Les « new collar jobs » introduisent la primauté des compétences sur le diplôme

Compétences contre diplôme, la situation évolue. Les suppressions d’emplois au profit d’une automatisation par l’intelligence artificielle se multiplient. Pour autant, de nombreux métiers restent en tension, et pas seulement ceux qui sont apparus récemment, portés par la vague numérique. Dans ce contexte, de nouveaux profils de poste apparaissent. Baptisés « new collar job », ces « emplois de nouveaux cols » mixent les compétences techniques des cols bleus et celles, plus comportementales, des cols blancs.

« Pour de nombreux métiers, notamment ceux qui évoluent rapidement, le diplôme n’est pas suffisant, pas utile ou il n’existe tout simplement pas », remarque Eric Gras, spécialiste du marché de l’emploi chez Indeed, moteur de recherche d’emploi. Les recrutements doivent alors se baser sur les compétences, la personnalité et l’expérience du candidat.

Il peut s’agir de métiers où la pénibilité fait évoluer des cols bleus vers des fonctions d’encadrement sans qu’ils aient de diplômes dans ce domaine, ou des femmes qui recherchent un emploi après une interruption de carrière. De tels profils obtiennent rarement de réponses sur les sites de recherche d’emploi, car ils ne passent pas le filtre des algorithmes lecteurs de CV. En effet, ces outils trient les candidatures en fonction de mots-clés, encore essentiellement liés aux diplômes, aux noms des écoles et au parcours.

Formation individuelle en ligne

« La question est de savoir s’il est pertinent de recruter aujourd’hui de la même façon qu’il y a vingt ans, alors que la durée de vie des compétences techniques est passée de trente ans en 1983 à seulement trois ans aujourd’hui », s’interroge David Bernard, directeur et fondateur d’AssessFirst, solution d’analyse prédictive des recrutements. Les possibilités de formation individuelle en ligne et de reconversion pallient l’obsolescence rapide des compétences, mais elles sont rarement sanctionnées par un diplôme, au mieux par un certificat…

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Les entretiens d’évaluation sous examen

Droit social. « L’optimisme », « l’honnêteté » ou « le bon sens » sont-ils des critères licites pour évaluer le travail d’un collaborateur ? Non, a répondu la Cour de cassation, le 15 octobre, car « trop vagues pour établir un lien direct, suffisant et nécessaire avec l’activité des salariés en vue de l’appréciation de leurs compétences au travail, conduisant à une approche trop subjective s’éloignant de la finalité première : la juste mesure des aptitudes professionnelles ». A l’instar des objectifs, qui doivent être… objectifs.

Ah, l’objectivité au pays de l’égalité ! Pas toujours simple des deux côtés de la table, a fortiori avec la montée en puissance de la figure du citoyen-parent-travailleur : il en va ainsi de jeunes manageurs notant sévèrement les parents arrivant en retard, à l’inverse d’autres manageuses elles-mêmes mères de famille…

Et un bon technicien du droit ne faisant pas un bon juge, le grand oral d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature prévoit que « le jury apprécie les qualités, aptitudes et le savoir-être du candidat ». Et, du côté de l’Institut national du service public, « la personnalité du candidat, ses qualités et aptitudes, notamment managériales, le savoir-être et la motivation ».

L’évaluation du travail d’un ouvrier est en effet plus aisée que celle de salariés travaillant avec des clients. Et comment évaluer l’intelligence émotionnelle d’un manageur, dont les qualités comportementales et relationnelles sont plus importantes que ses connaissances techniques ? Son courage managérial, évitant les filets d’eau tiède n’aidant guère à progresser ?

Le risque d’un nivellement général

Mais beaucoup d’entreprises se sont détournées de cette « épreuve » annuelle pour les deux parties, pouvant générer stress puis frustration, voire démission, au profit d’un processus continu d’échanges, conduisant presque naturellement à cet entretien tourné vers l’avenir. Qui ne doit pas être confondu avec le nouvel entretien de parcours professionnel, issu de la loi du 24 octobre, qui aura lieu tous les quatre ans au lieu de deux, dont le but est l’employabilité. Pas une augmentation ou le bonus tant attendu.

