Le télétravail et les frais du salarié

« Mais que dit le droit sur les dépenses du salarié liées au télétravail ? Sont-elles soumises à cotisations et contributions sociales dès lors que l’employeur les paie en totalité ou en partie ? »
« Mais que dit le droit sur les dépenses du salarié liées au télétravail ? Sont-elles soumises à cotisations et contributions sociales dès lors que l’employeur les paie en totalité ou en partie ? » Vlada Kramina/Ikon Images / Photononstop

Droit social. Le développement d’outils de communication et leur sécurisation, les transformations de l’organisation du travail, les aspirations de certains salariés et, plus récemment, les grèves dans les transports publics ont conduit au succès grandissant du télétravail. Ce que l’article L.1222-9 du code du travail décrit comme des formes « d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Mais que dit le droit sur les dépenses du salarié liées au télétravail ? Sont-elles soumises à cotisations et contributions sociales dès lors que l’employeur les paie en totalité ou en partie ?

Deux qualifications sont applicables aux frais d’acquisition des indispensables matériels informatiques et périphériques, à l’abonnement de connexion, aux frais de mobilier, de sécurisation électrique du domicile, etc.

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Les frais liés au télétravail peuvent, d’une part, être qualifiés d’« avantage en nature ». En effet, l’utilisation à des fins privées, par exemple de l’ordinateur, mis à disposition ou acheté ou loué par l’employeur, ou de la connexion Internet payée par l’entreprise, est considérée en principe comme constitutive d’un avantage en nature (« du fait du travail »). C’est alors une rémunération soumise à cotisations sociales.

Mais ils peuvent être considérés, d’autre part, comme des « frais professionnels », qui « ne constituent pas un revenu d’activité » mais qui représentent « des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ». Ils sont alors exonérés de toute cotisation (article L.136-1-1 du code de la Sécurité sociale).

Allocations forfaitaires

Concernant le calcul des « frais professionnels » liés au logement et au mobilier utilisés pour le télétravail, un arrêté ministériel du 20 décembre 2002 modifié le 25 juillet 2005 précise que le montant du loyer exonéré est la valeur locative brute au prorata de la superficie affectée au travail.

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On peut également y lire que l’assiette d’exonération pour l’achat du mobilier par le salarié pour le compte de l’entreprise (« le salarié restant toutefois propriétaire ») est de 50 % de la dépense réelle et que le calcul de l’exonération des cotisations se fait en principe en application d’annuités d’amortissement comptable du mobilier. Sauf pour le « petit mobilier », pour lequel « la valeur annuelle de l’année d’acquisition » est exonérée !

« Développement (im)personnel » : stop à la « positivité de comptoir »

« Développement (im)personnel. Le succès d’une imposture », de Julia de Funès. Editions de L’observatoire, 2019, 176 pages, 16 euros.
« Développement (im)personnel. Le succès d’une imposture », de Julia de Funès. Editions de L’observatoire, 2019, 176 pages, 16 euros.

Livre. En philosophie, la tendance à privilégier la réalité des mots sur la réalité des choses s’appelle le nominalisme. En langage courant, c’est ce que l’on nomme les bons sentiments, et ils ont envahi le monde de l’entreprise. Voyez les manuels de développement personnel qui nous conseillent de positiver et gagner en estime de soi. Ecoutez les coachs, et leurs promesses d’assurance et de sérénité. Cette « positivité de comptoir » révolte Julia de Funès : « Il n’y a plus de “malaise de la civilisation”, l’épanouissement personnel est devenu le nouvel “opium du peuple”. »

Si ces artifices et artificiers rencontrent un tel engouement, affirme la docteure en philosophie, c’est davantage « par l’attrait de leurs promesses et les attentes de personnes assoiffées, que par la rigueur de leur contenu et des aides proposées. » Son essai, Développement (im) personnel (Editions de L’Observatoire), trace la généalogie du besoin d’épanouissement personnel.

