« L’intelligence artificielle pourrait accroître l’écart de pénibilité entre les travailleurs »

Le 30 novembre 2022, OpenAI inaugurait la révolution ChatGPT, application conversationnelle adossée à un modèle d’intelligence artificielle générative. D’abord gratuite, puis enrichie d’une version payante et augmentée, cette solution se veut capable d’interpréter des questions, appelées « prompts », et de proposer des réponses argumentées.

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Dans le même temps, nos députés et sénateurs discutaient, en des termes parfois un peu caricaturaux, d’une réforme des retraites purement comptable, illustrant la faible capacité des responsables politiques à penser la question du travail sous l’angle des profondes mutations qui sont à venir. Parmi les nombreuses évolutions technologiques imminentes (robotisation, numérisation, automatisation, etc.), en effet, l’intelligence artificielle (IA) sera sans doute l’une des plus décisives et structurantes pour les emplois futurs.

L’IA aura notamment un effet considérable sur la pénibilité au travail : elle diminuera celle pour les cols blancs, mais elle n’aura pas le même impact positif pour les cols bleus. Cette révolution technologique qui se déroule sous nos yeux pourrait accroître l’écart de pénibilité entre les travailleurs.

La révolution occasionnée par l’IA aujourd’hui est analogue à celle que le taylorisme, qualifié d’organisation scientifique du travail, a engendrée au début du XXe siècle en généralisant la division du travail, tant horizontalement (division des tâches) que verticalement (hiérarchisation des tâches). Aujourd’hui, les solutions d’IA permettent d’approfondir la division horizontale du travail. La future « organisation automatique » du travail permettra vraisemblablement à l’homme de se concentrer sur les activités sur lesquelles la machine est la moins efficace et pertinente, comme la création ou la prise de décision.

Le rasoir de la logique

Il semble cependant que tous les travailleurs ne soient pas égaux face à cette révolution. Une étude du cabinet McKinsey a évalué que les travailleurs diplômés seront cinq fois plus exposés aux solutions d’IA que les travailleurs non diplômés. La dernière étude d’OpenAI confirme une plus grande exposition à l’IA des emplois dont les salaires sont plus élevés. Certains cabinets d’avocats ont déjà intégré ce type de technologie. Allen & Overy, par exemple, a annoncé le déploiement d’Harvey, un outil permettant d’automatiser certaines activités juridiques telles que l’analyse de contrats, les vérifications de conformité ou le contentieux, et ainsi de décharger les avocats des activités les plus laborieuses ayant le moins de valeur ajoutée industrielle, et même intellectuelle.

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Chez Akkodis, un dialogue social impossible sur fond de stress au travail

Obtenir une juste représentation des salariés, cela fait dix ans que Marc Vicens mène le combat devant les tribunaux. Malgré ses 6 000 salariés et 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en France, son employeur, Akka Technologies, devenu Akkodis en octobre 2022 depuis son rachat par Adecco, n’a jamais eu d’instance représentant l’unité économique et sociale (UES) du groupe d’ingénierie, prestataire notamment d’Airbus. « Malgré les victoires devant les tribunaux et les demandes de l’inspection du travail, il y avait une volonté délibérée de l’ancienne direction de ne pas avoir d’instance au niveau du groupe », explique Christophe Eychenne, l’avocat de Force ouvrière (FO).

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Alors, quand les nouveaux dirigeants décident en janvier d’organiser un scrutin pour constituer un comité social et économique (CSE) regroupant les sept entités juridiques du groupe en France, M. Vicens, délégué FO, espère la fin d’une décennie d’anomalie sociale. Mais son espoir est vite déçu : selon lui, les règles du scrutin qui s’est tenu en février et mars ont été biaisées. « Le protocole d’accord préélectoral n’a pas été négocié mais imposé par une décision unilatérale de la direction et l’outil électronique ne garantissait pas l’exercice individuel du vote, explique Marc Vicens. On était enfin arrivés à organiser des élections. La direction nous les a volées », regrette le délégué syndical. Il a saisi le tribunal judiciaire de Lyon pour faire annuler le vote. Une audience de plaidoiries est programmée pour le lundi 24 avril.