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Sur le marché du travail, les bac + 5 ne peuvent plus jouer les difficiles

En amont du Salon international du nucléaire civil, du 4 au 6 novembre, le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire, le syndicat professionnel du secteur, annonce un besoin de 100 000 recrutements d’ici à 2035. Il leur faudra tenir les échéances, car au-delà, les candidats pourraient devenir plus exigeants.

C’est à cette même date que le nombre de personnes en âge de travailler commencera à diminuer : la population active perdra alors 28 000 individus par an en moyenne, selon une récente note du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, publiée le 28 octobre. Son auteur, Antoine Foucher, explique que, parce que la main-d’œuvre disponible va se raréfier, le rapport de force entre employeurs et candidats va s’inverser, et « les difficultés de recrutement des entreprises vont s’intensifier et devenir la norme ».

Pour l’heure, cet horizon ne semble pas d’actualité pour les nouveaux diplômés du supérieur qui rejoignent le marché du travail. Les données de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), publiées mardi 4 novembre, révèlent que ces jeunes sont confrontés, au contraire, à un rapport de force qui leur est défavorable. « En seulement deux ans, le marché de l’emploi est devenu beaucoup plus difficile pour les jeunes diplômés », déclare Gilles Gateau, le directeur général de l’APEC.

Accès à l’emploi plus long et plus complexe

« La dégradation de l’insertion professionnelle amorcée en 2024 devrait se poursuivre en 2025 », indique l’étude « Jeunes diplômés d’un bac + 5, une insertion difficile et au prix de concessions importantes », réalisée sur la base du dispositif InserSup, qui mesure l’insertion professionnelle des sortants de l’enseignement supérieur, complété d’un sondage mené en juin auprès de quelque 1 500 bac + 5 âgés de 20 à 30 ans. En effet, le taux d’emploi salarié des bac + 5 baisse de promotion en promotion. Les entreprises ont beau avoir du mal à trouver la perle rare, elles recrutent toujours moins de cadres débutants : 16 % de moins en 2025, après un premier recul de 19 % en 2024.

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« Le travail est un facteur de risque avéré du cancer »

Une récente publication du Lancet place la France en tête des pays les plus touchés par le cancer, avec plus de 433 000 personnes malades chaque année, un nombre qui a doublé en vingt ans. Cette situation très inquiétante est le plus souvent rapportée aux seuls comportements individuels à risque – tabac, alcool, activité physique –, mais est-ce la bonne approche ?

Cette jeune fleuriste, dont l’enfant est morte à 11 ans d’un cancer du sang après sept ans de lourds traitements, avait-elle « choisi » d’être contaminée par les pesticides dont étaient imprégnées ses fleurs, pesticides cancérogènes non seulement pour elle-même mais aussi pour l’enfant à naître ? Les ouvrières du laboratoire Tetra Medical ont-elles « choisi » le procédé de stérilisation à l’oxyde d’éthylène, cancérogène, mutagène, toxique pour la reproduction qui les a empoisonnés durablement, elles et leurs enfants ? Les ouvriers des usines chimiques ont-ils « choisi » les PFAS, au redoutable pouvoir toxique ? Sans parler des employées du nettoyage, contaminées par les cancérogènes des produits d’entretien.

Les risques du travail, facteurs de dangers avérés du cancer, n’apparaissent pas dans l’article du Lancet, qui reprend le discours dominant et culpabilisant qui fait reposer la responsabilité de la survenue des cancers sur les victimes elles-mêmes.

Le travail de nuit ou posté, par exemple, est l’une des causes du cancer du sein, reconnue officiellement comme telle en 2007 par le Centre international de recherche sur le cancer. Chez les femmes, ce type d’organisation temporelle du travail a néanmoins augmenté de 150 % entre 1982 et 2015, en progression dans de multiples secteurs où il n’est nullement indispensable – industrie, commerce, nettoyage.

Scandales sanitaires

Nous, signataires de cette tribune, nous voulons rappeler le travail inlassable et les mobilisations de tous ceux et celles – militants associatifs et syndicalistes, chercheurs, médecins, avocats – qui, depuis plus de quarante ans, alertent sur ces risques évitables que sont les multiples situations de mise en danger de la vie d’autrui dans le travail exposé aux cancérogènes.

