Archive dans 2025

Le plan d’investissement dans les compétences est un échec

Les salariés français « enregistrent des scores médiocres dans les enquêtes internationales sur les compétences des actifs (…). Le déficit de compétences pèse directement sur l’emploi et l’activité économique ». Tel était le diagnostic dressé en 2017 par l’Etat dans le rapport de présentation du plan d’investissement dans les compétences (PIC).

Doté de 15 milliards d’euros, ce plan pluriannuel se déclinait sur trois axes : il s’agissait de faciliter l’accès à la formation professionnelle pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, de mieux répondre aux besoins de compétences de l’économie, et de transformer le système de formation professionnelle.

Agence France Travail, à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), le 16 avril.

Pour s’assurer de l’efficacité de l’action publique, le PIC se voyait adjoindre un conseil scientifique d’évaluation. Huit ans plus tard, dans son rapport final publié le 10 avril, ce conseil a livré son verdict, qui confirme celui de la Cour des comptes en janvier : le PIC a échoué sur l’essentiel.

Piloté par Marc Gurgand, Roland Rathelot, Carole Tuchszirer, trois chercheurs spécialistes de la formation et du marché du travail, le conseil d’évaluation relativise d’abord l’impact du PIC sur le développement de la formation professionnelle.

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Rémy Ponge, sociologue : « En un siècle, les sources de souffrance au travail se sont diversifiées »

Le sociologue Rémy Ponge, maître de conférences à l’institut régional du travail de l’université Aix-Marseille et auteur de l’ouvrage Se tenir debout. Un siècle de luttes contre les souffrances au travail (La Dispute), estime que les actions en justice peuvent être un levier efficace pour la prise en compte des enjeux de santé par l’entreprise.

Dans votre ouvrage, vous mettez en lumière que les souffrances psychiques existaient déjà dans les années 1930. Que recouvraient-elles alors ?

Cette période correspond au développement du capitalisme industriel aux Etats-Unis et en Europe. Elle voit le taylorisme et le fordisme se mettre en place, et avec eux des usines où les ouvriers effectuent des tâches répétitives, avec de fortes cadences et dans des conditions épuisantes. Une nouvelle forme de fatigue, dite « nerveuse » ou « industrielle », touche alors les travailleurs. Elle est d’ordre physique, mais aussi psychique et se traduit par différents symptômes : maux de tête, de ventre, épuisement, abattement… On constate par ailleurs que c’est une fatigue que le repos ne parvient pas à faire disparaître.

On retrouve beaucoup de points communs avec les symptômes décrits aujourd’hui lorsqu’on évoque le burn-out…

La sémantique a évolué, mais on constate en effet des similitudes. Des formes de souffrance demeurent, étroitement liées à des organisations du travail. Le travail à la chaîne existe encore. On pourrait aussi faire un parallèle entre les conditions de travail des salariés des centres d’appels actuels et celles des téléphonistes des PTT qui mettaient en relation les usagers au téléphone dans les années 1950 et 1960. Leur tâche était monotone et demandait beaucoup d’attention. Certaines, alors, faisaient des « crises de nerfs ».

Aujourd’hui comme hier, la pénibilité est bien présente. Une évolution s’est toutefois dessinée avec les décennies : les sources de souffrance ont eu tendance à se diversifier, notamment avec le développement de nouveaux métiers. Des facteurs de risque ont émergé, entre autres le management algorithmique, le management par le chiffre et par objectif ou encore les politiques d’individualisation (à travers les primes, les recrutements, les objectifs donnés…).

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« Le dilemme » : Est-il acceptable de mal travailler quand on est mal payé ?

Christine Noël-Lemaitre, philosophe du travail, est maître de conférences en philosophie à Aix-Marseille Université. Alors, lorsqu’un jour une assistante administrative de l’université lui a tendu sa fiche de paie en lui disant : « Regardez ce que je gagne : 900 euros [elle travaillait à temps partiel]. Qu’est-ce que vous imaginez que j’aie envie de faire pour ce salaire ? », cela lui a donné une nouvelle occasion de réfléchir à la question suivante : peut-on mal faire un travail pour lequel on est mal payé ?

Elle s’est souvenue d’une autre assistante, assurément mal rémunérée elle aussi, qui faisait toujours des pieds et des mains pour aider les étudiants, même ceux qui ne respectaient pas les délais. Faisait-elle le travail pour lequel elle était payée ou davantage ? Ce « cœur à l’ouvrage », qui s’oppose au « minimum syndical », vocable péjoratif censé désigner le seuil en deçà duquel un travailleur tire-au-flanc n’oserait pas descendre, a un autre nom : le surtravail. Soit le supplément de travail non rémunéré, non spécifié dans le contrat, que l’on attend malgré tout des employés.

