Recrutement : quand les entreprises raffolent du « travail gratuit » demandé aux candidats
« Cela m’a pris deux jours et demi, et je ne sais pas comment j’aurais pu faire plus court. » Alma (les personnes citées par leur prénom ont préféré ne pas donner leur nom de famille) est en recherche d’emploi. Cette cadre, qui tient prudemment à rester anonyme, cumule depuis cet hiver les déconvenues face aux exigences de certains employeurs.
Avant de proposer un contrat de travail, certains ont parfois recours à des tests professionnels poussés. « Le dernier en date, une institution de premier plan, m’a demandé de faire un plan de communication pour un de leurs événements, raconte Alma. J’y ai travaillé d’arrache-pied, ma mère est venue pour garder les enfants car je n’avais pas d’autres options, je leur ai livré le travail… puis plus rien. »
Ces parcours du combattant, nombre de candidats à l’embauche sont amenés à les vivre. Le plus souvent dans la plus grande indifférence. « La difficulté avec ces abus réside dans le fait qu’on est dans une zone grise, concède Félix Guinebretière, avocat associé chez Alkemist Avocats. C’est typiquement le cas quand on demande à un graphiste de faire une campagne de promotion pour un client, qu’il y passe le week-end, qu’il travaille beaucoup sans pour autant y passer deux semaines entières, et qu’on lui rétorque, s’il se plaint, qu’on n’attendait pas de lui qu’il y passe autant de temps. »
Ces dérives portent souvent sur la durée du travail exigé, trop longue pour une simple présélection. « Parfois, les entreprises sous-estiment le temps que le candidat va y passer, indique Léo Bernard, formateur en recrutement chez Blendy. Elles se disent aussi que les plus motivés y arriveront. »
Dans certaines activités comme la communication ou le développement informatique, « la difficulté réside dans le fait qu’il n’y a pas de temps donné pour réaliser une tâche », explique Julien. Convoqué à un entretien, cet informaticien s’est vu demander par la start-up en question, le vendredi précédent en fin de journée, un « cas pratique » en prévision de cette rencontre. « Il m’a fallu corriger un code », se souvient-il, sans être surpris par l’exercice en tant que tel, « puisqu’il n’y a pas d’autre moyen pour vérifier les compétences ». Seul souci : il n’était pas libre ce week-end-là. « J’ai quand même dû travailler environ deux heures par jour pendant trois jours », détaille-t-il, sans avoir osé faire la moindre remarque : « L’employeur aurait pu se retourner contre moi en disant qu’elle cherchait quelqu’un de plus expérimenté et donc de plus rapide. »
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