Archive dans 2024

En Haute-Garonne, les difficultés des Jardins de Cocagne illustrent la fragilité des structures d’insertion

« Au vu de ses difficultés et de l’importance des fonds publics mobilisés, le modèle économique des Jardins de Cocagne de Haute-Garonne doit être impérativement revisité. » Mercredi 15 mai, dans un communiqué commun, l’Etat et le conseil départemental ont alerté sur la situation de ce réseau implanté sur sept sites du département, qui emploie 170 personnes, dont 100 en contrat d’insertion.

Les deux entités publiques ont rappelé qu’elles octroyaient respectivement 1,5 million et 480 000 euros par an et, surtout, annoncé que l’Europe, par le biais du Fonds social européen (FSE), allait retirer sa subvention de 800 000 euros demandée en 2023 pour le budget 2024. « Nous avions appris fin 2023 qu’il y aurait des coupes sur certaines actions financées par le FSE, mais ces annonces mettent en danger nos salariés et nos projets de développement », a réagi Laurent Durrieu, directeur d’un Jardin de Cocagne et coordinateur administratif départemental.

Les Jardins de Cocagne, ce sont des jardins biologiques sur lesquels sont formées des personnes au RSA, des chômeurs et des précaires. La production, souvent sous forme de paniers, est ensuite revendue dans un réseau de proximité, qui concerne aussi la banque alimentaire. Après des actions menées lors du passage de la flamme olympique, vendredi 17 mai à Toulouse, ainsi que le lancement d’une pétition et d’une campagne de soutien, les discussions ont repris avec le conseil départemental, qui assure vouloir maintenir sa subvention, sur ses « fonds propres ».

« Sur la corde raide »

Car la collectivité a récupéré, depuis 2021, la gestion des fonds européens (auparavant, c’était l’Europe en direct) et elle doit lancer des appels à projets. Sur 1,2 million d’euros du FSE au total pour le département, la demande du groupement Cocagne représenterait, à elle seule, 1,08 million d’euros, « qui n’a donc pu être satisfaite dans sa totalité », précise le service de presse.

En Haute-Garonne, comme partout en France, le Réseau Cocagne dépend, pour les deux tiers de son budget, des subventions publiques. Un modèle acté dès sa création, en 1991. Le réseau compte aujourd’hui plus de cent jardins du même nom, répartis sur tout le territoire, et plus de 7 300 salariés. Un regroupement d’associations ou de sociétés coopératives à but non lucratif, respectant une charte commune de production maraîchère au moyen de l’insertion par l’activité économique, accompagne des publics éloignés de l’emploi en les formant aux techniques agricoles, de distribution et de vente. Le choix a été fait de ne pas entrer dans l’économie concurrentielle, et donc de dépendre des subventions.

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Une directive européenne renforce le devoir de vigilance des entreprises

Le vendredi 24  mai, le Conseil de l’Union européenne a définitivement adopté la directive sur le devoir de vigilance qui oblige les entreprises et leurs partenaires en amont (approvisionnement) et en aval (distribution) à se préoccuper davantage de leur impact environnemental et social. Un vote que la députée néerlandaise Lara Wolters, rapporteure du projet, considère « comme une étape importante pour la conduite responsable des entreprises et un pas considérable vers la fin de l’exploitation des personnes et de la planète par les entreprises cow-boys ». Pour ce qui concerne le volet social, le texte pointe l’esclavage, le travail des enfants et l’exploitation par le travail.

Lors de la transposition de cette directive dans les droits nationaux, les Etats membres devront fournir aux entreprises concernées des informations détaillées sur leurs obligations. Elles devront élaborer un plan de gestion des risques environnementaux et sociaux et obtenir des garanties contractuelles de la part de leurs partenaires, afin de s’assurer qu’ils s’y conforment. Les Etats membres devront, par ailleurs, désigner une autorité de surveillance chargée d’enquêter et d’imposer des sanctions aux contrevenants, par le biais de la dénonciation publique et d’amendes pouvant aller jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires net mondial.

Une application plus exigeante

La directive s’appliquera progressivement jusqu’en 2029 aux entreprises qui, dans l’Union européenne, emploient plus de 1 000 personnes et réalisent un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros, ainsi qu’aux franchises au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires et de redevances.

