Les périls de la société libérée

Les périls de la société libérée

De nos jours, les travailleurs désirent bien vivre dans le travail, la question de la répartition semblant éloignée par la question de la reconnaissance, explique « L’Entreprise délibérée », livre combiné par le professeur de management Mathieu Detchessahar.

« L’entreprise délibérée. Refonder le management par le dialogue », coordonné par Mathieu Detchessahar. Editions Nouvelle Cité, 290 pages, 19 euros.
« L’entreprise délibérée. Refonder le management par le dialogue », coordonné par Mathieu Detchessahar. Editions Nouvelle Cité, 290 pages, 19 euros.

Contrôle bureaucratique, force des évolutions informatisés et des structures financières ont immergé bon nombre de travailleurs dans les tourments de la perte de sens. Seuls 6 % des salariés questionnés en février-mars 2018 par l’institut de sondage Gallup s’assurent engagés au travail. L’aspiration au changement du mode de travail est largement partagée, par les cadres et les dirigeants eux-mêmes. Certains proposent de « libérer l’entreprise » et promeuvent l’autonomie, la liberté, la suppression des hiérarchies. D’autres rénovateurs rêvent d’« agilité organisationnelle » ou d’holacratie.

Le succès de cette détermination de changement du management signale une excursion du débat autour du travail et des organisations : « Les tentatives de changement actuelle des organisations étendent à prioriser l’enjeu de la exploration sur celui de la redistribution », déclare Mathieu Detchessahar dans L’Entreprise délibérée (Nouvelle Cité).

L’ouvrage collectif, accordé par ce professeur de management à l’université de Nantes, retrace un réel changement : l’essentiel du siècle dernier a été imposé par l’enjeu de la répartition. Tout s’est passé comme si « les travailleurs étaient prêts à passer sous les fourches Caudines des méthodes modernes d’organisation du travail pour peu qu’elles leur assurent un niveau de vie, une stabilité et une certaine sécurité, un accès à la consommation… Bref, qu’elles admettent de vivre correctement, de vivre bien en dehors du travail ».

« Dépendances assumées »

Actuellement, les salariés demandent aussi bien vivre dans le travail, et la question de la répartition semble supplantée par la question de la reconnaissance. De façon symétrique, les employeurs se retrouvent dans un discours valorisant « non plus l’exécution docile des prescriptions organisationnelles, mais la promesse, l’initiative, l’innovation ».

Mais aussi attirantes soient-elles, ces approches souffrent d’un défaut originel, souhaite Mathieu Detchessahar : « Les organisations ne peuvent pas être le monde de l’autonomie et de la liberté ! Elles sont au contraire le monde des dépendances garanties dans lequel chaque participant renonce à déterminer seul son action pour la définir de façon coopérative avec les autres… et faire mieux ensemble. »

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LJD

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