La Californie tente de réguler l’« économie des plates-formes »

La Californie tente de réguler l’« économie des plates-formes »

Des chauffeurs Uber manifestent pour leurs droits, le 8 mai 2019 à l’aéroport de Los Angeles, en Californie.
Des chauffeurs Uber manifestent pour leurs droits, le 8 mai 2019 à l’aéroport de Los Angeles, en Californie. LUCY NICHOLSON / REUTERS

Employés ? Travailleurs indépendants ? A l’automne 2019, la Californie croyait avoir tranché le débat sur la « gig economy », l’économie à la demande, en adoptant une loi imposant aux entreprises d’octroyer à leurs contractuels des avantages comparables à ceux des salariés : congé maladie, salaire minimum, assurance chômage, d’invalidité. C’était la première tentative, à l’échelle d’un Etat de cette importance pour freiner « l’ubérisation » du travail et la multiplication des emplois précaires.

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Pour les élus californiens, il s’agissait de lutter contre les inégalités qui s’accentuent, à l’ombre de ce que les experts appellent maintenant la « two-jobs economy », l’économie où il faut deux emplois pour s’en sortir. L’auteure de la loi, Lorena Gonzalez, une ancienne syndicaliste de San Diego, fille d’ouvrier agricole et diplômée de l’université Stanford, avait accusé les plateformes technologiques de pratiquer des méthodes « féodales », sous couvert de « flexibilité ».

La loi, dite AB5, est entrée en vigueur le 1er janvier. Elle impose aux entreprises opérant en Californie de requalifier comme employés les contractuels qui satisfont aux conditions définies par la Cour suprême de l’Etat en 2018. « La présomption est que vous êtes un employé sauf si trois critères sont simultanément réunis », explique Ken Jacobs, le directeur du centre de recherche de l’université de Berkeley sur le travail : être indépendant du contrôle de la compagnie, exercer une tâche qui ne figure pas dans « l’activité principale » de celle-ci, et offrir ses services à d’autres employeurs.

Une définition qui frappe au cœur du modèle de la gig economy, notamment le deuxième critère. Uber a beau proclamer être une plate-forme qui met en relations clients et chauffeurs et non une entreprise de transports, sa défense ne convainc pas les experts. « Pour une compagnie qui paie les gens pour conduire, il est difficile de prétendre que la conduite n’est pas au cœur de son activité », note le professeur Jacobs.

Panique

La loi visait surtout à protéger les forçats de l’économie numérique : les chauffeurs des compagnies de VTC comme Uber et Lyft, les livreurs d’Amazon Flex, DoorDash, Instacart, Postmates soumis à des tarifications dont seuls les algorithmes ont la clef.

Mais des dizaines de milliers de contractuels de métiers plus classiques se sont aperçus qu’elle les englobait aussi : pigistes (s’ils rédigent plus de trente-cinq articles annuels pour la même entreprise), correcteurs, interprètes, routiers, photographes. La loi a semé la panique dans les salons de coiffure, les cabinets d’experts-comptables, les clubs de yoga, obligés de recourir à des avocats pour savoir si leurs auxiliaires étaient contractuels ou pas.

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LJD

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