« Le Mythe de l’entrepreneur » : la face cachée de la Silicon Valley

« Le Mythe de l’entrepreneur » : la face cachée de la Silicon Valley

Le livre. Où a débuté l’irrésistible success story de nombreux entrepreneurs de la Silicon Valley ? Dans un garage. C’est là, par exemple, que Steve Jobs,va vivre l’acte fondateur de sa carrière : durant l’été 1976, il y produit avec son ami Steve Wozniak les premiers ordinateurs Apple I.

L’ascension qui va suivre n’en est que plus saisissante : « Du dénuement à l’abondance, du garage à la multinationale, les médiations s’évanouissent. Ne reste que la performance de l’entrepreneur héroïsé », explique Anthony Galluzzo, maître de conférences à l’université de Saint-Etienne. Dans son essai Le Mythe de l’entrepreneur (La Découverte, 232 pages, 20,5 euros) l’auteur décrypte de façon méthodique la fabrique des célébrités entrepreneuriales américaines − et tout particulièrement celle du cofondateur d’Apple − et défait, pièce après pièce, l’imaginaire qui nous est proposé.

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Il montre que cette construction, ce storytelling, repose sur certains invariants qui font de l’entrepreneur un produit-star, marketé jusqu’à l’excès : « La précocité, la fêlure originelle, les origines modestes, la rébellion fondatrice. » Il est un créateur situé au-dessus des contingences matérielles (« la vie de Steve Jobs ne se trouve pas sur les terres de la production mais dans le ciel des idées »), doté d’une vision, sorte de « techno-prophète » qui « décrivait ce à quoi allait ressembler le futur ». Mais c’est aussi un génie créatif altruiste : celui qui va incarner la marche vers le progrès et « donn[er] à l’humanité les outils de sa prospérité ».

De génie à accapareur

Au fil des pages, l’auteur se plaît à changer le point de vue de l’observateur, réalisant plans larges et contrechamps pour mieux souligner les manquements de ces belles histoires. Il nous montre que, selon où l’on se positionne, Steve Jobs passe de génie à accapareur, que « Apple est moins le ‘‘créateur’’ de l’iPod que son assembleur ». Avec le logiciel iTunes, l’entrepreneur aurait « sauv[é] la musique des ravages du piratage », a-t-on entendu. C’était surtout le moyen pour Apple de saisir une opportunité de marché.

Ce faisant, M. Galluzzo met en lumière ce que le récit officiel occulte. Derrière l’image d’Apple, phare de l’humanité, on distingue une entreprise en quête de rentabilité qui délocalise une partie de sa production chez un sous-traitant, Foxconn, où les conditions de travail sont dénoncées. On comprend par ailleurs que, derrière le créatif tenant de ses « keynotes », ses conférences-spectacles, Jobs est aussi un patron et un homme d’affaires.

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LJD

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