Teleperformance (TP), le numéro un mondial des centres d’appels, est de nouveau accusé de mauvaises conditions de travail pour ses salariés face au Covid-19, mais cette fois l’alerte se situe au niveau international. La fédération syndicale mondiale UNI Global Union a déposé, jeudi 17 avril, avec les syndicats CGT, CFDT et FO, une plainte contre TP auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment pour violation des droits des salariés à travailler en sécurité pendant la pandémie, à se syndiquer, etc. Et cela, dans 10 pays, dont la France. Le groupe TP, qui emploie 330 000 salariés dans 80 pays, nie l’ensemble des accusations. « Nous respectons les réglementations et directives locales et gouvernementales de chacun des pays » où TP est présent, indique le groupe.

Déjà sollicitée en mars pour dialoguer sur ce sujet par l’UNI, TP avait refusé le dialogue. « Nous travaillons avec les syndicats locaux ou des ONG, au plus près du terrain », justifie Olivier Rigaudy, directeur général délégué du groupe. Problème : selon l’UNI, dans beaucoup de pays où TP exerce, il n’y a pas de syndicats, ou alors TP ne les reconnaît pas. « Même s’il n’y a pas d’organisations, TP doit respecter les droits et protéger la santé des travailleurs », reproche Christy Hoffman, secrétaire générale d’UNI.

Aux Philippines, par exemple, confinés depuis le 16 mars, où TP emploie 48 000 personnes, les salariés qui ne peuvent pas aller de leur logement à leur centre d’appel dorment par terre dans les bureaux. « Et pas seulement chez TP », précise Mylene Cabalona, présidente de l’association BIEN (BPO Industry Employees Network) des travailleurs philippins des services externalisés.

30 % de l’effectif dort au bureau

Car, s’ils restent chez eux, ils ne sont pas payés. « Pour les collaborateurs qui le souhaitent, nous proposons un hébergement sur place en lien avec les autorités locales », admet-on chez TP. Cet « hébergement offre toutes les conditions de confort, de sécurité et d’hygiène : lits futons, repas, nettoyage des lieux », etc. Dans l’équipe de Jay (prénom modifié), jeune téléconseiller chez TP à Manille, environ 30 % de l’effectif dort sur place. « L’entreprise nous a dit de respecter la distanciation sociale, sinon on est renvoyé. Mais entre les collègues qui dorment par terre, ce n’est que depuis peu que 1 mètre les sépare. Avant, il y avait l’espace de la paume de la main. » Jay a « peur » de travailler dans le centre, car il a des problèmes pulmonaires. « On ne sait pas le nombre de cas de Covid19. Il n’y a pas de programme de tests, et la direction ne communique pas sur le sujet. »

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Coronavirus : Toyota redémarre progressivement sa production dans le Nord

L’usine Toyota d’Onnaing, près de Valenciennes, rouvre ses portes progressivement et dans un environnement particulier à partir du lundi 20 avril. L’entreprise nordiste de 4 500 salariés est la première usine automobile française à redémarrer après cinq semaines d’arrêt lié au coronavirus et au confinement imposé par l’Etat.

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Après la mise en place d’un protocole de mesures sanitaires par la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), une large majorité des élus de Toyota Motor Manufacturing France (TMMF – 22 pour, 4 contre) réunis lors d’un CSE extraordinaire ont approuvé, le 15 avril, l’organisation de démarrage. A savoir une reprise en douceur avec un objectif de 50 véhicules par jour contre les 1 100 en temps normal. Une cadence bien éloignée de la production habituelle d’un véhicule toutes les 57 secondes. « Le vrai enjeu est de rassurer, explique au Monde Luciano Biondo, le président de TMMF. Certains appréhendent le retour au travail, donc il n’était pas question de lancer une reprise classique, comme on le fait après les trois semaines de fermeture estivale. »