Plus exigeante et large dans son application que la loi française de 2017 sur le devoir de vigilance, la directive contribue au « rééquilibrage des règles du jeu » entre toutes les entreprises opérant sur le marché européen et « reconnaît le rôle essentiel des syndicats (…) dans l’élaboration du plan de vigilance dans les entreprises », se félicitent dans un communiqué les secrétaires nationaux de la CFDT Béatrice Lestic et Fabien Guimbretière.

A l’inverse, le Medef, qui reprochait déjà à la loi de 2017 d’affecter la compétitivité des entreprises françaises, déplore l’extension à l’ensemble de l’UE du devoir de vigilance qui occasionnera « des conséquences opérationnelles et financières néfastes » pour les entreprises européennes et « des distorsions de concurrence avec le reste du monde, notamment les Etats-Unis ».

Une facilité pour avoir des recours

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Un taux de chômage historiquement bas dans la zone euro en avril, à 6,4 %

Le taux de chômage de la zone euro a baissé de 0,1 point en avril par rapport à mars, à 6,4 % de la population active, son plus bas niveau historique, selon des données publiées jeudi 30 mai par Eurostat.

Sur un an, l’indicateur s’inscrit également en diminution de 0,1 point. Malgré un contexte de stagnation économique, il est au plus bas depuis que l’office statistique de l’Union européenne (UE) a commencé à compiler cette série, en avril 1998, pour les pays ayant adopté la monnaie unique.

Pour l’ensemble de l’UE, le taux de personnes sans emploi s’est maintenu à 6 % en avril, stable sur un mois comme sur un an.

Le marché de l’emploi a bien résisté à la conjoncture morose qui sévit en Europe depuis la fin de 2022. La croissance souffre de la hausse des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne (BCE) pour calmer l’inflation, qui s’est envolée dans le sillage de la guerre en Ukraine.

Contrats précaires

Derrière l’embellie de l’emploi dans les pays d’Europe du Sud se nichent une part élevée de contrats précaires et des disparités régionales, portées par le tourisme.

Les disparités entre régions sont vertigineuses : le taux de chômage atteint à peine 6,3 % au Pays basque espagnol, contre 17,6 % en Andalousie, et 4,8 % en Lombardie, contre 17,1 % en Campanie.

S’ajoute à cela une faiblesse persistante du point de vue de la formation : plus de 35 % des Portugais, des Italiens, des Espagnols et des Grecs de plus de 25 ans ont un niveau inférieur au bac, contre 20 % en moyenne dans l’UE, selon Eurostat. En dépit de la reprise économique, la précarité n’a que peu reflué.

Des disparités de taux de chômage au sein de l’UE

Le chômage avait nettement baissé en Europe après la mi-2021, grâce à la très forte reprise économique qui a succédé à la récession historique provoquée par la pandémie de Covid-19 en 2020. L’indicateur s’est stabilisé depuis le printemps 2023 à un niveau inédit en un quart de siècle.

Quelque 13,15 millions d’hommes et de femmes étaient au chômage en avril au sein des vingt-sept Etats membres de l’UE, dont 11 millions parmi les vingt pays partageant la monnaie unique.

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Le taux de chômage s’établit à 7,3 % en France, contre 3,2 % en Allemagne, selon les données harmonisées d’Eurostat. Les taux les plus faibles de l’UE ont été enregistrés en République tchèque (2,7 %) et en Pologne (3 %). Les plus élevés ont été relevés en Espagne (11,7 %) et en Grèce (10,8 %).

Les données d’Eurostat sont fondées sur la définition du chômage du Bureau international du travail (BIT). Sont considérées comme chômeurs les personnes sans emploi qui ont activement cherché du travail au cours des quatre semaines précédentes et sont disponibles pour commencer à travailler dans les deux prochaines semaines.

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Le Monde avec AFP

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Quand votre entreprise finance une partie de votre crédit immobilier

C’est avec l’aide de son employeur, une entreprise du secteur de l’énergie, que Mathieu, 36 ans, a acheté son appartement de 38 mètres carrés à Joinville-le-Pont, dans le Val-de-Marne. Il a en effet bénéficié, en janvier, d’un prêt de 66 000 euros, au taux record de 1,97 % sur vingt-cinq ans, subventionné par son entreprise qui prend en charge la moitié des intérêts. S’y ajoute un crédit classique de 220 000 euros à 3,95 %, soit un montant total emprunté de 286 000 euros.

Mathieu a par ailleurs un apport personnel de 26 000 euros, lui permettant de financer le prix total du bien, 312 000 euros, frais de notaire et d’agence inclus. L’aide de l’employeur représente un gain de 20 331 euros sur le coût total du crédit.

