Trois questions pour comprendre la bataille à la tête d’Engie
Le conseil d’administration du groupe Engie doit décider, jeudi 6 février, du non-renouvellement du mandat de la directrice générale, Isabelle Kocher. L’imminence de cette décision a suscité de vives réactions politiques et beaucoup d’interrogations sur l’avenir de ce géant énergétique français.
Qu’est-ce qu’Engie ?
Le groupe est issu de la fusion, en 2008, entre Gaz de France et Suez. Engie est un groupe hétéroclite qui compte des activités très diverses. C’est le premier fournisseur de gaz aux clients particuliers en France, et le deuxième sur le marché de l’électricité. Il produit de l’électricité partout dans le monde à travers des énergies renouvelables (hydraulique, éolien et solaire notamment), du nucléaire (il opère les sept réacteurs belges), ou encore à partir d’énergies fossiles (du charbon, et surtout du gaz).
C’est aussi un géant dans les services à l’énergie. Enfin, le groupe possède en France les réseaux de distribution et de transport de Gaz (GRDF et GRT Gaz), ainsi que le stockage de gaz. Engie emploie 150 000 personnes à travers le monde.
L’Etat français est toujours le premier actionnaire d’Engie à hauteur de 23 %, mais il envisage de diminuer sa participation – comme le lui permet la loi Pacte adoptée en 2019 – sans avoir encore annoncé de plan précis.
Pourquoi le groupe est-il en crise ?
Depuis sa création, Engie a connu de nombreuses évolutions. Sous la direction de son fondateur Gérard Mestrallet, le groupe a investi fortement dans les énergies fossiles, particulièrement le gaz et le charbon. Depuis 2016, il a changé de stratégie, notamment sous l’impulsion d’Isabelle Kocher, et a vendu une grande partie de ses centrales à charbon, l’exploration et la production de gaz et les activités de gaz naturel liquéfié. La directrice générale a voulu davantage orienter Engie vers les services et les énergies renouvelables.
Mais le groupe a été traversé par plusieurs crises successives. D’abord, une crise de gouvernance, qui a opposé Isabelle Kocher au président Gérard Mestrallet, puis à son successeur Jean-Pierre Clamadieu. Les opposants à Isabelle Kocher lui reprochent des erreurs de management et une difficulté à communiquer avec son conseil d’administration. Ses partisans estiment qu’elle est attaquée parce qu’elle est la seule femme à diriger une entreprise du CAC 40 et qu’elle a pris parti pour la transition énergétique.
Le conflit entre Kocher et Clamadieu a pris une allure de guerre ouverte depuis fin janvier, où partisans et opposants s’invectivent par voie de presse. Le mandat d’Isabelle Kocher arrive à échéance en mai, et un conseil d’administration fin février devait décider si elle serait reconduite ou non. Face à l’ampleur de la crise, ce conseil a été convoqué en urgence jeudi 6 janvier.
Isabelle Kocher est-elle sanctionnée pour être trop écolo ?
Depuis plusieurs jours, des personnalités, de Xavier Bertrand à Anne Hidalgo en passant par Cédric Villani, se sont mobilisées pour soutenir Isabelle Kocher dans sa volonté de reconduction. L’eurodéputé écologiste Yannick Jadot a ainsi appelé Emmanuel Macron à soutenir la dirigeante dans sa volonté de transformer son groupe pour faire face aux enjeux du réchauffement climatique.
Toutefois, le bilan d’Engie en la matière est contrasté : le groupe a effectivement investi dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. La directrice générale a également construit un discours qui prend en compte le changement climatique et les enjeux de la transition énergétique. Mais Engie reste essentiellement un groupe gazier, qui opère encore des centrales à charbon dans plusieurs pays, et l’un des principaux émetteurs de CO2 en France. Isabelle Kocher ne s’est d’ailleurs pas revendiquée comme écologiste, mais mettait en avant sa capacité à dégager des bénéfices tout en agissant pour l’environnement.
Du côté de l’Etat et de Jean-Pierre Clamadieu, on explique que la stratégie d’Isabelle Kocher sera préservée, et qu’il ne s’agit pas de la remettre en cause.