« Si l’hôpital public a tenu, c’est bien parce que des instances représentatives des salariés ont contribué à trouver des solutions »
La démocratie sociale, au sein de laquelle les acteurs de la société civile, particulièrement les partenaires sociaux, jouent un rôle de régulateur, à côté ou aux côtés de l’Etat, s’est bâtie sur plus d’un siècle. Violentée lors du premier quinquennat du président Emmanuel Macron, elle l’est autant dans le second.
La place des partenaires sociaux dans les réformes sociales nationales s’est réduite à des concertations, ou bien à des négociations enfermées dans le carcan de lettres de cadrage, qui leur laissent trop peu de marge de manœuvre. Et lorsque ces mêmes partenaires arrivent à trouver un accord, l’Etat n’hésite pas à refuser son agrément, comme il l’a fait lundi 27 novembre s’agissant des nouvelles règles de l’assurance-chômage.
La gouvernance par l’article 49.3 de la Constitution, y compris pour les lois de financement de la Sécurité sociale, empêche les partenaires sociaux de peser sur le débat parlementaire, lui-même escamoté. Et il faut une unité sans faille pour éviter que les outils créés et administrés par les partenaires sociaux telle la caisse de retraite complémentaire du secteur privé Agirc-Arrco ne soient ponctionnés par l’Etat. Est-ce le chant du cygne de la démocratie sociale en France ?
Un des premiers actes du macronisme a été de tenter de sabrer la démocratie représentative dans les entreprises et les lieux de construction commune avec les employeurs : exit le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), place au conseil social et économique (CSE) aux moyens réduits. De même, le rôle des organisations syndicales a été limité, notamment s’agissant de la gestion des carrières dans la fonction publique.
Durant la pandémie de Covid-19, c’est bien une « démocratie sociale sanitaire » qui est venue sur le terrain pallier un Etat défaillant. Un ouvrage collectif paru en octobre, Face au Covid, l’enjeu du salariat, sous la direction de Claude Didry (La Dispute, 220 pages, 18 euros) et issu d’une recherche pour la Dares – le service statistique du ministère du travail –, en offre un vaste panorama dans plusieurs secteurs. Si l’hôpital public a tenu, c’est bien parce que les CHSCT, qui n’avaient pas été démantelés, ont contribué à trouver des solutions pratiques.
Normes et régulations
Si des entreprises ont également su préserver les collectifs de travail, c’est aussi en s’appuyant sur l’action de syndicats vis-à-vis de salariés secoués soit par l’angoisse de la contamination, soit par celle de l’inactivité ou de l’isolement. L’innovation est également venue des branches avec, comme dans l’industrie cinématographique ou le bâtiment et les travaux publics, la reconstitution d’une démarche santé par la négociation collective autour de commissions ad hoc et de l’élaboration, ainsi que de leur mise en œuvre, de protocoles sanitaires en accompagnant un désir de reprise des salariés ; de telles démarches se sont retrouvées déclinées par la suite dans de grandes entreprises.
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