« Quand on s’enrichit plus par la rente que par le travail, l’ascension sociale devient un objectif inaccessible »

Chronique. Voilà que l’« impôt sur la mort » refait surface ! La réforme des droits de succession est l’un des sujets que les hommes politiques au pouvoir se gardent bien de proposer, par crainte d’un rejet quasi unanime de l’opinion. Qu’à cela ne tienne, la commission présidée par Olivier Blanchard, ex-économiste en chef du Fonds monétaire international, et Jean Tirole, Prix Nobel d’économie, l’a proposée dans le rapport sur les « grands défis économiques » remis mercredi 23 juin à Emmanuel Macron. Et elle l’a fait au nom d’une juste cause : la réduction des inégalités à la naissance, très forte dans un pays où les destinées sont tracées dès le plus jeune âge.
Un « impôt sur la mort » ? Justement non. Dani Rodrik et Stefanie Stantcheva, les deux professeurs d’Harvard cosignataires du chapitre sur les inégalités, plaident pour une refonte qui taxe les vivants. « La logique d’égalité des chances implique de s’intéresser non pas à ceux qui donnent mais à ceux qui reçoivent, en retenant comme base imposable le montant total reçu par le bénéficiaire », écrivent-ils. Cet impôt progressif à assiette très large aurait peu d’exonérations, aujourd’hui très généreuses pour l’assurance-vie et la transmission d’entreprises importantes.
Dans cette affaire sensible, le consentement des citoyens est davantage nécessaire que pour toute autre réforme fiscale. Pour la « rendre plus populaire » auprès des Français, massivement (87 %) hostiles à toute hausse, il faut éviter qu’elle ne soit perçue comme une atteinte à la famille et une spoliation de ceux qui ont « travaillé dur ». Les contribuables bénéficieraient d’un abattement bien plus important que les 100 000 euros actuels par descendant, afin de ne pas pénaliser les enfants des classes moyennes. Dans une proposition de loi déposée fin 2020, les députés socialistes suggéraient un seuil à 300 000 euros et un taux marginal de 60 % au-delà de 1,9 million d’euros de patrimoine transmis, soit une infime minorité des successions.
Il est tout aussi impératif, selon M. Rodrik et Mme Stantcheva, de mettre en avant les vertus redistributives de la réforme. Aussi recommandent-ils de faire « une entorse aux principes des finances publiques » et de préaffecter explicitement les recettes à la petite enfance, où se joue une partie de l’avenir, ou à un « compte individuel » en faveur des jeunes des classes populaires. Le rapport rappelle que, si une majorité de Français regrette que « l’inégalité des chances à la naissance en raison de dotations différentes constitue une injustice », près de neuf sur dix rejettent toute hausse de la taxation de l’héritage.
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