La grève qui durait depuis plusieurs semaines dans les centrales nucléaires a pris fin. Un accord salarial a été « signé à l’unanimité » jeudi 27 octobre au terme des consultations au sein des quatre syndicats représentatifs, à savoir la CGT, FO, la CFDT et la CFE-CGC, a annoncé la direction d’EDF à l’Agence France-Presse.
En tenant compte de l’accord de branche sur des augmentations dans les industries électriques et gazières (IEG) signé le 17 octobre, les salariés bénéficieront en 2023 d’une revalorisation totale de 4,6 % (2,3 % au titre de l’accord de branche et 2,3 % au titre de l’accord EDF). Cette mesure va être complétée par des augmentations individuelles d’en moyenne 2,45 %, basées sur la performance individuelle, assorties d’une prime exceptionnelle d’un montant de 2 600 euros bruts.
L’accord salarial conclu vendredi dernier a permis de desserrer l’étau sur le mouvement social qui avait fait tache d’huile dans le parc nucléaire durant plusieurs semaines, et qui touchait encore, juste avant la fin des négociations, 12 centrales sur 18. La grève a causé des baisses de production d’électricité et entraîné des retards sur le calendrier de travaux du parc nucléaire, ravivant les inquiétudes sur d’éventuelles pénuries cet hiver, en pleine crise énergétique européenne. La dernière centrale encore en grève pour les salaires en début de semaine, celle de Dampierre (Loiret), a cessé le mouvement mercredi, selon la CGT.
C’est un « nœud logistique » comme on dit. Coincée entre la Seine et l’Autoroute A86, au nord-est de Paris, la plate-forme Geodis de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) est un site stratégique pour ce secteur en pleine expansion. De jour comme de nuit, à flux constant, des camions y arrivent et en partent chargés de colis. Grâce à des hommes qui les déchargent et les rechargent, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Au salaire minimum (1 329,05 euros net mensuel, 1 678,95 euros brut) ou une centaine d’euros de plus, après parfois plus de quinze ans à ces postes, 87 d’entre eux se sont mis en grève, lundi 17 octobre, pour demander des augmentations de salaire, soit, selon la CGT, 90 % des caristes et manutentionnaires.
On les retrouve devant le site, mardi 25 octobre au soir, vêtus d’un gilet fluo floqué du logo Geodis, leur tenue de travail. Sur la poitrine, un code-barres semblable à celui des colis qu’ils manipulent toute la journée. « C’est pour le pointage », explique Nasser, 55 ans (tous les prénoms ont été modifiés).
« Notre entreprise génère tellement de bénéfices »
Il se libère les mains pour mieux expliquer son travail. Fait mine de manœuvrer un transpalette. « Quand le camion est à quai, je rentre dedans pour le décharger.Ici, on reçoit de tout : des animaux vivants, des matières dangereuses… Quand je suis au tri, je place les colis à la main sur le tapis mécanique, détaille-t-il. Il faut toujours aller plus vite. On n’a pas le temps de respirer. »
Car la plate-forme est « express ».A partir du moment où le semi-remorque se positionne devant le quai, le colis doit être traité en une heure maximum, pour repartir dans un autre camion, car il ne doit pas se passer plus de douze heures entre la commande et la livraison, précise Mouloud Sahraoui, délégué syndical CGT. « C’est une activité avec beaucoup de pression, des accidents du travail, des troubles musculosquelettiques ajoute-t-il. Donc, aujourd’hui, on demande notre dû ! »
Les grévistes revendiquent 150 euros brut d’augmentation pour tous, 100 euros pour les plus bas salaires et une prime de 1 000 euros en décembre. « Notre entreprise génère tellement de bénéfices : on demande juste qu’ils partagent avec ceux qui font le sale boulot ! »
Filiale de la SNCF, Geodis est le champion français et l’un des leaders mondiaux du transport et de la logistique. Début 2022, l’entreprise a communiqué sur ses « performances record » en 2021, mettant en avant son chiffre d’affaires de 10,9 milliards d’euros, en hausse de 33 % par rapport à 2019, comme son ebitda (bénéfices avant intérêt, impôt, dépréciation ou amortissement), à 948 millions d’euros, ou sa « très forte génération de free cash-flow », c’est-à-dire de trésorerie disponible. En septembre, dans un entretien à LaTribune.fr, Marie-Christine Lombard, présidente du directoire du groupe, se félicitait encore de l’augmentation du chiffre d’affaires comme du résultat et se montrait confiante pour 2023.
