L’égalité salariale, âpre combat des travailleuses britanniques

Lors d’une grève de quarante-huit heures menée par des milliers d’employées de la ville de Glasgow (Ecosse) pour réclamer l’égalité salariale, le 23 octobre 2018.

Jackie Ballantyne, 45 ans, travaille depuis dix-sept ans chez Asda, l’une des quatre principales chaînes de supermarchés britanniques. Elle est employée au service client d’un magasin dans l’ouest de Glasgow (Ecosse). Membre du syndicat GMB Scotland, elle est engagée, aux côtés de 60 000 autres salariées d’Asda (presque toutes des femmes œuvrant dans les magasins), dans une action en justice contre leur employeur afin d’obtenir une paie équivalente à celle des manutentionnaires dans les entrepôts – pour la plupart des hommes. « Ils sont payés 3 livres [3,60 euros] de plus par heure, alors que nous sommes confrontées à beaucoup d’agressivité et de vols. Notre travail est physiquement et émotionnellement éprouvant », témoigne la syndicaliste.

En 2021, la Cour suprême a donné raison aux employées, qui assuraient que leurs tâches pouvaient être comparées à celles de leurs collègues dans les entrepôts. Le 9 septembre 2024, leur plainte est entrée dans une phase cruciale : l’Employment Tribunal de Manchester (jugeant les litiges entre employeurs et employés) étudie si le travail des plaignantes requiert des compétences équivalentes à celui des manutentionnaires. Si la conclusion est positive, une dernière phase judiciaire s’ouvrira, au cours de laquelle la direction d’Asda devra justifier les différences salariales. Ce contentieux au long cours (il a commencé en 2014) est la plus grosse bataille pour l’égalité salariale jamais menée par des travailleuses britanniques.

« Si Asda perd en justice, les indemnités que le groupe devra verser aux employées pour les années durant lesquelles elles ont été discriminées pourraient atteindre 2,5 milliards de livres sterling », explique Joshua Boyle, un jeune membre du syndicat GMB – l’une des principales organisations du pays, avec Unison et Unite –, qui travaille chez Asda comme livreur, côté magasin. Lui aussi est moins rétribué que dans les entrepôts et fait partie des rares employés masculins à s’être associés à la plainte. « Les indemnités pourraient aller de 50 000 à 100 000 livres sterling, selon l’ancienneté dans l’entreprise. De quoi changer la vie des plaignantes. Cela peut permettre d’acheter un logement ou d’aider ses enfants à s’en offrir un », souligne Rhea Wolfson, responsable des questions de santé et d’égalité salariale au sein de la direction de GMB.

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« Si j’avais été mieux payée, j’aurais pu prendre plus de congés afin de me remettre de mon traitement du cancer du sein et faire le deuil de mon père, qui est mort du Covid-19 », raconte Jackie Ballantyne. Si elle obtient gain de cause devant la justice, elle rêve de partir à la retraite pour souffler un peu. « Aujourd’hui, je dois faire des extras. Je travaille du lundi matin au dimanche soir, car ma paie ne suffit pas pour payer les emprunts et les factures », observe la syndicaliste. Le cas d’Asda est loin d’être unique. Sainsbury’s, Morrisons, Tesco, Co-op : quasiment tous les distributeurs sont aux prises avec des dizaines de milliers d’employées en colère. En août, le distributeur de vêtements Next a perdu un bras de fer judiciaire de six ans contre 3 500 de ses salariées.

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Craintes sur l’emploi chez Auchan qui va réduire la taille de ses hypermarchés

Auchan va-t-il enterrer le modèle de l’hypermarché et une partie de ses emplois ? Telle est l’inquiétude des salariés du distributeur nordiste depuis plusieurs semaines, depuis que le groupe de distribution appartenant à la famille Mulliez a dévoilé, dans le courant de l’été, les contours de son dernier traitement de choc pour retrouver le chemin de la rentabilité : repositionnement sur les prix en France, adaptation du modèle de l’hypermarché, développement de la franchise… Ces annonces, délivrées au compte-gouttes en pleine période estivale, ont rapidement fait craindre aux syndicats des suppressions massives d’emplois dans un groupe qui compte 59 000 personnes en France et 160 000 dans le monde.