Une seule équipe au lieu de trois

Les syndicats confirment qu’une partie des salariés angoissent à l’idée d’être contaminés par le Covid-19. « Ils savent aussi que rester à la maison payés au chômage partiel, ce ne sera pas ad vitam aeternam », explique Benoît Chambon, vice-président production et président de la CSSCT. Si près de 95 % du personnel a été mis en chômage partiel, environ 250 personnes ont continué à assurer la maintenance sur le site valenciennois depuis le début du confinement. « On sait que l’activité doit être relancée, estime Fabrice Cambier, délégué FO, convaincu par les mesures adoptées. Personnellement, je me sens plus rassuré en allant au travail que lorsque je fais mes courses dans un magasin. »

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Près de 85 % des salariés ont répondu présent, mais pas question pour TMMF de faire reprendre tout le personnel d’un coup. Une seule équipe travaillera de 7 heures à 15 heures au lieu des trois équipes échelonnées du matin au soir, ce qui a nécessité une adaptation de l’outil industriel. Les plus motivés sont donc attendus les premiers. Lundi, ils seront 47, mardi 160 et jeudi un millier. En plus de la présence d’un médecin et d’un infectiologue sur le site, chacun va se voir remettre un kit de reprise comprenant, notamment, un guide de conseils, du gel hydroalcoolique, de l’eau, ou encore un cendrier de poche. Deux masques, dont le port est obligatoire, seront remis chaque jour pour être changés toutes les quatre heures. Sur les lignes de production, certains salariés contraints de se tenir à 1 mètre de distance de leurs collègues porteront des visières, fabriquées sur place par des imprimantes 3D.

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L’Europe veut protéger ses fleurons des prédateurs étrangers

Cela ne fait que commencer. Jeudi 16 avril, la rumeur qu’une offre hostile se préparait sur Nokia a fait flamber le cours de l’équipementier télécom finlandais. Passée la sidération, la crise du Covid-19, qui a provoqué une plongée des cours de Bourse, promet de susciter des tentations.

Selon le Financial Times, des investisseurs du Moyen-Orient réunissent des capitaux pour chasser les bonnes affaires. Le fonds souverain saoudien a déjà pris des parts dans le croisiériste Carnival, des groupes pétroliers européens – dont Total –, et s’apprête à racheter, avec d’autres, le club de foot de Newcastle.

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A travers l’Europe, les responsables politiques prennent très au sérieux la menace de prédateurs étrangers – chinois en particulier – profitant de la crise pour s’emparer d’actifs et de technologies stratégiques, notamment dans l’industrie médicale. « Il y a un vrai risque que des entreprises vulnérables soient la cible d’offres publiques », a indiqué au Financial Times la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager.

Le 25 mars, la Commission à Bruxelles a enjoint les Etats membres à ériger des barbelés autour de leurs fleurons, comme elle l’avait déjà fait un an plus tôt : quatorze pays seulement sur les vingt-sept disposent de moyens réglementaires pour filtrer les investissements étrangers. Ces dernières semaines, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont musclé leur arsenal législatif.

Ligne Maginot des affaires

De son côté, la France n’a pas prévu de solidifier sa ligne Maginot des affaires. « On vient de le faire », rappelle-t-on à Bercy. Avec le décret entré en vigueur le 1er avril 2020, « la France dispose désormais d’une des réglementations en Europe les plus strictes et les plus abouties en matière de contrôle des investissements étrangers », estime Guillaume Nataf, associé du cabinet d’avocats Baker McKenzie.

Depuis le 1er avril, le seuil de détention par un investisseur non européen imposant le dépôt d’une demande préalable est passé à 25 %, au lieu de 33 %

C’était loin d’être le cas en 2014, lorsque l’américain General Electric a entrepris d’acquérir la branche énergie d’Alstom. A l’époque, seuls les rachats d’actifs dans la défense et la sécurité imposaient une autorisation préalable du ministre de l’économie. Le « décret Montebourg », en mai 2014, avait élargi cette obligation à l’énergie, l’eau, les transports, les communications électroniques et la santé publique. Fin 2018, le numérique a été inclus dans la liste des secteurs labellisés stratégiques.

