Rencontre avec David Ridgway

Le chef sommelier David Ridgway, dans les caves de la Tour d’Argent à Paris, le 13 février.
Le chef sommelier David Ridgway, dans les caves de la Tour d’Argent à Paris.

Conversation avec cet Anglais chef sommelier et chef de cave du prodigieux restaurant parisien depuis presque quarante ans.

Face à Notre-Dame, au sixième étage de l’immeuble blanc du 15, quai de la Tournelle (Paris 5e), ce sont ses 1 200 mètres carrés de caves, dissimulées sur deux niveaux, qui ont fait la saga de la Tour d’Argent, l’un des plus anciens et célèbres restaurants de la capitale. Rondeur affable, œil malicieux, fermeté experte et humour flegmatique, l’Anglais David Ridgway règne, depuis 1981, sur cette caverne d’Ali Baba au plus de 300 000 bouteilles, observée par beaucoup comme « la plus belle cave du monde ».

Quand et comment avez-vous approprié la Tour d’Argent ?

Je suis né dans le Surrey, au sud de Londres. C’est en œuvrant au Gavroche, le fameux restaurant londonien des frères Roux, que j’ai aperçu mon épouse, une Française. Alors nous sommes rentrés en France en 1981. J’étais amoureux de vins, mais Bordeaux et la Bourgogne étaient plus secrets qu’aujourd’hui. Bosser à Paris semblait l’idéal.

Grâce aux frères Roux, deux restaurants s’offraient à moi : Taillevent ou la Tour d’Argent. Après avoir été chef sommelier-maître d’hôtel au Gavroche, je suis évolué juste commis à la Tour, en février 1981, quelques mois avant l’élection de François Mitterrand. Au bout de six mois, le chef sommelier est parti, j’ai pris sa place. Beaucoup de nos clients jugeaient que tout allait s’écrouler avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, mais nous avons finalement connu une période faste dans les années 1980.

Il était inhabituelle de voir en France un Anglais à un tel poste.

Il n’y en avait aucun à ma connaissance. Juste certains barmen au Ritz. La direction de la Tour, d’ailleurs, divulguait peu que j’étais Anglais, mais c’est vite transformé un secret de Polichinelle (rires). Je n’ai pas mis sur la carte des vins étrangers, pour qu’on ne pense pas que j’étais une taupe au service des vins du reste du monde ! Il faut dire qu’à l’époque la France régnait en maître sur les vins et la cuisine. La seule dérogation, très anglaise pour le coup, a été mon goût pour le porto, dont nous avons une magnifique collection.

Qu’est-ce qui a donné à la cave son ampleur historique ?

On peut en conséquence lire sur une plaque de la façade de l’immeuble, quai de le Tournelle : « Hostellerie de la Tour d’Argent, fondée en 1582, Restaurant et caves du Café anglais réunis en 1914 ». André Terrail, le grand-père du présent propriétaire, avait repris la Tour en 1911. Il était aussi marié à la fille de Claudius Burdel, le propriétaire du Café anglais, boulevard des Italiens, un des plus prodigieux restaurants du XIXe siècle, célèbre surtout pour son immense cave, dans laquelle circulait même un petit train. Il faut dire que Burdel était aussi représentant en vins des cours d’Angleterre, de Prusse et de Russie. Après la clôture du Café anglais, en 1913, André Terrail a hérité de cette cave, qu’il a transférée à la Tour d’Argent. C’est sur cette base que s’est construite notre cave.

 

Saisie à la source : comment seront commandées les indemnités de licenciement

 Christophe Frionnet, avocat associé chez CMS Francis Lefebvre Avocats, montre comment sont exigées les indemnités éprouvées à raison d’un licenciement ou de la rupture d’un mandat, soumises depuis le 1er janvier au saisie à la source au même titre que les salaires.
« Le contribuable conserve la faculté de solliciter le bénéfice du dispositif du quotient qui permet, selon les cas, d’atténuer l’effet de la progressivité de l’impôt en ne retenant que le quart de l’indemnité pour le calcul du taux. »
« Le contribuable conserve la faculté de solliciter le bénéfice du dispositif du quotient qui permet, selon les cas, d’atténuer l’effet de la progressivité de l’impôt en ne retenant que le quart de l’indemnité pour le calcul du taux. » John Smith/Fancy / Photononstop
Quelle charge pour les indemnités de licenciement à partir de 2019 ?

