« Les Chimpanzés et le télétravail »: un regard évolutionniste sur les transformations du travail
Le livre. Les confinements imposés par la crise du Covid-19 ont provoqué un retournement brutal des habitudes de travail, ancrées depuis la fin du XVIIIe siècle : une majorité de personnes n’allant plus au travail mais le travail venant à elles. Le modèle qui a prévalu depuis le premier âge des machines instauré par la révolution industrielle va-t-il se transformer avec l’affirmation d’un deuxième âge des machines ? interroge Pascal Picq dans Les Chimpanzés et le télétravail (Eyrolles).

« Par-delà la règle empirique qui fait que l’Histoire pas plus que l’évolution ne reviennent en arrière, nos sociétés vont changer avec les nouvelles formes de travail et ses conséquences à peine esquissées sur la vie privée, les transports, la ville et à l’échelle mondiale. Ni plus ni moins qu’une nouvelle phase de l’évolution de l’humanité, comme ça a toujours été le cas avec le déploiement de nouvelles technologies généralisées, le feu il y a deux millions d’années, aujourd’hui le numérique », affirme le paléoanthropologue au Collège de France. Son essai propose un regard évolutionniste sur les transformations du travail, en s’appuyant sur l’anthropologie et l’éthologie.
Après une brève histoire de l’évolution du travail, des moyens de production et de leur impact sur la vie des personnes, l’ouvrage dresse un bilan de l’expérience du télétravail massif dans le monde pendant la pandémie pour ensuite replacer les bouleversements actuels dans une perspective évolutionniste.
Les femelles se distinguent
Dans une période de crise, la sélection naturelle sélectionne. « Pardon pour la tautologie, pourtant nécessaire tellement l’idée dominante est celle de la loi du plus fort et de l’élimination des autres. Plus encore, elle ne crée rien, elle sélectionne ! Il faut donc analyser les changements actuels au regard de ce qui se faisait en termes de travail à distance avant la pandémie, sélectionner les bonnes pratiques, réduire si ce n’est éliminer les pratiques obsolètes et certainement en inventer d’autres. »
Une nouvelle écologie du travail et des tâches va se mettre en place, qui doit s’inscrire dans les tendances déjà engagées des entreprises dans leur numérisation, leur automation, leurs problématiques sociales et environnementales dans une perspective écosystémique.
Et les chimpanzés dans tout ça ? Les changements d’organisation du travail impliquent de nouvelles formes de vie individuelle, en groupes et entre groupes que l’on rencontre chez différentes espèces de singes et de grands singes. Comment passer d’organisations du travail verticales et descendantes, où l’erreur n’est pas tolérée, comme chez les macaques, à des organisations de type chimpanzé ?
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