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« Il faut se serrer un peu plus la ceinture » : quand chômage partiel rime avec fiche de paie amputée

Un chantier interrompu par le confinement imposé pour lutter contre la propagation du Covid-19, à Lillle, le 7 avril.
Un chantier interrompu par le confinement imposé pour lutter contre la propagation du Covid-19, à Lillle, le 7 avril. Michel Spingler / AP

Thierry a beau s’y être préparé, le manque à gagner qu’il vient de subir lui a causé une petite émotion. Cadre dans un restaurant de la région parisienne, il ne travaille presque plus depuis la mi-mars, l’établissement qui l’emploie ayant dû fermer ses portes, comme tous les « lieux, recevant du public, non indispensables à la vie du pays ». Thierry a, du même coup, basculé en « activité partielle », dispositif plus connu sous le nom de chômage partiel ou chômage technique. Un changement de situation synonyme de salaire amputé : pour le mois de mars, « l’écart est de 340 euros net », affirme-t-il, soit environ « 10 % » de sa rémunération habituelle. Thierry ne se lamente pas, conscient du fait qu’il se situe en haut de l’échelle des revenus. Mais il va essuyer une perte financière plus importante sur avril, puisque cette période-là sera intégralement chômée. « Je suis locataire et n’ai donc pas de crédit immobilier à rembourser, confie cet homme, encarté à Force ouvrière (FO). Mais si mes ressources sont diminuées pendant trois ou quatre mois, je vais commencer à rencontrer des difficultés. »

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Aujourd’hui, ils sont près de 9 millions à relever, comme Thierry, de l’activité partielle, soit près d’un salarié du privé sur deux. Une situation sans précédent, en France. Le gouvernement a voulu faire jouer ce mécanisme au maximum, afin que les patrons conservent, autant que possible, leur main-d’œuvre durant la récession déclenchée par la pandémie due au coronavirus. Dans cette optique, les règles ont été revues en profondeur, le but étant de bâtir le système « le plus protecteur » d’Europe, selon la formule de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Grâce à ce dispositif, cofinancé par l’Etat et par le régime d’assurance-chômage (Unédic), les salariés perçoivent une indemnité correspondant, en moyenne, à 84 % de leur salaire net. L’employeur peut, s’il le souhaite, mettre la main à la poche pour compenser la différence et assurer, ainsi, le maintien de la paye.

Un filet de sécurité, mais des limites

Si le filet de sécurité dressé par l’exécutif préserve une large part du pouvoir d’achat des personnes concernées, il comporte des limites. Ainsi, certaines composantes de la rémunération du salarié ne sont pas prises en considération pour fixer le montant de l’indemnité d’activité partielle : parmi elles, il y a l’intéressement, la participation et les « primes ou indemnités ayant le caractère de remboursement de frais professionnels » – par exemple, la prime de panier, précise Patrick Bordas, vice-président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.

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« A partir de fin avril, je n’ai plus de trésorerie » : les commerçants français face à la crise

Vincent Solignac - gérant de Les Sardignac - bar à vins, dans le 9ème arrondissement de Paris, le 15 avril 2020. Vincent revint souvent au bar pour aérer et pour s'occuper des stock, suite à la fermeture des bars et restaurants par le gouvernement.

RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »

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Publié aujourd’hui à 08h00

Cela fait plus d’un mois maintenant que 250 000 hôtels, cafés, restaurants, et 136 000 commerces de détail non alimentaires ont baissé le rideau en France, à la suite du confinement de la population. Entre les démarches administratives pour obtenir des aides ou placer leurs salariés au chômage partiel, la gestion des fournisseurs, les relations avec les banques ou les propriétaires des murs de leurs boutiques, les commerçants racontent un quotidien empreint d’inquiétude pour l’avenir.

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  • « Je ne sais pas comment je vais redémarrer »

Gilberto d’Annunzio, restaurateur à Lille

La Bottega, In Bocca al Lupo, L’Ultimo, Via Ristorante, Il Bastione ou encore Prima Fila, le petit dernier ouvert à l’été 2019. Gilberto d’Annunzio est à la tête de plusieurs restaurants à Lille et Valenciennes. Aujourd’hui tous fermés depuis le confinement. Ce fils de paysan italien parti de rien est avec sa sœur à la tête d’une belle affaire, un « sympathique monstre », qu’il ne souhaite pas que ces trois enfants reprennent. Surtout avec la crise actuelle.

