Comment le système scolaire est devenu dépendant des heures supplémentaires
Les 29 et 30 avril, un début de panique a traversé les collèges et les lycées. Le temps de quarante-huit heures, avant que le ministère de l’éducation nationale ne fasse volte-face, plusieurs rectorats ont gelé des enveloppes d’heures supplémentaires dont disposent les établissements en vue de les réduire. « Catastrophe », « amputation », « paralysie »… Derrière les mots alors employés par les chefs d’établissement pour évoquer les conséquences de cette décision – prise dans le cadre du plan d’économies budgétaires de 10 milliards d’euros dont 683 millions pour la Rue de Grenelle – transparaît l’importance qu’ont prise les heures additionnelles demandées aux enseignants dans le fonctionnement de l’éducation nationale.
Le volume des heures supplémentaires dans le second degré – dont il existe différents types, et dont seule une petite partie était concernée par les coupes budgétaires – va croissant depuis des années sous les effets conjugués du manque d’enseignants et de choix gouvernementaux dans la mise en œuvre des politiques éducatives. Jusqu’à atteindre des niveaux inégalés. Jamais, depuis au moins quarante ans sur lesquels les chiffres sont disponibles, les professeurs n’en ont fait autant qu’en 2023.
« Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce ne sont pas des heures en bonus. Sans elles, aucun établissement ne peut assurer tous ses cours ni faire vivre les dispositifs d’accompagnement », résume Julien Giovacchini, principal d’un collège dans le Pas-de-Calais et secrétaire général adjoint du syndicat ID-FO.
A rebours de la démographie des élèves
La courbe doit, avant tout, sa pente ascendante au principal contingent d’heures supplémentaires : les « heures supplémentaires année » (HSA), ces heures de cours faites chaque semaine par un enseignant du secondaire en sus de ses obligations de service hebdomadaires (dix-huit heures de cours pour les certifiés, quinze pour les agrégés). En 2023, les enseignants du public en ont assuré 620 000 par semaine, un niveau jamais atteint. C’est 38 % de plus qu’en 2002, 17 % de plus qu’en 2018.
Les HSA ont toujours été indispensables au système éducatif pour répondre aux besoins des établissements, qui ne concordent pas à l’heure près avec les obligations de service des professeurs. Mais leur poids grandissant montre qu’elles ne sont plus une simple variable d’ajustement. « Les HSA peuvent aussi compenser un déficit d’enseignants, lié à un décalage entre les recrutements et l’évolution des effectifs d’élèves, ou aux pénuries aux concours de recrutement », explique Clémence Cardon-Quint, professeure des universités en histoire contemporaine à l’université Paul-Valéry-Montpellier-III, autrice d’un ouvrage à paraître sur la fabrique du budget de l’éducation nationale dans la seconde moitié du XXe siècle.
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