Les représentants du personnel espéraient obtenir des éclaircissements quant aux répercussions sur l’emploi, mercredi 9 octobre, lors d’une réunion avec la direction concernant la stratégie commerciale. Mais leurs questions sont restées sans réponse, la direction ayant laissé entendre que les informations seraient fournies site par site, en fonction de leur taux de rotation de l’emploi.

Or, la situation financière est catastrophique : le chiffre d’affaires d’Auchan (hors pays en guerre) a continué de chuter, de 3,3 % au premier semestre. La baisse a atteint 4,7 % en France, après un recul de 2,7 % en 2023. L’entreprise justifiait, fin juillet, ces résultats par une concurrence « mieux positionnée en matière de prix et de formats » et par un « phénomène de déconsommation » qui touche davantage « les hypermarchés (– 5,2 %), plus exposés aux produits non alimentaires » que « les supermarchés (– 1,6 %) ». Des résultats qui se sont traduits par une perte de près de 1 milliard d’euros pour sa maison mère ELO, qui regroupe Auchan et ses activités foncières. Dès lors, comment, s’interroge-t-on jusqu’au sein de la famille Mulliez, ne pas faire le parallèle avec l’effondrement éclair du Groupe Casino, qui avait conduit à la cession de l’ensemble ses hypermarchés et supermarchés au tournant de 2024 ?

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Au cœur du plan de relance mené par Guillaume Darrasse, qui cumule depuis fin août les fonctions de directeur général d’Auchan Retail et de président Auchan Retail France : un projet stratégique baptisé « ADN » susceptible de modifier l’empreinte génétique d’un distributeur qui a fait des grands hypermarchés sa marque de fabrique. Cela consiste à diminuer des surfaces de vente dans un tiers de ses hypermarchés dans tous ses pays européens. « Au total, ce plan conduira à une réduction moyenne de 25 % des surfaces de vente et le parc d’hypermarchés sera à terme composé d’environ 70 % de magasins d’une surface inférieure ou égale à 10 000 mètres carrés », a indiqué Auchan en juillet. Le tout échelonné jusqu’en 2027, au rythme de 50 000 à 100 000 mètres carrés en moins par an.

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Fonction publique : le retour des suppressions de postes fait bondir les syndicats

Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques, lors d’une conférence de presse, à Paris, le 13 mars 2024.

Depuis son arrivée à Matignon, Michel Barnier ne cesse d’envoyer des signaux en direction des organisations de salariés. Il affiche sa volonté de changer de méthode dans la relation aux syndicats, pour rompre avec sept années de macronisme qui ont malmené les corps intermédiaires. Pourtant, cette nouvelle façon de faire ne semble pas concerner la fonction publique. C’est en tout cas ce que pensent les représentants des agents.

Le nouveau ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique, Guillaume Kasbarian, les a tous reçus, entre le lundi 30 septembre et le lundi 7 octobre. Tous les syndicats font part d’une première rencontre cordiale et d’un ministre à l’écoute. Ils ont donc été d’autant plus surpris de découvrir le sort que Michel Barnier réserve à la fonction publique.

Le 3 octobre, dans l’émission « L’Evénement », sur France 2, le premier ministre a ramené dans le paysage une antienne qui avait quelque peu disparu ces dernières années : les suppressions de postes. « On va sans doute ne pas remplacer tous les fonctionnaires quand ils ne sont pas en contact direct avec les citoyens, tous les fonctionnaires qui partent à la retraite », a signalé le chef du gouvernement, évoquant aussi des fusions. Alors que l’exécutif cherche à faire 40 milliards d’euros d’économies pour 2025, les coupes budgétaires ne devraient donc pas épargner la fonction publique.

