Archive dans 2022

L’économie américaine continue à créer des emplois

Le nouveau propriétaire de Twitter, Elon Musk, n’est pas le seul à sabrer dans les effectifs. Les annonces de licenciements se multiplient dans la tech, qui avait surembauché ces dernières années une course effrénée aux talents. Microsoft réduit légèrement ses effectifs, Amazon, qui emploie plus de 1,5 million de salariés sur la planète, a annoncé un gel des embauches. Snapchat, frappé de plein fouet par le recul des recettes publicitaires, est en train de réduire d’un cinquième ses effectifs (1 300 emplois supprimés). La fintech Stripe va supprimer 1 000 emplois (15 % de ses effectifs), tandis que Lyft, le concurrent d’Uber, est en passe de diminuer de 700 le nombre de ses employés. Dans les semi-conducteurs, après avoir subi deux années de pénurie, Qualcomm et Intel réduisent leurs effectifs.

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Ce vent mauvais qui souffle sur la tech est-il annonciateur d’un renversement du marché du travail ? Sans doute, mais il est trop tôt pour l’affirmer, les licenciements restant à très bas niveau. Le marché du travail demeure extrêmement favorable aux Etats-Unis, en dépit de la hausse des taux d’intérêt censée refroidir l’économie. La première puissance du monde a créé, en octobre, 261 000 emplois, selon le département du travail.

C’est plus que les 200 000 attendus, mais ce chiffre est le plus bas de l’année – les créations mensuelles ont été de 407 000 depuis janvier et de 562 000 en 2021. Avec 153,3 millions d’emplois, le pays a retrouvé, depuis cet été, un niveau supérieur à celui qui prévalait avec le Covid-19, mais la décélération semble en cours : le taux de chômage est légèrement remonté, de 3,5 % à 3,7 % en octobre, tandis que le nombre de chômeurs a progressé de 306 000.

Pas encore de spirale inflation-salaire

Autre indice, les salaires horaires ont augmenté de 4,7 % sur un an, rythme très inférieur à celui de l’inflation (8,2 % en septembre, dernier chiffre connu) et surtout en ralentissement par rapport au mois de septembre, où le rythme était de près de 5 %. Ce chiffre laisse penser qu’il n’existe pas, pour l’instant, de spirale inflation-salaire, qui rendrait la hausse des prix encore moins maîtrisable.

Une des grandes déceptions porte sur la participation à l’emploi des Américains, qui a légèrement reculé, à 62,2 %, inférieure d’un point à ce qu’elle était avant la pandémie. Les réserves de main-d’œuvre, pour soulager le marché, ne sont pas mobilisées. Ce bon chiffre est dans la ligne de la croissance, qui a atteint 2,6 % en rythme annuel au troisième trimestre, après avoir reculé aux premier et deuxième trimestres.

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TotalEnergies : « L’asymétrie entre le niveau de négociation et le lieu de travail renforce les difficultés de résorption des conflits sociaux »

Les grèves des raffineries de TotalEnergies et Esso-ExxonMobil ont mis à jour une question peu traitée dans le débat public, mais centrale dans le déroulement du conflit et sa difficile résolution.

Nombre de commentateurs, mais aussi des personnalités politiques, ont semblé s’étonner qu’un conflit salarial puisse démarrer et perdurer dans une entreprise alors qu’un accord avait été signé sur ce thème par des syndicats majoritaires au niveau du groupe.

Ces réactions révèlent d’abord une certaine ignorance. L’existence d’une convention collective n’entraîne en effet, en droit français, aucune obligation de paix sociale de nature à empêcher les organisations non-signataires de s’opposer par un mouvement collectif aux mesures entérinées par l’accord collectif. Mais surtout, la configuration du conflit est en partie la résultante des multiples réformes du droit de la négociation collective conduites ces dernières années.