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Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, revient sur le conflit chez TotalEnergies, dont il réfute l’utilité sociale, et plaide pour plus de dialogue pour répondre à l’inquiétude des salariés.
La grève des raffineries touche à sa fin, quel est votre sentiment sur le climat social en France ?
Il y a une forte tension, difficile à appréhender. Les mutations qui nous attendent ont été intégrées par les travailleurs, mais leurs conséquences restent floues, ce qui crée une profonde inquiétude. Les enquêtes d’opinion montrent une évolution dans la structuration des préoccupations des travailleurs : la répartition de la valeur créée, les conséquences du changement climatique et le rapport au travail ont dépassé la crainte du chômage de masse, voire le sujet des retraites.
On observe des préoccupations individuelles face à l’arrivée de l’hiver, aux bouleversements que va engendrer la transition écologique, à l’instabilité démocratique… La question salariale est également au cœur des discussions, avec des conflits au plus haut depuis le début de l’année. Le contexte d’inflation favorise aussi cette incertitude généralisée : ne sommes-nous qu’au début de l’épisode inflationniste ?
La CGT est apparue comme perdante, car elle n’a pas réussi à exporter la grève au-delà des raffineries, néanmoins, sa stratégie de grève préventive a permis de décrocher un accord généreux chez TotalEnergies. Dites-vous merci à la CGT ?
Non. Ce n’est pas le blocage des raffineries qui a donné lieu à l’accord. Les négociations annuelles obligatoires de 2023, qui étaient prévues pour le 15 novembre, au moment où s’est déclenchée la grève de la CGT, auraient permis d’obtenir le même résultat.
On a mis en lumière un mouvement de grève qui a réuni moins de 300 personnes sur les 14 000 salariés du raffinage-pétrochmie de TotalEnergies. Dans le même temps, on a passé sous silence les résultats que nous rencontrons dans d’autres branches, pourtant moins ouvertes sur les questions de répartition de la valeur créée, avec des négociations menées dans un climat de relations sociales normales. Si l’accord a vraiment été obtenu grâce à la CGT, qu’elle le signe ! D’autant qu’il s’agit d’un accord majoritaire.
La CGT n’a pas voulu reconnaître cet accord majoritaire. A l’instar de ce que l’on observe dans le mouvement politique, sentez-vous une remise en question de la représentativité dans le milieu syndical ?
Quand je vois 300 grévistes vouloir décider pour 14 000 salariés, je n’appelle pas cela de la démocratie. On a le droit de ne pas être d’accord, mais le fait majoritaire doit s’imposer.
Croyez-vous à un « ruissellement » des revendications, où ceux qui ont les moyens de faire des grèves spectaculaires œuvreraient pour les travailleurs de seconde ligne, ceux-là mêmes qui ont été mis en avant avec les « gilets jaunes », puis lors de la pandémie ?
Je n’y crois pas du tout. Les sous-traitants bénéficient rarement des avancées des salariés. Quant à ces métiers de l’ombre jugés indispensables pendant la pandémie, ils ont été rapidement oubliés.
Certaines branches sont particulièrement à la traîne au niveau des salaires, mais l’on observe aussi des progrès grâce à une démarche syndicale qui se fait au quotidien : il faut arrêter de penser que le syndicalisme ne se manifeste que lors de grands mouvements explosifs.
Il faut répondre par le dialogue social à l’inquiétude sourde qui se répand dans le pays, corrélée à la montée de l’extrême droite. Prenons l’exemple du secteur automobile : la part grandissante de la production de véhicules électriques va bousculer cette industrie. Les travailleurs le savent et s’interrogent sur les répercussions.
Vous avez remis sur le devant de la scène les questions fiscales et la taxation des plus riches. Pourquoi vous intéressez-vous à ces enjeux ?
Il est naturel que la CFDT s’intéresse à l’intérêt général, les travailleurs étant aussi des citoyens. La pandémie a mis en évidence la solidité de notre système de protection sociale et l’importance de nos services publics. Il est donc légitime de se poser la question de la participation de chacun à l’intérêt commun.