Les indemnités versées à raison d’un licenciement ou de la rupture d’un mandat sont assujetti depuis le 1er janvier 2019 au saisie à la source (PAS) au même titre que les salaires. Comment sont-elles imposées ? La réponse en quatre points.

1.– L’entreprise est dans l’obligation d’accomplir à la retenue lors du versement de l’indemnité sans étalement ni pondération.

2.– Ce saisie ne s’applique que sur la fraction de l’indemnité observée comme imposable, après prise en compte des règles d’exonération applicables.

3.– C’est le dernier taux de PAS connu qui se mette. Ainsi, sauf mise à jour sollicitée par le contribuable, le taux sera établi en fonction de ses revenus de 2017 s’agissant d’une compensation versée pendant la première partie de l’année 2019. Pour une rétribution intervenant au cours de la seconde partie de l’année, ce sera en fonction des revenus de l’année 2018 tels que déclarés en mai 2019.

4.– Le montant définitif de l’impôt ne sera résolu qu’après la déclaration confirmée au titre de l’année de versement de l’indemnité. Le contribuable soutiens la faculté de postuler le bénéfice du dispositif du quotient qui permet, selon les cas, d’atténuer l’effet de la progressivité de l’impôt en ne tenant que le quart de la compensation pour le calcul du taux. Une restitution de l’impôt prélevé à la source pourra donc être obtenue en septembre 2020 pour les indemnités versées en 2019.

 

Syndicats et patronat tous contre les déclarations du Président de la République

La défaite  du débat sur l’assurance-chômage crée des pressions.

Le Président de la République Emmanuel Macron n’a eu besoin que de quelques mots ornés d’acide pour critiquer des organisations patronales et syndicales, qui arrivaient de s’entre-déchirer sur l’assurance-chômage. Jeudi 21 février, devant les présidents de départements assemblés à l’Elysée, le chef de l’Etat a ridiculisé sur le Krach de la discussion, que les partenaires sociaux avaient acté, la veille, à propos du régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi. « On est dans un drôle de système ! Chaque jour, dans le pays, on dit : “Corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire”, s’est-il exclamé. Et quand on donne la main, on dit : “Mon bon monsieur, c’est dur, reprenez-la.” Et le gouvernement va devoir la reprendre, car on ne peut pas avoir une défaillance entassée sur le chômage, comme on a depuis tant d’années. »

Ceux qui étaient pointés par ces ironies n’ont pas du tout apprécié. « Menteur », « manipulateur », a riposté la CGT, vendredi dans un jugement, en ciblant le président de la République. Fait plutôt inhabituel, le Medef a, lui aussi, réagi en des termes virulents, son numéro un, Geoffroy Roux de Bézieux, fustigeant « la lâcheté [de] l’Etat, [qui] fixe toutes les règles, mais veut faire reconnaitre les décisions par les autres ». Une évocation à la feuille de route que Matignon a octroyée, fin septembre 2018, aux congfédérations de salariés et d’employeurs pour cadrer leurs discussions en vue d’une nouvelle convention Unédic – l’association égalitaire qui gère l’assurance-chômage.

Beaucoup de donations

Ce document fixe des cibles pénibles à avaler pour les protagonistes : d’un côté, des économies de 3 à 3,9 milliards d’euros en trois ans, révoquées par les leaders syndicaux au motif qu’elles vont amputer les droits des chômeurs ; de l’autre, la volonté de combattre la prolifération des contrats courts, qui donne des sueurs froides aux organisations d’employeurs car elles appréhendent une augmentation du coût du travail. Sur ce deuxième volet, la lettre de cadrage ne mentionne pas l’idée du bonus-malus – un mécanisme qui majore les cotisations des entreprises dont le personnel tourne beaucoup – mais M. Macron a dernièrement réaffirmé son intention de mettre en œuvre cet engagement de campagne. Autrement dit, l’exécutif demandait plus de concessions aux deux parties. Beaucoup trop, même, au goût de celles-ci.

