Le statut d’indépendant d’un chauffeur Uber est « fictif », selon la Cour de cassation
La Cour de cassation a confirmé mercredi 4 mars la « requalification (…) en contrat de travail » du lien unissant Uber et un chauffeur, assurant que son statut d’indépendant n’est « que fictif », en raison du « lien de subordination » qui les unit. Un tel arrêt, une première en France, remet en cause le modèle économique du géant américain, déjà attaqué en Californie, notamment.
La plus haute juridiction française a jugé que le chauffeur « qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». Pour la Cour de cassation, la possibilité de se déconnecter de la plate-forme sans pénalité « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».
L’arrêt liste de nombreux éléments qui ne recouvrent pas les critères du travail indépendant : un itinéraire imposé au chauffeur, une destination inconnue, « révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient », la possibilité pour Uber de déconnecter le chauffeur à partir de trois refus de course… Le conducteur, juge la Cour de cassation, « participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice ».
Une menace pour le modèle économique d’Uber
Début 2019, Uber s’était pourvu en cassation après un arrêt de la cour d’appel de Paris estimant que le lien entre un ancien chauffeur indépendant et la plate-forme américaine était bien un « contrat de travail ». La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi d’Uber et confirme la décision de la cour d’appel de Paris.
Ce chauffeur avait saisi la justice en juin 2017, deux mois après qu’Uber eut « désactivé son compte », le « privant de la possibilité de recevoir de nouvelles demandes de réservation », rappelait la cour d’appel. A l’époque, il lui avait été expliqué que la mesure avait été « prise après une étude approfondie de son cas ».
Fabien Masson, l’avocat du chauffeur, s’est félicité auprès de l’Agence France-Presse (AFP) de cette « jurisprudence » qui vise « le numéro un des plates-formes de VTC [voitures de transport avec chauffeur] ». « C’est une première et ça va concerner toutes les plates-formes qui s’inspirent du modèle Uber », a-t-il estimé.
« Cette décision ne reflète pas les raisons pour lesquelles les chauffeurs choisissent d’utiliser l’application Uber », a réagi un porte-parole de la plate-forme, mettant en avant « l’indépendance et la flexibilité qu’elle permet ». Pour Uber, cette décision de la Cour de cassation « n’entraîne pas une requalification immédiate ou automatique de tous les chauffeurs utilisant notre application ».
Si certains chauffeurs sont attachés à leur statut d’indépendant, de nombreux conducteurs pourront s’appuyer sur cette nouvelle décision pour demander la requalification de leur relation contractuelle avec Uber ou d’autres plates-formes en contrat de travail. En clair, le modèle économique d’Uber pourrait s’effondrer.
Ce modèle, au cœur du développement de la firme américaine, a été attaqué par l’Etat américain de Californie, qui a ratifié en septembre dernier une loi visant à contraindre les géants de la réservation de voitures à salarier leurs chauffeurs, afin qu’ils soient mieux protégés.