Après le grand débat, on a identifié à tort un ras-le-bol fiscal des Français, mais leur perception est en réalité celle d’une forte inégalité fiscale. On peut donc s’interroger sur la contribution des revenus du capital par rapport à celle des revenus du travail et débattre de la taxation du patrimoine, par exemple.
Quant aux superprofits, il faut avant tout regarder à quoi ils servent : à financer la transition énergétique ou à rémunérer les actionnaires ? Il faut établir des règles collectives et non étudier les entreprises au cas par cas.
Pour Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, il faut d’abord s’intéresser au travail des seniors et à la pénibilité, avant de s’occuper de l’équilibre financier du système. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, plaide, lui, pour une réforme forte.
L’urgence d’une réforme
Bruno Retailleau : Trois raisons nous poussent à avancer sur cette réforme. D’abord, la démographie. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, quatre – au moins – voire cinq générations cohabitent. La France a détruit, depuis dix ans, la politique familiale, le quotient familial, les gardes d’enfants, etc. Cela se traduit par une baisse de la natalité. Nous sommes à 1 pensionné pour 1,7 personne active, demain, 1 pour 1,5 et, en 2070, 1 pensionné pour 1,3 travailleur.
Ensuite, nous avons un problème de justice et de pouvoir d’achat des retraités. Avec Emmanuel Macron, jamais les retraites n’ont autant été appauvries. En 2019, la CFDT a chiffré cet appauvrissement à 1 250 euros par personne et par an, soit un mois de smic. La contribution sociale généralisée[CSG] et les désindexations ont touché environ 8 millions de retraités pour 4,5 milliards d’euros de baisse des pensions. Nul ne souhaite augmenter les cotisations, étant donné que les cotisations sociales sont très fortes en France par rapport aux autres pays européens.
Laurent Berger : Le déséquilibre du système est proche de 10 milliards d’euros par an, sur 320 milliards de retraites versées chaque année, soit environ 3 %. Un citoyen n’est pas en interdit bancaire à 3 % de découvert à la fin du mois. Le déficit de 3 % doit être traité, mais il n’est pas surdominant. Les réformes de 1993, de 2003, de 2010 et de 2013 ont expurgé de nombreux problèmes liés au baby-boom d’après-guerre.
Il faut cesser de croire que les Français ne travaillent pas assez. Il n’y a jamais eu autant de personnes dans l’emploi au cours des trente dernières années. L’âge moyen de départ à la retraite est proche de 63 ans. Le Conseil d’orientation des retraites considère que cet âge sera proche de 64 ans avec l’allongement de la durée de cotisation.
Le chiffon rouge de l’âge de départ
L. B. : Pour nous, à la CFDT, la question de l’âge n’est pas le meilleur indicateur. Le sujet majeur est la durée de cotisation. Nous sommes beaucoup, ici, à penser que travailler jusqu’à 65 ans sera sans doute une réalité et un désir, mais ce n’est pas le cas de nombreux autres travailleurs qui sont dans d’autres situations. La durée de cotisation s’établit à quarante ans en Suède, alors que nous irons à quarante-trois ans en France.
Je suis agacé par le présupposé que les Français ne travailleraient pas assez, et pas assez longtemps. Nous avons augmenté la durée des carrières depuis vingt ans. La réforme Touraine continue de s’appliquer, avec l’augmentation de la durée de cotisation. Le dispositif de carrière longue est prévu si vous avez travaillé quatre ou cinq trimestres avant 20 ans. Les projections de départ à la retraite sont à 64 ans. Je rappelle que huit Français sur dix sont opposés au report de l’âge légal de départ à la retraite. Je n’ai jamais pensé que les sondages devaient guider l’action publique, mais il faut en tenir compte dans le contexte actuel de conflictualité.
Je crois au libre choix, à la solidarité entre les générations, au contrat de départ, travailler quarante-trois ans jusqu’à la retraite. L’âge, c’est faire payer un peu plus aux travailleurs les plus précaires. Je ne veux pas être de ceux qui acteront qu’il y a, dans ce pays, des salariés qui partiront en pleine forme à 65 ans et d’autres qu’on reléguera à des dispositifs de solidarité à partir de 60 ou 62 ans, parce qu’ils seront cassés.