Quelles techniques le développement personnel met-il régulièrement en œuvre ? Quelles idéologies véhicule-t-il insidieusement, et comment s’en libérer ? Pour affranchir l’individu de toutes ces balises comportementales, l’ouvrage convie les grands penseurs, de Nietzsche à Tocqueville, de La Boétie à Bergson. Ils nous permettent de déverrouiller les grilles de lecture, de déjouer les farces et attrapes pour « oser la difficile liberté d’être soi-même. »

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Loin de se réduire à une simple caractéristique psychologique, l’épanouissement personnel représente une véritable donnée historique et sociale, estime Julia de Funès. L’affirmation de l’individu, la concentration sur soi-même et le désintérêt des idéaux supra-individuels irriguent tout le XXe siècle, dans toutes les sphères de son existence. L’individu moderne est alors pensé comme un Narcisse, « au sens où la sphère privée culmine dans tous les domaines de la vie sociale, et où les questions subjectives sont surinvesties par rapport aux enjeux supérieurs et au “soi”. »

Soumission psychologique

En devenant un code social, l’épanouissement personnel perd en singularité : comment le développement personnel ne peut-il pas devenir impersonnel en s’adressant à chaque lecteur comme à tout autre ? « C’est l’un des grands paradoxes de ce type d’ouvrages prétendant parler du “moi” le plus intime à des milliers de lecteurs ! »

L’enjeu du livre n’est pas d’attaquer les coachs ou les auteurs de développement personnel, mais de « révéler les méthodes rhétoriques utilisées derrière l’efficacité promise, ainsi que les opinions véhiculées sous la pseudo-sagesse affichée. Une vision de l’individu illusoire et culpabilisante en découle, qui loin de libérer asservit. »

Lionel Honoré : « Dans la grande majorité des cas, la religion pose peu de problèmes au travail »

Tribune. Les prises de position du président de la République sur l’islam en France sont un événement important. Enfin, un discours politique pose sans caricature les enjeux : énoncer ce qui est acceptable ou non, ce qui doit être combattu et ou au contraire protégé. Il faudra, bien sûr, que les mots soient suivis d’actions réelles : celles-ci permettront à la République de combattre les discours religieux qui la remettent en cause mais aussi de protéger la très grande majorité des musulmans des risques de stigmatisation ainsi que du prosélytisme rigoriste.

Présence affirmée de l’islam

La question de la place de la religion dans la société a été régulièrement posée au fil de l’histoire. La présence affirmée de l’islam l’a réactualisée ces dernières décennies. Sur ce sujet, les échanges manquent souvent de modération entre ceux qui accusent leurs adversaires de remettre en cause le vivre-ensemble républicain et ceux qui les accusent en retour d’islamophobie.

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Les entreprises ne sont pas épargnées. En France, plus des deux tiers d’entre elles sont concernées, de différentes façons, par la question des faits et comportements religieux au travail. La problématique de la place de la religion au travail éclaire celle de la place de la religion dans la République. Les litiges opposant des employés pratiquants, le plus souvent musulmans, et leurs employeurs sont fréquents. Cependant, dans les entreprises, deux réalités très différentes coexistent.

Dans la grande majorité des cas, soit environ 90 % des entreprises, la religion pose peu de problèmes. La plupart des salariés n’expriment leur religiosité qu’à la marge du fonctionnement organisationnel. Ils ne donnent pas toujours de raison religieuse à une demande d’absence et, s’ils prient au travail, c’est discrètement et pendant leurs pauses. Même le port du hidjab, qui est pourtant une question très sensible en France, génère peu de tensions. Les musulmanes qui le portent au travail refusent rarement de le retirer lorsque cela est demandé par l’entreprise. Les personnels sont dans l’ensemble peu revendicatifs sur ce type de sujets et donnent la priorité au travail sur leur pratique religieuse.

« Les salariés comme les manageurs savent de mieux en mieux ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans le contexte de leur entreprise »

De leur côté, les manageurs ont une approche pragmatique de ces questions. Leurs décisions, face à une demande d’un salarié, sont prises en considérant en priorité l’impact sur le travail et non la justification religieuse de la demande. Ils ne considèrent pas la religion pour elle-même mais comme une des dimensions de la personne qu’est le salarié. Les salariés comme les manageurs savent de mieux en mieux ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans le contexte de leur entreprise. Il peut bien sûr exister des frictions et de la frustration, mais la discussion reste le plus souvent ouverte. Le principe dominant est celui de la construction d’arrangements locaux qui préservent à la fois le bon fonctionnement de l’entreprise et la liberté religieuse.