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Le locataire de Matignon a toutefois nuancé son propos, dans La Tribune Dimanche du 6 octobre. « Nous ne voulons pas de coup de rabot », a-t-il souligné, estimant qu’une « partie » des « efforts » demandés aux administrations centrales et aux opérateurs « pourraient être redistribués en interne, comme cela se pratique dans les entreprises ». L’exécutif a par ailleurs laissé entendre que, sur les 5,7 millions d’agents publics en France, ce sont les 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’Etat qui seront avant tout concernés par les suppressions de postes. Le détail n’est pas encore connu et sera précisé dans le projet de loi de finances pour 2025, qui doit être présenté jeudi.

« Vingt ans en arrière »

Le 4 octobre, Guillaume Kasbarian a assuré, sur BFM-TV, qu’il « souten[ait] l’objectif du premier ministre de faire plus avec moins de moyens ». S’il s’est refusé à dire combien de postes seraient supprimés, disant ne pas vouloir « préempter » les débats sur le budget, il a cependant précisé qu’il « est possible que sur des fonctions support, sur un certain nombre de fonctions qui ne sont pas en contact direct avec le citoyen ou l’usager, certains départs à la retraite ne soient pas forcément remplacés ».

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A l’éducation nationale, 4 000 postes d’enseignants en moins malgré un budget constant

Nul changement à l’éducation nationale par rapport à ce que prévoyaient les « lettres plafonds » envoyées en août par le précédent premier ministre, Gabriel Attal. La mission enseignement scolaire, plus gros budget de l’Etat, est dotée de 64,5 milliards d’euros pour 2025, contre 64,4 milliards en 2024, selon le projet de loi de finances (PLF) 2025 présenté jeudi 10 octobre. Parmi eux, l’éducation nationale bénéficie de 63 milliards d’euros, soit quasiment la même enveloppe que dans le PLF 2024.

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Avant de quitter la Rue de Grenelle, l’ancienne ministre Nicole Belloubet avait prévenu que ces montants quasi stables « nous contraindraient à une particulière rigueur budgétaire », en raison de l’évolution naturelle à la hausse du budget de l’éducation nationale du fait de l’avancement de carrière des personnels.

Le ministère met en avant une augmentation de « 834 millions d’euros » par rapport au budget que la nouvelle locataire de la Rue de Grenelle, Anne Genetet, « a trouvé en arrivant ». Cette hausse est toutefois en trompe-l’œil, puisque les fonds de l’éducation nationale avaient été amputés de près de 700 millions d’euros en février dans le cadre du plan d’économies. « Ces économies sont annulées en 2025 et l’éducation nationale bénéficie d’une rallonge », précise-t-on au ministère.

Réforme de la formation interrompue

L’éducation nationale supportera néanmoins l’essentiel des suppressions de postes de la fonction publique d’Etat. Le plus gros employeur public perd en net 2 000 postes, sur les 2 200 retranchés à l’Etat. Les effectifs enseignants diminueront de plus de 4 000 postes, dont 3 155 dans le premier degré public, et 181 dans le second degré public, le reste concernant l’enseignement privé. Quelque 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap sont, en revanche, créés, expliquant le solde global au niveau ministériel. L’ampleur de ces suppressions d’emplois, inédite depuis quinze ans, s’explique, selon le ministère, par la perte de 97 000 élèves à la rentrée 2025.

En matière de réformes, celle de la formation, interrompue à la dernière minute par la démission du gouvernement Attal, ne sera pas opérationnelle pour les concours 2025 et ne figure donc pas au budget. II était aussi prévu de généraliser les groupes de besoin aux classes de 4e et de 3e à la rentrée 2025. Les emplois nécessaires à la montée en charge du dispositif ne figurent pas au budget, car la nouvelle ministre souhaite « échanger » avec les enseignants et les organisations syndicales, puis consulter les évaluations lancées par l’inspection générale et la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance sur les deux niveaux existants, avant « d’arbitrer », a fait savoir son entourage.