Le Président de la République accuse les partenaires sociaux après le Krach des discussions sur l’assurance-chômage

Après le comité de la dernière chance mercredi, syndicats et patronat n’ont pas trouvé un accord sur la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif.

Emmanuel Macron, s’en est fixement pris aux partenaires sociaux jeudi 21 février à la suite à cet échec. Il leur reproche particulièrement de se défausser de leurs responsabilités sur l’Etat qui va reprendre la main dans ce dossier.

« On vient d’avoir un exemple de vraie négociation sociale, a ridiculisé le chef de l’Etat, devant les présidents des départements réunis à l’Elysée. On a dit aux partenaires sociaux : “Trouvez-nous une solution pour le chômage, vous êtes autour de la table, vous êtes responsables”, alors même que les syndicats ne rémunèrent plus le chômage, c’est le contribuable. »

« On est dans un drôle de système ! Chaque jour dans le pays, on dit : “corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire.” Et quand on donne la main, on dit : “mon bon monsieur, c’est dur, reprenez-la.” Et le gouvernement va devoir la reprendre, car on ne peut pas avoir une défaillance augmentée sur le chômage comme on a depuis tant d’années. »

Bonus-malus

Après un meeting de la dernière chance mercredi, syndicats et patronat ont, par conséquence, échoué à trouver un accord sur la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif. Les syndicats avaient fait du bonus-malus – un dispositif permettant de moduler les cotisations patronales en fonction du recours aux contrats de courte durée – une condition sine qua non de leur participation aux pourparlers. Mais le patronat est brutalement opposé à cette mécanique qu’il juge « mortifère » pour l’emploi.

Le gouvernement, qui sollicitait aussi de se mettre d’accord sur un plan d’économies de plus d’un milliard d’euros chaque année durant au moins trois ans, va actuellement reprendre la main. Avec deux objectifs supplémentaires :

  • restaurer les règles sur le cumul emploi et chômage ;
  • prévoir un mécanisme pour lutter contre les contrats courts.

La sortie de M. Macron a été peu estimée du côté des syndicats et du patronat. Ripostant aux propos du président, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, lui a Tweeter: « Et si la démocratie ne passait pas par des petites phrases polémiques ou médias interposés ? Nul doute qu’elle fonctionnerait mieux dans notre pays. »

« La démocratie sociale a souvent prouvé son efficacité et sa responsabilité lorsqu’elle n’est pas soumise à des lettres de cadrage impossibles, conduisant sciemment une négo dans l’impasse », a ajouté Laurent Berger sur le réseau social. « Rechercher des boucs émissaires peut être tentant à court terme mais contre-productif pour l’avenir », a-t-il déclaré.

« Opération de communication »

De son côté, la CGT, dans une déclaration, reproche à M. Macron « de se livrer à une belle opération de communication qui relève du scandale, avec une opération de destruction depuis plusieurs mois ». Avant d’ajouter:

« Macron est un menteur, en prétendant que la protection sociale n’appartient plus aux employés, et que les syndicats sont responsables de l’échec, quand celle-ci incombe au patronat… et à Macron lui-même ! (…) Macron est aussi un manipulateur : il a requis une négociation impossible pour faire des économies sur le dos des chômeurs et au passage mettre la main sur la gestion de l’assurance-chômage. La conséquence possible est une exclusion de tous les contre-pouvoirs dans l’assurance-chômage. »

Le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier, a aussi tenu à répondre aux critiques de M. Macron : « Non, monsieur le président de la République, on ne vient pas d’avoir “une vraie discussion sociale”. » Selon lui, « la lettre de cadrage que votre gouvernement a imposée, d’une part, et certaines de vos interventions publiques durant le déroulement de la négociation, d’autre part, ne nous ont “pas donné la main” mais allaient à l’encontre de ce principe. »

Des jugements  formulées pareillement par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux sur Twitter : « Le gouvernement n’a pas donné la main aux partenaires sociaux, il leur a dit de négocier en montrant publiquement les résultats de la tractation à l’avance, y compris pendant la négociation. »

 

Krach du débat Unédic : le paritarisme en danger

Les coopérations syndicales et patronales n’ont pas arrivé à trouver un issu sur une nouvelle convention pour l’assurance-chômage. Le dialogue social est au plus mal.