Pas de virus au bureau !

« Le code du travail (article L. 4121) est sans ambiguïté : l’employeur est responsable de la santé physique et morale des salariés »(Photo: SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la maladie).
« Le code du travail (article L. 4121) est sans ambiguïté : l’employeur est responsable de la santé physique et morale des salariés »(Photo: SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la maladie). AP

Si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se refusait encore, fin février, à employer le terme de « pandémie » concernant le coronavirus, les mesures de précaution pour limiter la transmission ont fait leur entrée en entreprise.

Pas de panique ! « le risque [est] limité » en milieu de travail puisque « seul un contact étroit avec des personnes présentant des symptômes » est source de contamination, indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).

L’INRS rappelle toutefois qu’« il est essentiel de respecter les mesures habituelles d’hygiène, notamment de se laver fréquemment les mains avec du savon ou les désinfecter avec une solution hydroalcoolique ». Le port du masque n’est pas nécessaire, mais il est recommandé de « veiller à l’hygiène des locaux de travail, au nettoyage des surfaces ».

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L’heure est donc au nettoyage de printemps. Dans un guide publié en janvier (« Nettoyage des locaux. Que faire ? »), l’Institut de recherche explique que la poussière déposée sur les meubles, les miettes de sandwich sur les bureaux, peuvent constituer un milieu propice au développement des micro-organismes. Ces derniers se multiplient lorsqu’ils trouvent suffisamment de nourriture (poussière, dépôt gras, etc.), une humidité élevée (70 % à 100 %) et une température optimale de croissance. Des locaux non nettoyés favorisent également la prolifération des cafards, des souris et de rats.

Aucune transmission via des objets

Si la bactérie est un micro-organisme, le virus n’est pas reconnu comme tel par tous les scientifiques. Non pas parce qu’il est beaucoup plus petit que la bactérie, mais parce qu’il ne peut se répliquer qu’en pénétrant dans une cellule. Aucune transmission du coronavirus via des objets (bagages, colis, etc.) n’a été rapportée à ce jour.

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Mais « au vu des données disponibles, le coronavirus semble survivre dans le milieu extérieur quelques heures sur des surfaces inertes sèches. En plus de se transmettre directement par inhalation, ce virus pourrait également se transmettre en portant aux muqueuses (bouche, nez, yeux) des mains contaminées au contact de surfaces contaminées. C’est pour cela qu’il est recommandé de nettoyer les surfaces et de se laver les mains. De par sa nature (virus enveloppé), le coronavirus est facilement détruit par les tensioactifs présents dans les savons et les produits de nettoyage des surfaces », explique une chercheuse de l’INRS.

Que recouvre une condamnation pour travail dissimulé ?

« Dans le cas d’une dissimulation d’un emploi salarié, l’absence de bulletin de paie ou de la déclaration préalable à l’embauche constitue la preuve de travail dissimulé » (Palais de justice de Paris).
« Dans le cas d’une dissimulation d’un emploi salarié, l’absence de bulletin de paie ou de la déclaration préalable à l’embauche constitue la preuve de travail dissimulé » (Palais de justice de Paris). JACQUES DEMARTHON / AFP

Le travail dissimulé fait partie des six infractions identifiées du délit qualifié de travail illégal. Le délit constitué est la dissimulation totale ou partielle d’une activité ou d’un emploi salarié de façon intentionnelle, comme défini par le code du travail, articles L143-3 et L320.

Depuis 2010, les comités opérationnels départementaux antifraude (Codaf) sont habilités à contrôler et à sanctionner les entreprises coupables de travail dissimulé.

Le travail dissimulé consiste : soit à dissimuler l’exercice d’une activité à but lucratif sans avoir demandé son immatriculation au registre du commerce ou sans déclaration aux organismes sociaux ou fiscaux ; soit à dissimuler un emploi salarié.

Afin de qualifier le délit, le juge cherche l’élément intentionnel de fraude et son but lucratif. La fréquence de l’activité, son importance, l’absence de facturation constituent des éléments de preuve. Dans le cas d’une dissimulation d’un emploi salarié, l’absence de bulletin de paie ou de la déclaration préalable à l’embauche constitue la preuve de travail dissimulé.