Assurance-chômage : le gouvernement demande 400 millions d’euros d’économies

La ministre du travail et de l’emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, lors de la séance des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 2 octobre 2024.

Le gouvernement redonne la main aux partenaires sociaux. Et leur demande, au passage, de participer au redressement des comptes publics. Mercredi 9 octobre au soir, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, leur a envoyé une lettre les invitant à ouvrir « un cycle de discussions » sur deux sujets : l’assurance-chômage et l’emploi des seniors. Ce processus doit débuter « dès que possible », les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi venant à expiration le 31 octobre. Elles devraient, cependant, être prolongées jusqu’à la fin de l’année.

Comme annoncé, il y a quelques jours, par Mme Panosyan-Bouvet, les tractations sur l’assurance-chômage s’appuieront sur l’accord conclu en novembre 2023 par l’ensemble du patronat – Medef, Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et Union des entreprises de proximité (U2P) – et par trois syndicats – CFDT, FO et CFTC. Un compromis qui actait une baisse du taux de cotisation patronale et renforçait légèrement les droits des demandeurs d’emploi, notamment les plus précaires et les plus jeunes. Le gouvernement avait toutefois refusé d’agréer la « convention » issue de ce texte après l’échec, en avril, de la négociation pour un « nouveau pacte de la vie au travail » qui portait notamment sur l’emploi des seniors.

Dans son courrier, la ministre fixe un objectif financier : « 400 millions d’euros d’économies supplémentaires » par an. A charge pour les organisations d’employeurs et de salariés d’identifier des solutions susceptibles de dégager cette manne. Un effort très inférieur aux 3,5 milliards d’euros escomptés de la réforme que le précédent gouvernement avait portée – avant qu’elle ne soit abandonnée. « C’est conforme à ce que la ministre nous a dit lorsqu’elle nous a rencontrés, il n’y a pas de surprise », souligne Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO. « Il va simplement falloir faire attention à ce que l’accord de 2023 ne soit pas modifié uniquement pour faire des économies et aller dans le sens patronal », précise le secrétaire national de la CFDT Olivier Guivarch.

Le sujet des travailleurs frontaliers

Plusieurs pistes sont déjà explorées. Les partenaires sociaux pourraient notamment agir sur les aides aux chômeurs souhaitant créer ou reprendre une entreprise. Autre hypothèse à l’étude : revisiter les règles d’indemnisation des travailleurs frontaliers, ces personnes résidant dans l’Hexagone tout en exerçant une activité dans un pays limitrophe (Suisse, Luxembourg, en particulier). Ceux-ci cotisent dans l’Etat où ils sont employés, mais, lorsqu’ils perdent leur poste, ils sont indemnisés par le régime d’assurance-chômage français, sur la base de leur rémunération, qui est souvent plus élevée que dans notre pays. Résultat : un surcoût d’environ 800 millions d’euros par an pour l’assurance-chômage tricolore, selon les gestionnaires du régime.

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La Poste : une enquête ouverte pour homicide involontaire après des suicides

Une information judiciaire a été ouverte pour homicide involontaire aggravé après deux suicides et une tentative de suicide d’employés de La Poste dans le Rhône, en 2017 et 2018, a déclaré le parquet de Lyon, vendredi 11 octobre.

Un juge d’instruction supervise des investigations pour « homicide involontaire aggravé par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail, blessures involontaires dans le cadre du travail, harcèlement moral au travail et mise en danger de la vie d’autrui », a précisé le parquet à l’Agence France-Presse, confirmant une information de Mediapart. « Aucune mise en examen n’est intervenue à ce stade », a-t-il ajouté.

Selon le média d’investigation, l’inspection du travail a effectué un signalement auprès de la justice après les suicides d’un postier et d’une postière ainsi que la tentative de suicide d’un postier en l’espace de onze semaines entre fin 2017 et 2018. Les trois étaient employés sur la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Corbas située en banlieue sud de Lyon, alors en pleine réorganisation, et se trouvaient en arrêt maladie au moment des faits, précise Mediapart.