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« C’est un métier ! » : la récente protection des égoutiers, des travailleurs de l’ombre surexposés aux risques

2015 : cela ne fait que dix ans que les égoutiers de la Ville de Paris ont l’obligation de porter un masque filtrant lorsqu’ils opèrent, et un masque intégral depuis 2020. Le port du casque est devenu obligatoire en 1984, tandis que le détecteur jaune « 4 gaz » – les agents le surnomment le « canari » –, qui sonne lorsque la teneur en gaz toxiques est trop élevée, est arrivé en 2007. Cela peut sembler récent, pour une profession surexposée aux risques : c’est ce que retrace l’exposition « Habits d’égoutiers », qui se tient cet automne au Musée des égouts de Paris.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Paris, le musée des égouts s’est refait une beauté

En remontant dans le passé, les clichés sont frappants : dans les années 1960 ou 1970, on y observe des hommes en bleu de travail classique accroupis dans les eaux usées et la pénombre, dont les équipements de sécurité se limitent à des bottes en cuir et des bandelettes pour protéger leurs jambes. L’équipement a bien changé : la tenue d’aujourd’hui, exposée dans les couloirs du musée – d’authentiques tunnels des égouts –, a quelque chose de celle du spationaute.

L’essentiel du travail d’un égoutier consiste à inspecter, réparer et nettoyer les réseaux souterrains de canalisations où circulent les eaux usées et pluviales. Autrefois plus d’un millier, ils ne sont plus que 260 à la Ville de Paris, notamment grâce à la mécanisation de plusieurs opérations : par exemple, les sables qui encombrent les égouts ne sont plus ramassés manuellement, mais grâce à des bateaux-vannes. « Cette baisse est aussi due à l’externalisation de nombreuses activités, comme l’extraction des bassins de dessablement ou la maçonnerie », déplore Julien Devaux, égoutier et secrétaire adjoint de la CGT-FTDNEEA (filière de traitement des déchets, nettoiement, eau, égouts, assainissement).

Le reste des réseaux en France étant géré soit par des fonctionnaires en régie, soit par des salariés de sous-traitants, on peut difficilement connaître le nombre de spécialistes des égouts sur le territoire. Mais les effectifs sont bien plus conséquents à Paris, car l’intégralité des 2 600 kilomètres du réseau haussmannien est visitable. Les plus petits collecteurs font 1,70 mètre de haut, et à peine un mètre de large. « Ça reste un métier risqué, mais la qualité des équipements s’est fortement améliorée, juge Antoine Guillou, adjoint à la maire de Paris, chargé de la propreté et de l’assainissement. Le taux d’absence est certes plus élevé que dans d’autres professions, mais l’accidentologie a diminué avec le temps. »

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Dominique Méda : « Emmanuel Macron n’a réussi qu’à salir l’idée de démocratie sociale alors qu’il prétendait imiter le modèle scandinave »

Le premier ministre, Sébastien Lecornu, lors de sa déclaration de politique générale, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 14 octobre 2025.

Même s’ils sont passés largement inaperçus, plusieurs tournants essentiels ont été annoncés par Sébastien Lecornu, le 14 octobre, dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. Outre la suspension de la réforme des retraites, le premier ministre a notamment proposé que se tienne prochainement une « conférence sur les retraites et le travail », liant enfin les deux sujets. Il était temps ! Car c’est bien parce que cela n’a pas été le cas à l’origine que le refus de la réforme a été aussi massif. Et il est désormais clair que l’on ne pourra avancer sur le sujet des retraites qu’après avoir ouvert le grand chantier des conditions de travail.

Toutes les parties doivent maintenant accepter le diagnostic que les enquêtes de la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) du ministère du travail nous mettent sous les yeux depuis des années, mais qu’une large partie de nos responsables politiques et économiques continue de refuser de voir : nous avons un problème très sérieux de conditions de travail, qui concerne tant les pénibilités physiques et psychologiques que les rémunérations, l’absence de reconnaissance et, finalement, le partage du pouvoir dans l’entreprise.