Les risques pour l’employeur

L’employeur s’expose à de lourdes sanctions. En tant que personne physique, la peine pour travail dissimulé peut s’élever à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 45 000 euros. S’il y a eu utilisation d’un mineur soumis à une obligation scolaire, l’amende s’élève à 75 000 euros et à cinq ans d’emprisonnement.

En cas de travail dissimulé, l’employeur peut également être interdit d’exercer une fonction publique, une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle.

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En tant que personne morale, l’amende est de 225 000 euros, assortie d’un placement sous surveillance judiciaire.

L’employeur s’expose également, en cas de travail dissimulé, à des peines complémentaires : fermeture administrative de l’établissement sur une période de trois mois maximum, annulation de mesures de réduction et d’exonération de charges, refus et remboursement des aides publiques sur cinq ans, confiscation des objets utilisés pour l’infraction, financement de l’affichage du jugement dans les publications officielles, voire interdiction d’exercer ses droits civiques, civils et familiaux.

Quelles conséquences pour le salarié ?

Le salarié est toujours considéré comme une victime dans les affaires de travail dissimulé. Il peut faire valoir ses droits auprès de l’inspection du travail, saisir les prud’hommes, ou encore se référer aux syndicats et aux associations.

La plate-forme lilloise Clic and Walk condamnée pour travail dissimulé

Clic and Walk, qui devra payer une amende de 50 000 euros, recourt à une communauté de « contributeurs » pour récolter des données, notamment dans les supermarchés.
Clic and Walk, qui devra payer une amende de 50 000 euros, recourt à une communauté de « contributeurs » pour récolter des données, notamment dans les supermarchés. DENIS CHARLET / AFP

Après les condamnations des spécialistes de la livraison à domicile Take Eat Easy et Deliveroo, ou de Heetch, une application de chauffeurs VTC, est-ce le coup de grâce pour les acteurs de l’ubérisation ? Dans un arrêt du 10 février 2020, la cour d’appel de Douai (Nord) a condamné la société Clic and Walk, une plate-forme de webmarketing collaborative, à 50 000 euros d’amende pour « travail dissimulé ».

Cette société recourt à une communauté de « contributeurs » pour récolter des données, notamment dans les supermarchés. Celles-ci sont ensuite revendues à ses clients. Pour ce faire, les « ClicWalkers » doivent accéder à une application, prendre la photo d’un produit, vérifier sa disponibilité en rayon, puis répondre à des questionnaires.

Ces « missions » sont rémunérées de 20 centimes à quelques euros, mais, en moyenne, les ClicWalkers, qui sont au nombre de 700 000, récoltent environ 6 euros par an, selon l’entreprise. De grands groupes comme L’Oréal, Auchan ou Decathlon ont déjà eu recours aux services de cette start-up lilloise, distinguée par l’Unesco en 2014.

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L’Office central de lutte contre le travail illégal a estimé que la plate-forme était dans l’illégalité, car ses contributeurs ne sont pas déclarés comme des salariés, alors qu’ils font un travail similaire à celui des enquêteurs des instituts de sondages. Ce motif a incité le ministère public à se porter partie civile contre Clic and Walk. En 2018, la jeune pousse a d’abord été relaxée par le tribunal correctionnel de Lille au motif du caractère très limité des « missions » qui sont proposées aux contributeurs et de l’absence d’un lien de subordination.

La cour d’appel de Douai n’a pas suivi cette position, considérant que ce lien de subordination existait bel et bien. Consulté par Le Monde, l’arrêt du 10 février fait valoir que « les missions données sont parfois très précises ». Par exemple, le contributeur doit se rendre dans un magasin à certains horaires s’il veut voir sa mission validée.

« Zone grise »

La cour d’appel relève aussi la motivation que constitue la rétribution financière, même si elle est dérisoire : « Pour nombre de contributeurs, c’est la rémunération qui les a incités à devenir ClicWalkers. » « Sous le couvert de faire appel à des consommateurs de la vraie vie, [il s’agit] d’utiliser un personnel très faiblement rémunéré pour recueillir quasi gratuitement des données importantes, revendues ensuite à un prix relativement conséquent [une mission est revendue entre 10 000 et 15 000 euros] aux clients », est-il écrit dans l’arrêt.

