Europe : « Il y a beau temps que la protection des droits humains ne s’arrête plus aux portes des casernes : faut-il pour autant s’en inquiéter ? »

Europe : « Il y a beau temps que la protection des droits humains ne s’arrête plus aux portes des casernes : faut-il pour autant s’en inquiéter ? »

Tribune. Par une décision rendue le 15 juillet, la Cour de justice de l’Union européenne met en œuvre la législation européenne sur le temps de travail : elle affirme que nul travailleur ne doit être privé d’un encadrement du temps de travail destiné à protéger sa santé et sa sécurité, et que l’armée peut utiliser toutes les (nombreuses) dérogations offertes par le droit de l’Union pour assurer la protection du territoire national et de la sécurité publique.

Pourquoi donc sonner l’alarme contre une telle décision, comme le fait Edouard Philippe dans sa tribune « La décision des juges européens sur le temps de travail de nos soldats touche au cœur de la souveraineté et de la sécurité de la France » parue dans Le Monde le 17 juillet ?

On a souvent reproché à l’Union européenne (UE) d’être anti-sociale, préoccupée seulement d’un marché intérieur dans lequel la concurrence fait rage : cette décision, entre autres, montre qu’il n’en est rien. L’Union change, de plus en plus vite, pour s’éloigner, de plus en plus, sans toutefois le renier, du marché commun de ses origines : en témoignent, notamment, la protection des droits humains garantis par la Charte des droits fondamentaux et, plus récemment, le lancement du grand programme écologique que constitue le Pacte vert pour l’Europe.

Les nombreuses dérogations dans l’application de la décision

Quant aux droits sociaux au cœur de la décision de juillet, ils ont toujours eu une place dans les politiques de l’Union, depuis le traité de Rome (1957). A nouveau au cœur de l’action de l’Union, la politique sociale de l’Union a été relancée par le Socle européen des droits sociaux (2016). Le droit au repos et à la limitation du temps de travail fait partie de ces droits sociaux fondamentaux protégés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union que la Cour de justice a toujours défendus avec force, depuis que la Directive sur le temps de travail de 1993 a été adoptée.

Avec force, mais non sans nuance, conformément à la législation de l’Union, qui se caractérise par la prise en compte de la spécificité des situations de travail, y compris celle des militaires. Tendue sur un fil, la décision est le reflet, dans sa nuance, de l’équilibre dans lequel se situe la Cour de justice de l’Union. Pour le comprendre, il faut se donner la peine de regarder la décision de près.

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Interrogée par la Cour suprême de Slovénie sur le point de savoir si l’activité de garde exercée par un officier de l’armée slovène devait être considérée comme hors du champ d’application de la protection assurée par le droit de l’Union, la Cour a répondu, très précisément que l’encadrement du temps de travail prévu par le droit de l’UE – qui n’exige pas le respect des « 35 heures », législation franco-française, contrairement à ce que certains ont laissé entendre – ne s’applique ni aux activités réalisées dans le cadre de la formation initiale des militaires, aux entraînements opérationnels ou aux opérations militaires, ni aux activités à ce point particulières qu’elles ne se prêtent pas à un système de rotation des effectifs permettant d’assurer le respect des exigences de limitation du temps de travail.

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