  Un coup tueur vient d’être tenu au paritarisme. Ce système garantit aux collaborateurs sociaux – organisations syndicales et patronales – une indépendance de gestion pour plusieurs branches de la protection sociale, qu’il s’agisse des retraites complémentaires ou de l’assurance-chômage. Cette dernière, l’Unédic, créée en 1958, à une époque où il y avait peu de chômeurs, est soumise à un régime de liberté contrôlée. L’Etat doit nécessairement agréer les conventions négociées par les gestionnaires qui fixent les conditions d’indemnisation des solliciteurs d’emploi.

Commencé en novembre 2018, en vue de préparer une nouvelle convention qui pénétrera en vigueur en 2020, l’échange a blindé mercredi 20 février. Certes que, dans sa feuille de route, le gouvernement sommait l’Unédic de se gérer une véritable potion amère, en réclamant, face à une dette accumulée de plus de 30 milliards d’euros, de 3 milliards à 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans.

Cette ordonnance envisageait d’une part un système de bonus-malus, punissant les entreprises qui abusent de contrats courts – une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, contre laquelle le patronat est vent debout –, et d’autre part de faire agréer aux syndicats une réduction des prestations versées aux chômeurs, et particulièrement une baisse de la compensation maximale.

Une forme de collectivisation

Le 28 janvier, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), interrompus par une intervention du chef de l’Etat réaffirmant sa détermination d’établir un bonus-malus, avaient abandonné la table des négociations, avant d’y revenir sous la pression du premier ministre. Mais l’échec des discussions était au bout du chemin.

L’Etat va donc saisir la main et arrêter par décret des contours de la future convention. C’est une forme de nationalisation de l’Unédic, correspondant au souhait de M. Macron informé pendant sa campagne, avant qu’il fasse marche arrière. Michel Beaugas (FO), lui, parle d’« un paritarisme d’Etat ».

Cette intervention étatique n’est pas une première. Le 24 novembre 1982, Pierre Bérégovoy, ministre des affaires sociales, devant l’inaptitude des partenaires sociaux à s’entendre, avait pris un verdict qui avait accéléré les inégalités de traitement entre chômeurs, ce qui avait donné naissance à ce qu’on avait nommé « les nouveaux pauvres ».

Muriel Pénicaud promet une coalition

En 2001, le gouvernement de Lionel Jospin avait nier de garantir la convention qui instituait le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE), un vrai transformation culturel, toujours en vigueur, qui liait le versement d’une contribution à l’engagement du chômeur à rechercher activement un emploi,avant de trouver un compromis avec les gestionnaires.

L’échec de cette discussion, au moment où, avec la crise des « gilets jaunes », le besoin d’octroyer un rôle-clé aux corps conciliatrices se fait plus que jamais sentir, est une très mauvaise nouvelle. Même si certains syndicalistes ne sont pas contestataires de laisser la puissance publique faire le « sale boulot », en enlevant les droits des chômeurs, et en garantir seule l’impopularité, quand le dialogue social tourne court, il n’y a que des perdants.

Muriel Pénicaud, la ministre du travail, a aussitôt la redoutable tâche de se substituer aux syndicats et au patronat pour construire une nouvelle convention. Elle a promis une concertation. C’est le minimum qu’elle puisse faire si elle ne veut pas notifier aux partenaires sociaux, que M. Macron a cru bon d’évaluer, qu’on peut se passer d’eux.

Jeunes, pas assez qualifiés, sans-emploi, indépendants sont les plus risqué de travailler au noir

Un témoignage du Conseil d’orientation pour l’emploi diffusé vendredi 22 février constate un profond ancrage du phénomène.