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Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur : « Une agence indépendante demeure la meilleure garantie pour assurer une égale dignité de traitement aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche »

Dans une tribune au « Monde », l’ancien directeur général de l’enseignement supérieur Jean-Marc Monteil estime que la suppression de l’autorité administrative ne ferait qu’accentuer les problèmes qui se posent au sein du monde universitaire. Il appelle à faire évoluer cette structure plutôt qu’à s’en défaire.

Le cocktail contre la discrimination des seniors en entreprise : formation et insertion

Encore récemment, il consacrait chaque jour une partie de son temps à écrire entre quatre et six lettres de motivation pour accompagner son CV. Sur 220 candidatures expédiées, il a reçu 50 réponses, toutes négatives. Benoit Consigny, ingénieur en biotechnologie de 58 ans, qui a longtemps été chargé de l’exportation de produits français en Pologne puis de formation sur des logiciels en milieu hospitalier, était sérieusement guetté par le découragement. « C’était perturbant. Surtout quand les entreprises avançaient qu’elles avaient trouvé quelqu’un au profil plus approchant, alors que le mien correspondait complètement, raconte-t-il. Je me suis dit que c’était mon âge qui m’écartait ».

Inscrit à France Travail, il est alors d’autant plus découragé que sa reconversion précédente au professorat a tourné court face à la difficulté de gérer des classes d’enfants. Mais ses conseillers l’encouragent : « Ils m’ont dit de ne rien lâcher. » A raison, car une lueur d’espoir arrive enfin sous forme de réponse positive à sa 178e missive. Elle vient d’Immerscio.bio, une jeune société parisienne de biotechnologie qui est en train de constituer son équipe commerciale pour vendre ses modules de formation digitalisés aux entreprises.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés De l’intérim à l’encadrement, le marché de l’emploi se retourne

Depuis l’hiver dernier, Benoit Consigny participe au dispositif Atout senior mis sur pied par l’organisme de formation Ifocop, France Travail et l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). C’est ce dispositif qui l’a aidé à tenir, en lui proposant quatre mois de formation suivis de quatre mois d’immersion en entreprise. Ouvert initialement à tout public jusqu’en 2023, le module a été reformaté en septembre 2024, afin de viser spécifiquement un retour à l’embauche des personnes de plus de 50 ans.

Quatre mois de travail personnel

« L’objectif est de valoriser les compétences existantes en les actualisant, en apprenant l’usage de nouveaux logiciels ou de l’intelligence artificielle, notamment dans les ressources humaines », souligne Nadine Crinier, directrice de la région Ile-de-France chez France Travail. La période de formation est dense : quatre mois de travail personnel jusqu’à l’obtention d’un certificat professionnel. Quant à l’immersion en entreprise, « ce n’est pas un stage à proprement parler, où l’on se contente d’observer et de ne faire qu’une partie des tâches, mais bien une réelle mise en pratique de ces quatre mois théoriques ».

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« Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur étant devenu irréformable, il fallait le supprimer »

Un collectif de plus de 3 000 membres de la communauté académique – universitaires, scientifiques et personnel d’accompagnement de l’enseignement et de la recherche – salue, dans une tribune au « Monde », la suppression de l’autorité administrative et y voit l’espoir d’un renouveau pour les sciences, l’université et la recherche.

Les DRH gèrent des recrutements moindres et de plus en plus difficiles

Dans une agence France Travail parisienne, le 4 février 2025.

L’entrée dans l’entreprise se complique pour tout le monde. France Travail a publié, vendredi 11 avril, les perspectives de besoin en main-d’œuvre (BMO) des entreprises. Elles ont confirmé la dégradation du marché du travail annoncée par les chiffres de l’intérim le 19 mars, puis par ceux de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) deux semaines plus tard.

Les employeurs prévoient une baisse du volume d’intentions d’embauche de 12,5 % sur un an, soit 350 000 projets d’embauches de moins qu’en 2024, et la poursuite des difficultés de recrutement : un sur deux (50,1 %) sera difficile en 2025. « La fête est finie », avait brièvement commenté le directeur général de l’APEC, Gilles Gateau, le 3 avril. L’enquête BMO résonne comme un écho.

Aux Rencontres RH qui s’étaient tenues la veille, le rendez-vous mensuel de l’actualité des ressources humaines créé par Le Monde, en partenariat avec l’APEC, les DRH présents ce 10 avril ont parlé de « contraction de recrutements » et en même temps « des métiers sur lesquels il n’est pas facile de recruter ». De la restauration à la santé, en passant par la pharmacie et la culture, ils recherchent chacun dans leur secteur des candidats dans des métiers pénuriques.

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