Uber l’emporte dans sa bataille juridique contre près de deux mille taxis
« Les sociétés Uber France et Uber BV n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale. » Le tribunal de commerce de Paris a débouté intégralement, jeudi 21 décembre, 2 480 chauffeurs de taxi et neuf associations du secteur, qui intentaient une action contre la plate-forme Uber pour concurrence déloyale et lui demandaient 455 millions d’euros de dommages et intérêts.
Après des années d’accalmie entre taxis et chauffeurs autoentrepreneurs de l’application américaine, arrivée en 2012 dans l’Hexagone, cette action avait été lancée en 2021, dans la foulée de plusieurs décisions de la Cour de cassation concernant le statut des VTC. A plusieurs reprises, la justice française avait estimé que l’indépendance de ces chauffeurs n’était que fictive, et qu’ils devaient être considérés comme des salariés. Encore en janvier, le conseil de prud’hommes de Lyon avait condamné Uber à verser 17 millions d’euros à 139 conducteurs pour ce motif.
Les trois avocats des taxis ont utilisé ces décisions portant sur le droit du travail, estimant que violer la réglementation constitue un acte de concurrence déloyale. Lors de l’audience qui s’est tenue le 13 octobre devant une salle comble, ils avaient qualifié Uber d’« OJNI [objet juridiquement non identifié] », ayant contourné la loi pour « piétiner le marché », en se présentant comme une « simple plate-forme de mise en relation ». « Jamais une entreprise n’a fait un tel bras d’honneur aux lois de la République, avait proclamé l’avocat Cédric Dubucq. Ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, et ils continuent de mentir. »
Sanctionner le modèle
Pour les taxis, il n’était pas question de s’attaquer aux chauffeurs de VTC, qu’ils ne considèrent plus comme leurs ennemis : derrière cette indemnisation, ils voulaient sanctionner le modèle de la plate-forme, qui paie très peu de charges sociales et de taxes en France. « Sur cent euros de chiffres d’affaires, Uber ne reverse que douze centimes à l’État, cotisations sociales incluses », avait pointé Me Dubucq.
Les chauffeurs souhaitaient également obtenir une compensation financière, face à la perte de nombreuses parts de marché, et à la chute de la valeur des licences de taxis. Nordine Dehmas, artisan taxi à Paris depuis une dizaine d’années et présent au procès, a vu arriver Uber : « Certes, on a changé notre manière de travailler et la profession s’est remise en cause, mais on a perdu pour certains la moitié de notre chiffre d’affaires sur la période 2013-2018. Il y a eu beaucoup de liquidations judiciaires autour de moi. »
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