Le site de Corbas entamait sa deuxième réorganisation des tournées de distribution du courrier en seulement deux ans, et ces refontes avaient eu des conséquences directes sur les conditions de travail et de santé des employés, selon une expertise indépendante du cabinet Secafi, datée de 2019 et que Mediapart s’est procurée.

L’inspection du travail avait quant à elle qualifié de « pathogène » le contexte sur la plateforme, et vu dans l’absence de réaction de l’entreprise une possible « mise en danger d’autrui », selon le média d’investigation.

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Des députés et élus lyonnais alertent sur « un stress intense »

Une employée du site âgée de 30 ans s’est suicidée en décembre 2017 et un employé en fin de carrière a fait de même en mars 2018. Fin 2017, un de leurs collègues, lui aussi en fin de carrière, était parti à pied et sans téléphone en direction de l’océan, à des centaines de kilomètres de chez lui, dans le but de mettre fin à ses jours, selon le média en ligne.

Il avait été retrouvé dans une forêt de Corrèze, où il vivait isolé, avec des gelures aux deux pieds qui avaient conduit à une double amputation, selon un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en 2022, qui avait débouté une demande du postier de « reconnaissance de l’imputabilité au service de son épuisement professionnel et de sa tentative de suicide ».

Les réorganisations à La Poste se poursuivent dans le Rhône. Au cours de la semaine du 7 octobre 2024, des députés et élus lyonnais ont interpellé le ministre de la fonction publique Guillaume Kasbarian au sujet de la fermeture programmée de trois bureaux de poste dans l’agglomération de Lyon.

« L’instabilité liée aux réorganisations et les diminutions de personnels au sein des agences du groupe La Poste sont source d’un stress intense pour les salariés et salariées et d’une dégradation globale des conditions de travail notée par les syndicats », écrivent-ils dans leur courrier commun.

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Le Monde avec AFP

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Boeing supprime 17 000 emplois et s’enfonce dans une crise devenue existentielle

Lors d’une grève organisée par les employés de Boeing devant leurs locaux de Renton (Etat de Washington, Etats-Unis), le 11 octobre 2024.

Dix-sept mille emplois supprimés, plus de 6 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros) de pertes au troisième trimestre, report des livraisons des 777X au début de l’année 2026 : c’est la bombe lâchée, vendredi 11 octobre au soir, par Kelly Ortberg, le nouveau président-directeur général de Boeing, alors que l’entreprise s’enlise dans une grève interminable et est menacée de dégradation par les firmes de notation financière.

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« Notre entreprise traverse une période difficile, et nombreux sont les défis auxquels nous sommes confrontés ensemble. La relance de notre entreprise nécessite des décisions dures à prendre et nous devrons procéder à des changements structurels », écrit M. Ortberg à ses employés, en leur annonçant des coupes claires dans les effectifs. « Nous devons repenser nos effectifs pour les adapter à notre réalité financière et à un ensemble de priorités plus ciblées. Au cours des prochains mois, nous prévoyons de réduire la taille totale de nos effectifs de près de 10 % », poursuit-il. Le groupe emploie dans le monde 170 000 salariés environ.

Il a également annoncé une provision de 5 milliards de dollars, qui concerne à la fois l’aviation civile (3 milliards) et la défense (2 milliards). La perte nette par action atteint 9,97 dollars, ce qui fait une perte d’environ 6,1 milliards de dollars pour le troisième trimestre.

Le PDG a, enfin, prévenu qu’il y aurait de nouveaux délais dans le programme des 777X, dont les premières livraisons n’interviendront pas avant début 2026. L’avion n’est toujours pas certifié et souffre d’un retard d’une dizaine d’années. L’entreprise arrêtera en 2027 la production de son 767 cargo.