Comme Mathieu, 30 000 salariés bénéficient actuellement d’un prêt subventionné par leur entreprise à travers Sofiap, une filiale de La Banque postale et de la SNCF. Cet établissement est une banque à part entière, placée sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

La Sofiap créée, en 1921, par la Société des chemins de fer du Périgord pour favoriser l’accession à la propriété de son personnel, accompagne aujourd’hui des entreprises publiques (SNCF, La Banque postale, EDF, etc.) et, depuis fin 2022, des entreprises du secteur privé, à la fois des grands groupes et des PME.

Au total, 600 000 salariés sont éligibles (dont 180 000 appartiennent au secteur privé) au sein d’une soixantaine d’entreprises. L’objectif est de fidéliser les salariés. Chaque employeur décide des contours exacts de son dispositif en fixant la fraction des intérêts prise en charge, le plafond du crédit concerné par l’offre et les conditions d’éligibilité.

150 000 euros maximum

Il faut généralement être en CDI depuis un an pour en bénéficier, et l’opération doit concerner la résidence principale. Les grandes entreprises prennent souvent en charge un quart des intérêts du crédit (faisant actuellement passer un taux de 3,85 % à 2,9 %, par exemple), dans la limite de 150 000 euros.

« Les petites et moyennes entreprises sont particulièrement généreuses, puisqu’elles financent parfois jusqu’à 100 % des intérêts, mais sur une enveloppe allant de 50 000 euros à 70 000 euros », détaille Laurent Permasse, le président du directoire de Sofiap. « Le dispositif permet aux PME d’avoir un vrai impact sur leurs salariés, quand bien même elles ne proposent pas par ailleurs tout l’arsenal des avantages sociaux proposés par les grands groupes », poursuit-il.

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Que se passe-t-il lorsque le salarié quitte l’entreprise ? L’entreprise cesse de prendre en charge une fraction des intérêts, et le crédit retrouve donc son taux classique, ce qui fait augmenter la mensualité de quelques dizaines d’euros. « Dans les grandes entreprises, le salarié prenant sa retraite continue toutefois le plus souvent à bénéficier de la subvention des intérêts, c’est généralement prévu dans les conventions. Mais cela relève du choix de l’entreprise, il n’y a aucun caractère obligatoire », note M. Permasse.

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« Travailleur (mais) pauvre » : comment sortir de la pauvreté laborieuse ?

C’est un débat apparu aux Etats-Unis dans les années 1960. Au cœur des « trente glorieuses », de multiples indicateurs ont été développés pour mettre en lumière l’existence de travailleurs pauvres, les « working poor ». Pourquoi, en ces temps prospères, « le travail n’était[-il] pas un antidote d’une parfaite efficacité contre la pauvreté » ?

Plusieurs décennies plus tard, Gilbert Cette, professeur à Neoma Business School, président du groupe d’experts sur le smic de 2017 à 2024, poursuit la réflexion sur le sujet dans un ouvrage, Travailleur (mais) pauvre (De Boeck Supérieur).

L’auteur propose une analyse documentée de la pauvreté en France – soulignant les « enseignements de la littérature », mais aussi les résultats contradictoires de certains travaux. Il détaille les politiques visant à la réduire et les failles qu’il perçoit en elles. Cet essai est surtout l’occasion de préconiser des pistes d’action qui permettraient de s’attaquer efficacement à cette pauvreté laborieuse.

Premier constat porté par l’auteur : « La quantité de travail est une protection efficace contre la pauvreté. » Il démontre ainsi que « les travailleurs en temps partiel contraint ou enfermés dans une succession de contrats courts » sont particulièrement exposés au risque de pauvreté laborieuse. « Le taux de pauvreté des salariés à temps partiel est trois fois plus élevé [en France] que celui des salariés à temps complet (15,1 % contre 5 %) », explique M. Cette, s’appuyant sur des données de 2019 compilées par l’Insee. Il souligne que « ce taux est d’autant plus élevé que la quotité de travail (le pourcentage du temps de travail à temps partiel) est faible », atteignant ainsi 24 % pour les salariés travaillant à 50 % d’un temps complet ou moins.

Privilégier l’accompagnement

En conséquence, pour réduire la pauvreté laborieuse, les efforts doivent se concentrer, selon lui, sur l’accompagnement des collaborateurs à temps partiel vers des temps pleins, notamment par des changements d’emploi. Une piste d’action bien plus efficace, pour l’auteur, que l’augmentation du salaire minimum, qu’il désigne comme un « piètre instrument de redistribution des revenus » – il « évince de l’emploi (…) les personnes les plus fragiles (…), du fait de la sensibilité de la demande de travail [des entreprises] au coût du travail ».

