A l’université et dans les laboratoires aussi, la précarité a des effets négatifs

A l’université et dans les laboratoires aussi, la précarité a des effets négatifs

Manifestation du mouvement « Science en danger » à Paris, le 25 février.
Manifestation du mouvement « Science en danger » à Paris, le 25 février. THOMAS SAMSON / AFP

Le 5 mars, « l’université et la recherche s’arrêtent », espère une partie de la communauté scientifique, qui appelle à des manifestations pour s’opposer à deux réformes en cours d’élaboration. D’une part, la réforme des retraites, en discussion à l’Assemblée nationale et qui entraînerait une baisse des pensions de ces personnels. D’autre part, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), annoncée en février 2019 et qui devrait accorder des moyens supplémentaires aux établissements, mais avec des modalités, qui, même floues, suscitent la désapprobation des manifestants.

Parmi elles, de nouveaux contrats d’embauche seraient proposés : tenure-track (recrutement probatoire) ou encore CDI de projet (dont la durée dépend du financement du projet). Pour leurs défenseurs, cela offre de la souplesse de gestion. Pour les critiques, cela accroît la précarité déjà grande dans les laboratoires. Il y a un tiers de contractuels à l’Inserm, 22 % au CNRS, ce qui est du même ordre de grandeur qu’à l’université, où il n’est pas rare que la moitié des cours des premières années soit assurée par des non-titulaires.

Une plongée dans la littérature scientifique récente, dans l’une des deux plus importantes bases de données d’articles de recherche, Scopus, éclaire les conséquences, souvent négatives, de ces contrats courts dans l’enseignement supérieur et la recherche.

De rares effets positifs

Sans surprise, une étude de 2020 dans Studies in Higher Education, portant sur plusieurs pays européens, note que « les universitaires ayant des contrats permanents sont plus satisfaits dans leur travail que leurs collègues non titulaires ». En Espagne, une étude bibliométrique parue dans Scientometrics fin 2019 montre que les établissements avec le plus de permanents sont « les moins inefficaces ». Une équipe irlandaise, dans Gender, Work and Organization, en 2019, souligne que « les femmes précaires à l’université sont des non-citoyennes, (…) ayant moins de droits, de pouvoirs, de capacité à décider ».

En Australie, un travail de 2018, dans Innovations in Education and Teaching International, fait ressortir que la qualité de l’encadrement des doctorants est affectée par la présence de personnels précaires. Dans le même pays, une autre équipe, dans Journal of Youth Studies, en 2019, conclut que la précarité fait sentir ses effets négatifs à long terme, sur la vie en général, au-delà du laboratoire.

Chérifa Boukacem, coauteure d’une étude sur des jeunes chercheurs dans le monde en emploi non stable, expliquait au Monde, le 27 janvier 2019, qu’« il se dégage une souffrance face à cette situation d’esclave. Beaucoup s’interrogent, dépriment… Je suis parfois sortie des entretiens la boule au ven­tre ».

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LJD

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