Combien y-a-t-il de bosseur au noir en France et qui sont-ils ? Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) lève le voile sur cette population mal connue. Dans un exposé sur « Le travail non déclaré », édité vendredi 22 février, par France Stratégie, le COE estime à 2,5 millions le nombre de laborieux illégaux, dissimulés ou partiellement dissimulés, « quels que soient le nombre d’heures travaillées ou la fréquence ». Soit autant d’individus privées de droits attachés au statut de salarié ou d’indépendant (Sécurité sociale, retraite, congés, formation, etc.) et autant d’entreprises en position de rivalité déloyale. Le travail au noir représente entre 2 % et 3 % de la masse salariale exercée par les entreprises. Le manque à gagner « pourrait être de 30 milliards d’euros, sans qu’on n’ait moyen de savoir si c’est sur ou sous-estimé, du fait du manque de contrôle de l’emploi chez les particuliers », expose Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie et président du COE.

Créé sur les statistiques nationales, les données fiscales, les contrôles de la Direction générale du travail et une nouvelle étude qualitative, le rapport du COE a pour objectif de progresser la connaissance du travail non déclaré (intentionnellement ou pas), afin de admettre au gouvernement d’être plus opérant pour diminuer son impact sur le marché du travail.

Diversité des profils et des pratiques

Si les attribuées quantitatives étaient déjà connues, le rapport dévoile la diversité des profils et des pratiques. Ce sont les plus jeunes qui sont les plus affichés au travail en noir, et parfois les plus âgés. Les plus jeunes, car la jeunesse est « une période de transition », en « recherche d’une piste professionnelle », avec « une volonté d’émancipation et [des] aspirations de court terme ». Quant aux plus âgés, ils sont en quête d’un complément de revenus. Dans la construction, par exemple, seuls les salariés âgés de plus de 60 ans ont un taux de dissimulation significativement plus élevé, montre le rapport. Et dans les transports (contrôles réalisés en 2015-2016), le fait d’avoir entre 45 et 50 ans a tendance à augmenter la probabilité d’adopter du travail dissimulé. Les hommes sont légèrement plus représentés que les femmes, avec des variations importantes selon les activités. Les chômeurs, les indépendants et les laborieux en contrat temporaire sont plus affichés que d’autres actifs à ce type de pratique.

« Une masse de biais cognitifs déforment les solutions d’embauche »

Quand l’élève est arrivé a bien faire un exercice de mathématiques, que son calcul est correcte, il encaisse le maximum de points. Or, il lui est fréquemment bien difficile de savoir si sa dissertation va plaire à l’interrogateur. Si les deux ne partagent pas le même point de vue, bien souvent, la note s’en ressent.

« Choisir sur la base de tests et résultats, mais aussi d’entretiens, n’est pas une science incontestable »

Un embaucheur se retrouve fréquemment dans la même situation, lorsqu’il lui faut recruter ou encourager un collaborateur. Sélectionner sur la base de tests et résultats, mais aussi d’entretiens, n’est pas une science incontestable. Il est donc très bizarre, voire surprenant, que, dès lors que l’on parle d’imposer des règles pour compenser les biais entachant toute évaluation d’un individu, les critiques pleuvent.

Dernier exemple en date : une publication, daté du 15 février, d’une tribune de deux associations rappelant « la domination masculine » dans le monde des médias et ailleurs, et concernant à prendre des mesures pour plus de différence dans les entreprises. Les réactions à ce texte, diffusées en ligne, sont sidérantes de naïveté. « Il faut prendre des gens pour leurs compétences et pas pour des caractères de naissance », ont déclaré. Ou : « On va engager des gens incompétents au prétexte qu’il faut des femmes, arabes, homos et handicapés. La République, c’est la méritocratie par le travail, sans distinction de race, religion, sexe. » Certainement. Mais comment mesure-t-on ces fameuses « compétences » ?

Des erreurs inconscientes

Le dernier œuvre  d’Olivier Sibony, professeur à HEC Paris et ex-associé senior du cabinet McKinsey, Vous allez réaliser une terrible erreur ! (Flammarion, 384 pages, 10 euros), paraît à point nommé pour nous convoquer la multitude de biais cognitifs qui faussent les décisions des dirigeants et « leur font commettre des erreurs de raisonnement systématiques », ajoute l’auteur, souvent en toute inconscience. Qu’il s’agisse de décisions stratégiques d’investissement, d’embauche et, plus largement, de gestion du personnel.

