Une intuition de régression techno-féodale

Une intuition de régression techno-féodale

« Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique », de Cédric Durand. La Découverte, 256 pages, 18 euros.

Le Livre. Des firmes géantes, dont la puissance excède celle des Etats, se constituent en forces sociales dominantes. Ces puissants monopoles privés sont devenus des îlots de stabilité dans un monde chaotique, et se dressent au-dessus des gouvernements. Les directions des grandes entreprises exercent un pouvoir politique et économique sur les espaces sociaux qu’elles contrôlent et sur les individus qui les habitent.

Voici, en quelques lignes, la fiction cyberpunk conçue par le hackeur Loyd Blankenship en 1990. Si ce scénario n’a aucune valeur prédictive, il est difficile de ne pas noter, quelques décennies plus tard, l’actualité de certaines des intuitions formulées dans cet imaginaire, souligne Cédric Durand dans son essai Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique (La Découverte).

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Les entreprises transnationales ont considérablement accru leur emprise sur les sociétés contemporaines, rappelle l’économiste à l’université Sorbonne-Paris Nord. Et ce n’est pas qu’une question de taille. « Avec la télématique, les droits de propriété intellectuelle et la centralisation des données, c’est un contrôle beaucoup plus serré qui s’exerce sur les territoires et sur les individus. » Les Etats montrent des signes d’affaiblissement par rapport aux grandes corporations.

Ainsi, le taux effectif d’imposition des multinationales est passé de plus de 35 % dans les années 1990, à moins de 25 % dans la seconde moitié des années 2010. La capacité d’influence des milieux d’affaires sur le politique « s’est considérablement renforcée, notamment avec l’augmentation des dépenses de lobbying et l’étendue de jeux d’influence de moins en moins discrets, loin des procédures démocratiques formelles ».

Un changement de logique systémique

Autant d’indices qui font écho à l’intuition d’une régression techno-féodale et conduisent à se poser l’une des principales questions d’économie politique de notre temps : qu’est-ce que le capitalisme et le numérique se font l’un à l’autre ? Se pourrait-il qu’un changement de logique systémique soit en train d’advenir et que nos yeux, troublés par l’enchevêtrement des crises du capitalisme, ne l’aient pas encore bien perçu ?

C’est cette hypothèse qu’explore l’ouvrage, organisé en quatre temps. Le premier chapitre revient sur la généalogie du récit qui annonce un nouvel âge d’or du capitalisme grâce au numérique. La Silicon Valley et ses start-up « exercent une attraction magnétique sur l’imaginaire politique, offrant le lustre d’une jeunesse mythique au capitalisme tardif ». Quels sont les soubassements théoriques et les failles de cette idéologie ?

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LJD

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