Reconnaître le travail pour établir l’égalité salariale femmes-hommes : le cas des sages-femmes
[Pourquoi une sage-femme et un ingénieur hospitalier devraient être rémunérés au même niveau ? C’est ce que démontrent deux économistes qui mènent de longue date des travaux sur les inégalités. Séverine Lemière est économiste, maîtresse de conférences à l’IUT de Paris-Rives de Seine et responsable de la licence professionnelle métiers de la GRH. Membre du groupe de recherche MAGE (Marché du travail et genre en Europe) et de la Cité du Genre, elle est spécialisée sur l’emploi des femmes, les inégalités professionnelles et salariales entre femmes et hommes, et notamment la sous-valorisation salariale des métiers féminisés. Rachel Silvera est également économiste, maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre, chercheuse associée au Centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis, université Paris Cité) ; codirectrice du groupe de recherche MAGE. Membre du Haut Conseil à l’égalité ; elle est spécialiste des questions d’égalité professionnelle en matière de salaires, de temps de travail et d’articulation des temps, d’emploi et de relations professionnelles. Les deux chercheuses s’intéressent au contenu des métiers pour mettre le doigt sur les inégalités de revenus.]
La crise sanitaire a souligné un paradoxe entre l’utilité sociale et vitale des professions du soin et du lien aux autres, occupées majoritairement par des femmes, et leurs niveaux particulièrement faibles de reconnaissance professionnelle et salariale.
Deux points nous semblent essentiels ici.
D’une part, le fait que les professions relevant du soin aux autres sont sous-valorisées, alors même que le contenu du travail est à la fois complexe, difficile et soumis à de nombreuses contraintes et responsabilités.
D’autre part, il est possible de montrer qu’à fonctions, complexités et responsabilités comparables, les métiers, selon qu’ils sont occupés majoritairement par des hommes ou par des femmes, ne font pas l’objet de la même reconnaissance ni surtout de la même rémunération. Nous espérons que ce texte permettra de mieux connaître et reconnaître les métiers du soin et du lien aux autres. Nous nous appuyons pour cela sur certains résultats de l’étude IRES-CGT 2023 (voir encadré).
L’étude IRES-CGT : « Investir dans le secteur du soin et du lien aux autres : un enjeu d’égalité entre les femmes et les hommes »
De septembre 2021 à décembre 2022, nous avons lancé une étude disponible en ligne, avec un financement de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), intitulée : « Investir dans le secteur du soin et du lien aux autres. Un enjeu d’égalité entre les femmes et les hommes ».
L’étude articule trois approches. Dans un premier temps, François-Xavier Devetter, Julie Valentin et Muriel Pucci estiment le coût et le niveau d’emplois créés par un investissement public pour assurer les besoins de notre société en matière de soins et de liens aux autres.
La deuxième partie s’appuie sur une consultation en ligne donnant la parole aux professionnels de quinze professions du soin et du lien sur le contenu de leur métier, leurs rémunérations et leurs revendications. Près de 7 000 professionnels y ont répondu. Dans la dernière partie, trois professions féminisées du soin et du lien sont plus particulièrement étudiées et comparées à des métiers masculinisés.
Cet article porte tout d’abord sur les vécus professionnels collectés lors de la consultation auprès de 7 000 professionnels, afin de mettre en lumière les principales caractéristiques des métiers du soin et du lien, très féminisés, et dont les exigences professionnelles sont trop souvent invisibilisées et naturalisées.
Il vous reste 90% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.