« On ne sait pas mesurer les compétences de manière objective », nous témoigne Olivier Sibony. Les performances objectives ne pèsent que pour 20 à 25 % dans l’aboutissement des entretiens d’évaluation, rappelle-t-il dans la newsletter d’actualité Time to sign off (TTSO). Il ajoute : « 25 % tiennent uniquement à votre évaluateur (sévère ou laxiste, en général). Le reste, 50 % au moins, c’est “l’interaction” entre les deux, totalement aléatoire… bref, la tête du client. » La marge d’erreur est encore plus sérieuse quand un recruteur évalue un candidat avec lequel il n’a encore jamais interagi professionnellement.

« Les cabinets de contrôle ont fait face aux dirigeants de Carillion dans leur combinaison suicidaire »

La recherche faite par les parlementaires britanniques sur la ruine du numéro 2 de la construction britannique étal comment les standards de la gérance des entreprises savent déporter des règles élémentaires de gestion, explique le professeur Armand Hatchuel dans sa chronique.

Un ouvrier en train de démonter l’enseigne de Carillion, à Londres, le 23 janvier 2018, après la liquidation du groupe.
Un ouvrier en train de démonter l’enseigne de Carillion, à Londres, le 23 janvier 2018, après la liquidation du groupe. DANIEL SORABJI/AFP

Le crash brutale, il y a un an, de Carillion – une entreprise avec  40 000 de salarié, numéro deux de la construction au Royaume-Uni, experte dans la contractualisation avec les services publics – n’a pas fini de faire des agitations. Le Financial Reporting Council (FRC), le pouvoir indépendante britannique de normalisation de la profession de comptable, d’auditeur, qui est aussi occupée de la surveillance des standards de gérance d’entreprise, a déclaré le 22 janvier avoir ouvert depuis plusieurs mois une enquête sur l’acceptation des comptes de Carillion par le cabinet d’audit KPMG.

Cette action fait suite à l’audition, sans concession, des grands cabinets d’audit par la commission d’enquête sur la ruine de Carillion, mise sur pied juste après celle-ci par le Parlement britannique. Ceux qui avaient constamment certifié les comptes « selon les meilleures pratiques » ont dû avouer que l’évaluation de la valeur des contrats de Carillion présentait, du fait de leur complexité et de leur opacité, des marges d’erreur si considérables qu’une ruine brutale étaient possible ! La commission n’a pas manqué de accentuer que ces mêmes cabinets avaient, pendant des années, conseillé et conforté les dirigeants dans leur stratégie suicidaire…

Acharnement

On pouvait se méfier que les députés ne captent que des déclarations convenues. Mais par leur expertise et leur acharnement, ces parlementaires se sont montrés spécialement opérants. Ils ont mis au jour les pratiques qui ont permis aux gouvernants de Carillion de s’écarter des règles de gestion les plus élémentaires et – sans réaction des autorités compétentes – de verser des dividendes tout en s’endettant gravement auprès des banques et des caisses de retraite.

Les parlementaires ont mis au jour les adoptes qui ont permis aux gouvernants de Carillion de servir des rétributions tout en s’endettant dangereusement

L’audition des gouvernants et des directeurs financiers a donné le ton amer de l’enquête. Elle a vite réaffirmé que la croissance de l’activité de Carillion avait été réussie par une course effrénée aux contrats. De plus, le résultat de chaque contrat était particulièrement mal connu des dirigeants. Ceux-ci se reposaient sur une administration globale établie « selon les meilleurs standards » et qui attestait encore de résultats solides juste avant la faillite… Carillion a pu ainsi contracter une dette bancaire croissante tout en versant chaque année des dividendes appréciables…

Ascoval : l’acheteur veut se dégager

Des ouvriers de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord) en assemblée générale, le 19 décembre 2018.
Des ouvriers de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord) en assemblée générale, le 19 décembre 2018. FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Les jours d’Ascoval sont de nouveau calculés. Et à cause : Altifort, acheteur de l’aciérie depuis le 1er février, n’a pas encore versé les quelque 35 millions d’euros qu’il avait prévu pour payer la relance du site de Saint-Saulve (Nord), selon le Figaro.