Les écoles de boucherie, à la recherche d’apprentis, tentent de séduire de nouveaux profils

Au début du stage pratique, les apprentis récupèrent un morceau de viande, plus ou moins gros (et lourd), sur lequel ils pourront effectuer leurs exercices de découpe et de désossage.
Au début du stage pratique, les apprentis récupèrent un morceau de viande, plus ou moins gros (et lourd), sur lequel ils pourront effectuer leurs exercices de découpe et de désossage. Vincent Gerbet / Hans Lucas

Dans le « labo » au carrelage blanc immaculé, au sous-sol de l’Ecole professionnelle de la boucherie de Paris (EPB) Diana Soares, 18 ans, travaille une aiguillette baronne de veau, sous l’œil averti de ses enseignants. En tablier en cotte de maille, tablier blanc, chaussures de sécurité et gants de protection, cette étudiante en première année de CAP boucher retire les petits filets blancs qui restent sur le dessus du morceau. Diana est venue du Portugal pour suivre cette formation. « Mon père est poissonnier, j’avais envie de changer, confie-t-elle avec humour. J’aime le défi technique de la découpe de la viande. » Avec elle, une douzaine d’apprentis désossent, épluchent, découpent avec concentration et calme des morceaux de veau lors de cette séance de travaux pratiques de quatre heures.

« Avec les départs à la retraite, nous avons besoin que 5 000 personnes entrent chaque année dans la profession, et nous atteignons tout juste ce chiffre », Jean-François Guihard, président de la Confédération de la boucherie

Diana n’aura pas de difficultés à trouver un emploi. Dans ce secteur, il existe plus d’offres d’emplois que de postulants. La filière a pourtant fait son possible pour former de plus en plus de jeunes : entre 2007 et 2018, le nombre d’apprentis bouchers en formation a plus que doublé, passant de 4 925 à 10 203, selon la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT). « Avec les départs à la retraite, nous avons besoin que 5 000 personnes entrent chaque année dans la profession, et nous atteignons tout juste ce chiffre », note Jean-François Guihard, le président de la Confédération.

La viande souffre, il est vrai, d’une mauvaise presse. Entre la montée en puissance du véganisme et des préoccupations environnementales et sanitaires, les actions anti-spécistes contre des boucheries et la hausse des prix, la consommation de viande a chuté de 12 % en dix ans, selon une étude récente du Crédoc.

Ainsi, aujourd’hui, les 111 CFA qui proposent le CAP boucher ne font pas le plein, loin de là. A Vannes, celui de la Chambre des métiers et de l’artisanat du Morbihan accueille 152 apprentis bouchers-charcutiers, pour 200 demandes d’entreprises. A Paris, la situation est encore plus critique, avec 347 apprentis pour 400 places offertes en apprentissage. L’EPB affiche 96 % de taux de placement et 95 % de taux de réussite. Les trois quarts vont vers la boucherie artisanale et un quart dans la grande distribution.

Chômage : « La France s’enferme dans un débat où les réformes structurelles sont surreprésentées »

« Les rigidités structurelles françaises qui incarnent l’offre sont-elles la principale cause de notre taux de chômage ou s’agit-il plutôt du résultat d’une trop faible demande dont la responsabilité échouerait alors à la politique macroéconomique dont la Banque centrale européenne est le juge de paix ? »
« Les rigidités structurelles françaises qui incarnent l’offre sont-elles la principale cause de notre taux de chômage ou s’agit-il plutôt du résultat d’une trop faible demande dont la responsabilité échouerait alors à la politique macroéconomique dont la Banque centrale européenne est le juge de paix ? » PASCAL GUYOT / AFP

Tribune. Le 15 février 2019, Edouard Philippe ouvrait en une phrase le débat économique fondamental de ces dernières années : « Je ne crois pas qu’on puisse durablement vivre dans un monde très compétitif avec 3 millions de chômeurs d’un côté et des entreprises qui n’arrivent pas à recruter » de l’autre. Résumé autrement : la France souffre-t-elle d’un problème d’offre ou de demande ? Les rigidités structurelles françaises qui incarnent l’offre sont-elles la principale cause de notre taux de chômage – comme le suggère ici le premier ministre – ou s’agit-il plutôt du résultat d’une trop faible demande dont la responsabilité échouerait alors à la politique macroéconomique dont la Banque centrale européenne est le juge de paix ?