Querelle entre syndicats et direction

« La direction n’est pas étrangère à ces années de blocage. Mais quand elle décide d’avancer, FO lui met des bâtons dans les roues », s’agace Vincent Barrat, délégué CFDT, dont le syndicat est arrivé en tête aux élections. Il se demande même si son collègue de FO « ne crée pas sciemment un climat propice aux problèmes pour pouvoir ensuite engager des contentieux et conserver son mandat qui date de 2009 ». Marc Vicens se défend d’être mauvais perdant : « On a contesté les élections avant même leur tenue. Le jour où nous aurons des élections loyales, quel que soit leur résultat, on l’acceptera. »

Contactée, la direction d’Akkodis ne souhaite pas commenter les actions judiciaires car « ces dernières sont toujours en cours ». Mais elle assure, dans une réponse écrite, que « ces élections se sont déroulées conformément au cadre réglementaire » et constituent une « première étape en vue du rapprochement des socles sociaux des différentes entités au sein de la marque Akkodis ». FO et ses alliés n’excluent pas de lancer une autre action pour discrimination syndicale et délit d’entrave. « La direction a bafoué les règles de neutralité. Elle a censuré nos tracts et a, au contraire, favorisé la CFDT et la CFTC, devenues majoritaires au CSE. Elle a réussi à mettre à l’écart l’intersyndicale que nous avions constituée avec UNSA et la CFE-CGC », clame le délégué FO.

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Intelligence artificielle : « A chaque révolution industrielle a été proclamée la disparition du travail »

C’est l’un des paradoxes actuel : au moment même où la question du travail redevient centrale en raison du mouvement social contre la réforme des retraites, on remarque un retour en force des discours sur la fin du travail. Futurologues, essayistes et journalistes se posent cette question : pourquoi se mobiliser contre le recul de deux ans de l’âge à la retraite, alors que l’intelligence artificielle (IA) va révolutionner le monde du travail ?

A en croire tribunes et prises de position, salariés et étudiants n’auraient pas compris où sont les vrais dangers du moment. Ils auraient même tort de manifester, car le recul de l’âge légal de départ à la retraite ne serait rien face aux dangers de l’intelligence artificielle ou de ChatGPT. On annonce alors la suppression de millions d’emplois sous les effets de l’IA et de ses avancées ; on parle d’une nouvelle révolution industrielle, de « désordres indescriptibles », d’un « bouleversement » sans précédent de la structure de l’emploi. Rien de moins.

Ces discours technofatalistes et apocalyptiques n’ont rien de nouveau. Après tout, à chaque révolution industrielle a été proclamée la disparition du travail et a été opposé le « progrès technologique » au bien-être des travailleurs et des populations, même si jamais de telles prédictions ne se sont confirmées.

Mais d’où viennent ces discours ? D’abord, d’entrepreneurs du secteur du numérique qui cherchent à faire parler de leurs services et à attirer des financements. C’est ce qui explique que les discours sur les révolutions technologiques sont hyperboliques et exagérément optimistes. Ce n’est donc pas un hasard si, après l’engouement autour de ChatGPT en début d’année, Microsoft a décidé d’investir 10 milliards de dollars (9,1 million d’euros) dans OpenAI, entreprise propriétaire du robot conversationnel.

Davantage de précarité

Ensuite, de cabinets de conseil qui font leur miel de cette panique sur la fin du travail, vendant des « solutions IA » à des entreprises qui ne veulent pas être à la traîne sur un sujet présenté comme révolutionnaire dans les médias. Enfin, de « futurologues » et d’experts autoproclamés pour qui il s’agit de faire parler de leurs livres, d’être invités dans les médias et à donner des conférences.

Les discours enthousiastes sur les nouvelles technologies ont une fonction : ils contribuent à leur acceptation, au-delà de leurs conséquences sociales ou politiques, et deviennent une sorte de prophétie autoréalisatrice. La croyance en une révolution technologique favorise l’allocation de ressources supplémentaires pour le développement de ces technologies et leur introduction sur les lieux de travail, renforçant à son tour l’idée d’une révolution technologique. A chaque fois, il s’agit de nous faire croire que le changement technologique est inévitable, que s’y opposer n’a aucun sens et que tous les autres sujets sont secondaires.