Gilberto d’Annunzio pose devant son restaurant-épicerie La Bottega, à Lille, mercredi 15 avril.
Gilberto d’Annunzio pose devant son restaurant-épicerie La Bottega, à Lille, mercredi 15 avril. AIMEE THIRION POUR « LE MONDE »

Alors que les rayons de pâtes sont pris d’assaut dans les grandes surfaces, M. d’Annunzio tente de rassurer au téléphone ses fournisseurs italiens, des petits artisans, qui travaillent habituellement avec les restaurateurs. « L’artisanat est particulièrement touché tandis que Barilla n’a jamais autant produit ! »

Il poursuit l’activité de son épicerie fine italienne en livrant ses clients avec toutes les précautions d’usage. Ses 140 salariés sont, eux, au chômage partiel. Les salaires de mars ont été payés par la trésorerie qui devrait permettre de tenir trois ou quatre mois. Les loyers d’avril ont été suspendus. Et le restaurateur a sollicité un prêt de 25 000 euros à 0,25 % garanti par l’Etat. « Tout ça peut tenir quelques mois si l’Etat tient ses promesses, mais je ne sais pas comment je vais redémarrer. »

Le restaurateur lillois a toujours mené le combat des petits producteurs face aux grands groupes. Il aimerait que le confinement soit l’occasion de réfléchir : « On produit nos pâtes fraîches avec des produits bio, raisonnés, qui coûtent plus cher à faire soi-même qu’en passant par l’agroalimentaire. Pendant ce temps-là, les écoles de commerce apprennent aux jeunes comment acheter des tomates moins chères en Chine. » Usé par la gestion d’un quotidien parfois absurde autour des normes de production européennes alimentaires, de la gestion des terrasses, ou des poubelles, Gilberto d’Annunzio espère que ce virus permettra de « simplifier le bordel » et de revenir à des fonctionnements plus simples. Plus justes. Plus humains.

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Covid-19 : Il faut « revaloriser les emplois et carrières à prédominance féminine »

Tribune. Si tous les soirs nous applaudissons le travail du personnel soignant et de toutes les personnes qui continuent à occuper leurs emplois et assurent ainsi la continuité de nos vies quotidiennes, n’oublions pas que la majorité de ces emplois sont très féminisés. Ce sont les soignantes, infirmières (87 % de femmes) et aides-soignantes (91 % de femmes), mais aussi des aides à domicile et des aides ménagères (97 % de femmes), des agentes d’entretien (73 % de femmes), des caissières et des vendeuses (76 % de femmes), ce sont aussi des enseignantes (71 % de femmes).

Ces métiers sont différents. Ils exigent des niveaux de qualification et des diplômes différents, existent pour certains dans les secteurs privés et publics, mais ils sont tous marqués par cette féminisation, ce sont des « métiers de femmes », implicitement pour les femmes. Il s’agit d’éduquer, soigner, assister, nettoyer, conseiller, écouter, coordonner… bref, de faire appel à des « compétences présumées innées », si « naturelles » quand on est femme… Cette dévalorisation est l’un des facteurs expliquant les 26 % d’écarts salariaux entre les femmes et les hommes (« Comparer les emplois entre les femmes et les hommes. De nouvelles pistes vers l’égalité salariale », de Séverine Lemière et Rachel Silvera, La Documentation française, 2010).

Revaloriser les salaires des emplois féminisés est au cœur de travaux de chercheuses et chercheurs en sciences sociales et de revendications féministes et syndicales depuis plusieurs années ; nombre de rapports et guides ont été publiés (comme celui du Défenseur des droits ou du Conseil supérieur à l’égalité professionnelle). Ces travaux s’appuient sur le principe de l’égalité de salaire entre femmes et hommes pour un travail de valeur égale, posé la première fois par l’Organisation internationale du travail (OIT) lors de sa création, en 1919, au lendemain de la première guerre mondiale, comme un des principes fondamentaux pour assurer la paix : « Une paix durable et universelle ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale. »

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Ce principe existe en France depuis plus de quarante ans : l’égalité salariale s’applique, certes, à travail égal, mais également pour un travail de valeur égale. Et la nuance est ici capitale. La loi sur l’égalité professionnelle de 1983 définit la notion de valeur égale et précise que « sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ». Elle permet ainsi d’appliquer l’égalité salariale entre emplois différents mais considérés de même valeur. Et donc de comparer la valeur des emplois très féminisés avec celle d’autres emplois à prédominance masculine.