Edouard Philippe poursuit : « C’est un vrai scandale français d’une certaine façon, une spécificité dont on se passerait bien et il faut qu’on la règle ».

Pourtant, il n’existe pas d’exception française relative à la question des difficultés de recrutement des entreprises. Le cas des Etats-Unis est exemplaire à ce titre.

L’addiction aux jeux vidéo en cause

Alors que le taux de chômage américain avait atteint son point culminant à la charnière des années 2009 et 2010, le Wall Street Journal publiait, dès le 8 août 2010 un article intitulé « Certaines entreprises ont du mal à embaucher malgré un taux de chômage élevé ». Les causes de cette anomalie commencent à être formulées : inadaptation des compétences, trop grande générosité des allocations, faible mobilité des salariés, entre autres.

Au cours de ces derniers mois, près de 75 % des nouveaux entrants sur le marché de l’emploi américain n’étaient pas intégrés dans les statistiques du chômage. Les difficultés de recrutement n’étaient pas un frein, mais un symptôme de l’amélioration de la situation

Ce discours va perdurer au fil des années, malgré la décrue du nombre de chômeurs américains. De 10 % au mois d’octobre 2009, le taux de chômage passe sous la barre des 8 % dans le courant de l’année 2013, sous l’impulsion des politiques menées par la Réserve fédérale des Etats-Unis. Le débat se focalise alors sur les sombres prédictions de l’économiste Robert Gordon. Selon ses recherches datant de 2013, et en conséquence des modifications de « l’offre », le taux de chômage minimal – le plein-emploi – aurait évolué négativement ; passant de 4,8 % en 1997, à 6,5 %. D’autres économistes évaluent ce plancher à 7 %.

Les salariés à l’épreuve des réorganisations et des fermetures d’entreprises

« Le fait d’être devant des restructurations souvent décidées dans des sièges sociaux lointains accompagne la mondialisation », rappelle la chercheuse Anne Bory (Photo: manifestation des salariés de Molex, à Toulouse, en décembre 2012).
« Le fait d’être devant des restructurations souvent décidées dans des sièges sociaux lointains accompagne la mondialisation », rappelle la chercheuse Anne Bory (Photo: manifestation des salariés de Molex, à Toulouse, en décembre 2012). ERIC CABANIS / AFP

Fermeture de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon (Vendée), inquiétudes sur le site de Douai (Nord) de Renault, cessation d’activité pour la sucrerie de Toury, dans l’Eure-et-Loir… Les annonces de fermetures d’usines se suivent et se ressemblent. Les salariés n’ont pas droit de regard sur ces décisions qui les touchent de plein fouet. Pourtant, ils incarnent souvent la seule mémoire de leur usine. La sociologue Amandine Mathivet leur a donné la parole dans « Au turbin ! », son podcast (audio) mensuel sur la vie au travail.

Dans des récits parfois confus, parfois prenants, les personnes interrogées témoignent de leur incompréhension face à des directions virevoltantes et des décisions jugées arbitraires. Il leur est demandé de s’adapter à un monde du travail devenu instable. Mais ces discours paraissent en décalage complet face au ressenti de ces salariés, souvent âgés et peu qualifiés.

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Toutes deux employées dans une plate-forme logistique, Christiane et Martine ont connu quatre directions différentes en trois ans. Désabusées, les deux femmes témoignent d’un métier usant, où il leur est demandé de faire deux cents à trois cents pièces par heure, et de stratégies d’entreprises décousues. Suite à plusieurs réorganisations, un plan de départs volontaires leur a été présenté. « Après avoir travaillé plus de vingt ans (…), en plus abîmée physiquement, c’est difficile d’entendre ça », reconnaît Christiane.

« L’inquiétude est au niveau des personnes de la logistique qui ont atteint un âge mûr », renchérit la salariée. Même si le plan de départs leur offre la possibilité de se former à un nouveau métier, Christiane et Martine savent qu’avec leur CV leurs chances de retrouver un emploi ailleurs sont minces. Les deux salariées déplorent que leur employeur n’ait pas davantage investi pour développer leurs qualifications. « Ce n’est pas nous qui sommes obsolètes, c’est qu’on ne nous a pas formées », revendique Martine.