Dans le même temps, M. Cette souligne un autre facteur favorisant la pauvreté des travailleurs : la situation familiale, en particulier l’appartenance à une famille monoparentale. Il préconise, en la matière, un « soutien déterminé à la garde des enfants, un accès prioritaire aux structures adaptées ou une prise en charge plus complète des dépenses correspondantes ».

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« Il est temps d’envisager le chômage comme une transition au service de la santé au travail »

Les débats, vifs et nombreux, à propos de la nouvelle réforme de l’assurance-chômage intègrent peu la question de la santé des chômeurs. Cet oubli semble d’ailleurs chronique, tant l’attention portée à la santé des personnes privées d’emploi est absente aussi bien de l’élaboration des réformes successives que de la définition des mesures et dispositifs d’accompagnement vers l’emploi.

Dès 2016, un avis du Conseil économique, social et environnemental soulignait que le chômage constitue un « véritable problème de santé publique ». On y lisait que « 14 000 décès par an lui sont imputables ». Toutes les données épidémiologiques disponibles, notamment les travaux de Pierre Meneton, chercheur à l’Inserm, qui souligne depuis fort longtemps les risques pour la santé du chômage, ou ceux de Michel Debout, professeur de médecine légale et de droit de la santé, sur le traumatisme du chômage, indiquent clairement que les chômeurs ont un risque accru de connaître des problèmes de santé par rapport aux travailleurs en emploi.

Ainsi, le chômage est associé à une mortalité, toutes causes confondues, de 60 % supérieure à celle des non-chômeurs : le risque de suicide y est multiplié par trois en comparaison avec les personnes en activité professionnelle ; les risques de cancer, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral sont accrus de 80 % par rapport à celui des « actifs ». Même tableau concernant la santé mentale : le risque de connaître un épisode dépressif y est multiplié (24 % des hommes et 26 % des femmes, selon une étude de la Dares) et un épisode de chômage d’au moins six mois, même passé, peut contribuer à affecter le bien-être d’une personne à long terme.

Contexte de précarité accru

Enfin, rappelons que la santé dépend des conditions de vie. Ici, il faut souligner – tant les représentations du chômeur « fraudeur », « paresseux » sont persistantes – que plus de 35 % des personnes privées d’emploi vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est le cas aussi d’un tiers des seniors sans emploi ni retraite. Ou des jeunes : les 18-24 ans connaissent un taux de pauvreté près de deux fois plus élevé que la moyenne française. Ils enchaînent trop souvent emplois de courte durée et périodes de chômage, ou ne trouvent pas d’emploi, voire se résignent à l’inactivité.

Lire aussi (2021) : Article réservé à nos abonnés Les effets nocifs du chômage sur la santé remis en lumière par une étude

Quant aux femmes, on sait que l’emploi est l’instrument de leur émancipation. Son absence ou sa précarité menacent l’autonomie, exposent à la dépendance au conjoint, ce qui n’est pas sans effet en matière de risques de violences sexistes et sexuelles. Mais comment penser l’accès ou le retour à l’emploi face à un dilemme : mort sociale dans l’enfermement à domicile, ou galère des petits boulots bien souvent à temps partiel contraint ?

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Recrutement : quand les entreprises raffolent du « travail gratuit » demandé aux candidats

« Cela m’a pris deux jours et demi, et je ne sais pas comment j’aurais pu faire plus court. » Alma (les personnes citées par leur prénom ont préféré ne pas donner leur nom de famille) est en recherche d’emploi. Cette cadre, qui tient prudemment à rester anonyme, cumule depuis cet hiver les déconvenues face aux exigences de certains employeurs.