B. R. : Au Sénat, nous proposons de faire les deux : repousser l’âge à 64 ans et accélérer la réforme Touraine. Il faut les deux pour équilibrer. La Caisse nationale d’assurance vieillesse a comparé deux hypothèses, celle d’un départ à 65 ans et une autre sans âge, mais avec quarante-cinq annuités. Dans ce dernier cas, les gens ont tendance à partir avant, sans avoir rempli toutes leurs annuités, et ils touchent donc une pension bien plus faible.
Les seniors au travail
L. B. : Un patron d’une grande entreprise de l’aéronautique m’a dit qu’en reculant l’âge de départ à la retraite, au lieu de faire partir les gens à 59 ans, on les fera partir à 60 ans. C’est une hypocrisie : gardez-les ! 40 % des personnes qui partent à la retraite ne sont déjà plus en emploi : ils sont en invalidité ou au chômage sans accompagnement d’un plan d’entreprise, aux minima sociaux, en l’absence d’autres droits, etc.
J’en ai assez des entreprises qui disent qu’il faut aller jusqu’à 65 ans et qui se séparent des gens avant en faisant porter l’indemnisation sur les régimes sociaux ou, pour d’autres, sur les fonds propres de l’entreprise. Il faut gérer la question des retraites autrement que comme un couperet. Aujourd’hui, on part à la retraite le vendredi soir, en travaillant à fond jusqu’à la dernière minute, on éteint la lumière et on s’en va. Ce devrait être plus progressif.
Il faut traiter le sujet du travail en amont. L’emploi des seniors est aussi une source de financement. Le taux de l’emploi des 55-64 ans s’établit à près de 77 % en Suède, contre 56 % en France, ce qui est problématique. Nous plaidons pour poser les sujets et que le gouvernement prenne ses responsabilités.
B.R. : On ne peut pas envisager une retraite totalement à la carte. Il faut des règles de durée de cotisation, des règles d’âge légal de départ. Ensuite, on traite. Il vaut mieux, à partir de règles collectives, traiter des questions de transition professionnelle, de carrières longues, de pénibilité, des cas où le travail devient pesant et où on ne peut pas faire durer des gens trop longtemps.
La méthode
L.B. : Dans un pays à peu près mature démocratiquement, on pourrait débattre de ce que serait le nouveau pacte social sur l’emploi, les retraites, le travail, la protection sociale, dans un texte qui engloberait le tout. Là, on a déjà commencé la vente à la découpe. Le sujet travail, on ne sait pas bien l’appréhender, donc on va le laisser. Il y a des propositions qui ne sont pas toutes législatives. Nous plaidons pour cela : discutons de l’emploi, du travail et des retraites dans un texte global, au début de 2023.
B. R. : Le gouvernement va utiliser le vecteur d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale [PLFRSS], car il peut utiliser autant de 49.3 qu’il souhaite sur le reste des textes budgétaires. Mais on ne peut y mettre que des sujets qui touchent les finances de la Sécurité sociale. Donc les mesures qui touchent le code du travail dont on parle actuellement feraient plutôt l’objet d’une loi ad hoc. Si le gouvernement utilise le [PLFRSS], ce n’est pas parce que c’est le meilleur vecteur pour une réforme globale des retraites, c’est à cause de la situation de l’Assemblée nationale et du fait qu’il n’a pas sa majorité.
Le risque social
B. R. : Le gouvernement Macron fait ce qu’ont fait tant de gouvernements en France : il réduit la politiqueà une simple question de coûts sociaux. On a désormais la dépensepublique la plus forte au monde. Est-on mieux éduqué pour autant ? Est-on mieux soigné, plus en sécurité ? Il faut le courage de réformer l’hôpital, la santé, l’école, d’avoir une nouvelle politique pénale, mais c’est ce courage que nous n’avons pas. Du coup, la tentation est grande de dire : « Mon butin, ce sera la réforme des retraites. »
L. B. : Ce qui peut se passer en janvier 2023, c’est une forme de révolte de ces fameux travailleurs de seconde ligne, si utiles durant la crise sanitaire, qui auront le sentiment qu’on va leur marcher dessus. Si le projet passe par deux textes différents, avec, d’un côté, des mesures paramétriques dures, notamment sur l’âge de départ et de l’autre des promesses sur la pénibilité, pas un adhérent CFDT ne croira à la loyauté de cet engagement. Je crains beaucoup de sécessions.