« Un uppercut en pleine figure »

Le podcast donne ensuite la parole à François, qui a vu fermer en 2009 l’usine dans laquelle il a travaillé pendant trente ans. Une annonce reçue « comme un uppercut en pleine figure », selon son expression. Rien ne justifiait cette fermeture, de son point de vue : « Le site faisait des bénéfices, avait des projets… »

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Malgré une longue bataille judiciaire menée par les syndicats, l’usine a fini par fermer définitivement ses portes. Entré en 1975 dans cette entreprise – lui-même est le fils d’un employé de l’usine –, François témoigne du « sentiment de se faire voler quelque chose » face à la fermeture d’un site passé de mains en mains, mais qu’il s’est approprié et auquel il a donné ses meilleures années.

Grève chez Hop! : Air France assurera presque tous ses vols régionaux lundi

Un appareil opéré par Hop!, la filiale régionale d’Air France sur le tarmac de l’aéroport Paris-Orly.
Un appareil opéré par Hop!, la filiale régionale d’Air France sur le tarmac de l’aéroport Paris-Orly. ERIC PIERMONT / AFP

Le mouvement de grève des pilotes de Hop!, filiale régionale d’Air France, devrait entraîner peu de perturbations lundi 24 février, a fait savoir dimanche la direction de la compagnie aérienne.

Selon un porte-parole interrogé par l’Agence France-Presse (AFP), la « totalité » des vols de et vers Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly devrait être assurée, ainsi que « la quasi-totalité » des vols au départ des régions françaises. Hop! assure une partie des liaisons domestiques d’Air France et dessert des vols entre des régions françaises et l’Europe.

Les perturbations ne concerneront ni « les vols long-courriers » ni « les vols court et moyen-courriers opérés par un avion Airbus d’Air France », précise la compagnie mère sur son site Internet. Air France propose aux voyageurs qui le souhaitent de reporter leur voyage sans frais.

D’autres journées d’action

Face à la réduction de la flotte et à la suppression de la marque Hop!, les pilotes sont inquiets pour leurs carrières et leurs emplois. Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), premier syndicat de pilotes de cette filiale, appelle à la grève pour exiger de meilleures conditions de salaires et de travail, plus proches de celles des pilotes d’Air France. Il souhaite également voir « pérennisé » à partir de 2020 le transfert chaque année de 70 pilotes vers Air France et propose des solutions transitoires, quand la direction cherche à limiter ces départs afin de préserver son activité, selon Emelyne Fronteau, présidente du SNPL Hop!.

Le syndicat avait déposé fin décembre un préavis de grève de 144 heures étalées sur douze jours, repoussé le temps de discuter avec la direction de Hop!. Cette dernière a proposé une hausse des salaires de 3 %, jugée insuffisante par le syndicat.

Le préavis court à partir de lundi, de 6 heures à 18 heures, et la grève doit se décliner sur d’autres journées, la prochaine étant jeudi, a précisé à l’AFP Mme Fronteau. « Plus de la moitié des pilotes sont engagés sur la journée de lundi », affirme-t-elle.

Quelques turbulences sociales

Créée en 2013, Hop! emploie environ 2 500 personnes dont 750 pilotes. La compagnie résulte de la fusion des trois anciennes filiales régionales d’Air France (Brit Air, Régional et Airlinair). La dernière grève de ses pilotes remonte à l’été 2017.

Air France est secouée ces derniers jours par quelques turbulences sociales, devenues rares depuis l’arrivée de Ben Smith aux commandes d’Air France-KLM. La compagnie tricolore a ainsi connu vendredi et samedi des débrayages dans ses escales à Orly et en régions à l’appel des syndicats du réseau court-courrier d’Air France (CGT, FO, CFDT, CFE-CGC et UNSA), mobilisés contre le recours accru à la sous-traitance après plusieurs plans de départs volontaires.

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Cet appel a été « très suivi à Nantes, Toulouse et Bordeaux », a déclaré à l’AFP Christophe Malloggi, de FO Air France. La direction n’a pas communiqué le taux de grévistes mais elle a souligné que « l’intégralité du programme de vols » avait été assuré.