Depuis les années 1980, les pouvoirs publics n’ont eu de cesse de promouvoir l’accord collectif d’entreprise comme mode de régulation de la relation d’emploi. L’accord collectif d’entreprise d’abord et avant tout. Avant la loi, mais aussi avant l’accord collectif de branche. Ce dernier, originellement central dans l’édifice conventionnel s’est vu ainsi progressivement mis de côté, à la faveur d’un mouvement de décentralisation de la négociation collective, orchestré sous les auspices d’une promotion de la « norme de proximité » afin de permettre à chaque entreprise de faire prévaloir son propre pacte social.

« L’accord de groupe constitue désormais un instrument puissant à la main des directions de groupe. C’est dire que la négociation dite de proximité, tant vantée ces dernières années, a du plomb dans l’aile »

Cette tendance a pris une dimension nouvelle avec la loi dite « travail » du 8 août 2016, votée sous le gouvernement de Manuel Valls, et les mouvements sociaux qui l’ont accompagnée. A l’époque, c’était surtout la supplétivité de la loi par rapport à la convention collective d’entreprise (l’inversion de la « hiérarchie des normes ») que les opposants avaient identifiée comme un enjeu de conflit.

Mais la contestation est passée à côté d’une autre modification majeure : celle concernant l’accord collectif de groupe. Celui-ci a acquis, en 2016, une capacité à s’imposer face à l’accord collectif d’entreprise et à prescrire une norme applicable à l’ensemble des salariés des entreprises d’un groupe.

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De tels accords ont connu leur première application à l’occasion de la mise en place des nouveaux comités sociaux et économiques (CSE), remplaçant les comités d’entreprise (CE). Chaque direction de groupe peut donc, là où elle trouve les majorités syndicales le lui permettant, conclure un accord visant à harmoniser les statuts sociaux de l’ensemble du groupe. L’accord de groupe constitue désormais un instrument puissant à la main des directions de groupe. C’est dire que la négociation dite de proximité, tant vantée ces dernières années, a du plomb dans l’aile.

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Télétravail : « On ne peut pas réduire la facture énergétique liée au travail en se contentant de la déplacer vers les foyers »

Face à la crise énergétique, les suggestions et les initiatives pleuvent. Le col roulé devient un acte de civisme (ou un must wear de l’automne). D’aucuns voient le télétravail comme la clé de voûte de l’arsenal visant à protéger notre planète et conserver notre « capital énergie » en période de crise. Le plan de sobriété énergétique présenté par le gouvernement, le 6 octobre, prévoit, entre autres mesures, le recours au télétravail pour endiguer la tension sur le réseau électrique.

Mais le télétravail est-il écologique ? Pense-t-on à la pollution inhérente au télétravail et aux effets rebonds comme les déplacements supplémentaires, la relocalisation du domicile, l’usage de la visioconférence, la consommation énergétique du domicile ? S’il a été indispensable pendant la crise sanitaire, est-il toujours une solution miracle face à la crise énergétique ?

Certes, le télétravail permet aux entreprises de réduire substantiellement leur facture énergétique. La réduction de la taille des locaux, la mise en place du flex office (bureau sans poste fixe) permettent une moindre consommation d’électricité, de chauffage en hiver et de climatisation en été et, en cascade, une diminution des frais d’entretien. Certaines entreprises considèrent ainsi qu’elles contribuent, de ce fait, à l’effort national et sauvent, elles aussi, un petit peu notre planète.

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Appliqué à des journées entières, le télétravail contribue également à limiter la pollution de l’air, en réduisant, voire en supprimant, l’usage de certains modes de transport sur le trajet domicile-travail et en réduisant les déplacements nationaux ou internationaux.