Dans une déclaration, le groupe a réaffirmé, jeudi, avoir « demandé en début de semaine par écrit la détermination [l’annulation] du plan de cession d’Ascoval, et ce afin de protéger les salariés d’Ascoval et du groupe. En effet, à ce jour, les paiements externes n’ont pas pu être mis en place tels que prévus lors de la validation du plan de cession par le tribunal de grande instance [TGI] de Strasbourg en date du 19 décembre 2018. »

A Saint-Saulve, c’est le coup de massue. Les salariés sont « abattus, écœurés, déçus et en colère », déclare Nathalie Delabre, membre de l’intersyndicale. La déléguée syndicale CFE-CGC d’Ascoval a appris, dès lundi, que l’acheteur n’avait pas les fonds essentiels à la reprise.

Une paierie divisée par deux

Altifort « a mené tout le monde en bateau ! », révèle-t-on au cabinet de Bruno Le Maire. Alors qu’il avait assuré en décembre 2018 pouvoir arriver les fonds, il ne peut actuellement ni investir les 10 millions d’euros de fonds propres promis, ni lever les 25 millions d’euros auprès du fonds espagnol MGI.

« Sauf miracle, le plan de relance sera annulé »

Une nouvelle assistance de la chambre commerciale du TGI de Strasbourg doit va être lieu, le 27 février, avec Altifort et l’ensemble des parties prenantes, afin d’acter cette situation. Le 26 février, Bercy réunira les salariés d’Ascoval pour une réunion à Paris. « Sauf miracle, le plan de reprise sera annulé », certifie Guilhem Brémond, l’avocat d’Ascoval.

Comment en est-on arriver à cette situation, alors que Bart Gruyaert, le cofondateur d’Ascoval, garantissait encore, courant janvier, que son groupe, composé d’une douzaine de PME, avait les reins assez solides pour reprendre l’aciérie ?

Selon nos événements, le groupe a non seulement été lâché par son investisseur espagnol, mais il a aussi supporté en France une dégradation de sa « note » de la Banque de France. Cette évaluation qualifie le niveau de confiance que l’on peut avoir dans les capacités de paiement de l’entreprise.

Dès lors, les fournisseurs d’Altifort ont demandé d’être payés dès le passage des commandes. En clair, la trésorerie du groupe, qui était encore de plus de 30 millions d’euros en octobre, a été partagée par deux en quelques semaines. Dans ces conditions, ont révélé les fondateurs d’Altifort dans un courrier daté du 15 février à l’administrateur judiciaire, « ce serait déraisonnable d’engager plus avant Altifort dans le financement de la société Ascoval, au risque de mettre en péril l’intégralité du groupe, soit 1 398 personnes (hors Ascoval). »

Or, sans paiement privé, ni l’Etat, ni la région Hauts-de-France, ni la ville de Valenciennes ne peuvent dégager les rétributions qu’ils avaient attendues pour la relance d’Ascoval. « Les dirigeants connaissent leur note Banque de France depuis novembre 2018, bien avant qu’ils se soient déclarés repreneurs d’Ascoval en décembre. C’est ça qui est scandaleux », juge-t-on à Bercy, qui, bien qu’au courant de cette explication, avait jugé début décembre le projet d’Altifort « solide ».

« Noël est passé »

De nos jours, « la situation est d’autant plus rageante, note un observateur, que l’aciérie est en train de trouver des clients. » d’après Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, qui supporte la reprise depuis le départ, 60 000 tonnes de commandes sont d’ores et déjà stockées, et des débats sont menées avec une vingtaine de clients potentiels pour charger un site qui peut produire jusqu’à 500 000 tonnes.