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Près de la moitié des salariés européens ont accédé à la formation continue en 2024

Les travailleurs de l’Union européenne accèdent-ils facilement à la formation professionnelle, qui contribue tant à leur bonne insertion sur le marché du travail qu’à la compétitivité économique des pays concernés ? Sur ce point, l’étude Eurofound dresse un tableau en demi-teinte. Certes, l’accès à la formation s’améliore au fil des ans pour l’ensemble des actifs. En 2024, 48 % des salariés européens ont reçu une formation payée ou fournie par les employeurs sur les douze derniers mois, et seuls 11 % (même proportion chez les hommes et les femmes) indiquent avoir demandé une formation sans l’obtenir. Mais les travailleurs indépendants sont moins bien lotis : 31 % seulement ont reçu une formation en 2024.

Ce sous-investissement dans leur propre « capital humain », comme disent les économistes, a plusieurs causes. Non seulement ils paient généralement eux-mêmes leur formation, mais en plus ils peinent à dégager le temps nécessaire pour s’y consacrer. Enfin, le temps accordé à la formation peut pénaliser à court terme leur revenu, quand bien même l’amélioration de leurs compétences permettra de l’augmenter par la suite. A l’inverse, les salariés peuvent se reposer sur leur employeur pour financer leur formation qui s’effectuera sur leur temps de travail rémunéré, comme à l’accoutumée. Autant de raisons qui expliquent l’écart entre indépendants et salariés.

Des inégalités d’accès à la formation financée par l’employeur existent aussi entre professions, secteurs d’activité et générations à l’échelle européenne. Dans la santé, 57 % des salariés européens ont reçu en 2024 une formation payée par leur employeur, contre 63 % dans l’administration publique et 64 % dans la finance. C’est aussi dans ces trois secteurs que les salariés expriment le plus de besoins non satisfaits (16 % dans chacun). Ce paradoxe apparent tient en grande partie à la technicité de ces métiers et à la part importante des cadres dans les effectifs.

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« Travailleurs de la mort » : la parole aux agents funéraires

Le 14 juillet 2016, un poids lourd conduit par un terroriste fonce dans la foule sur la promenade des Anglais, à Nice, provoquant la mort de 86 personnes. Peu de temps après, les travailleurs funéraires sont appelés pour évacuer les corps. « Deux kilomètres d’une scène de crime abominable, apocalyptique. (…) Certains proches sont encore à côté de leurs défunts, hagards ou totalement prostrés », se souvient le responsable d’une entreprise du secteur. L’intervention marquera durablement ces professionnels. « La reconstruction psychologique a été longue », conclut le cadre dirigeant.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les Hannedouche, croque-morts de père en fils

Du crash du mont Sainte-Odile, dans le Bas-Rhin, en 1992 aux ravages causés par la tempête Xynthia en 2010, des attentats du 13 novembre 2015 à celui de la promenade des Anglais, des salariés des pompes funèbres peuvent être confrontés à des situations extrêmes, traumatisantes. Dans son ouvrage Travailleurs de la mort (L’Aube, 208 pages, 18 euros), le journaliste indépendant Charles Guyard a souhaité leur donner la parole. « Comment gèrent-ils le choc émotionnel ? », s’interroge-t-il.

Construit comme un recueil de témoignages, le livre permet tout d’abord de mieux saisir ce qu’est le travail de ces professionnels et la multiplicité des tâches qu’ils doivent accomplir. Prise en charge des corps, accompagnement des proches en souffrance, mais aussi gestion dans l’urgence de la chaîne logistique (commande de cercueils au milieu de la nuit…). L’improvisation et le recours au système D sont fréquents pour que les cérémonies aient lieu dans les temps. Ils se voient, par ailleurs, régulièrement confier des missions imprévues : on demandera, par exemple, aux salariés présents aux obsèques de la famille Dupont de Ligonnès d’avoir un œil attentif sur les personnes assistant à la messe, pour s’assurer que Xavier, le père, ne soit pas présent.