Enfin, le télétravail est réputé améliorer la qualité de vie des collaborateurs concernés : absence de transport, environnement plus calme, amélioration de la vie familiale…

Mais l’expérience a aussi prouvé que le télétravail n’emportait pas une adhésion unanime. Il est mal vécu par certains collaborateurs, plus fragiles et moins fortunés : isolement, difficulté à séparer vie professionnelle et vie personnelle, relations professionnelles (dis) tendues par l’écrit préféré aux échanges verbaux, stress accru des manageurs non formés, confort matériel inégal…

Facture reportée sur les télétravailleurs

Le télétravail nécessite, en réalité, un accompagnement personnalisé des collaborateurs et une vigilance accrue des services de ressources humaines face aux demandes de reconnaissance de situation de harcèlement moral ou de maladie professionnelle, dont le nombre s’accroît fortement en situation de télétravail.

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Chez Twitter, Elon Musk lance une vague de licenciements… par courriel

Au siège de Twitter, à San Francisco, le 28 octobre 2022.

« A 9 heures (heure du Pacifique), le vendredi 4 novembre, tout le monde recevra un e-mail avec comme sujet : votre rôle à Twitter. (…) Si votre emploi n’est pas impacté, vous recevrez une notification sur votre adresse chez Twitter. Sinon sur votre adresse personnelle. » Les quelque 7 000 employés du réseau social racheté par Elon Musk ont reçu ce courrier électronique jeudi 3 novembre, seulement quelques heures avant que l’entreprise ne lance un vaste processus de licenciements. La méthode illustre le style expéditif, voire brutal, de l’inarrêtable entrepreneur patron de Tesla et SpaceX, qui a acquis l’entreprise une semaine plus tôt.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés La folle histoire d’Elon Musk avec Twitter

« Pour assurer la sécurité des employés, ainsi que des systèmes informatiques et des données des clients, nos bureaux seront temporairement fermés et tous les badges d’accès suspendus. Si vous êtes dans un bureau ou sur le chemin pour vous y rendre, rentrez s’il vous plaît chez vous », détaille la direction, qui justifie le recours au licenciement par courriel par le grand nombre de salariés en télétravail. Les salariés se voient aussi intimés de ne pas communiquer à l’extérieur avec les médias ou sur les réseaux sociaux.

L’ampleur exacte de la « charrette » de départs contraints n’était pas encore connue dans la nuit de jeudi à vendredi. Depuis quelques semaines, les employés ont vu défiler dans la presse de nombreuses prédictions contradictoires, mais toutes impressionnantes : 75 % de l’ensemble des salariés, puis 25 %. Jeudi, l’agence Bloomberg prévoyait que la moitié des effectifs seraient remerciés. Le Wall Street Journal, lui, évoquait une fourchette de 2 000 à 3 700.

« Une farce »

Certes, les licenciements aux Etats-Unis peuvent être immédiats, et les effectifs de Twitter sont passés de 5 500 à 7 500 employés entre fin 2020 et fin 2021, malgré des déficits de résultats, chroniques depuis la création de l’entreprise. Certains salariés de cette ex-start up de la Silicon Valley rappellent aussi être bien mieux lotis que beaucoup de travailleurs d’autres secteurs. Il n’empêche, la méthode Musk secoue et en choque certains.

« Le processus de licenciement en cours est une farce et une honte. Des sbires de Tesla prennent des décisions sur des gens dont ils ne savent rien à part le nombre de lignes de codes produites. C’est complètement absurde », a tweeté, dimanche, Taylor Leese, le directeur d’une équipe d’ingénieurs licencié. M. Leese fait référence aux listes d’employés à garder ou à renvoyer établies par la nouvelle direction et évoquées dans plusieurs articles de presse. « Il y a dix personnes qui managent pour une qui code », s’était plaint, en octobre, sur Twitter, M. Musk, semblant vouloir placer les ingénieurs informatiques au centre de la future organisation.

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Travailleurs handicapés : le coup de pouce des aides à l’embauche

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

  • L’objectif du dispositif

Face à l’inflation, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) a décidé d’augmenter plusieurs de ses aides depuis le 1er septembre 2022.