« Au mieux, l’aciérie peut cheminer pendant au moins trois mois. Mais si aucun acheteur n’est en vue, à quoi bon ? »

Un autre acheteur peut-il désormais sauver les 281 salariés d’Ascoval ? « Noël est passé », soupire Nathalie Delabre, entièrement abattue. « Ce sera très difficile, confirme maître Guilhem Brémond. Les potentiels repreneurs sont déjà connus. Il faut désormais voir si l’un sera encore intéressé et pourra mobiliser des fonds. » « Tant que les salariés n’ont pas dit “game over”, il faut poursuivre à chercher les fonds, juge M. Bertrand. Ce serait trop dommage d’en arriver à ce point et de laisser tomber ! »

Dans un discours à l’AFP, jeudi, en fin de journée, Bart Gruyaert a affirmé qu’il « ne [jetait] pas l’éponge » et qu’il « se concentr[ait] à trouver une solution » financière d’ici au 27 février. « J’ai des contacts avec un partenaire sidérurgique, qui était captivé par faire son entrée au capital dans les prochains mois. J’essaie de le faire entrer plus tôt », a-t-il déclaré.

D’ici là, l’usine poursuivras production jusqu’à vendredi soir. Deux semaines d’arrêt pour sous-activité sont ensuite attendues. Après, la direction a réaffirmé disposer de la trésorerie pour payer les salaires du mois. En cas d’absence d’acheteur, une fiducie, dotée de 12 millions d’euros abondée particulièrement par l’Etat et Vallourec, est toujours libre pour couvrir un éventuel plan de préservation de l’emploi. Ce serait une piètre consolation.

 

Une expertise montre des pistes chocs pour faire face aux arrêts maladie

Dans un exposé envoyé à Edouard Philippe, les experts offrent un jour de carence non compensé pour tous avec des réponses.

Un jour de manque non compensé pour tous ? C’est l’une des recommandations les plus sensibles d’un rapport sur les arrêts maladie remis mercredi 20 février au premier ministre, Edouard Philippe. En septembre, Matignon avait chargé Jean-Luc Bérard, directeur des ressources humaines du groupe industriel Safran, Stéphane Oustric, professeur de médecine à l’université de Toulouse, et Stéphane Seiller, magistrat à la Cour des comptes, de penser à la maîtrise des compensations journalières versées par la Sécu en cas d’arrêt de travail, une source de dépenses très dynamique.

Attendues au départ pour décembre, avant que le mouvement des « gilets jaunes » ne se convie dans le débat, leurs fins ont été stimulées. Début de l »année, un conseiller du gouvernement assurait même que « le rapport était au frigo et pas prêt d’en sortir ».

Il faut bien mentionner que le délai de défaut est une matière à manier avec discrétion. Maintenant, les fonctionnaires, lorsqu’ils se voient décider un arrêt maladie, ne sont pas compensés le premier jour. A peine arrivé aux manettes, le gouvernement avait réparé, en juillet 2017, cette disposition mise en place par Nicolas Sarkozy, mais retirée en 2014 par François Hollande. Marylise Lebranchu, alors ministre de la fonction publique, la tranchait « injuste, inutile et inefficace ».

Complément de salaire

Dans le privé, les salariés ont trois jours d’absence, mais environ les deux tiers d’entre eux sont couverts par des accords d’entreprise ou de branche qui leur agréent de ne pas supporter une perte de rétribution trop importante. Les règles seraient donc harmonisées en alignant le privé sur le public. Les rapporteurs ne s’en cachent pas : il n’y a pas « forcément de justification économique » à cette idée, mais, pour eux, il s’agit d’un souci « d’équité ».

Bien éveillés du caractère inflammable d’une telle proposition – les syndicats sont contre, quand les organisations patronales y sont favorables –, les trois experts animent de la conditionner à des contreparties. Il se réaliserait d’accepter une meilleure prise en charge de certains salariés moins bien protégés.

Maintenant, aux indemnités versées par la Sécurité sociale peut s’ajouter, sous certaines conditions, un complément de salaire accordé par l’employeur. Ce qui admet au collaborateur en arrêt maladie d’atteindre 90 % de sa rétribution brute le premier mois, puis 66 % les trente jours suivants. Les rapporteurs offrent d’étendre ce mécanisme (mais sous une autre forme) aux près de 9 millions de personnes qui n’en bénéficiaient pas jusque-là, particulièrement les salariés ayant moins d’un an d’ancienneté – soit un grand nombre de CDD –, les saisonniers, les intermittents.