Le blues du recruteur
Carnet de bureau. L’emploi dégringole. Les sites voient leur volume d’annonces fondre : – 12,1 % en moyenne pour Indeed, avec un recul variable de 10 % à 30 % selon les secteurs d’activité. L’Association pour l’emploi des cadres (APEC) a, comme beaucoup, fermé tous ses centres dès le 16 mars et enregistré une baisse des offres plus légère, de l’ordre de 8 %, même si l’informatique est toujours en forte demande pour accompagner la généralisation brutale du télétravail et les questions de cybersécurité. L’intérim jongle entre les annulations de missions de l’industrie et du BTP et les demandes de recrutement d’urgence pour l’agroalimentaire et la distribution. Qu’est devenu le recruteur ?
Dans l’intérim, les agents continuent en télétravail avec les secteurs en demande. Chez Manpower, une hotline a été mise à leur disposition, les entretiens se font en vidéo ou par téléphone, et les contrats sont validés par signature électronique. Mais dans les cabinets de recrutement, tout s’est arrêté.
Le 16 mars a amorcé une semaine de sidération. La profession a pris de plein fouet un arrêt immédiat de la quasi-totalité des missions. « Mêmes des offres passées ont été annulées et certaines entreprises, craignant les mois de crise à venir, ont interrompu des périodes d’essai. Il y a eu un effet de panique. On a cru qu’on allait tomber à zéro ! En avril, le chiffre d’affaires des 130 cabinets de recrutement de Syntec conseil en recrutement aura baissé d’au moins 50 % », témoigne Antoine Morgaut, président de cette organisation et directeur général Europe du cabinet de recrutement international Robert Walters.
Projets reportés
Du jour au lendemain, le recrutement n’avait plus de raison d’être. Les DRH se sont concentrés sur la réorganisation du travail imposée par le confinement. Les candidats à la mobilité professionnelle ont reporté leur projet en attendant des jours meilleurs. Enfin, les entreprises réfractaires aux entretiens vidéo ne pouvaient pas poursuivre les processus d’embauche à cause du confinement. Les cabinets qui ont les moyens de le faire ont commencé à mettre en place le chômage partiel.
Résultat, après avoir installé, comme beaucoup de salariés, son bureau à la maison, le recruteur s’est mis à tourner en rond, dans son espace confiné, occupé principalement par son stress, un gros stress d’une année qui s’annonçait gâchée.
En deuxième semaine de confinement, quelques DRH ont commencé à revenir, même des grands groupes de l’hôtellerie comme Accor. « C’était l’opportunité de recruter des candidats qu’on n’aurait pas imaginé pouvoir attirer avant », explique Antoine Morgaut. Bien équipé pour télétravailler, « aujourd’hui, le recruteur s’impose une organisation du travail autour d’appels de candidats, de clients. On travaille comme avant, mais avec les outils numériques et en se concentrant sur les secteurs les plus résilients – la pharmacie, les nouvelles technologies –, mais il y a moins d’activité », reconnaît-il. Tout recruteur est aujourd’hui un candidat potentiel au chômage technique.