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Bercy et les banques négocient âprement le sauvetage des grands groupes

Le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, à Paris, le 5 février.
Le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, à Paris, le 5 février. ERIC PIERMONT / AFP

Contrairement à une idée reçue, les marchés financiers sont ouverts. La plupart des grandes entreprises françaises, d’Airbus à Total en passant par Bouygues, n’ont pas eu besoin de la garantie de l’Etat pour se financer, soit à travers des émissions obligataires, soit par le biais de lignes de crédit obtenues auprès des banques, voire les deux.

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Ces derniers jours, les multinationales européennes ont ainsi levé des sommes record. Airbus a obtenu auprès de ses banques un crédit syndiqué de 15 milliards d’euros. Le 3 avril, le site espagnol de réservation de voyages Amadeus a même annoncé avoir émis pour 1,5 milliard d’euros d’actions et d’obligations convertibles.

Cependant, aussi bien les marchés que les banques se montrent sélectifs : les entreprises qui sont mal notées par les agences de rating – dans le jargon, qui ne sont pas « investment grade » – ne bénéficient pas de ces accès. Même si le spécialiste de la sécurité suédois Verisure a rouvert, jeudi 16 avril, le marché européen des « junk bonds » (celui des emprunteurs à haut risque, inactif depuis près de deux mois), un prêt bancaire assorti d’une garantie de l’Etat peut se révéler nécessaire pour certains groupes. « Cela concerne environ 15-20 acteurs, à comparer aux 287 grandes entreprises répertoriées en France », souligne un dirigeant d’une banque française.

Depuis quelques semaines, Air France, Renault, Fnac-Darty, Europcar ou encore Conforama négocient avec leurs banques l’octroi de nouvelles lignes de crédit, sous condition de ce soutien public. Mais les discussions patinent.

Engagement « irrévocable et inconditionnel » de l’Etat

Toutefois, selon nos informations, un premier point de blocage vient d’être levé. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, a signé, jeudi, un arrêté qui précise l’engagement « irrévocable et inconditionnel » de l’Etat à honorer sa garantie sous 90 jours en cas d’incident de paiement. C’était un point technique essentiel pour les banques, car il a une incidence sur le niveau de leurs fonds propres, une ressource rare et chère.

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Quand elles consentent un crédit à une entreprise, les banques inscrivent un engagement à leur bilan. En langage prudentiel, plus elles portent de risques, plus elles ont besoin de capital. En théorie, quand l’Etat garantit 90 % de ce crédit, les BNP Paribas, Crédit agricole ou Société générale ne devraient supporter que 10 % du risque.

Les banques font valoir que le prêt garanti par l’Etat ne devrait pas s’appliquer de la même manière pour une pizzeria ou une multinationale

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Netflix lance un fonds de soutien pour les intermittents

« L’aide est forfaitaire et s’élève à 500 euros. Elle sera portée à 900 euros pour les personnes dont les ressources avant tout abattement n’excèdent pas 15 000 euros par an »
« L’aide est forfaitaire et s’élève à 500 euros. Elle sera portée à 900 euros pour les personnes dont les ressources avant tout abattement n’excèdent pas 15 000 euros par an » Danièle Schneider / Photononstop

En pleine crise du Covid-19, les géants du numérique volent au secours du monde de la culture. Après Facebook, qui a lancé une aide de trois millions d’euros pour apporter de l’oxygène aux groupes de presse européens les plus en difficulté, c’est au tour de Netflix d’annoncer la création d’un fonds de soutien d’urgence en faveur des artistes et techniciens intermittents du spectacle, à hauteur d’un million d’euros pour la France.