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Au Canada, les fonctionnaires en grève réclament le droit au télétravail

Des augmentations de salaire, bien sûr, pour tenir compte de l’inflation galopante (6,7 % au Canada pour 2022) mais aussi l’inscription, actée dans leur convention collective, d’un droit au télétravail : la grève déclenchée, mercredi 19 avril, par le principal syndicat des fonctionnaires fédéraux, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), est d’ores et déjà qualifiée « d’historique » par ses organisateurs. Un tiers des 336 000 employés fédéraux a cessé le travail ; un mouvement de débrayage d’une telle ampleur n’avait pas été observé dans le pays depuis 1991.

Quelques secteurs sont particulièrement affectés par cette grève, parmi lesquels les services de délivrance des passeports, à l’heure où se profilent les départs en vacances estivales, les services d’immigration et les activités d’approvisionnement et d’échanges commerciaux dans les ports et les aéroports mais aussi, et surtout, celui des impôts, à quelques jours de la date fatidique de la déclaration de revenus (le 1er mai) des contribuables canadiens.

Le gouvernement a néanmoins usé de son droit de réquisition pour imposer à 48 000 des 155 000 fonctionnaires grévistes l’obligation de se présenter au travail afin d’assurer les « services essentiels » dus aux Canadiens, tels que le versement des prestations sociales ou des pensions de retraite.

Droit au télétravail

Après plus de deux ans de discussions improductives entre les partenaires sociaux et le Conseil du Trésor, ministère qui chapeaute la fonction publique, les négociations continuent d’achopper sur le montant du rattrapage salarial à effectuer depuis 2021 : les syndicats réclament 13,5 % d’augmentation sur trois ans, le gouvernement s’en tient jusqu’à présent à proposer 9 %.

Mais c’est sur l’organisation du travail, avec une nouvelle réalité, née de la pandémie de Covid-19, que le dialogue semble le plus difficile. « Le ministère veut forcer tous les fonctionnaires à revenir au minimum deux jours par semaine dans leurs bureaux. Mais pour un employé qui répond toute la journée au téléphone aux administrés, expliquez-moi quelle différence cela fait qu’il travaille de chez lui ou de son bureau ? », avance Yvon Barrière, vice-président exécutif pour le Québec de l’AFPC, qui plaide pour que le droit au télétravail acquis par nécessité pendant la pandémie ne soit pas remis en cause.

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« Au nom du droit de l’employeur de dire où et comment les services aux Canadiens sont le mieux rendus », a répété, le 19 avril sur Radio-Canada, la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, le gouvernement souhaite s’en tenir à une directive énoncée en décembre 2022 pour toute la fonction publique, qui prenait acte de ce nouveau modèle de travail hybride, mais obligeait chacun à retourner au bureau entre « 40 % et 60 % de son horaire régulier ».

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Nucléaire : comme d’autres sous-traitants, Endel se prépare à recruter en masse

Il faut s’imaginer à l’intérieur d’un immense réacteur. Sauf que nous sommes dans un atelier, sorte de hangar réaménagé. Ici, une machine de soudage pour s’entraîner : face à son écran de contrôle, un technicien pilote à distance un robot. Plus tard et ailleurs, l’opération se reproduira en pleine centrale nucléaire, en milieu radioactif.

Pour l’heure, nous voilà donc plutôt à Rognac (Bouches-du-Rhône), sur les rives de l’étang de Berre, dans des locaux de la société Endel, spécialisée dans la maintenance du métal. L’un des principaux sous-traitants de l’industrie nucléaire et en particulier d’EDF, exploitant des réacteurs français. L’un des principaux « partenaires », préfère dire Madany Lias, PDG de la société, costume sans cravate. Lui n’a pas encore eu l’occasion d’un rendez-vous bipartite avec Luc Rémont, nouveau patron d’EDF, en poste depuis cinq mois.

Comme pour bon nombre de sous-traitants (Bouygues, Vinci, Onet, Spie, Spie Batignolles…), l’atome n’est pas l’unique activité d’Endel : 595 millions d’euros de chiffre d’affaires global en 2021, filiales comprises. Mais il s’agit de la principale. Au rayon des « joies à partager » aujourd’hui avec EDF, pour reprendre l’expression de M. Lias : la perspective de six nouveaux réacteurs à construire, annoncée par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, voilà un an.

Madany Lias, PDG d’Altrad Endel, à Rognac (Bouches-du-Rhône), le 18 avril 2023.