Soutien psychologique

Au fil des récits, on perçoit combien ce travail sous tension peut être source de souffrances. Tout d’abord parce qu’il éprouve la résistance psychique des salariés. Certains évoquent les images, les odeurs qui les hantent toujours des années après les faits. La prise en charge d’enfants ou le transport de restes humains ne laissent pas indemne. Un de ces travailleurs de la mort explique ainsi que des collègues ont arrêté le métier, et l’un d’eux, « malgré vingt ans d’ancienneté, a dû se faire interner, car il n’en pouvait plus de voir des morts ».

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Les 2 000 salariés de l’usine Stellantis de Poissy face à l’avenir incertain de leur site : « On est les prochains »

« Aulnay en 2014, Saint-Ouen en 2021, Douvrin dans un an… Nous, à Poissy, on est les prochains. » S’il se revendique « combatif », Jean Vilaca ne croit pas en l’avenir de l’usine Stellantis de Poissy (Yvelines). Le site industriel de 140 hectares, enserré par la Seine et des chemins de fer et dominé par le château d’eau peint du logo Peugeot, demeure l’unique site de production d’automobiles en Ile-de-France après l’arrêt des chaînes de montage de Billancourt (1992), Aulnay (2014) ou encore Flins (2024).

Aux abords du site Stellantis de Poissy (Yvelines), le 16 octobre 2025.

Aucune fermeture n’est annoncée, mais, comme cinq autres usines européennes, dont Mulhouse (Haut-Rhin), sa production connaît une interruption temporaire en octobre, dans un contexte de contraction de la demande et de concurrence de nouveaux acteurs, la Chine en premier lieu. Pour M. Vilaca, conducteur de ligne de presse à emboutir, le chômage partiel de trois semaines décrété par la direction du site pour « adapter le rythme de production à un marché européen difficile » signe la condamnation de ses 2 000 salariés.

A quel horizon ? Si l’assemblage des 420 Opel Mokka et DS3 Crossback par jour court jusqu’en 2028, « je suis sûr que l’arrêt se fera avant, même s’il n’y a rien d’officiel », estime l’homme de 53 ans, dont trente-trois passés à Poissy. Avec une vingtaine de salariés, majoritairement syndiqués SUD – organisation en conflit avec la direction de l’usine –, il a organisé une opération de tractage « contre la fermeture », le 16 octobre au matin, entre les étals du marché du quartier Beauregard de Poissy, construit à la fin des années 1950 pour loger les ouvriers de Simca, la firme automobile franco-italienne.

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« L’autonomie favorise la productivité des salariés »

C’est un principe de base du taylorisme, qui sous-tend un pan entier de la théorie économique dite des contrats : les agents économiques sont paresseux, en plus d’être égoïstes. Pour les inciter au travail, deux moyens principaux existent, les incitations monétaires et la surveillance.

Surveillance et incitations monétaires peuvent être substituées l’une à la place des autres. S’il est difficile de surveiller ses employés, alors il faudra leur laisser une part plus grande du gâteau, afin de les motiver à travailler plus. Si, au contraire, on peut les surveiller et, le cas échéant, les punir – notamment par un licenciement –, alors la peur de la sanction les incitera à travailler, et le recours aux incitations financières sera moins nécessaire.

La multiplication des outils numériques de contrôle apparaît, dans cette optique, comme une « solution providentielle », surtout depuis la banalisation du télétravail, qui rend, par définition, la surveillance directe par le manageur plus difficile.

Une étude de terrain publiée en août récente révèle cependant, de manière concrète et chiffrée, les effets néfastes, à la fois pour les salariés et les entreprises, de cette obsession de surveillance et de contrôle. Une équipe de chercheurs a collaboré avec une grande chaîne de boulangeries allemande, aux 145 magasins et au chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros. Cette entreprise, comme tant d’autres, a multiplié la mise en place de check-lists dans tous ses magasins comme instrument de contrôle des employés.

Satisfaction et stabilité des équipes

Des entretiens détaillés avec ces employés ont révélé une grande insatisfaction envers le contrôle jugé excessif exercé par le management, notamment par l’intermédiaire de ces check-lists. Quant à la direction, elle s’est plainte d’une rotation trop importante du nombre des employés, la version managériale de l’adage : « Les gens ne veulent plus travailler. » Les chercheurs ont alors émis l’hypothèse que ces deux problèmes puissent être liés.

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