Restaurateurs, régisseurs, guides… ces métiers de la culture menacés par la crise

Au Palais de la Porte-Dorée à Paris, fin février, on ne pouvait rater les douze grands vitraux, retraçant la vie et l’œuvre de Christian Louboutin. « Un an de travail », sourit avec fierté Emmanuelle Andrieux, patronne de la Maison du Vitrail qui les avait façonnés. Trois mois plus tard, sa PME attend toujours le règlement de la commande. Une autre facture est en souffrance auprès des Galeries Lafayette, dont elle assurait la restauration de la coupole depuis juillet 2019. « Avec le confinement, tout est devenu compliqué », soupire la jeune femme.

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Depuis qu’elle a dû mettre ses 11 salariés en chômage partiel, elle essaye de ne pas rester les bras croisés dans son atelier du 15e arrondissement parisien. Restaurateur de meuble et objets d’art dans le nord de la France, fournisseur du Mobilier national depuis 2007, Patrice Bricout aurait, lui, bien trois-quatre meubles à remettre d’aplomb. « Je suis bloqué parce que je travaille avec d’autres artisans, notamment un doreur et un gainier, qui ont dû arrêter toute activité », confie-t-il.

Problèmes de trésorerie

Tous deux redoutent une chute de 40 % de leur chiffre d’affaires annuel. Selon une enquête réalisée par l’Institut national des métiers d’art, 58 % des artisans rencontrent aujourd’hui des problèmes de trésorerie, 41 % ont subi des annulations de commande, et 58 % subissent des difficultés d’approvisionnement ou de sous-traitance.

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Ces métiers indispensables aux musées forment avec d’autres professions invisibles mais essentielles un « deuxième front » de la culture qui subit de plein fouet les effets de la crise liée au coronavirus. Selon une enquête du CIPAC, la fédération des professionnels de l’art contemporain, les indépendants du secteur des arts visuels, tels que les régisseurs ou médiateurs, ont vu 72 % de leurs activités annulées ou reportés. Perrin Keller est de ceux-là. Autoentrepreneur depuis cinq ans, ce régisseur monte habituellement des expositions à la Fondation Fernet-Branca, à Saint-Louis dans le Haut-Rhin, ou au château de Montbéliard (Doubs). En trois mois, il accuse déjà un manque à gagner de 4 000 euros et, malgré un chantier privé auquel il doit s’atteler après le déconfinement, son horizon reste flou.

Habitués à la précarité comme au travail saisonnier, les guides conférenciers tremblent aussi à l’approche d’un été qui s’annonce pourri. Traditionnellement, ils réalisent près de 50 % de leur chiffre d’affaires annuel de mai à septembre. Guide sur les plages du débarquement, Sylvain Kast, qui travaille à 95 % avec une clientèle américaine, chiffre ses pertes à 6 000 euros pour mars et avril. Pour l’été, il n’a reçu aucune demande de visite et n’imagine pas une reprise du tourisme avant… mars 2021. « On a reçu l’aide de 1 500 euros en mars, mais le fonds de solidarité ne va pas durer. Comment tenir ce long tunnel ? », s’interroge Kijun Kou, guide en langue chinoise.

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