A Kalouga, en Russie, les ouvriers de l’automobile sentent venir le vent des sanctions

A Kalouga, en Russie, les ouvriers de l’automobile sentent venir le vent des sanctions

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Publié aujourd’hui à 02h52, mis à jour à 13h12

S’il avait su, Dmitri Petrov n’aurait peut-être pas entrepris ce chantier imposant : l’aménagement d’un second étage à la charmante maison de brique qu’il fignole, avec son épouse, depuis déjà trois décennies. Le résultat est convaincant, pourtant : la maison avance, le jardin prend des airs de petit parc anglais, avec sa mare proprette, son gazon bien tondu et le potager, bien russe, qui attend l’été pour donner des légumes juteux.

Mais il y a deux problèmes : depuis le début de l’« opération spéciale » en Ukraine, le 24 février, l’inflation est galopante, le prix des matériaux de construction a quasiment doublé. Et puis, explique M. Petrov, 50 ans, l’heure n’est pas aux projets grandioses, mais plutôt à l’incertitude, dans cette région de Kalouga, au sud de Moscou, sur laquelle le vent mauvais des sanctions commence à souffler.

Dmitri Petrov est ouvrier chez Volkswagen, conducteur de monte-charges. Demain, il entamera son troisième mois de chômage technique. Sa paie, qu’il juge d’ordinaire « très bonne », est réduite d’un tiers. Alors, il fait non seulement attention au prix des matériaux de construction, mais aussi à celui des produits de première nécessité, comme le lait, qu’il adore. S’il avait su dans quel bourbier la Russie allait se trouver, avec ces sanctions qu’il trouve « injustes », Dmitri Petrov aurait attendu un peu.

Dmitri Petrov, 50 ans, conducteur de monte-charges chez Volkswagen depuis onze ans, dans son jardin à Kalouga, en Russie, le 11 mai 2022.

A une époque, en Russie, on a parlé du « miracle économique » de Kalouga, ville de 330 000 habitants spécialisée, à l’époque soviétique, dans l’industrie de la défense. C’était à la fin des années 2000, quand, l’une après l’autre, les usines automobiles se sont installées : Volkswagen, Volvo Trucks, Stellantis, qui produit des véhicules Peugeot, Citroën, Opel… Le budget de la ville a explosé. On a refait les trottoirs et, dans les établissements scolaires, les jeunes rêvaient d’aller travailler dans l’automobile. Aujourd’hui, les usines emploient quelque 7 000 personnes, auxquelles il faut ajouter les sous-traitants et l’activité induite.

Soudaine déconnexion

Mais la force de Kalouga se retourne aujourd’hui contre elle. Voilà une autre « injustice » : les régions russes les plus dynamiques et qui ont su attirer les investisseurs sont les plus menacées par les sanctions occidentales et, plus largement, par leur soudaine déconnexion des circuits de la mondialisation, principalement logistiques, jusqu’au refus des exploitants de conteneurs de travailler dans le pays. Volkswagen et Volvo ont été les premiers, entre fin février et début mars, à suspendre leurs activités ; Stellantis a tenu jusqu’au 19 avril.

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LJD

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