Les seconds mandats ne sont jamais faciles. Celui-ci est particulièrement périlleux. Six mois après sa réélection, Emmanuel Macron a dû se livrer, mercredi 26 octobre, sur France 2, à un long exercice de pédagogie pour tenter de faire comprendre aux Français où il voulait les emmener. Bousculé par une succession inédite de crises, le pays oscille entre inquiétude et colère, sans trouver dans le jeu politique de quoi le rassurer.
Depuis la rentrée parlementaire d’octobre, l’exécutif ne parvient pas à dégager de majorité sur ses textes financiers. La radicalité des oppositions qui contestent les fondements de sa politique économique a déjà obligé la première ministre, Elisabeth Borne, à engager par trois fois la responsabilité du gouvernement.
Lundi 24 octobre, à la surprise générale, Marine Le Pen a soutenu la motion de censure déposée par la Nupes sur le projet de loi de finances pour 2023 sans que les responsables de La France insoumise en éprouvent de gêne. L’hostilité à Emmanuel Macron est apparue plus forte que le rejet du Rassemblement national, qui faisait pourtant figure, il n’y a pas si longtemps, de parti infréquentable. De cette glissade, qui s’apparente à une faute, le chef de l’Etat a tiré parti autant qu’il a pu. Il a dénoncé « l’alliance du désordre et du cynisme » pour mieux relever l’absence de majorité alternative à sa politique.
L’épisode aura au moins clarifié la situation. C’est bien du côté de LR que lorgne Emmanuel Macron pour tenter d’élargir son assise parlementaire et sortir le gouvernement de l’inconfort dans lequel il se trouve. Loin de corriger le tir, son intervention télévisée a ressemblé à un rattrapage de sa campagne présidentielle bâclée. L’axe majeur de son projet est bien que les Français travaillent plus pour « fortifier » leur pays et financer leur modèle social sans impôt supplémentaire.
Crise présentée comme transitoire
Son point d’orgue est le report progressif de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ou 65 ans. La réforme, dénoncée comme injuste par tous les syndicats, risque de précipiter des dizaines de milliers de manifestants dans la rue. Il existe cependant une possibilité de la faire voter avec le concours de la droite républicaine. En promettant des mesures d’accompagnement sur les carrières longues, l’emploi des seniors, la pénibilité, Emmanuel Macron cherche le point de passage, dans l’espoir de s’imposer comme le président qui aura, en deux mandats, musclé l’offre et ramené le plein-emploi.
Le dessein est en germe depuis 2017. Il se concrétise, année après année, à travers la réforme du marché du travail, de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle, mais dans une ambiance qui a radicalement changé.
Le premier quinquennat était placé sous le signe de la croissance ; le second est plombé par le risque de récession mondiale et la réapparition de l’inflation, que le gouvernement tente de circonscrire à coups de dispositifs coûteux. Pour apaiser l’inquiétude, Emmanuel Macron a présenté cette crise comme transitoire, mais sans pouvoir en jurer : la guerre en Ukraine n’a pas fini de mettre l’Europe sens dessus dessous.
Un autre bouleversement s’impose : la lutte contre le réchauffement climatique, qui suppose de revoir, en un temps record, tout notre modèle de développement. Le président de la République ne la néglige pas, mais il la traite essentiellement sous l’angle de la reconquête industrielle et de la souveraineté européenne. Pédagogue pugnace et pointilleux sur les sujets qui lui sont familiers, il peine en revanche à définir un projet de société en phase avec ce bouleversement majeur. La démonstration à laquelle il s’est livré était loin d’être inutile, mais elle risque de n’avoir convaincu que ceux qui demandaient à l’être.
Le jeudi 31 octobre 2002, un hélicoptère s’abîmait dans la baie de Cancale (Ille-et-Vilaine). Aux commandes, le boulanger Lionel Poilâne, qui se rendait avec son épouse sur l’île des Rimains. Après ce tragique accident, leur fille Apollonia Poilâne, âgée d’à peine 18 ans, reprenait avec courage le flambeau de cette fabrication d’un pain artisanal cuit au feu de bois. Vingt ans plus tard, l’entreprise familiale, établie depuis 1932 au 8 rue du Cherche-Midi, dans le 6e arrondissement de Paris, traverse une zone de turbulences.
