La France, pionnière de la bonne gouvernance
Entreprises. Le 17 décembre 2020, le Parlement européen a adopté une résolution (2020/2137 (INI)) sur la gouvernance durable des entreprises qui « invite la Commission à présenter une proposition législative visant à garantir que les obligations des dirigeants ne peuvent être interprétées, à tort, comme équivalant à la maximisation à court terme de la valeur actionnariale, mais qu’elles incluent au contraire l’intérêt à long terme de l’entreprise et de la société dans son ensemble… » (article 19). Ce texte marque un tournant dans la conception de l’entreprise de l’Union et il présente, vu de France, des arguments et des propositions audacieuses qui rejoignent le rapport Notat-Sénard (mars 2018) et la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, mai 2019).
Le Parlement européen construit son argumentation en trois étapes dont le raisonnement est proche des analyses qui ont contribué à la réforme française, synthétisées dans La Mission de l’entreprise responsable, réalisée sous la direction de Blanche Segrestin et Kevin Le Villain (Presses des Mines, 2018).
D’abord, le Parlement rompt avec la conception dogmatique de l’entreprise comme agent économique : « les entreprises ne constituent pas des entités abstraites déconnectées des défis environnementaux et sociaux actuels » (article 18).
Ensuite, il constate l’échec des démarches habituelles pour instaurer une gouvernance adaptée aux enjeux sociaux et environnementaux : « Considérant que les multiples initiatives internationales en faveur d’une gouvernance d’entreprise durable restent des instruments juridiques non contraignants, fondés sur le principe du volontariat, et ont largement prouvé leur inefficacité lorsqu’il s’agit d’influer sur le comportement des entreprises en matière de durabilité… » (article C).
Enfin, il en déduit « la nécessité de voir l’Union adopter une législation de l’Union à cet égard » (article C).
Pour une réforme juridique
Cette même logique a conduit la France à modifier le code civil dans le cadre de la loi Pacte en stipulant, dans l’article 1833, que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». La loi instaure aussi dans le code du commerce les notions de raison d’être d’une entreprise et de société à mission, cette dernière faisant l’objet d’un contrôle obligatoire par un tiers indépendant.
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