Pour contrer les difficultés de ces personnes à décrocher un emploi, rappelons que toutes les entreprises de vingt salariés et plus sont dans l’obligation d’embaucher des salariés en situation de handicap, à hauteur de 6 % de l’effectif, depuis la loi du 10 juillet 1987. A défaut, elles sont tenues de verser une compensation financière à l’Agefiph.

Afin de compenser les surcoûts éventuels liés à l’embauche d’un travailleur en situation de handicap, plusieurs aides financières gérées par cet organisme existent.

  • Le fonctionnement

L’employeur d’une personne concernée par l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), ou dont la demande est en cours, en CDI ou en CDD de six mois minimum, a d’abord la possibilité de bénéficier d’une aide financière à l’accueil, à l’intégration et à l’évolution professionnelle du salarié.

Forfaitaire, cette aide sert par exemple à financer un programme de sensibilisation des salariés au handicap de leur nouveau collègue, l’accompagnement du manageur à la prise en compte de ses difficultés ou encore un tuteur pour l’aider dans sa prise de fonctions. Depuis le 1er septembre, son montant est passé de 3 000 à 3 150 euros.

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Cette aide est prescrite par Pôle emploi, Cap emploi, une Mission locale, ou l’Agefiph, après examen du dossier. Elle peut être mobilisée en amont du recrutement ou dans les neuf mois qui suivent la prise de poste. Afin de bénéficier de ce dispositif, l’employeur doit définir un « plan d’actions » précisant les mesures mises en place : cela suppose qu’il ait déjà identifié la personne à recruter avant de déposer son dossier de demande d’aide. Il a tout intérêt à se rapprocher de l’Agefiph en amont du recrutement.

Versée de manière ponctuelle, cette aide est renouvelable une fois, éventuellement plus en cas de besoins qui apparaîtraient en cours de contrat. Le temps de travail hebdomadaire de la personne recrutée doit être d’au minimum vingt-quatre heures (seize heures en cas de dérogation légale ou conventionnelle).

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Chez Altice, la discrète ascension de l’héritier David Drahi

Patrick Drahi, fondateur et propriétaire d’Altice, sort de son audition au Sénat, à Paris, le 2 février 2022. Devant lui, à gauche de l’image, Bertrand Pellé, conseiller au sénat. Derrière lui, de gauche à droite, Arthur Dreyfuss, Grégory Rabuel, Laurent Lafon et David Drahi.

Le 2 février, Patrick Drahi n’est pas seul face à la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias. Assis dans l’aile gauche de la salle d’audience, trois « Drahi boys », comme on surnomme les fidèles de l’homme d’affaires, accompagnent du regard le président et propriétaire d’Altice, la maison mère de l’opérateur de télécoms SFR et des chaînes RMC et BFM-TV. Arthur Dreyfuss, le patron des médias d’Altice, les activités qui intéressent les sénateurs, est évidemment là. Grégory Rabuel, PDG d’Altice France à l’époque – il sera remercié en août –, est également présent.

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Le troisième accompagnant est le plus Drahi des trois « boys » : il s’agit de David, l’un des deux fils de Patrick. Le port obligatoire du masque en cette cinquième vague de Covid-19 et sa position dans la salle le rendent presque invisible. Pourtant, sa présence à cette audition éclaire sur sa nouvelle stature dans un groupe où il est appelé à prendre la suite de son père. Quelques semaines plus tard, en mars, il sera d’ailleurs nommé codirecteur général d’Altice Europe, chargé des technologies et du développement.

Sa nomination s’est faite discrètement, au milieu d’une série d’autres promotions, comme s’il ne fallait pas donner plus d’importance à cette prise de fonctions qu’à une autre. Le moment est pourtant bien choisi, vingt ans après l’acquisition par Patrick Drahi et son fidèle bras droit, Armando Pereira, d’un premier câblo-opérateur en Alsace, sur lequel ils bâtiront Altice. « Vingt ans, c’est une génération : il est temps maintenant de commencer la transition vers la génération suivante », explique le fondateur d’Altice dans un e-mail réservé à ses salariés, alors que d’autres dirigeants auraient aimé mettre en scène leur succession filiale, photos et interview à l’appui.

