StaffMe et Monoprix condamnés aux prud’hommes pour travail dissimulé
C’est un nouveau revers en justice pour une société fondant son modèle sur l’autoentrepreneuriat. Mardi 19 décembre, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié en contrat de travail les missions qu’a réalisées un autoentrepreneur, à l’époque sans papiers, pour le compte de l’enseigne Monoprix et par l’entremise de la plate-forme StaffMe. Les deux sociétés ont été déclarées coemployeurs de cet individu et devront lui verser des indemnités, notamment pour travail dissimulé et rupture de contrat abusive.
Cette histoire est celle d’Alain (le prénom a été modifié), un travailleur qui a immigré en France en 2018. Il s’est inscrit, à 22 ans, sur l’application StaffMe, qui lui a proposé sa première mission dans un magasin Monoprix du 15e arrondissement de Paris, le 16 mars 2020, soit la veille du confinement national. « J’étais sans papiers [ce n’est plus le cas aujourd’hui]. Je n’avais pas le choix d’accepter ou de refuser, raconte-t-il. J’ai fait de la mise en rayon. Tout s’est bien passé, alors j’ai ensuite été à la caisse, ou préparateur de commandes dans un autre Monoprix. » Durant deux mois, il est entouré de quelques salariés des magasins, mais surtout d’autres « staffeurs » autoentrepreneurs, appelés pour pallier un fort taux d’absentéisme. Les semaines sont chargées, jusqu’à soixante-dix heures de travail par semaine.
Le 15 mai, à la fin du confinement, il est subitement déconnecté de la plate-forme, au même titre que d’autres autoentrepreneurs, car « on nous a dit que nos papiers ne marchaient pas pour travailler en France. On a été utilisés, juste après on s’est fait jeter », résume-t-il. Lorsqu’il travaillait chez Monoprix, sa pièce d’identité était simplement indiquée « en cours de validation » sur l’application.
La société StaffMe, qui met en relation des entreprises et de jeunes autoentrepreneurs en quête de petits boulots, revendique 12 000 clients et 800 000 jeunes inscrits, depuis son lancement en 2016. Il s’agit de la deuxième requalification décidée contre la plate-forme, après celle d’un glacier, obtenue en janvier. « C’est le même juge départiteur qui avait rendu la décision. C’est donc une décision davantage contre la plate-forme que contre Monoprix », réagit Philippe Bouchez El Ghozi, avocat de l’enseigne.
Temps de travail et absence de protections sanitaires
Pour Kevin Mention, l’avocat d’Alain, il s’agissait de démontrer que son client était traité de la même manière qu’un salarié, sous la subordination de la direction des magasins, et qu’il n’avait pas le loisir de choisir ses horaires et conditions de travail. « Nous avons obtenu tout ce que nous souhaitions, y compris des dommages et intérêts pour irrespect des règles liées au temps de travail », précise l’avocat, qui a aussi fait valoir l’absence de protections sanitaires au début du confinement.
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