Effondrement des commandes

Ces annonces surviennent dans un contexte de grève des ouvriers dans le berceau historique de Seattle (Etat de Washington). Le mouvement a commencé le 13 septembre, lorsque les salariés ont refusé un accord négocié par leur syndicat avec la direction. L’arrêt de travail a conduit à l’immobilisation de la chaîne de production des avions 737 Max, 767 et 777. Depuis, des milliers d’employés ont été mis en chômage technique tandis que les sous-traitants, fournisseurs et prestataires du constructeur aéronautique s’efforcent de survivre à l’effondrement de leurs commandes.

Boeing avait durci le ton mardi 8 octobre, retirant une offre d’augmentation de salaire de 30 % sur quatre ans. « Poursuivre les négociations n’aurait pas de sens à ce stade », a déclaré la directrice de la division avions commerciaux de Boeing, Stephanie Pope, dans une note adressée aux employés, qualifiant les revendications du syndicat, qui représente 33 000 salariés de la Côte ouest, de « non négociables ». Jeudi, la direction a attaqué l’organisation de défense des droits des salariés devant le National Labor Relation Board (NLRB), l’organisme fédéral qui gère les conflits sociaux, estimant que le syndicat « négociait de mauvaise foi ».

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BFM-TV fait face à une vague de départs inédite

Nicolas de Tavernost, alors patron du groupe M6, désormais président de BFM-TV et de RMC, à l’Elysée, le 16 février 2023.

Ce fut un drôle de lundi, ce 14 octobre, à BFM-TV. Un retour de week-end émotionnellement perturbé pour la rédaction de la chaîne d’info, bousculée par deux actualités internes aussi réjouissante pour l’une qu’inquiétante pour l’autre. D’un côté, il y avait la fierté d’avoir décroché deux récompenses au prix Bayeux Normandie-Calvados des correspondants de guerre, samedi soir, dont le premier Prix dans la catégorie télévision grand format, pour l’émission « Ligne rouge » et le reportage Gaza, fuir l’enfer, réalisé par le journaliste gazaoui Rami Abou Jamous et ses collègues français Fabrice Babin et Bertrand Séguier. De l’autre, il y a eu des larmes, lorsque Philippe Corbé, le directeur de la rédaction, a confirmé ce que Le Parisien avait écrit la veille : son départ à la fin de la semaine, après quatre années dans la maison, dont un an et demi à la tête de la rédaction.

Cet ancien de RTL, très apprécié des équipes, n’est ni le premier ni le seul à partir. Son adjoint Nicolas Marut a également annoncé, lundi matin, son prochain départ. Dans la journée, c’est celui du directeur délégué à l’information digitale de BFM et RMC, Julien Mielcarek, qui se confirmait avec, pour toile de fond, une absence de perspectives sur la stratégie numérique (BFM, qui compte 20 millions d’abonnés sur les plateformes, vient de lancer BFM 2, un canal 100 % numérique). En interne, l’égrenage des noms des partants, déjà effectifs ou encore officieux, ajoutait, lundi, au sentiment de « débandade » décrit par des témoins.

« La clause de cession qui s’est ouverte avec le rachat de BFM par CMA CGM crée une opportunité dont certains se saisissent, c’est la vie normale d’une entreprise », balaie Nicolas de Tavernost, le président de BFM-TV et RMC. L’ancien patron de M6 n’a jamais cessé de le dire : il se serait bien passé de tous ces départs, à commencer par celui d’Arthur Dreyfuss, le président d’Altice France, le 2 juillet, qu’il a remplacé au pied levé, ainsi que ceux des anciens dirigeants Hervé Béroud et Marc-Olivier Fogiel, annoncés quelques jours plus tard et effectifs depuis début octobre.