Générateur de vapeur

Sur près de 4 800 salariés des entités Endel, quelque 3 000 salariés œuvrent déjà dans l’énergie, selon l’entreprise. Certains sont au statut de la métallurgie, un statut unique des travailleurs du nucléaire n’existant pas encore, en dépit d’une revendication syndicale.

Un millier de postes en plus est attendu à terme dans les années à venir, d’après des projections internes, sans échéance précise. Soudeurs, tuyauteurs… « Avant d’aller recruter, il faut aussi savoir garder nos compétences, considère le patron d’Endel. Le marché est tellement en tension que certains fournisseurs n’hésitent pas à débaucher massivement chez leurs confrères ou concurrents. » Pour de nouveaux chantiers, mais aussi pour les réacteurs déjà en service.

Les appels d’offres liés à de futurs réacteurs n’ont pas encore été lancés. Mais Endel s’y prépare, en association avec deux autres sociétés spécialisées dans les tuyauteries, Fives Nordon et le groupe Ponticelli. « EDF reste à l’écoute de nos contraintes, mais encore faut-il les mettre sur la table, le problème est que certains sous-traitants peuvent avoir tendance à ne pas le faire », reconnaît Madany Lias, la promesse de délais ou de coûts intenables pouvant être reprochée aux sous-traitants.

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Soudeurs, chaudronniers, ingénieurs : le gouvernement sonne la « mobilisation » générale dans le nucléaire

Daniel, monteur levageur au sein de la société Endel, à Rognac (Bouches-du-Rhône), début avril 2023.

L’industrie de l’atome compte ses rangs, avec un besoin criant de les élargir. Sans quoi, impossible d’envisager la relance du nucléaire. Du moins, celle souhaitée par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, dans son discours de Belfort, en février 2022 : au moins six nouveaux réacteurs à construire, voire huit autres par la suite.

D’où l’urgence de parvenir à « la disponibilité des ressources au bon niveau de compétence et au bon moment », résume le Groupement des industriels de la filière nucléaire (Gifen), en préambule d’une note très attendue – le rapport « Match » –, publiée vendredi 21 avril.

Après des années de tergiversations gouvernementales, y compris durant le premier quinquennat de M. Macron, l’organisation patronale se livre à un exercice périlleux : quantifier le nombre de recrutements nécessaires, métier par métier, pour les accorder (un sens du verbe « Match », en anglais) aux futurs plans de charge prévus par les entreprises.

Très attendu, le document de 87 pages résulte d’une commande gouvernementale. D’après Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, la relance du nucléaire permettra à « des dizaines de milliers de jeunes d’accéder à des emplois à tous niveaux de qualification, à un bon niveau de rémunération », avec l’enjeu « de contribuer à lutter contre le réchauffement climatique ». Dans un même communiqué, le ministre délégué à l’industrie, Roland Lescure, s’exprime pour « les acteurs de la filière, grands donneurs d’ordre comme PME » : « Nous lançons la mobilisation générale pour rendre possible la relance du nucléaire annoncée par le président de la République. »

Inverser la tendance

Le rapport confirme d’abord un premier ordre de grandeur, déjà communiqué depuis novembre 2022. Au cumul des emplois directs et indirects (220 000 jusque-là), les recrutements concerneraient 100 000 personnes sur l’ensemble de la période allant de 2023 à 2033. L’étude ne précise pas le nombre de départs à la retraite, dans le même laps de temps, pour les emplois indirects (commerciaux, ressources humaines, manageurs…).

Cette projection, très ambitieuse, part d’une extrapolation. Car l’étude quantitative du Gifen se focalise sur les emplois directs. La note recense « un peu plus de 125 000 équivalents temps plein » (ETP) en 2023, dans vingt principaux segments d’activité et quatre-vingt-quatre métiers. Ce volume de travail devrait croître de près d’un quart, pour parvenir à 155 500 ETP dans dix ans. Soit environ 6 000 renforts par an au total : une moitié pour compenser des départs en retraite, une autre moitié en raison de la croissance.

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Salaire des enseignants : Macron annonce des hausses, mais crispe sur le « travailler plus pour gagner plus »

Emmanuel Macron et Pap Ndiaye échangent avec des enseignants, des élèves et des parents d’élèves dans la cour du collège Louise-Michel, à Ganges (Hérault), le 20 avril 2023.