Selon une annonce commerciale publiée le 20 octobre, la société Poilâne fait l’objet d’une procédure de sauvegarde. Le jugement a été prononcé par le tribunal de commerce de Paris, mardi 4 octobre. Un administrateur et un mandataire judiciaires ont été désignés. Un coup dur pour cette entreprise emblématique, qui a fait du « pain Poilâne » une marque, mais surtout une référence de la boulangerie française sur les cinq continents.
Avec sa croûte épaisse et dorée, sa mie dense à la saveur acidulée, la miche maison ne laisse pas les palais des gourmands indifférents. Depuis les années 1980, elle est fabriquée dans une manufacture installée à Bièvres, dans l’Essonne, avec de la farine de blé broyée à la meule de pierre, du sel de mer et du levain prélevé sur la panification de la veille. Et, bien évidemment, la cuisson se fait au feu de bois.
Moins de visites en magasin
Avec son réseau de cinq boutiques à Paris – dont la dernière en date, dans le 17e arrondissement, s’est ouverte en mars – et une à Londres, l’entreprise familiale emploie au total 147 personnes. Ses comptes ont viré au rouge avec la crise liée à la pandémie de Covid-19. La PME a, en effet, affiché une perte de 1,7 million d’euros sur l’exercice clos en mars 2021, et une nouvelle perte de 1,9 million d’euros sur l’exercice fiscal suivant, pour un chiffre d’affaires avoisinant les 10 millions d’euros.
Avec les périodes de confinement, les touristes ont déserté Paris. Même les clients habituels ont espacé leurs visites en magasin. D’autant que les Français ont pris goût, pendant cette parenthèse du Covid-19, au pain fait maison. Ils n’hésitaient d’ailleurs pas à venir s’approvisionner en farine ou en œufs chez Poilâne.
L’entreprise, qui confectionne également des gâteaux, n’a pas manqué de prendre de plein fouet les hausses des prix des matières premières, des transports, de l’emballage et de l’énergie. Elle affirme toutefois avoir connu des hausses du prix des céréales limitées, grâce aux relations étroites nouées avec ses partenaires en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France. Les prix des produits Poilâne, eux, n’avaient pas subi de réelle inflation.
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Les réveils en sursaut sont certes désagréables mais ils peuvent s’avérer salutaires. Celui de Mehdi Coly se range dans cette catégorie. En 2017, le jeune entrepreneur se trouve aux Etats-Unis où il développe ses activités autour d’un logiciel de référencement. Sur Facebook, celui qui se dit alors « un pur start-upper de la start-up nation » se fait interpeller par des partisans de la collapsologie. « Ils me disaient que la croissance infinie dans un monde fini, ce n’était plus possible. »
Mehdi Coly se lance alors dans la lecture des livres de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici et de Pablo Servigne, théoricien de l’effondrement. « Après ça, je n’avais plus du tout envie de continuer », raconte-t-il. La naissance de son premier enfant, en 2018, enfonce le clou. « Je sais bien qu’il est trop tard pour éviter la catastrophe. Mais je veux pouvoir dire àmon filsque j’aurai tout fait pour la limiter. »
De retour en France, le trentenaire titulaire d’un master de droit européen partage ses réflexions avecNicolas Sabatier, un comparse de ses années de fac de droit à Lyon-III pour co-construire avec lui le projet. Les deux amis ont monté, quelques années auparavant, une société de colonies de vacances inclusive. Puis chacun a repris sa route… Mais l’urgence climatique les rattrape. Reste à savoir comment agir. « L’idée c’était de prendre le meilleur de l’associatif et le meilleur de la start-up, résume Mehdi Coly. Côté associatif, c’est évidemment la cause. Côté start-up, c’est de partir de rien et impacter très fort sur le monde. »
C’est ainsi qu’en 2019, la start-up Time for the Planet voit le jour, portée par les deux hommes rejoints par Laurent Morel et Denis Galha Garcia, puis par Coline Debayle et Arthur Aubœuf. Le principe de Time for the Planet ? Il trouve sa source dans les rapports du GIEC qui insistent sur l’importance de l’innovation dans la lutte contre le réchauffement climatique. « Beaucoup de gens ont des idées mais peinent à les mettre en œuvre, explique Nicolas Sabatier. Nous, on repère les innovations, on y adjoint l’exécution puis on amène massivement de l’argent. » Comprendre : les scientifiques ont de bonnes idées mais ne sont pas formés au business. Time for the Planet recrute les entrepreneurs qui pourront favoriser le développement mondial de l’innovation et assure le financement.