« Beaucoup d’engagement personnel »

La famille Drahi, elle, fuit l’exposition médiatique. David Drahi, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, aurait d’ailleurs préféré que Le Monde ne s’intéresse pas à lui. Mais voilà, avec ses nouvelles fonctions, le jeune dirigeant de 27 ans doit sortir de l’ombre de son père. Depuis plusieurs mois, il se montre d’ailleurs plus souvent au siège d’Altice, dans le 15e arrondissement de Paris. Un cadre historique de l’entreprise le « croise fréquemment au 7e étage, celui de la présidence ». David Drahi mène des réunions avec les cadres et négocie des contrats. Patrick Drahi n’hésite pas à confier à son fils des missions stratégiques.

Patrick Drahi n’a jamais caché sa volonté de transmettre son empire à ses quatre enfants. Ils sont programmés pour ça, chacun sur son territoire

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Les patrons de l’hôtellerie-restauration soutiennent l’idée d’un titre de séjour « métiers en tension »

Il y a quelques mois, Antoine Puillon, propriétaire des Garçons du Port, un hôtel-restaurant de l’île de Groix (Morbihan), a rencontré Hortense, originaire du Burkina Faso. Elle souhaitait travailler comme femme de chambre dans son hôtel, le courant était bien passé. « On avait vraiment besoin de l’embaucher. C’est devenu la croix et la bannière pour trouver des gens. Elle n’avait pas de papiers en règle, alors on a commencé à regarder les démarches. C’était d’une complexité extrême. C’était risqué pour nous, risqué pour elle, et très aléatoire : on a laissé tomber », explique le patron breton.

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La possibilité d’obtenir un titre de séjour « métiers en tension », annoncée par les ministres de l’intérieur, Gérald Darmanin, et du travail, Olivier Dussopt, mercredi 2 novembre, dans un entretien au Monde, aurait-elle changé la vie d’Hortense ? Cette proposition, qui concernerait certains métiers en pénurie de main-d’œuvre, fera l’objet de concertations « dès le mois de novembre », a expliqué le ministre du travail. Elle pourrait figurer dans le nouveau projet de loi sur l’immigration porté par le gouvernement, qui doit être examiné début 2023. Ce « que nous proposons, c’est de mettre fin à une forme d’hypocrisie », a indiqué le ministre.

Dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, le patronat a accueilli avec soulagement cette possibilité, qui concernerait des personnes déjà présentes sur le territoire. A l’instar du bâtiment, autre secteur « en tension », les cuisines des restaurants ou les couloirs des hôtels emploient de nombreux travailleurs sans papiers, de manière déclarée ou non. « Si on peut mettre à plat les choses, arrêter tout ce trafic, ce sera bien. Plus généralement, nous défendons l’idée d’une immigration choisie, centrée sur des métiers dont nous avons besoin », affirme Laurent Duc, à la tête de la branche hôtellerie de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH).

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« Pour que notre secteur continue de fonctionner, il faut régulariser ces personnes, qui sont bloquées dans leur évolution et vivent des situations difficiles. Parfois, après plusieurs années dans un restaurant, certains disent à leur employeur : en fait, cette pièce d’identité ne m’appartient pas, je voudrais être régularisé. En général, les patrons les accompagnent, mais c’est très long, incertain », raconte Franck Trouet, du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI-HCR).