Avant de proposer un contrat de travail, certains ont parfois recours à des tests professionnels poussés. « Le dernier en date, une institution de premier plan, m’a demandé de faire un plan de communication pour un de leurs événements, raconte Alma. J’y ai travaillé d’arrache-pied, ma mère est venue pour garder les enfants car je n’avais pas d’autres options, je leur ai livré le travail… puis plus rien. »

Ces parcours du combattant, nombre de candidats à l’embauche sont amenés à les vivre. Le plus souvent dans la plus grande indifférence. « La difficulté avec ces abus réside dans le fait qu’on est dans une zone grise, concède Félix Guinebretière, avocat associé chez Alkemist Avocats. C’est typiquement le cas quand on demande à un graphiste de faire une campagne de promotion pour un client, qu’il y passe le week-end, qu’il travaille beaucoup sans pour autant y passer deux semaines entières, et qu’on lui rétorque, s’il se plaint, qu’on n’attendait pas de lui qu’il y passe autant de temps. »

Ces dérives portent souvent sur la durée du travail exigé, trop longue pour une simple présélection. « Parfois, les entreprises sous-estiment le temps que le candidat va y passer, indique Léo Bernard, formateur en recrutement chez Blendy. Elles se disent aussi que les plus motivés y arriveront. »

Dans certaines activités comme la communication ou le développement informatique, « la difficulté réside dans le fait qu’il n’y a pas de temps donné pour réaliser une tâche », explique Julien. Convoqué à un entretien, cet informaticien s’est vu demander par la start-up en question, le vendredi précédent en fin de journée, un « cas pratique » en prévision de cette rencontre. « Il m’a fallu corriger un code », se souvient-il, sans être surpris par l’exercice en tant que tel, « puisqu’il n’y a pas d’autre moyen pour vérifier les compétences ». Seul souci : il n’était pas libre ce week-end-là. « J’ai quand même dû travailler environ deux heures par jour pendant trois jours », détaille-t-il, sans avoir osé faire la moindre remarque : « L’employeur aurait pu se retourner contre moi en disant qu’elle cherchait quelqu’un de plus expérimenté et donc de plus rapide. »

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L’IA et les « fantômes »

Carnet de bureau. Le 21 mai, le cabinet de conseil PwC alerte sur l’accélération du besoin de compétences en intelligence artificielle (IA) dans les offres d’emploi ; le lendemain, le site américain d’accompagnement à la recherche d’emploi CVGenius met en garde l’écosystème du recrutement sur les « annonces fantômes », et, le surlendemain, la plate-forme d’emploi HelloWork, qui a interviewé les recruteurs, révèle que les usages de l’IA générative sont encore très timides.

Le salon Viva Technology, qui s’est tenu à Paris du 22 au 25 mai, était certes une bonne période pour communiquer, aux yeux de ces acteurs de l’emploi. Mais le contraste des résultats de leurs travaux mérite de s’y arrêter. L’IA aurait-elle largement investi le marché de l’emploi ?

L’analyse de 500 millions d’offres d’emploi dans quinze pays, c’est ce que met en avant le cabinet PwC pour souligner le sérieux de sa mesure de l’impact de l’IA sur le marché du travail. Dans cet univers de petites annonces, le nombre de celles qui exigent des compétences en IA augmente 3,5 fois plus vite que les autres, selon la dernière étude du cabinet de conseil, « Baromètre mondial de l’emploi en IA » (« AI Jobs Barometer : a Workforce Transformed »), publiée le 21 mai.

Une montée en puissance à relativiser

Un phénomène qui s’amplifie si l’on zoome sur la France : « On y a multiplié par sept le nombre d’offres qui concernent l’IA, passé de 11 000 en 2018 à 77 000 en 2023 », précise Philippe Trouchaud. Pour le chief technology and products officer de PwC France et Maghreb, « les dirigeants savent que la transformation de leur activité est urgente, sauf à condamner leur entreprise. En France, le premier secteur en demande de compétences IA, c’est l’industrie, qui vient chercher des gains de productivité ».

L’IA serait ainsi en bonne place dans les échanges entre recruteurs et candidats, particulièrement en France. L’accélération est avérée, mais la montée en puissance de l’IA dans l’économie doit être relativisée : 77 000 annonces est un volume très modeste au regard des 3,5 millions d’offres recensées par France Travail en 2023. D’autant que, sur ce total, il faut décompter les « annonces fantômes », un phénomène qui s’est accru depuis vingt ans.

Selon les données diffusées par CVGenius, sur 1,3 million d’annonces analysées, il y aurait 338 000 « fantômes » potentiels : des offres qui restent en ligne parce que les recruteurs ne les ont pas supprimées bien que le poste soit pourvu, ou encore des annonces multiples et continuellement renouvelées pour un seul et même poste, afin de se constituer des « réserves de talents ». Pour l’équipe de CVGenius, l’émergence de l’IA sur le marché de l’emploi, c’est avant tout un plus grand intérêt des recruteurs pour la capacité d’adaptation et la rapidité d’apprentissage des candidats, qui devront se former plus régulièrement.

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