Une rédaction sur la réserve

Le duo qui leur a succédé, formé de Jean-Philippe Baille, ancien directeur de l’information de Radio France et Fabien Namias, ancien directeur général adjoint de LCI, affronte une rédaction encore sur la réserve, en attente d’une stratégie éditoriale claire susceptible de la convaincre. « Je regrette les décisions de Philippe Corbé et Nicolas Marut, qui ont fait un travail remarquable et sur lesquels je comptais m’appuyer, assure, fataliste, M. Namias. Mais avec la clause de cession, il y a des départs, et il y en aura d’autres » d’ici au 31 mai 2025, date à laquelle se terminera cette disposition qui permet de quitter une rédaction dans des conditions similaires à celles d’un licenciement, anticipe-t-il.

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Les salariés d’Ubisoft France en grève pour le télétravail et les salaires

Le mouvement de grève chez Ubisoft a mobilisé, mardi 15 octobre, plus de 700 salariés sur les 4 000 que compte l’entreprise en France, selon une estimation du Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV), soit autant qu’en février lors d’un premier mouvement social. Ce débrayage intervient alors que le géant français du jeu vidéo traverse une passe difficile avec des ventes en berne et le report de la sortie d’un jeu majeur, sur fond de rumeurs de rachat de l’entreprise.

Devant le siège de l’entreprise à Montreuil, près de Paris, entre 50 et 100 salariés s’étaient réunis dans l’après-midi pour protester contre la décision prise mi-septembre par le groupe d’imposer au moins trois jours de présence au bureau par semaine. « C’est vécu comme une décision très injuste », a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) Marc Rutschlé, délégué syndical Solidaires informatique, l’une des formations ayant appelé à cette grève de trois jours dans les studios français d’Ubisoft à Paris, Lyon, Montpellier et Annecy.

Dans un courriel envoyé à ses salariés, la direction a justifié cette décision en affirmant que « la créativité est stimulée par les interactions interpersonnelles, les conversations informelles et la collaboration autour d’une même table » – tout en promettant de ne pas revenir « à un modèle 100 % présentiel ». « Des gens ont été embauchés sur la promesse de trois jours de télétravail, a fait valoir Clément Montigny, et ça remet en cause toute l’organisation de leur vie. Potentiellement, ces gens-là doivent envisager de quitter l’entreprise, ce qui est inacceptable. »

Effort salarial

Les syndicats demandent également à la direction « un vrai effort salarial », rappelant qu’une première grève d’ampleur avait mobilisé plus de 700 salariés en février sur les 4 000 que compte l’entreprise en France. « On n’a pas eu de réponse de la direction », déplore Pierre-Etienne Marx, délégué STVJ chez Ubisoft Paris. « On va augmenter [la pression] jusqu’à ce qu’il y ait de vraies concessions », avertit-il, espérant atteindre cette fois le millier de grévistes.

Cette grève tombe mal pour le fleuron français des jeux vidéo, qui enchaîne les déconvenues depuis plusieurs mois. « Ubisoft souffre d’un enchaînement de sorties [de jeux] qui n’atteignent pas le succès escompté », estime Oscar Lemaire, du site spécialisé Ludostrie, citant notamment Skull and Bones et le nouvel épisode de Prince of Persia.

Fin septembre, son PDG, Yves Guillemot, a aussi admis que les premières ventes de Star Wars Outlaws, sorti fin août, étaient « plus faibles que prévu », forçant Ubisoft à revoir à la baisse ses objectifs financiers et à repousser de trois mois la sortie du prochain volet de sa série phare, Assassin’s Creed, pour laisser le temps à ses équipes de le peaufiner.

Une mauvaise passe sanctionnée sur les marchés financiers : l’action Ubisoft s’est effondrée de plus de 40 % depuis le début de l’année, atteignant en septembre son plus bas niveau en dix ans. Début octobre, l’agence Bloomberg faisait également état d’un potentiel rachat d’actions par le géant chinois de la tech Tencent, qui possède déjà près de 10 % de l’entreprise, et la famille Guillemot, actionnaire principal, pour sortir le groupe de la Bourse.

Le Monde avec AFP

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