« Nous sommes des métiers abandonnés »

Si ces organisations patronales applaudissent, c’est que le secteur est confronté à des problèmes de recrutement sans précédent, qui s’ajoutent à la flambée des coûts des matières premières, de l’énergie, aux difficultés pour rembourser les prêts garantis par l’Etat (PGE)… Pour l’année 2022, les employeurs de l’hôtellerie-restauration ont besoin d’embaucher 360 000 personnes, soit 23 % de plus que l’année précédente, selon l’enquête annuelle « Besoins en main-d’œuvre » de Pole emploi. La majorité de ces recrutements sont estimés « difficiles » par les recruteurs, en particulier pour les serveurs et les cuisiniers. Faute de trouver du personnel, certains établissements ont cessé d’ouvrir certains jours, réduit le nombre de tables…

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Twitter va procéder à des licenciements vendredi

Les bureaux de Twitter à San Francisco, en Californie, le 1er novembre 2022.

C’est par un simple e-mail interne que Twitter a annoncé, jeudi 3 novembre, l’imminence de licenciements au sein de l’entreprise. Les salariés craignaient que cela n’arrive depuis le rachat du réseau social par le milliardaire Elon Musk.

« Nous allons lancer le processus difficile de réduction de nos effectifs mondiaux vendredi », ont ainsi été prévenus les salariés dans ce message consulté par l’Agence France-Presse.

Le courriel ajoute que tous les employés recevront des informations d’ici au vendredi matin, à l’heure de l’ouverture de bureaux en Californie, mais ne précise pas combien de personnes seront concernées. Selon le Washington Post, le nouveau dirigeant a prévu de renvoyer environ la moitié des quelque 7 500 employés.

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« Nous reconnaissons qu’un certain nombre d’individus qui ont réalisé des contributions notables à Twitter vont être touchés, mais cette action est malheureusement nécessaire pour assurer le succès de l’entreprise à l’avenir », déclare la société aux salariés.

« Si vous n’êtes pas concerné, vous recevrez une notification sur votre adresse mail Twitter. Si vous êtes affecté vous recevrez une notification avec les prochaines étapes sur votre messagerie personnelle », informe le message envoyé jeudi, rappelant à chacun de vérifier sa boîte mail, « y compris vos spams ». Dès jeudi soir, plusieurs employés publiaient sur Twitter des photos de leur écran de connexion aux outils de l’entreprise, expliquant que leur mot de passe avait été changé.

Le courriel précise également que, « pour des raisons de sécurité », l’accès au siège de Twitter sera impossible durant toute la journée de vendredi, et que les badges de l’ensemble des salariés ont été temporairement désactivés.

Des listes comparant les informaticiens

Le patron de Tesla et SpaceX a racheté Twitter pour 44 milliards de dollars et en a pris le contrôle jeudi dernier, après six mois d’une acquisition très mouvementée. Il a immédiatement dissous le conseil d’administration, congédié le directeur général et d’autres hauts responsables, et lancé des projets d’envergure avec des objectifs à atteindre rapidement. Plusieurs ingénieurs ont rapporté avoir dû dormir sur place certains soirs.

Elon Musk, qui s’est d’abord rebaptisé « Chief Twit » (twit voulant dire « crétin » en anglais), puis « standardiste de la hotline de Twitter », a fait venir, dès vendredi, des développeurs de Tesla pour passer en revue le travail d’employés de Twitter.

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De nombreux ingénieurs ont dû imprimer les dernières lignes de code qu’ils avaient produites, selon un employé qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat. Des listes comparant les informaticiens, essentiellement sur la base du volume de production, ont par ailleurs été établies, selon un autre salarié.

Des salariés ont d’ores et déjà déposé une plainte collective devant le tribunal fédéral de San Francisco, rapporte l’agence Bloomberg, arguant que Twitter procède à ces licenciements en violation de la loi américaine, qui oblige les grandes entreprises procédant à des licenciements massifs à donner un préavis de deux mois aux salariés concernés.