Pour son deuxième déplacement après la promulgation de la très contestée réforme des retraites, Emmanuel Macron a choisi de parler d’éducation. C’est au milieu d’un petit cercle d’une quinzaine de professeurs, d’élèves et de parents installés dans la cour ensoleillée d’un établissement rural de l’Hérault, le collège Louise-Michel de Ganges, qu’il a lui-même mis fin, jeudi 20 avril, au suspense sur les mesures salariales promises aux enseignants.

A la rentrée 2023, « tous les enseignants » bénéficieront d’une augmentation comprise entre « 100 et 230 euros par mois », a annoncé le chef de l’Etat, qui était accompagné du ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye. Il a également confirmé la mise en place du « pacte enseignant », par lequel les professeurs se voient proposer de nouvelles missions en échange d’une rémunération supplémentaire. « J’assume ce choix d’un investissement un peu différencié pour ceux qui font des efforts supplémentaires et systématiques », a-t-il déclaré, entérinant ainsi la création d’un dispositif vivement rejeté par l’ensemble des syndicats.

En 2024, 3 milliards d’euros seront consacrés à ces mesures salariales, dont les deux tiers pour la revalorisation inconditionnelle (1,9 milliard), appelée « socle ». « Il n’y a jamais eu une telle dépense [pour les rémunérations] depuis 1990 », a souligné le président de la République, en défendant un investissement indispensable à l’amélioration du service public d’éducation. Il a même évoqué – sous les regards dubitatifs des enseignants – un réinvestissement « permis par la réforme des retraites ».

Un important dispositif policier quadrillait la petite ville de 4 000 habitants, où plusieurs centaines de manifestants se sont réunis à l’occasion de la visite du chef de l’Etat. Du parvis de l’établissement, dont le périmètre avait été bouclé, ne parvenaient que les sons lointains des sifflets et des vuvuzelas. La contestation a cependant rattrapé Emmanuel Macron dans le collège, où le courant a été coupé dès son arrivée – une action revendiquée par la CGT du département –, empêchant la tenue des discussions à l’intérieur du bâtiment. Plusieurs professeurs l’ont par ailleurs interpellé sur le manque de reconnaissance, le risque de « perdre » une majorité d’enseignants avec le pacte, et les insuffisances de la revalorisation inconditionnelle à l’échelle individuelle – en particulier pour les enseignants en milieu de carrière. A la question de savoir si un salaire de 2 300 euros net au bout de quinze ans était suffisant, Emmanuel Macron a répondu : « Je regarde d’où on part et où on arrive. (…) Il y a un effet de rattrapage, et on rattrape trente ans. Ce n’est jamais suffisant. »

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La police et la gendarmerie confrontées à des départs massifs

Formation d’élèves volontaires à la préparation des réservistes de la police nationale française. A Lognes (Seine-et-Marne), le 26 octobre 2022.

« Le record du nombre de départs au sein de la police et de la gendarmerie a été battu en 2021, puis de nouveau dépassé en 2022. » Dans un rapport sur l’exécution budgétaire de la mission « Sécurités » pour l’année 2022, communiqué au gouvernement le 13 avril, la Cour des comptes s’inquiète d’un niveau sans équivalent de départs, « un phénomène de fond installé depuis la fin de la crise sanitaire ».

Ce mouvement de fond, déjà record en 2021 et qui s’est amplifié en 2022, s’explique moins par les départs à la retraite, d’un niveau relativement étale, que par « la concurrence avec les polices municipales, qui attirent de plus en plus de policiers et gendarmes » grâce à de meilleures conditions de travail et de rémunération, la hausse des démissions des élèves en cours de formation et une augmentation des détachements dans d’autres administrations – de 50 % dans la police par exemple.

Dans la police, les créations d’emplois permettent d’autant moins d’enrayer le phénomène qu’elles concernent avant tout des personnels administratif et scientifique : en 2022, ces services ont connu 874 recrutements, « tandis que le nombre de policiers actifs a baissé de 117 ETP [équivalent temps plein] », un véritable défi alors que l’Elysée comme la Place Beauvau ont fait du doublement des effectifs affectés à la voie publique un point central de leur politique sécuritaire.

Qualité des recrutements « dégradée »

Police et gendarmerie, contraintes d’augmenter les recrutements en 2022 – respectivement de 25 % de 29 % –, se retrouvent confrontées à une série de conséquences en cascade, d’autant qu’elles ont notablement sous-estimé les volumes de départs en retraite pour cette même année.