« Au-delà des marches pour le climat, il faut des solutions concrètes », affirme Victoria Falcone, 23 ans, étudiante à l’EM Lyon et actionnaire
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Livre. Ce sont des théâtres où les pièces se jouent à huis clos. Dans ces grandes maisons au calme apparent, les joies succèdent aux drames, et la comédie humaine s’exprime à plein dans un face-à-face entre grandes fortunes et domestiques. Durant plusieurs années, la sociologue Alizée Delpierre a poussé les portes de prestigieuses demeures pour donner la parole aux gouvernantes, aux majordomes, aux cuisiniers et autres nannies, mais aussi à leurs patrons. De cette enquête fouillée elle a tiré un essai, Servir les riches (La Découverte), qui offre une plongée saisissante dans le monde de la domesticité.
Un monde où les patrons jouent une partition des plus ambiguës. Pour les aristocrates et les nouvelles fortunes, « se faire servir relève d’un besoin, et non pas d’un confort ». Un besoin qui doit permettre de libérer du temps productif, mais aussi d’afficher son rang. Ils tissent souvent avec les domestiques une relation complexe, les considérant comme partie intégrante de leur famille, les initiant au savoir-être de leur milieu.
Dans le même temps, « les grandes fortunes achètent le droit d’exercer la domination chez elles, sans distance, sans répit », exigeant une disponibilité sans faille. Elles n’ont pas la même rigueur sur le plan administratif : le travail des domestiques n’est souvent que partiellement déclaré, sans contrat écrit. En outre, dans l’intimité des grandes maisons, on croise des exigences folles (se faire réveiller par une berceuse chantée par deux domestiques en canon), des cas d’humiliation, de racisme décomplexé, d’exploitation, d’agression sexuelle.
Plus de 10 000 euros par mois
Les relations de domesticité sont faites d’un « mélange d’attachement et de répulsion, de proximité et de distance, de confiance et de méfiance », décrit Mme Delpierre. Cette ambivalence transparaît dans les témoignages des employés. Les corps s’usent, leur vie personnelle peut être inexistante, mais beaucoup d’entre eux se disent malgré tout satisfaits de cette « exploitation dorée ». Ils ont le sentiment que « [leurs] patrons [les] grandissent ».
Les avantages matériels sont parfois considérables (bons salaires, logement et repas fournis, cadeaux en nature, consultations médicales chez de grands spécialistes…). Des « belles histoires » circulent dans ce petit milieu qui regroupe quelques milliers de professionnels en France. Telle celle de Marius, 55 ans, qui gagne plus de 10 000 euros par mois et possède un appartement à New York. Une success story pour l’immigré roumain arrivé sans ressources en France à 18 ans, aujourd’hui assistant d’un riche PDG du CAC 40.
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Le président parle de sa « colère » contre la motion de censure de la Nupes votée par le Rassemblement national et appelle à une alliance avec Les Républicains
Emmanuel Macron revient sur la motion de censure qui, à 50 voix près, était adoptée sur le projet de loi de finances. « J’ai vu aussi ce qui s’est passé ces derniers jours. Ça s’est joué à 50 voix près. Mais qu’est-ce qui s’est joué à 50 voix près ? J’ai entendu les déclarations triomphalistes de M. Mélenchon, “à 50 voix près, on y était”. Mais qui est ce “on” ? L’alliance de socialistes, écologistes, communistes, LFI, avec ceux du Rassemblement national. Vous pensez que nos compatriotes qui ont voté pour un député socialiste ou écologiste lui ont demandé de porter une majorité avec des députés du Rassemblement national et lui ont demandé de déposer une motion de censure qui a, à dessein, été changée par cette coalition baroque de la Nupes ? »
« Ce qui me met en colère c’est le cynisme et c’est le désordre. C’est ça, ce qui s’est passé, c’est qu’ils ont prouvé une chose : ils n’ont pas de majorité, mais ils ont surtout prouvé quoi ? Qu’ils étaient prêts, socialistes, écologistes, communistes et LFI, à se mettre main dans la main avec le Rassemblement national alors qu’il y a la guerre en Europe. Ils ont montré une chose : ils ne sont pas du côté du mérite, de l’ordre, du travail, de la solution de l’avancée. Ils sont du côté du désordre et du cynisme. Et je vous le dis, ça ne mènera à rien parce que ces gens-là ne sauront pas demain gouverner ensemble. »
« Le gouvernement a raison, avec la majorité relative, à porter le 49.3 », assure Emmanuel Macron. Quant à une éventuelle dissolution, le président répond : « Pourquoi voudriez-vous que je me lie les mains et que je vous dise ce que je ferais ? La dissolution est l’un de ces outils. Je connais notre Constitution. »
Emmanuel Macron a dit souhaiter « une alliance » avec les députés LR et ceux du groupe centriste Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) pour l’adoption de textes à l’Assemblée, estimant que ceux-ci avaient « envoyé un message clair » en ne votant pas les motions de censure déposées sur les budgets.