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Changement de culture

Jeudi, de plus en plus d’employés du réseau des gazouillis exprimaient leur désarroi ou faisaient de l’humour. « Les licenciements de masse n’ont pas encore eu lieu et pourtant tout le monde à Twitter a déjà perdu son travail. Le travail qui était décrit dans leur contrat, le travail qu’ils aimaient, le travail avec tous les collègues qu’ils ont appris à connaître et à apprécier », déclarait ainsi Eli Schutze, une informaticienne de Twitter basée à Londres, d’après son profil. « C’est le début d’une page blanche, quel que soit le côté où vous tombez », a-t-elle ajouté.

La mesure confirme le changement de culture d’entreprise largement anticipé pour la société californienne sous la direction d’Elon Musk. Plusieurs cadres ont démissionné d’eux-mêmes cette semaine et plus de 700 personnes sont déjà parties cet été, de leur plein gré, d’après un salarié.

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Le fantasque entrepreneur prône en effet une vision de la liberté d’expression qui nécessite d’assouplir les règles de modération des contenus de la plate-forme, en désaccord avec celle de nombreux employés, utilisateurs et ONG.

Certains salariés étaient aussi inquiets à l’idée de ne plus pouvoir travailler de chez eux – Elon Musk désapprouve le télétravail – ou de devoir suivre des cadences infernales comme chez Tesla.

Le dirigeant a aussi annoncé le lancement prochain d’un abonnement à 8 dollars par mois pour les utilisateurs souhaitant faire certifier leur compte. Cette décision a fait un tollé chez de nombreux abonnés concernés.

Le Monde avec AFP

Au Royaume-Uni, le renouveau des syndicats porté par les conflits sur les salaires

Des membres du public tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Protéger le droit de grève », lors de la troisième journée du Trades Union Congress (TUC), le 20 octobre 2022, à Brighton, au Royaume-Uni.

Pas de sécurité à l’entrée, une salle de presse quasi vide et des délégués qui s’étonnent presque qu’on s’intéresse à eux : organisé à Brighton (sud-est de l’Angleterre) du 18 au 20 octobre, le congrès annuel de la fédération britannique des syndicats (Trades Union Congress, TUC, regroupant 48 syndicats et 5,5 millions de travailleurs) avait triste allure. L’impression est trompeuse : les journalistes étaient coincés à Londres à l’affût d’un gouvernement sur le point d’imploser – la première ministre, Liz Truss, ayant finalement démissionné le 20 octobre. Et, surtout, les syndicalistes étaient très occupés sur le terrain à préparer les prochaines grèves.

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Car après avoir été cassé il y a presque quarante ans par l’ancienne première ministre Margaret Thatcher, puis longtemps marginalisé par les médias et le personnel politique, le mouvement syndical redresse la tête. Les adhésions sont en hausse et, ces derniers mois, les arrêts de travail se sont multipliés, dans le secteur public et le privé, avec une fréquence inédite. « Les gens en ont assez, ils trouvent qu’ils sont traités injustement », relève Daisy Carter, 26 ans, professeure de mathématiques dans le sud-ouest de l’Angleterre, prête à faire la première grève de sa carrière à l’appel du syndicat NEU (National Education Union).

Jusqu’à 300 000 infirmiers sont, eux aussi, sondés par leur principal syndicat, le Royal College of Nursing (RCN), pour la première fois depuis sa création en 1916. Le syndicat des sages-femmes, le Royal College of Midwives (RCM), consulte aussi ses membres en vue d’arrêts de travail pour la seconde fois depuis sa fondation en 1881. Côté transports, le syndicat RMT a rarement été autant mobilisé : ses membres enchaînent les grèves depuis l’été et débrayent à nouveau les 5, 7 et 9 novembre. Le CWU, le syndicat des postes et des télécommunications, coordonne aussi des grèves perlées depuis l’été chez Royal Mail – une nouvelle grève est prévue le 12 novembre. « Depuis le début de l’action, il y aura eu dix-neuf jours de grève chez Royal Mail. Ce sont des arrêts de travail tournants, un jour c’est la distribution, l’autre le processing ou les camions parce qu’on ne pourrait pas tenir financièrement autant de jours de grève d’affilée », précise Andy Mason, 49 ans, postier et adhérent du CWU.