D’abord, parce que cette nécessité d’augmenter en urgence les effectifs pèse sur le « coût du sac à dos », c’est-à-dire les dépenses en équipement des nouvelles recrues, de l’ordre de 4 144 euros dans la police et de 2 328 euros dans la gendarmerie. Ensuite, parce qu’elle contribue à accentuer la pression sur la capacité d’accueil des écoles. Avec 8 500 recrutements prévus d’ici à 2027, note la Cour des comptes, « le Beauvau de la sécurité puis la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ont fixé des objectifs très ambitieux », une annonce qui « apparaît peu réaliste au regard de l’état de quasi-saturation de l’appareil de formation ».

Or, pour fournir de nouveaux effectifs et tenir l’engagement politique d’un « recrutement massif de policiers et de gendarmes » rappelé dans le rapport annexé de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, les pouvoirs publics n’ont d’autre choix que celui de « dégrader la qualité des recrutements ». En attestent la hausse considérable du taux d’admission au concours de gardien de la paix, passé de 2 % en 2014 à 18 % en 2020, et qui atteint 20 % chez les sous-officiers de gendarmerie.

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Au lycée Airbus, à Toulouse, des formations pour devenir « compagnon » de l’avionneur

Un élève du Lycée Airbus, à Toulouse, le 21 octobre 2022.

Après son baccalauréat professionnel « usinage » qu’elle passera cette année, Aurélia Coule, 18 ans, « veut continuer en BTS pour [s]’enrichir ». Valentin Badou, 19 ans, lui, a « hâte de bosser », dans son domaine de prédilection, la chaudronnerie, quand il aura décroché son bac professionnel. Dans leur tenue bleue floquée du logo Airbus, ils ont trouvé ici « une discipline, une bonne ambiance, des professeurs attentifs, des ateliers spacieux et modernes, et une assurance de trouver un travail ».

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« Ici », c’est le lycée Airbus. Un établissement unique en France, créé en 1949 dans l’usine de Saint-Eloi, à deux pas du centre-ville de Toulouse, au cœur des usines de l’avionneur, d’où sortent encore les mâts réacteurs des avions, un élément de très haute technologie qui permet de relier le moteur à la voilure.

Après la guerre, Louis Casado, un ingénieur, a l’idée d’ouvrir un centre de formation pour les jeunes : l’Ecole professionnelle de l’industrie aéronautique. L’établissement devient privé en 1981, lié par un contrat au ministère de l’éducation, puis sera rebaptisé Lycée professionnel privé de l’industrie aéronautique et « lycée Airbus » en 2006. Avec un objectif clair : « Former des jeunes à partir de 15 ans aux métiers spécifiques de l’aéronautique et à une véritable culture d’entreprise », détaille Nicolas Coadou, 42 ans, directeur de l’établissement depuis 2020.

« Nous allons augmenter les recrutements »

Electricité, chaudronnerie, usinage, production mécanique, peinture, intégration cabine, les « artisans d’Airbus » sont formés par le biais de plusieurs diplômes, du CAP au BTS, en passant par le bac professionnel. Le lycée, et sa cinquantaine de salariés, reçoit environ 500 élèves par an, avec un taux de renouvellement annuel de 120 jeunes, sur un peu plus de 500 élèves en tout. « Face aux hausses de productions annoncées par Airbus, nous allons même augmenter de 20 % les recrutements de ces élèves », précise M. Coadou.

Le 18 mars, lors de journées portes ouvertes, plus de 1 700 jeunes sont venus découvrir les filières proposées. Avec un invité surprise, Guillaume Faury, le directeur exécutif du groupe Airbus. Chaque année, sur 500 candidatures, 120 élèves sont intégrés, après un test de personnalité en ligne, puis un entretien avec un enseignant et un salarié de l’entreprise. « On les forme aux techniques, mais aussi à des valeurs comme le respect, l’esprit d’équipe », précise le directeur.

Avec une volonté assumée d’ouvrir ces formations à des jeunes filles, qui ne représentent actuellement que 15 % des effectifs. Une diversité également recherchée en direction des jeunes issus des zones d’éducation prioritaire, et au sein même des équipes enseignantes.

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