Depuis la mi-mars, l’arrêt des productions audiovisuelles et cinématographiques laisse sur le carreau de nombreux techniciens et intermittents du spectacle. Beaucoup ont vu leur promesse de contrat, souvent orale, annulée ; ils ne bénéficient donc pas du chômage partiel. Selon le Syndicat français des artistes (SFA), affilié à la CGT, au moins 15 452 artistes interprètes se sont retrouvés sans travail les mois de mars et avril.

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Afin de soutenir les intermittents mis à l’arrêt, le ministère de la culture a annoncé que la période de confinement serait neutralisée pour le calcul du versement de leurs indemnités chômage. La crise risquant de s’étendre bien au-delà, les organisations professionnelles des artistes auteurs réclament la mise en place d’une aide dédiée aux plus fragiles, en plus du fonds de vingt-deux millions d’euros débloqué par le gouvernement pour l’ensemble du monde de la culture.

Une aide pour les cas les plus urgents

Dans ces conditions, le fonds d’urgence de Netflix paraît à point nommé. Cette aide s’inscrit dans le cadre d’une enveloppe plus large de 100 millions de dollars débloquée par la plate-forme. La majeure partie de cette somme (85 millions) est destinée aux équipes travaillant sur les productions Netflix en France et dans le monde. Seuls les quinze millions restants, dont un million pour la France, reviennent à des fonds d’urgence visant à soutenir l’industrie audiovisuelle et cinématographique dans son ensemble.

En France, c’est le groupe de protection sociale du secteur de la culture Audiens qui est chargé de déployer ce fonds. Cogérée paritairement par les syndicats, l’institution avait déjà mis en place une aide sociale d’urgence pour les professionnels de la culture les plus fragiles : journalistes pigistes, intermittents en fin de droits… Mais le groupe se retrouve saturé de demandes. « Alors qu’Audiens recevait en moyenne 2 200 dossiers par an concernant ce fonds d’urgence, on en est à 1 500 en trois semaines », s’inquiète Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération nationale CGT des syndicats du spectacle, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC).

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« Le confinement est peut-être la période la plus facile de la crise » : l’inquiétude des commerçants à travers la France

Lille, le 15 avril 2020. Lilya Aït Menguellet devant sa librairie, fermée depuis le début du confinement. Librairie Meura à Lille.

AIMEE THIRION POUR LE MONDE

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Publié aujourd’hui à 05h36

Depuis mi-mars, ce sont environ 250 000 hôtels, cafés, restaurants, et quelque 136 000 commerces de détail non alimentaires, qui n’ont pas accueilli un seul client dans leurs établissements. Si la totalité du secteur de l’hôtellerie et de la restauration est à l’arrêt, le tissu commercial est, lui aussi, touché de plein fouet : selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la fermeture concerne 45 % des commerces en France, soit un tiers des emplois et un peu plus d’un quart du chiffre d’affaires du secteur. Autant d’entreprises aux premières loges de la crise économique.

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La Banque de France indiquait, mercredi 15 avril, une chute de 24 % des ventes dans le commerce de détail en mars, alors que les boutiques ont connu un demi-mois d’activité. Avec un mois d’avril à zéro et une faible visibilité pour l’avenir, les perspectives sont sombres pour ces petits commerçants, à la trésorerie fragile. Certains tentent de s’en sortir malgré tout en innovant, non sans difficultés.

  • « Est-ce que je vais tout perdre ? »

Arnaud Gauthier, cogérant du restaurant La Maca, à Nantes

Un mois après le placement du pays en confinement, Arnaud Gauthier, 47 ans, a perdu le sommeil. « Je me relève trois ou quatre fois dans la nuit, rapporte le cogérant du restaurant La Maca. à Nantes. C’est terre à terre, sans doute égoïste, mais, dans ces moments-là, je regarde les murs de ma maisonnette et je me demande : est-ce que je vais tout perdre ? »