Une ère d’austérité

Au cœur des revendications, les augmentations salariales, alors que l’inflation a atteint 10,1 % en septembre et que les salaires moyens stagnent depuis une décennie, conséquence de l’ère d’austérité engagée en 2010 par le gouvernement Cameron. Selon des chiffres du TUC, entre 2008 et 2021, les salariés ont perdu en moyenne et en valeur réelle 20 000 livres sterling (environ 23 230 euros), leurs salaires n’ayant pas progressé comme l’inflation. Face à des prix de l’énergie qui ont doublé et de l’alimentaire qui ont bondi de 14 % sur un an, vivre décemment avec ces rémunérations devient difficile. Selon le NASUWT, syndicat enseignant appelant comme le NEU à la grève, 72 % des enseignants britanniques ont réduit leurs dépenses alimentaires en raison du coût de la vie.

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L’aide à domicile, un secteur en quête d’argent et en manque de temps

Une auxiliaire de vie au domicile d’une personne âgée dépendante, le 6 avril 2020, à Paris.

Portages de repas annulés, toilettes du matin effectuées à l’heure du déjeuner, promenades écourtées… La pénurie d’aides à domicile assombrit le quotidien des personnes âgées en perte d’autonomie qui font appel à elles. Or, jamais la crise du recrutement n’a été aussi aiguë. « Depuis deux ans, on n’arrive ni à les recruter ni à les garder. Le métier ne fait vraiment plus envie », se désole Laïtitia Minsé, directrice d’un service d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), à Caen. Les 7 200 SAAD de France doivent presque tous renoncer à répondre à des demandes d’intervention auprès des publics âgés, faute de personnel. Le taux de dossiers refusés « frôle les 30 % dans l’Aube contre 20 % en 2019 », s’alarme Philippe Pichery, président (divers droite) du département.

Pour revaloriser le métier, le gouvernement multiplie les mesures financières depuis trois ans. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale lundi 31 octobre, prévoit ainsi de relever le tarif horaire minimum pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Ce barème plancher avait été fixé à 22 euros à sa création, au 1er janvier 2022. Il a contraint les conseils départementaux qui fixent le niveau horaire de l’APA sur leur territoire à revaloriser leurs tarifs dont la plupart étaient inférieurs. Versée à quelque 760 000 personnes de 60 ans ou plus, vivant chez elles, l’APA couvre en partie leurs dépenses pour rémunérer une aide à domicile.

Lors du débat du PLFSS 2023 à l’Assemblée nationale, Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, s’est engagé à augmenter par arrêté le tarif plancher national à 23 euros en 2023. Il a également soutenu l’adoption d’un amendement qui prévoit qu’à partir de 2024 le tarif minimum de l’APA évoluera tous les ans suivant l’inflation.

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Saluées sur tous les bancs de l’Assemblée – parce qu’elles vont « dans le bon sens » –, ces deux mesures n’en sont pas moins jugées insuffisantes sur la question de la revalorisation des salaires. « A 23 euros, le tarif national compense exclusivement l’inflation et les augmentations du smic de 2022 ! », regrette la Fédération française des services à la personne et de proximité. Ce tarif plancher est loin de couvrir le coût de revient d’une heure d’intervention à domicile – qui est de 32 euros, calcule l’UNA, la fédération nationale de services associatifs.

« Diminuer drastiquement les déplacements »

Le gouvernement répond qu’il a créé, en sus du tarif plancher garanti financé, une dotation horaire complémentaire de 3 euros. Mais seuls les SAAD qui améliorent leur service (interventions le soir, le dimanche, les jours fériés) y auront droit. Obtenir cette « carotte » suppose d’avoir des charges en plus pour l’obtenir.

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