Vivendi veut s’offrir L’Ecume des pages, emblématique librairie indépendante de Paris
A terme, quels auteurs seront mis en valeur dans les vitrines de L’Ecume des pages, l’une des rares très grosses librairies encore indépendantes du 6e arrondissement de Paris ? L’idée que les essais d’Eric Zemmour y occupent une belle place inquiète plus que jamais les seize salariés. Le groupe Vivendi de Vincent Bolloré est en négociations exclusives pendant deux mois avec la société L’Expansion scientifique française, qui détient 100 % du capital de cette librairie.
Cette acquisition reste soumise à plusieurs conditions suspensives, dont la réalisation d’audits ou la consultation des salariés. Vivendi aurait proposé 4,5 millions d’euros aux quatre héritiers de la famille Besançon (deux frères, deux sœurs), propriétaires de ce fonds de commerce situé boulevard Saint-Germain. Les murs ne font pas partie de la transaction.
Vivendi, le futur propriétaire d’Hachette Livre aurait surenchéri de 500 000 euros sur une proposition de David Frèche, patron de la marque de vêtements LDB et client de longue date de cette librairie qui compte 40 000 références. Cet homme d’affaires, ami du directeur Loïc Ducroquet, a d’ailleurs ouvert un petit espace pour L’Ecume des pages dans sa boutique de Saint-Tropez (Var) et créé un prix littéraire pour la librairie.
Arrière-pensée politique
Sachant qu’un premier acquéreur potentiel avait été écarté, David Frèche a levé un tour de table en rassemblant une vingtaine d’amoureux fortunés de ce phare culturel de Saint-Germain, ouvert tous les jours jusqu’à minuit. Avec un objectif clair : maintenir l’actuelle ligne éditoriale de la librairie et toute l’équipe en place. D’ailleurs, l’ensemble du personnel avait, par un courrier du comité social et économique, donné son feu vert à ce projet.
Le prix de 4 millions d’euros semblait nettement supérieur au marché, puisque le chiffre d’affaires du magasin s’élève à 4,1 millions d’euros. Selon les ratios habituels retenus lors de la cession de ce type de commerce, le prix tournerait autour de 2,6 millions, mais le caractère symbolique de cette institution germanopratine explique cette surcote.
A Saint-Germain-des-Prés, déjà deux librairies essentielles ont disparu : une boutique Louis Vuitton occupe les anciens locaux de La Hune, tandis que Le Divan a dû déménager. Après une première réunion, samedi 1er juillet, avec les héritiers de la famille Besançon, dont la directrice générale de L’Expansion scientifique française, Isabelle Durand, le directeur de la librairie et le président du conseil de surveillance de Vivendi, Yannick Bolloré, ce dernier devait rencontrer le personnel de L’Ecume des pages, mardi 4 juillet, dans l’après-midi. Pour tenter de les rassurer en mettant en avant les investissements de Vivendi dans « le développement de lieux de culture emblématique, comme l’Olympia, le Théâtre de l’Œuvre » ou les « synergies avec l’édition », précise-t-on au sein du groupe.
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