Le samedi 14 mars, l’homme, qui travaille avec sa compagne, a plongé dans l’inconnu. « On a ouvert le restaurant en septembre 2019 avec onze salariés. On a essuyé toutes les manifs [de « gilets jaunes »] et là, maintenant, c’est le coup d’arrêt imposé. » Le chef d’entreprise misait originellement sur un chiffre d’affaires annuel avoisinant le million d’euros, avec un objectif de 120 couverts par jour. L’homme, qui a le statut de travailleur non salarié, ne perçoit aucun revenu. Même si les banques ont « décalé les remboursements », il conserve sur les bras un prêt pour l’achat du fonds de commerce supérieur à 600 000 euros. « Si je dévisse, est-ce qu’on va me demander de rembourser mes dettes toute la vie, alors que je suis confronté à une crise à laquelle je ne peux rien ? », s’inquiète ce père d’une adolescente de 16 ans.

En attendant, M. Gauthier, qui tient aussi un bar avec cinq salariés, s’est ingénié à payer l’essentiel de ses fournisseurs. Il a avancé les salaires des employés mis au chômage partiel, dans l’attente d’être remboursé par les services de l’Etat.

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En un mois, 22 millions d’Américains se sont inscrits au chômage en un mois

Un automobiliste vient retirer une demande d’inscription au chômage, dans la ville de Floride d’Hialeah, le 8 avril.
Un automobiliste vient retirer une demande d’inscription au chômage, dans la ville de Floride d’Hialeah, le 8 avril. JOE RAEDLE / AFP

L’économie américaine continue de tomber comme une pierre. Pour la semaine achevée le 11 avril, 5,245 millions de personnes se sont inscrites au chômage aux Etats-Unis. En quatre semaines, 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi dans un pays où la population active est de 165 millions. Le taux de chômage n’est pas connu, mais devrait s’envoler de 3,5 % avant crise à près de 17 %. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour 2020 une récession de 5,9 % (moins sévère que celle de 7,5 % attendue dans la zone euro) avant un rebond de 4,7 % en 2021.

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La crise concerne l’offre et la demande, comme l’ont confirmé les premiers indices publiés mercredi 15 avril. Usines fermées, chaînes de valeurs interrompues : la production industrielle américaine a connu, en mars, son plus fort recul depuis 1946, avec une baisse de 5,4 %. Côté consommation, la situation est, elle aussi, pire qu’attendu avec un recul des ventes de détail de 8,7 %. Du jamais-vu depuis la création de la statistique au début des années 1990. Si les Américains se sont rués dans les épiceries et drogueries pour faire des réserves de produits de première nécessité, ils ont déserté les bars et les restaurants (un quart de chiffre d’affaires en moins), les magasins d’habillement (ventes divisées par deux), les concessionnaires automobiles (moins 25 %) et restent confinés.

Des fonds engloutis en quelques jours

Le gouvernement fédéral et les Etats ont paré au plus pressé. Douze millions d’Américains ont touché le chômage la semaine dernière. Ceux qui ont perdu leur emploi ont droit à une indemnisation fédérale de 600 dollars maximum (550 euros environ) par semaine pendant près de neuf mois. Cette somme s’ajoute aux indemnités versées par les Etats, qui peuvent atteindre 500 dollars. Les 150 millions d’Américains gagnant moins de 75 000 dollars (69 200 euros) par an ont commencé à recevoir du Trésor une aide individuelle de 1 200 dollars (plus 500 dollars par enfant). La procédure aurait été retardée de quelques jours parce que Donald Trump a exigé que son nom figure en paraphe en bas des chèques.

Les fonds mis à disposition des entreprises par le Congrès ont été engloutis en quelques jours. Plus de 1,4 million de PME ont obtenu le feu vert de l’administration pour recevoir 350 milliards de dollars de prêts, non remboursables s’ils sont destinés à payer les salariés. Le Congrès réfléchit à ouvrir une nouvelle enveloppe de 250 milliards supplémentaires. Les grandes compagnies les plus menacées ont été renflouées en urgence, telles les compagnies aériennes qui devraient recevoir quelque 25 milliards de dollars de subvention, remboursables à hauteur de 30 % seulement. La restructuration de l’industrie pétrolière texane, en déconfiture avant l’épidémie, s’annonce des plus violentes.

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