« J’ai vu en même temps ces derniers jours au Parlement qu’il y a des députés d’un groupe intermédiaire du centre, qu’on appelle Liot, qu’il y a les parlementaires Les Républicains qui n’ont pas voté cette motion de censure. (…) Moi, je pense qu’avec ces parlementaires-là, qui aujourd’hui ne sont pas dans la majorité, le gouvernement et la majorité à l’Assemblée ont intérêt à travailler pour passer la réforme sur le travail, la réforme sur les retraites, la réforme sur l’immigration que nous allons faire, la réforme que nous allons faire sur les énergies renouvelables. Et, oui, je souhaite qu’il y ait une alliance. »
Pimkie sort du giron des Mulliez. Lors d’une réunion en comité social et économique, mercredi 26 octobre, au siège de Villeneuve-d’Ascq (Nord), les dirigeants de l’enseigne d’habillement féminin ont annoncé le projet de la céder à un consortium de trois investisseurs.
A savoir, d’après nos informations : la marque de jeans Lee Cooper, à hauteur de 70 % du capital ; Salih Halassi, repreneur du fabricant de chaussettes Kindy et des slips Mariner, à hauteur de 15 % ; et le groupe turc Ibisler Tekstil, l’un des fournisseurs de la chaîne nordiste, à hauteur de 15 %. L’opération doit être finalisée en début d’année 2023.
Cette cession met un terme à près de six mois d’attente au sein de l’entreprise détenue par l’Association familiale Mulliez. Déficitaire depuis plusieurs années, à la tête de 230 boutiques exploitées en propre en France, pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 200 millions d’euros en 2020, Pimkie avait été mise en vente en mai. Depuis, les 1 200 salariés de cette chaîne fondée en 1971 pour suivre la mode du pantalon féminin craignaient que ce processus échoue.
Restructuration jugée inévitable
Car le retournement de la conjoncture économique n’encourage guère les investisseurs à s’intéresser aux entreprises du commerce de l’habillement. La liquidation judiciaire de Camaieu, au 28 septembre, et sa brutale cessation d’activité, trois jours plus tard, avaient d’autant plus inquiété les salariés de Pimkie. Tous redoutaient l’ouverture d’une procédure collective, quatre ans après un plan de sauvegarde de l’emploi, début 2018, qui avait débouché sur la fermeture de 37 magasins et la suppression de 208 emplois.
Les nouveaux actionnaires « attendent d’être dans les murs » pour prendre des décisions de restructuration jugées inévitables, selon une source syndicale. Depuis janvier, Pimkie est dirigée par Philippe Favre, manager dit « de transition » du cabinet Prosphères, spécialiste des entreprises en difficulté. Les élus syndicaux redoutent une nouvelle vague de fermetures et un plan social. « Le respect des intérêts des salariés a (…) guidé le processus de sélection » des repreneurs, assure ce dernier par communiqué.
L’annonce de ce projet de cession intervient alors que, selon nos informations, l’Association familiale Mulliez a mis un terme à la structure Fashion Cube, créée en fanfare à Roubaix en décembre 2020. Présidée par Erwan Punelle, membre de la famille Mulliez, Fashion Cube chapeautait Pimkie, la chaîne masculine Jules, les enseignes féminines Grain de malice et RougeGorge, et mutualisait certains de leurs services de back-office.